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Delbo-Phénix

De Wikimanche

Delbo-Phénix est un réseau de résistance de la Manche créé par Paul Talluau en avril 1942 [1].

Paul Talluau est recruté sous le pseudonyme d’ « Andromaque » par l’avocat parisien Edouard Bracassac qui vient d’entrer en relation à Paris avec une branche du réseau franco-belge « Delbo », et le charge de recruter des agents depuis le Cotentin jusqu’au Pas-de-Calais.
En juin 1942, Talluau recrute le marbrier Jean Delacotte (« Parchemin 51 ») qui le supplée pendant ses déplacements, et rend compte à « Raymonde » 10 rue de Vignon à Paris.

Delacotte recrute son compagnon marbrier Alexandre Crestey, colombophile, puis son voisin Michel Bronne, employé photographe qui, ayant recueilli un pigeon voyageur porteur d’un message, s’en est ouvert à Delacotte. Chauffeur d’ambulance à la Défense Passive de Cherbourg, Bronne peut circuler librement de jour comme de nuit.

En juillet, Talluau recrute Louis Levitoux (« Lucien Ducloset »), l’instituteur d’Octeville, ancien combattant de 14-18, comme agent de renseignements. Celui-ci rend compte tous les mois sur les emplacements et ouvrages bétonnés d’Octeville.

Vers la fin de l’été, Bronne recrute Roger Denis (« Sophocle ») qui est électricien pour la Kriegsmarine (Marine Allemande) et peut, à ce titre, pénétrer dans tous les chantiers de l’ennemi dans le Nord-Cotentin. Denis est aidé par l’interprète belge Édouard Van den Branden qui peut « emprunter » le soir les plans des ingénieurs allemands, les confier à Denis qui les remet à Talluau lequel les fait photographier par Bronne, de façon à ce que les plans retrouvent leur place avant la reprise du travail le lendemain matin.

Fernand Henry comptable à Carentan est recruté ; puis Marcel Jolivet (« Triton 44 ») qui est agent technique à la Direction des Constructions et Armes Navales et est sollicité par son ami Lemauviot dont la mère tient un magasin d’alimentation près du domicile de Talluau à Cherbourg.

Jolivet, aidé par Léon Lecres, renseigne sur les entrées et sorties des navires allemands et transmet un plan de l’arsenal de Cherbourg fourni par le chef de travaux Fortin. Les documents sont mis en lieu sûr chez madame Lemauviot.

A la même époque, le réseau engage André Ledrans, conducteur de travaux à l’entreprise SACER, et des sous-agents : le notaire Lecœur et un employé de banque de Segré (Maine-et-Loire) qui voyage dans tous les départements de l’Ouest.

En décembre, Talluau obtient le concours précieux d’Augustin Le Maresquier (« Phébus 34 ») employé des Postes Télégraphes et Téléphones, chargé de la branche « Essai et mesures » du service téléphonique de Cherbourg, de la construction et de la réparation des lignes de communication allemandes et françaises. Il peut ainsi remettra à Talluau le plan du réseau avec les points de coupure importants et la position des têtes de câbles, ainsi que le plan exact du « circuit d’alarme » reliant entre eux les nombreux groupes de batteries allemandes, et des renseignements sur les régiments allemands et leurs effectifs.

En fin d’année, Talluau engage le vétérinaire Boué, et son épouse née Louise Girard comme « boîte à lettres » qui assure également le secrétariat du réseau. Son mari qui peut circuler dans la campagne par sa profession observe et situe les ouvrages militaires. Madame Boué assure l’hébergement de jeunes réfractaires au STO provenant d’Eure-et-Loir dont elle est originaire.

En 6 mois, le secteur du réseau Delbo-Phénix fondé par Paul Talluau est bien implanté et fournit beaucoup de renseignements précis, ce que les services anglais saluent par un message radio.

Début 1943, le réseau essaie de s’étendre dans la région de Saint-Lô par l’intermédiaire de François Dravert, commerçant de cette ville dont le beau-père habite Cherbourg.

Monsieur et madame Boué sont aidés par mesdames Lemonnier et Magnaud, chargées du guichet de poste restante, qui transmettent le courrier arrivé sous un faux nom à Talluau par cette voie. Ils accueillent et cachent une douzaine de réfractaires à la fois, les acheminent à la gare munis de fausses cartes d’identité fournies par le voisin et ami de Talluau Louis Levitoux (« Lucien Ducloset »).

Gaston Augure, instituteur et secrétaire de mairie à Flottemanville-Hague, qui renseigne aussi sur les chantiers de rampes de lancement de V1 de cette commune.

Alain Degonzague, un requis, fournit le plan des câbles souterrains partant de la pyrotechnie du Nardouet, et Bernard Bernou renseigne sur une tour en construction à Fermanville, commune où le réseau dispose d’un agent en la personne de madame Noblet qui relève les mouvements de l’ennemi.

En avril, Gaston Augure et Louis Levitoux pour le réseau nouent des contacts avec l’O.C.M. via Lucien Lacroix, instituteur à Tollevast, engagé par son parent Lucien Leviandier chef à Cherbourg du réseau Centurie. En mai, le contact avec le réseau Libération-Nord s’établit dans l’Arsenal avec Henri Lecres.

Le 5 mai, Albert Ecolivet, prisonnier de guerre libéré et voisin des Boué, s’engage dans le réseau. Agent d’assurances muni d’un laisser-passer, il parcourt avec Talluau les secteurs de Valognes et Montebourg pour obtenir des renseignements sur les chantiers de fortifications à Fontenay et Saint-Marcouf.

A Montebourg, Albert Ecolivet connaît André Fortin (chef de secteur du réseau Centurie) et il engage son frère Pierre Ecolivet, horloger à Beaumont-Hague ; Auguste Corbet, boulanger à Gréville ; à Martinvast son ami René Orange, secrétaire de mairie qui fournit des cartes d’identité et des tickets d’alimentation, renseigne sur les effectifs allemands dans le bois du Mont du Roc et à Sideville, et lui signale la construction de rampes de lancement à Martinvast.

En septembre, Talluau reçoit de Marie Coupey le relevé sur cartes des dépôts d’essence du camp d’aviation de Maupertus et des nids de mitrailleuses qui l’entourent, ainsi que la présence d’un état-major allemand au château de Gonneville.

Fin novembre, le réseau prend en charge Reginald Overwijn, aviateur hollandais de la RAF, qui a sauté en parachute de son bombardier B-25 abattu en bombardant un chantier de rampe de lancement à Couville. Caché quelques jours à Cherbourg chez Alexandre Crestey rue Gustave Féron à Octeville, puis dans le chantier de Delacotte rue de la Duché à Cherbourg, il est convoyé à Paris chez Édouard Bracassac, et réussira à rejoindre l’Angleterre.

En cette fin d’année 1943, le réseau Delbo-Phénix est en plein essor. Cependant il est menacé à la suite, croit-on, de la découverte par les Allemands d’une liste dans les débris d’un avion anglais. Talluau a reçu une lettre qui le prévient.

De fait, le 6 janvier 1944, Paul Talluau est arrêté. Il est torturé et déporté à Mauthausen où il décède.

Le 29 janvier, la plupart des membres du réseau dans le Nord-Cotentin sont arrêtés à leur tour : Augustin Le Maresquier, Alphonse Le Baron, Albert Jessurun, Fernand Henry, Jean Delacotte, Marie Coupey, ainsi que Pierre Kerroux qui est le comptable de Delacotte mais qui est rapidement libéré. Conduits à la prison de Saint-Lô puis à Fresnes, interrogés par la Gestapo, ils sont finalement libérés le 10 mars grâce à l’intervention auprès du colonel allemand Witzel, Kreiskommandant de Cherbourg, de sa confidente Thérèse Compère, membre du réseau Alliance. Celle-ci prévient aussi Bronne de son arrestation imminente.

Ainsi finit le réseau Delbo-Phénix dans le Cotentin après un an et demi d’existence.

Notes et références

  1. Source : La résistance dans la Manche – Marcel Leclerc - éd. La Dépêche, 1980 et éd. Eurocibles 2004

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