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André Defrance

De Wikimanche

André Louis Gustave Defrance, né à Cherbourg le 18 décembre 1908 et mort dans la même commune le 9 juillet 1952 [1], est un militant communiste et un résistant FFI-FTP de la Manche.

André Defrance (1908-1952).

Biographie

André Defrance est embauché comme chaudronnier en cuivre à l’arsenal de Cherbourg en 1926. Il épouse Juliette Munsch à Équeurdreville le 31 mars 1934.

Il est élu avant la Seconde Guerre mondiale, par ses camarades de travail, secrétaire du syndicat CGTU de l'arsenal. Envoyé à la frontière en septembre 1939, il fait la campagne 1939-1940 : Croix de Guerre à l’ordre de son régiment, le 315e d’Artillerie. Parallèlement, il apprend qu'il est révoqué de son travail: il n'y a plus de place pour le responsable CGT.

Dès son retour dans la Manche en septembre 1940, après sa démobilisation, il entre dans la Résistance en créant des groupes de patriotes sous l’égide du Parti communiste illégal dans le but de s’opposer au gouvernement de Vichy et de combattre l’occupant. Il renoue et établit des contacts, d'abord dans la région de Cherbourg, puis dans toute la Manche.

André Defrance entre dans la clandestinité, sa seule chance de survie, à la suite d’une grève qu’il organise en mai 1941 parmi les ouvriers travaillant au Camp d’aviation de Gonneville-Maupertus. Cette grève, unanimement suivie, permet de soutenir la  Grève des mineurs du Nord-Pas-de-Calais (1941) et de faire connaître la Vie Ouvrière, journal clandestin de la CGT interdite. Encouragé par ce succès, aidé de sa femme Juliette et de nombreux autres partisans, parcourant la Manche sans relâche, le plus souvent à vélo, il implante et coordonne dans le département le Front national de lutte pour l'indépendance de la France, vaste mouvement de Résistance ouvert à tous les Français « hormis les capitulards et les traîtres au service de l'envahisseur », et crée l’OS (Organisation spéciale), groupes d’action qui deviendront par la suite les Francs-tireurs et partisans français (FTPF). Juliette Defrance est arrêtée, après dénonciation, le 30 octobre 1941 au moulin du manoir de Gonneville, près de Bricquebec où elle s’était réfugiée ; elle fera trois ans dans les camps de concentration de Vichy.

André Defrance, activement recherché par la police française et la Gestapo, quitte la Manche en juin 1942 pour l’Oise.

Tract édité par le Parti communiste français (manuscrit d'André Defrance - mai 1942).

Dans la Manche puis dans l’Oise, André Defrance, inlassablement, effectue le même travail d’organisateur de la Résistance : recrutement de patriotes et organisation de ces patriotes au sein de groupes, comités, sections ; création de groupes de Francs-tireurs et organisation en vue d’actions militaires ; rédaction, impression, réception, diffusion de tracts, journaux et autres publications clandestines ; organisation de réunions clandestines dans toutes les agglomérations où existe un groupement dépendant de son commandement ; recherche de renseignements sur l’activité et les positions de l’ennemi pour communication à l’état-major ; fabrication de pièces d’identité pour les membres de la Résistance ; stockage d’armes et de munitions en vue d’actions de guerre. Il commande le sabotage de wagons en gare de Lison, l’altération de denrées alimentaires destinées aux troupes d’occupation à Coutances, le sabotage dans différentes usines de l’Oise (Creil, Montataire, Nogent-sur-Oise, Méru, Chambly, Ribécourt etc.). Le 19 septembre 1942, il prend la parole à la sortie des ateliers du Moulin-Neuf (SNCF) à Chambly, pour inciter les cheminots à faire grève le lendemain, jour anniversaire de la victoire de Valmy ; le mot d’ordre est suivi.

En décembre 1942, il rejoint la Seine-Inférieure (aujourd'hui Seine-Maritime), où il restera un an. Nommé capitaine, il est alors le chef départemental du Front national [2]ainsi que des Francs-tireurs et partisans (FTP). Toutes les opérations, assez nombreuses, des FTP en Seine-Inférieure pendant cette période sont exécutées sous son commandement : déraillements de trains d’Allemands, destruction de transformateurs, destruction de stocks destinés à l’armée allemande, sabotages dans les usines et chantiers de Rouen et du Havre travaillant pour l’ennemi.

Tract contre le STO. Tiré à 400 exemplaires à partir du manuscrit d'André Defrance (Front National-Résistance). Distribué à la sortie d'une usine. 2 février 1943.

Il participe personnellement aux opérations suivantes : destruction de plusieurs locomotives en plein jour au dépôt de Rouen-Martainville le 5 octobre 1943, attaque à la grenade du cinéma militaire allemand Cinédit à Rouen [3], attaque récidivée au Havre contre le Sélect le 23 novembre 1943, soustraction de titres d’alimentation pour les maquis, recrutement de nouvelles troupes (réfractaires au STO en particulier) pour les FTP, création de maquis ; réception et répartition d’armes et de matériel de guerre. Il fournit de faux papiers d’identité pour des aviateurs alliés (dont un d’origine norvégienne recueilli par une institutrice de Pissy-Pôville, et deux autres, parachutistes de la RAF, hébergés par la famille Bernanos[4], de Rouen, en liaison avec l'Intelligence Service). Et toujours, il rédige, réceptionne, diffuse de nombreuses publications clandestines d'origine nationale ou locale (l’Avenir Normand, Front National, France d’Abord etc.), dont il subsiste à ce jour une grande variété d'exemplaires. Les écrits clandestins de la Résistance demeurant la part la plus remarquable de son activité.

Journal de la Résistance (manuscrit d'André Defrance « 14 Juillet 1943 »).

Nommé commissaire militaire interrégional (commandant, CMIR) pour la région basco-landaise à la fin de décembre 1943 par Albert Ouzoulias (colonel « André »), il est arrêté le 16 janvier 1944 dans le train Bordeaux-Tarbes lors d’un contrôle de routine, au retour d’une mission accomplie à Tours (Indre-et-Loire) auprès du chef d’un maquis mobile. Interrogé par un S.D. de la brigade Poinsot puis livré à la Gestapo avec trois jeunes gens qui cherchaient à passer la frontière, il parvient à dissimuler sa véritable identité. Ainsi, les Allemands vont ignorer qu’ils tiennent l’homme qu’ils recherchent depuis 1941 et qui est alors le responsable des FTP de tout le sud-ouest.

Après avoir été détenu au fort du Hâ, il est déporté par le convoi qui part de Compiègne-Royallieu (Oise) le 27 avril 1944. Maurice Cosnier, Georges Barbat, Paul Le Goupil‎‎ et Marcel Morel font aussi partie de ce convoi dit des « tatoués » [5] qui arrive trois jours plus tard à Auschwitz-Birkenau (Allemagne). Les déportés sont parqués dans deux baraques du camp « Canada » de Birkenau, près du complexe des chambres à gaz-crématoires. Après le tatouage sur l'avant-bras gauche et le passage à la désinfection, ils sont transférés au camp BIIb au bout de quelques jours. Le numéro 185396 est attribué à André Defrance [6]. Il est ensuite déporté à Buchenwald et au camp principal de Flossenbürg.

André Defrance poursuit dans le monde concentrationnaire son action de résistant en participant notamment aux réunions clandestines des organisations patriotiques des camps. Il échappe in extremis à la pendaison pour sabotage à Flossenbürg. Dans la nuit du 25 au 26 avril 1945 il s’évade d’une colonne de déportés (Marche de la mort) et se cache dans une grange d'un village de Bavière. Recueilli le 27 par l’armée américaine, dans un état de faiblesse extrême, il est transporté dans différents centres de secours puis dans un hôpital de Regensburg (Ratisbonne). Il retrouve son domicile d'Équeurdreville début juillet, après avoir transité par le centre de regroupement de l'hôtel Lutetia.

Après la guerre, il est réintégré à l’arsenal. Dans un contexte de guerre froide et de présence en France des troupes américaines du Pacte atlantique, André Defrance reste fidèle à ses convictions. Il milite activement contre la répression coloniale menée en Indochine par les différents gouvernements socialistes et MRP. « Liquidateur » pour la Manche du FN, en butte à de multiples tracasseries administratives consécutives à des règlements de comptes politiques [1], il n’a de cesse de défendre les droits de ses anciens camarades de la Résistance et des familles des disparus. Ces patriotes-là, souvent d’origine sociale modeste, aguerris dans les mouvements de la gauche unie en 1936, héritiers d’une longue tradition de luttes populaires qui les porta dans la résistance active à l’oppresseur nazi, ne cadrent pas, malgré leur prépondérance, avec l’image d’une Résistance de légende, faite d’« élites » que l’on tente alors de faire passer dans l’historiographie officielle. Les diverses mesures de rétorsion, de mises à l’écart dont André Defrance et son épouse sont l’objet, s’ajoutent aux persécutions déjà subies.

André Defrance meurt à l’hôpital maritime de Cherbourg le 9 juillet 1952, il est âgé de quarante-trois ans. Les autorités se refuseront toujours à reconnaître un lien entre son décès et les sévices et souffrances endurés dans les camps.

Renseignements divers

Pseudonymes d’André Defrance dans la Résistance : André (Manche), Pierre (Oise), Roland et Claude (Seine-Inférieure), Caron (région basco-landaise).

Matricule F.T.P.F : 1650

Auschwitz : 185.396 (tatoué)

Hommages

Bustes de Juliette et d'André Defrance à Équeurdreville-Hainneville, par Xavier Gonzales.

En 2009, la municipalité d'Équeurdreville-Hainneville donne les noms d'André et de Juliette Defrance à une allée proche de l'Agora.

En 2011, deux sculptures à leur effigie, oeuvre de l'artiste Xavier Gonzales, sont inaugurées.

Distinctions

  • Croix de guerre avec plusieurs citations, dont la suivante:

GOUVERNEMENT PROVISOIRE DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

CITATION À L’ORDRE DE LA DIVISION N° 350

Le Général de Division Préaud, commandant la IIIe Région militaire, cite à l’ordre de la division, le capitaine DEFRANCE André, des Forces Françaises de l’Intérieur.

Motif de la citation : modèle de courage et d’abnégation. Entré dans la Résistance dès le début de l’occupation. A organisé de nombreux groupes armés dans la Manche, l’Oise et la Seine-Inférieure. A dirigé de nombreuses opérations contre l’ennemi, en particulier sur les chantiers allemands de Rouen et contre les cinémas allemands de Rouen et du Havre. A participé au sauvetage de parachutistes alliés et assuré les liaisons avec l’Etat-Major national. Arrêté en mission à BORDEAUX, a été déporté à Auschwitz, Buchenwald et Flossenburg. A été rapatrié le 22 mai 1945.

Cette citation comporte l’attribution de la Croix de Guerre avec Etoile d’Argent.

À RENNES le 16 juillet 1946.

Signé : PRÉAUD.

  • Médailles de la Résistance, de la Déportation et de l'Internement pour faits de Résistance
  • Croix du Combattant Volontaire de la Résistance

Notes et références

  1. - Tables décennales - Page 4/185.
  2. André Defrance dirige toutes les organisations de la Résistance affiliées au Front national et au Parti communiste, en particulier : F.P.J. (Front Patriotique des Jeunes), Etudiants Communistes, U.F.F. (Union des Femmes Françaises)/Comités Féminins de Normandie, S.P. (Secours Populaire)...
  3. Le 31 octobre 1943, remplaçant au dernier moment un de ses hommes défaillant, André Defrance, aidé d’un autre partisan, balance deux grenades dans le hall du Soldatenkino Cinédit à la sortie de la séance. En s’enfuyant à bicyclette, il est bousculé par un soldat allemand et vient percuter une vitrine. Relevé par des passants, il parvient à redresser son guidon et à reprendre sa fuite. Les Allemands, profondément impressionnés par l’audace des FTP, interdirent en représailles toute circulation sur la rue Grand-Pont dans les jours qui suivirent.
  4. Famille de l'écrivain catholique Georges Bernanos.
  5. Convoi des tatoués : à cause d'une polémique concernant les raisons pour lesquelles il avait été envoyé à Auschwitz : soit pour que les déportés y soient exterminés, soit par manque de place à Buchenwald, soit enfin pour qu'ils y soient versés dans des Kommando de travail comme le seront des Français d'autres transports venant de Dachau ou de Mauthausen en novembre 1944.
  6. Ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche. 

Sources

  • Archives personnelles d'André Defrance.
  • Ministère des ACVG : dossier d'André Defrance, déporté résistant.
  • Archives départementales de la Manche, Didac-Doc 34 p.7[2]
  • Archives départementales de Seine-Maritime, Rouen. Fonds A. Defrance.
  • André Debon, Louis Pinson, La Résistance dans le Bocage normand, Paris, Éditions Tirésias, 1994.
  • Marcel Leclerc, La Résistance dans la Manche, réseaux et mouvements, juin 1940-août 1944, Cherbourg, Éditions La Dépêche,1980.
  • Claude-Paul Couture, Les Écrits de la Résistance en Seine-Maritime et leurs emprunts à la Révolution française, Éditions Bertout,1989,[3].
  • Fondation pour la mémoire de la déportation.

Articles connexes