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Résistance dans la Manche

De Wikimanche

La Résistance dans la Manche est active pendant la Seconde Guerre mondiale, même si elle se heurte à l'importance des forces allemandes stationnées dans le département.

Les Allemands, entrés dans la Manche le 17 juin 1940, occupent le département. Dès lors, des habitants poursuivent le combat. Une quinzaine de mouvements et réseaux sont créés, certains très actifs. Ils ne cessent de compliquer ou de retarder l'approvisionnement des troupes d'occupation par de nombreux sabotages et quelques actions d'éclat. Ils jouent également un rôle non négligeable avant le Débarquement allié du 6 juin 1944 en collectant des renseignements et en les transmettant à Londres, puis lors du Débarquement proprement dit et dans les combats qui suivent.

La diffusion d'écrits clandestins (tracts, journaux...), imprimés et diffusés à grands risques, parfois dès le début de l’occupation, permet à une partie de la population - sans cesse plus large - de se ranger, dans les faits ou dans l'esprit, du côté de la Résistance.

Comme partout ailleurs, l’occupant nazi tente de s’opposer à la Résistance par la terreur. Ainsi, plusieurs dizaines de résistants de la Manche sont fusillés, d’autres envoyés dans des camps de concentration d’où la plupart ne reviennent pas. Les autorités du gouvernement de Vichy -même si des désobéissances et des désengagements se produisent peu à peu parmi ces fonctionnaires-, livrent aux Allemands un nombre important de résistants, la police française devançant parfois la Gestapo lors de rafles et autres opérations de répression.

Réseaux et organisations

Les réseaux se sont constitués dès l'arrivée de l'armée allemande : leur nombre passe d'une demi-douzaine en juillet 1940, à une dizaine en septembre, et une quinzaine à la fin de l'année. Ainsi, Maurice Marland monte son groupe le 20 juin 1940 et permet à 150 soldats anglais et volontaires français de fuir vers Jersey entre les 20 et 25 juin 1940. D'autres groupes se forment entre juin et décembre 1940 à Granville (groupe Robert), Saint-Lô (groupes Lechevallier et Agnès), Valognes (groupe Bertin de la Hautière) et Saint-James, soit une soixante de combattants volontaires de la résistance (CVR) [1][2].

La moitié des 585 CVR [2] manchois étudiés par Michel Boivin s'engagent avant le 11 novembre 1942. Entre 1941 et 1942, ils se regroupent dans trois mouvements nationaux (Organisation civile et militaire, Front national et Libération-Nord, regroupant près de trois quarts des résistants) et une vingtaine de réseaux locaux (regroupant un tiers des CVR) [1].

Organisation civile et militaire (OCM)

Le principal mouvement dans le département est l'Organisation civile et militaire (OCM, 38 % des 585 CVR étudiés), constitué à partir du printemps 1942 [3] autour de Jacques Bertin de la Hautière, responsable local du réseau Saint-Jacques créé au printemps 1941. En 1942, le réseau Centurie comprend une quinzaine de groupes à Bricquebec, Cherbourg, Saint-Lô, Saint-Sauveur-le-Vicomte et Valognes. Présente dans la plupart des cantons à la veille de Débarquement, l'OCM est spécialisée dans la recherche de renseignements militaires et concentre son action armée sur la ligne Carentan - La Haye-du-Puits à partir de mars 1944 [1].

Front national

Le premier mouvement à apparaître dans le département est le Front national (20 %) [2] (ou Front national pour la libération de la France), et sa branche armée, les Francs-tireurs et partisans français (FTPF). Il est initié dans la Manche par André Defrance, aidé de nombreux autres patriotes, au printemps 1941. Le mouvement s’étend rapidement, et malgré une vague d’arrestations d’une vingtaine de militants actifs et de responsables communistes en juin et pendant l’automne, le Front national est à la fin de l’année bien implanté dans tout le département. Après avoir essentiellement organisé des imprimeries clandestines, diffusé du matériel de propagande patriotique d’origine locale ou nationale, recruté et formé des membres venant de différents milieux, le mouvement réalise dès 1942 des sabotages importants. Durant toute l’occupation, le Front national, frappé par des séries d’arrestations, est le mouvement le plus durement réprimé. Plusieurs dizaines de ses membres sont fusillés ou mourront dans des camps de concentration ; néanmoins, il reste jusqu’en 1944, le mouvement le mieux structuré [4]

Libération-Nord

Libération-Nord (15 %) est constitué dans la Manche le 14 juillet 1942 à Cherbourg. À partir de cette agglomération, le mouvement s'implante également dans la région de Carentan et dans l'Avranchin. Il se spécialise dans le renseignement, puis prépare l'action armée avec l'OCM et le FN à partir du 5 mars 1944 et la constitution du Comité départemental de la libération de la Manche à Cherbourg, qui comprend cinq membres de l'OCM, trois de Libé-Nord et deux pour le FN, et qui est présidé à partir du 3 mai par Yves Gresselin, responsable de l'OCM dans la Manche [1].


Avant 1942, quatre réseaux sont créés :

Hector

Le réseau Hector constitué de membres des services spéciaux de l'armée d'armistice et dirigé par Robert Guesdon depuis Granville à partir de décembre 1940. Il fournit des renseignements à l'Intelligence Service grâce à un émetteur et publie un journal de propagande, Les Petites ailes de France. Décimé par des arrestations, le réseau se dissout au début de 1942.

Saint-Jacques

Le réseau Saint-Jacques à partir du printemps 1941 est également rapidement décapité.

Confrérie Notre-Dame

Le réseau cherbourgeois Confrérie Notre-Dame, est actif entre décembre 1941 et fin 1943.

Famille-Interallié

Le réseau franco-polonais Famille-Interallié, puis F2, reste actif de 1941 à la Libération.

Autres organisations après 1942

Après 1942, on compte les organisations suivantes :

Résistance PTT et Résistance Fer, et des réseaux locaux de renseignements : ceux de la Libération, Delbo-Phénix, Alliance, Marc-France, Vengeance, Zéro-France, Buckmaster et Gallia [1].

Répression

La répression dans la Manche fait quarante-sept victimes parmi les 585 CVR (vingt morts en déportation, quinze exécutés, douze morts dans les combats de la libération). Les 121 arrestations et internements ont donné lieu à cinquante-trois déportations [1][2]. Cependant, selon d'autres critères, une liste établie grâce à la résistante Juliette Defrance, à l'historien Michel Boivin et à l'ouvrage de Marcel Leclerc, fait état de dix-sept fusillés, vingt-huit morts en déportation sur un total de cinquante-cinq personnes décédées entre 1940 et 1945, pour faits de Résistance, rien que pour l’agglomération cherbourgeoise. Le nombre de victimes de la répression dans la Manche apparaissant, dans cette nouvelle approche, bien évidemment beaucoup plus élevé [5].

Liste des réseaux et organisations

  • Alliance
  • Arc-en-Ciel : Granville, Torigni-sur-Vire
  • Confrérie Notre-Dame
  • Delbo-Phénix
  • F2 ou Famille-Interallié
  • FFI (Forces françaises de l'intérieur)
  • FN (Front national de lutte pour l'indépendance de la France)
  • FTPF (Francs-tireurs et partisans français) : groupes de lutte armée du FN
  • Hector
  • Libération-Nord : Cherbourg
  • Maquis de Beaucoudray
  • Maquis de Saint-Hilaire-du-Harcouët
  • Marathon : Saint-Lô
  • Maurice : Cotentin
  • Mission Hellsman : Avranches
  • OCM (Organisation civile et militaire)
  • Résistance Fer : Saint-Lô
  • Résistance PTT : Saint-Lô
  • Strang : Avranches
  • Tec : Cherbourg

...

Recensement

Il y a 1 441 résistants recensés dans la Manche au 15 octobre 1943 et 1 621 au 1er juin 1944 [6].

Faits marquants

1940

  • Juin : Maurice Marland héberge chez lui à Granville sept officiers anglais et organise leur évacuation vers Jersey.
  • Juillet :
  • Fin juillet : à Querqueville et à Tourlaville, des fils téléphoniques militaires sont coupés [7].
  • Août : des fils téléphoniques sont coupés à Martinvast ; l'armée d'occupation inflige une amende 100 000 F à la commune [8].
  • Septembre : André Defrance constitue dans la Manche des groupes de résistants sous l’égide du Parti communiste interdit. Des tracts sont distribués, des réunions clandestines organisées. Ces groupes formeront plus tard les premiers comités du Front national de Résistance.
  • 16 octobre : un câble téléphonique est coupé à Sideville.
  • 28 octobre : des câbles téléphoniques sont coupés à Cherbourg.

1941

  • Février :
    • le pipe-line de la Marine est saboté à Hainneville, ainsi que des câbles téléphoniques à Cherbourg, Tonneville et Branville.
    • à Coutances, Léontine Bouffay rédige une pétition et recueille 350 signatures permettant le déblocage de stocks de pâtes alimentaires et de pommes de terre. Il s’agit d’une des premières formes de mobilisation collective contre le régime de Vichy.
  • Mars : un stock d'armes allemandes est volé à Brix.
  • 19 mars : le tribunal militaire de Saint-Lô condamne à mort Jean Magloire Dorange et Pierre Devouassoud qui avaient tenté de rejoindre l'Angleterre le 12 février. Ils sont fusillés le 12 avril à Montebourg.
  • Mai : André Defrance organise une grève patriotique d’une journée parmi les ouvriers travaillant sur un chantier au terrain d’aviation de Gonneville-Maupertus. Le succès de cette grève, unanimement suivie, est un encouragement pour la constitution du Front national.
  • Mai - décembre : implantation dans la Manche du Front national, mouvement de Résistance organisée. André Defrance en est l'initiateur et le premier responsable départemental.
  • Été : des membres des comités Front national, dirigés par Henri Corbin, coupent à Gathemo la ligne téléphonique aérienne à usage militaire (24 fils), établie par les Allemands entre Brest et Berlin.
  • Octobre : les Allemands fusillent un jeune homme accusé d'avoir coupé des câbles téléphoniques.
  • Décembre : un vol d'armes est commis à Brix ; un soldat allemand est blessé d'un coup de feu [9].

1942

1943

1944

  • 15 janvier : Vers 23 heures, un groupe d'hommes, composé de Jacques Mensuy, Gaston Lebardier, Alphonse et Fernand Davy, appartenant aux Francs-tireurs et partisans français (FTPF), a tenté de saboter l'usine électrique de Vezins. Construits sur la Sélune entre 1929 et 1932, le barrage et l'usine de Vezins alimentent une grande partie de la région. C'est grâce aux informations fournies par André Hay, employé dans l'établissement, que la résistance a essayé de pénétrer dans l'enceinte. La tentative des résistants a malheureusement avorté, Fernand Davy ayant, en effet, trébuché revolver à la main et ainsi provoqué une détonation. Repérés, les quatre hommes se sont retirés non sans avoir préalablement coupé des fils électriques.
  • 17 janvier : Vers trois heures du matin, à cinq kilomètres d'Avranches sur la ligne Sartilly-Pontorson, au lieu-dit "La Chatouillerie" sur la commune de Lolif, une locomotive circulant sur le réseau pour des raisons non commerciales a déraillé. L'un des rails de la voie ferrée avait été déboulonné plus tôt dans la soirée par un groupe de francs-tireurs et partisans composé de Jean Turmeau, de Georges Lourdais, Jacques Mensuy, Louis Morazin, Louis Renault et Fernand Davy. Le mécanicien et le chauffeur sont indemnes.
  • 18 janvier : Après le sabotage survenu dans la nuit du 16 au 17 janvier, les francs-tireurs et partisans du sud de la Manche opèrent une nouvelle action contre la voie ferrée à Sainte-Cécile. Un rail a été saboté, vers 23 heures, sur la ligne Paris-Granville. La locomotive et six wagons ont déraillé. Les voies sont obstruées et le trafic interrompu.
  • 19 janvier : une équipe constituée de résistants FTPF d'Avranches (Alphonse et Fernand Davy, Jacques Mensuy, Gaston Lebardier) et de Flers (Orne) effectue un sabotage à la centrale hydro-électrique de Vezins. Elle pose des charges explosives avec détonateurs et cordons sur les deux transformateurs de 65 000 volts et deux autres de 35 000 volts. L'explosion de ce matériel rend les transformateurs inutilisables. En outre, elle perce leurs cuves libérant vingt-huit tonnes de fioul. L'opération a bénéficié de la complicité du directeur de l'usine qui a notamment informé les résistants des habitudes de la garnison allemande (une vingtaine d'hommes). L'usine cesse pour longtemps de fournir du courant aux chantiers du Mur de l'Atlantique.
  • 21 janvier : A Pontaubault, vers 20 heures, le train SF 1826, qui transporte des permissionnaires allemands, déraille à l'intérieur du pont de chemin de fer sur la Sélune. Plusieurs soldats sont blessés. La locomotive et quatre wagons sont endommagés. La voie n°2 étant obstruée, le pont est inutilisable et les communications avec la Bretagne sont interrompues. Le sabotage est opéré par le groupe FTP « Charles Tillon » mené par Jean Turmeau, Georges Lourdais, Jacques Mensuy, Louis Morazin et Louis Renault. Six gardes-voies, inculpés de négligence sont incarcérés et punis de prison. Lucien Coursin et François Datin cultivateurs à Saint-Martin-des-Champs sont arrêtés à la suite de cette action.
  • 23 janvier :
    • Une sentinelle allemande est assassinée rue des noyers à Saint-Lô. En réaction à cet acte qu'il qualifie d'attentat, le commandant de la sûreté et du SD de Rouen ordonne un certain nombre de mesures contre la population saint-loise (arrestations et désignations pour des travaux forcés hors de France) ; la remise des postes TSF ; la fermeture de tous les cinémas français, théâtres, cafés, bars et locaux de durant quatre semaines ; l’interdiction de toutes les représentations, même celles de nature sportive ; un couvre-feu ramené à 20 heures.
    • André Lemaréchal, maire de la commune de Champeaux est arrêté suite à une dénonciation. Il est accusé d'avoir assisté aux obsèques d'un aviateur allié, d'avoir hébergé des réfractaires au STO et de sentiments gaullistes et communistes. Il est incarcéré à la prison de Saint-Lô. D'autres arrestations ont lieu dans la commune ou aux alentours.
  • 29 janvier : six Cherbourgeois sont arrêtés par les feldgendarmes. À Saint-Lô, un soldat allemand est blessé d'un coup de feu par des individus qui réussissent à prendre la fuite [10].
  • 30 janvier : Vers 20 heures, Jacques Mensuy et Georges Lourdais coupent les conduites d'air de freins de vingt-sept wagons d'un train de marchandises qui stationne en gare d'Avranches pendant que Louis Renault fait le guet. Le chef du groupe, Jean Turmeau dit Alfred, n'est pas présent puisqu'il souffre d'une pleurite. Suite à cette action, le convoi est immobilisé. Les marchandises sont transbordées dans un second train, retardant d'une manière significative le départ.
  • 4 février : Dans la nuit, de nombreux habitants de Céaux mais aussi de Pontaubault et Précey sont rassemblés à l'intérieur de l'église, suite au sabotage de la voie ferrée et au déraillement de la locomotive d'un convoi allemand survenus le 1er février. Ces otages sont retenus, dans l'attente de découvrir des terroristes, jusqu'au matin et ne sont libérés que grâce à l'intervention d'Yves Ozenne, maire de la commune.
  • Nuit du 5-6 juin : la ligne de chemin de fer Paris-Cherbourg est dynamitée au-dessus de Carentan, ainsi que les lignes Coutances-Cherbourg et Coutances-Saint-Lô. Le câble téléphonique reliant le 84e corps allemand à Saint-Lô et la 91e division à Valognes est coupé, ainsi que le câble Saint-Lô-Jersey et le câble Cherbourg-Brest. À Sainte-Marie-du-Mont, le tableau téléphonique situé à proximité de la chapelle de la Madeleine est saboté par François Guillot, 25 ans, et Étienne Bobo, 23 ans [11].
  • 11 juin : les Allemands procèdent à une fouille complète de Graignes pour retrouver des parachutistes américains cachés par la population, avec l'aide du réseau de résistance d'Airel. Le curé, l'abbé Albert Leblastier, et le père Lebarbanchon, sont arrêtés et fusillés le lendemain.
  • 14 juin : onze membres du groupe Résistance PTT de Saint-Lô sont arrêtés à Beaucoudray. Ils sont fusillés le lendemain. Ce sont : Jacques Albertini, Étienne Bobo, René Crouzeau, Alfred Guy, Ernest Hamel, Jean Lecouturier, Auguste Lerable, Francis Martin, André Patin, Raymond Robin et Jean Sanson.
  • 15 juin : des résistants abattent des arbres au Mesnil-Adelée et bloquent dix-huit camions allemands, qui seront détruits peu après par l'aviation américaine.
  • 22 juillet : arrestation de Maurice Marland, chef de la résistance granvillaise. Libéré, il sera assassiné un peu plus tard, probablement le lendemain, à La Lucerne.
  • 31 juillet : six résistants sont fusillés dans la carrière de Bourberouge à Saint-Jean-du-Corail [12]

Résistants de la Manche

voir aussi Résistants de la Manche
voir aussi Liste des résistants PCF et FN-FTP de la Manche

Portrait sociologique

Michel Boivin a analysé la composition de la résistance manchoise à travers les 585 combattants volontaires de la Résitance (CVR) ayant reçu leur carte dans la Manche et recensés en 1993 [1][2].

Le résistant manchois est un homme (87,4 % des résistants manchois, contre 46 % de la population de plus de 15 ans) de trente-quatre ans à son engagement, employé (pour un tiers attaché à la SNCF et aux Postes) ou ouvrier, voire artisan et commerçant. Si les premiers en 1940 sont mus par réaction à la défaite et l'Occupation, les motivations sont aussi un nationalisme, parfois anti-germanique, à OCM, et l'anti-fascisme à Libé-Nord et au FN en 1941. En 1942, les mouvements de gauche sont plutôt jacobins. Sur soixante-dix-sept CVR interrogés entre 1980 et 1990, soixante-trois affirment des motivations patriotiques et cinquante des sentiments anti-allemands. On trouve aussi des raisons moins altruistes, comme l'opposition aux réquisitions sur les travailleurs, les logements, les terres, le fourrage, le bétail, les moyens de locomotion [1]...

Les résistants ont à 17,8 % entre vingt et vingt-quatre ans (tranche d'âge correspondant à 9 % des Manchois de plus de quinze ans) et à 37,9 % entre quinze et vingt-neuf ans (pour 27 % dans la population manchoise). Michel Boivin explique cette jeunesse de l'engagement, plus forte que dans le Calvados mais moins qu'en Ille-et-Vilaine, par l'aspiration plus grande des jeunes à la liberté, leur disponibilité et le refus du STO [1].

Les CVR sont essentiellement des urbains (59,3 % viennent d'une commune de plus de deux mille habitants, 43,1 % d'une ville de plus de 5000 habitants) alors que les ruraux représentent entre 74 % et 76 % de la population départementale, mais ils proviennent de cantons plutôt modérés et non ceux inscrits à gauche en 1936 [1].

La majorité agricole de la population départementale ne représente que 10,9 % des résistants, même si les réseaux ont bénéficié de leur complicité après trois ans d'occupation. Cette faible participation s'explique selon Michel Boivin par le souci du quotidien et la prudence des élus locaux traditionnels, les notables conservateurs et modérés, rares dans les rangs de la Résistance [1].

L'activité des résistants est pour les deux tiers d'entre eux une activité de renseignement. Un quart sert comme agent de liaison. Ils aident également les illégaux par l'hébergement ou la fourniture de faux papiers, réalisent des sabotages et diffusent de la propagande. Ensuite, au moment de la libération, ils aident les Alliés en sabotant dans la nuit du 5 au 6 juin 1944, les lignes de chemin de fer de Cherbourg à Valognes et Coutances, et de Saint-Lô à Torigni-sur-Vire, les lignes téléphoniques entre Cherbourg et Rennes, Brest et Berlin, Caen et Rennes, Gathemo et Vire, Saint-Michel-de-Montjoie et Vire, Saint-Lô et Falaise, Saint-Lô et Le Mans. Malgré un manque d'armes, ils harcèlent les Allemands et guident les Alliés [1].

Peu politisés (seul un tiers des résistants manchois sont membres d'un parti), les résistants se sont mobilisés par sentiment antiallemand, ce qui explique une revendication forte dans leur rang d'une épuration, contre l'avis des notables locaux. Ainsi Pierre de Gouville en août 1944, en qualité de président du comité cantonal de libération de Saint-Lô, demande « la constitution de dossiers à soumettre au visa du comité départemental des FFI à Cherbourg qui se charge, le cas échéant, de faire délivrer les mandats d'arrêts, en attendant les suites judiciaires normales » et promet que « personne ne peut prétendre échapper à cette épuration, pas plus les chefs ou les membres des comités de résistance que les fonctionnaires de police, de l’État et les municipalités ».

Fusillés du Mont Valérien

Des résistants de la Manche figurent parmi les 1 014 personnes fusillées au Mont-Valérien (Hauts-de-Seine) entre le 23 mars 1941 et le 12 août 1944.
Ce sont (entre parenthèses la date d'exécution) : Roger Bastion, chaudronnier, (21 septembre 1942) ; Marcel Bosquet, artisan sculpteur, né le 4 juillet 1901 à La Glacerie (2 décembre 1943) ; Louis Canton, employé des industries chimiques, (21 septembre 1942) ; Auguste Jean, douanier, né le 1er juin 1899 à Blainville-sur-Mer (25 avril 1942) ; Henri Messager, ouvrier, (21 septembre 1942) ; Achille Mesnil, arrimeur à Cherbourg, né le 27 février 1901 à Octeville (21 septembre 1942), et Marcel Simon, employé, né le 27 décembre 1899 à Pontaubault (13 mai 1943) [13].

Fusillés de Saint-Lô

Vingt-deux résistants de la Manche ont été fusillés à Saint-Lô [14] :

Monuments commémoratifs

Cherbourg : stèle aux martyrs de la Résistance du Cotentin.

Plusieurs monuments commémorent, dans le département, l'action et le courage des résistants :

Il existe également des plaques commémoratives dans de nombreuses communes du département.

Hommages

Plusieurs communes de la Manche ont donné le nom d'un résistant local à l'une de leurs voies. D'autres ont préféré rendre un hommage global à la résistance.

Le 5 juin 2021 est inauguré le Monument de la Résistance à Sainte-Marie-du-Mont.

Bibliographie

par ordre chronologique de publication
Livres
  • Octave Legrand, Enfin libres (Souvenirs de la Résistance dans le Cotentin), Impr. Bellée, 1949
  • Abbé David, Du bagne français au bagne nazi, éd. Leclerc, 1950 (sur la résistance des catholiques dans la Manche)
  • Guy Rochard, La Résistance dans la région de Cherbourg (1940-1944), maîtrise d'histoire, Faculté des lettres de Caen, 1970
  • Raymond Ruffin, La Résistance normande face à la Gestapo, éd. Presses de la Cité, 1977
  • Marcel Leclerc, La Résistance dans la Manche, éd. La Dépêche, 1980, réédition 2004 Inédits et introuvables du patrimoine normand
  • André Picquenot, Cherbourg sous l'occupation, éd. Ouest-France, 1983
  • Jean-Pierre Crouzeau, Beaucoudray. Villebaudon. Une page d’histoire de la Résistance ou l’espoir déçu, Imprimerie de la Tremblaye, Agneaux, 1994, 48 p.
  • André Debon, Louis Pinson, La Résistance dans le bocage normand, éd. Tiresias, 1998
  • Dominique François, L'Affaire Jurczyszyn, éd. Eurocibles, 2009
  • Hippolyte Gancel, Crime et Résistance en Normandie, éd. Ouest-France, 2008
Articles
  • Albert Desile, « C'était à l'aube qu'on les fusillait », La Manche Libre, 7 juin 1953
  • Louis Blouet, « L’action des FTP dans la Manche », Normandie 44 du débarquement à la libération, éd. Albin Michel, 1987, p. 228-230
  • Tout sur la Manche, Revue du département de la Manche, n° 113-114-115, 1987
  • Michel Boivin, « Les résistants manchois, 1940-1944 », Société d'archéologie et d'histoire de la Manche, 1994
  • Louis Laisney, « Résistants de la Manche et otages valognais », Revue de la Manche, avril 1994, p. 75-82
  • André Heinz, « La Résistance de la Manche et la préparation du Débarquement », Annales du Cercle de conférences de Coutances, 1995, p. 57-68

Notes et références

  1. 1,00 1,01 1,02 1,03 1,04 1,05 1,06 1,07 1,08 1,09 1,10 et 1,11 Michel Boivin, « Les Résistants manchois 1940-1944 : Sociologie, organisation et engagements des combattants volontaires de la Résistance », Nédélèqueries 54-94, Société d'archéologie et d'histoire de la Manche, 1994, p. 83-94.
  2. 2,0 2,1 2,2 2,3 et 2,4 Claudine Cardon-Hamet, Déportés politiques à Auschwitz  : la carte de Déporté-Résistant.
  3. Michel Boivin : la Résistance dans la Manche, cédérom de l’AERI, 2006.
  4. André Debon, Louis Pinson, La Résistance dans le Bocage normand, Paris, Éditions Tirésias, 1994.
  5. Liste présentée dans une salle du Musée de la Libération (Cherbourg), dédiée à ces personnes.
  6. Raymond Ruffin, La Résistance normande face à la Gestapo, éd. Presses de la Cité, 1977.
  7. Thibault Richard, Les Normands sous l'occupation, éd. Charles Corlet, 1998.
  8. Étienne de Quatrebarbes, Martinvast, un siècle d'histoire..., 2001.
  9. Le Granvillais, 5 décembre 1941.
  10. Le Courrier de la Manche, 4 février 1944.
  11. Corinne Gallier, « Une histoire méconnue qui ressurgit du passé », La Presse de la Manche, 6 juin 2019.
  12. « Dans le sud-Manche, hommage aux fusillés de 1944 », La Manche Libre, site internet, 31 juillet 2016 (lire en ligne).
  13. Ouest-France, 4 mars 2009.
  14. Archives d'André Defrance.

Lien interne

Liens externes

  • Liste des faits de résistance dans la Manche, Didac'doc, n° 71, novembre 2019 (lire en ligne)
  • Site privé sur les fusillés de Beaucoudray (lire en ligne)
  • La Résistance dans le bocage (lire en ligne)
  • Analyse des faits de résistance dans la région d'Avranches, « Dernière lettre d’un résistant fusillé, Jean Turmeau (Saint-Lô, mai 1944) », Didac'doc, n° 49, mai 2014 (lire en ligne)