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Histoire de Coutances

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Histoire de Coutances

Antiquité

Localisation de Coutances (Cosedia) sur la Table de Peutinger, 4e s.

Dès le début du 1er siècle de notre ère, la cité gallo-romaine de Cosedia, qui devient par la suite Constancia, est en relation commerciale avec le monde méditerranéen. Elle reçoit en nombre les fines céramiques d’Arezzo et les amphores vinaires d’Italie. Un peu plus tard, elle utilisera les produits potiers du sud de la Gaule. A partir du IIe siècle, Coutances semble décliner et la zone d’habitat se rétrécit notablement.

Une grande voie romaine relie Coriallum (Cherbourg) à Condate (Rennes), en passant par Cosedia.

Coutances est ensuite intégrée dans la division administrative de la Deuxième Lyonnaise, puis du Littus saxonicum lors des raids saxons du IIIe siècle.

Vers 430, l'évêque Éreptiole (premier évêque de Coutances) fait construire la première cathédrale de Coutances.

En 511, Leontianus, évêque de Coutances, assiste au concile d’Orléans. Lui succèdent Possessor, et Romphaire. Les évêques, à cette époque dangereuse, n’exerçaient leur charge que très peu de temps. Saint Lô assiste au deuxième concile d’Orléans en 533, au troisième en 538 et au cinquième en 549.

La légende raconte que saint Lô aurait été nommé évêque à 12 ans, mais les historiens contestent cette hypothèse sans vraiment expliquer la légende. Saint Lô aurait pris possession pour le compte de son église de la baronnie de Briovère (future ville de Saint-Lô). Cependant, cet évêque de Coutances n’y a probablement jamais vécu, la ville lui étant interdite par le chaos qui y régnait.

Moyen Âge

Les premiers raids des Vikings ravagent le pays. La première « persécution » commence vers 836 et dure près de trente ans, la deuxième est quasi ininterrompue pendant 74 ans à partir de 875, date de la destruction de la cathédrale de Coutances.

Vers 1030, le successeur d’Herbert, Robert, évêque de Coutances, qui réside lui aussi à Saint-Lô entreprend de rebâtir la cathédrale. Il meurt en 1048. C’est Geoffroi de Montbray qui lui succède et achève son œuvre grâce aux dons qu’il récupère lors d’un voyage auprès des barons normands en Italie, en particulier Robert Guiscard.

Grâce à ces dons, il reconstruit un palais épiscopal et achète au duc Guillaume notamment la moitié de la ville de Coutances et des faubourgs. La dédicace de la cathédrale a lieu le 8 décembre 1056, en présence du duc Guillaume.

Guerres de Religion

Pendant les guerres de religion, en 1562, la cathédrale est pillée par les Huguenots et les statues qui ornaient les niches de la façade sont détruites.

17e et 18e siècles

Jean Eudes fonde un séminaire à Coutances en 1650.

Les toiles de Coutances (en lin, chanvre et étoupe) font la renommée et la fortune de la ville jusqu'en 1700, date à laquelle le marché de la toile est transféré à Cerisy-la-Salle et Marigny [1].

Durant l'Ancien régime, Coutances est la capitale du Cotentin, le siège de l'évêché, siège du présidial[2].

En 1790, la ville devient le chef-lieu du nouveau nouveau département. En 1795, Saint-Lô parvient à prendre ce titre [2].

En 1794, Jean-Baptiste Lecarpentier envoie vingt-quatre personnes suspectes de conspiration au tribunal révolutionnaire : c'est la Fournée de Coutances.


Consulat et Premier empire (1799-1815)

Louis-Marie Duhamel, nommé maire en 1800 par le premier consul Napoléon Bonaparte. Ancien lieutenant général de police, il va essayer de moderniser et embellir la ville par des grands travaux d'urbanisme :

Il transforme l'ancienne église des Capucins en halle aux blés, aménage l'ancienne salle d'audience du siège présidial en salle de spectacle, rouvre le collège de Coutances et l'établit dans une nouvelle maison rue Saint-Maur [3]. Il aménage une promenade ombragée dans les jardins des anciens couvents à l'est de la ville [3]. Il crée une école pour les filles (à l'emplacement de l'actuel lycée Charles-François Lebrun) [3]. Il mène à son terme le projet de l'ancien régime d'une route contournant la ville pour éviter aux charrettes chargées de tangue d'y passer [3]. C'est la création des actuels boulevards de la Marne et d'Alsace-Lorraine [3].

Après dix ans d'abandon et de dégradations, une partie des voûtes de la cathédrale s'effondre, Duhamel va la restaurer et la conserver « pour l'exercice du culte et pour l'honneur des arts » [3].

Sous la Monarchie de Juillet (1830-1848)

Costume des environs de Coutances (début du 19e siècle)

Ville sans grandes activités économiques et ayant perdu sa dominance administrative, Coutances souffre sous l'Empire et la Restauration. Alors que Cherbourg, Saint-Lô et Avranches gagnent des habitants, Coutances en perd plus de 15 % entre 1831 et 1836, tombant de la deuxième à la quatrième place des plus grosses villes de la Manche. En 1836, Coutances est très dépendant des communes rurales proches, qui lui fournissent alimentation, matières premières, tout en l'enrichissant par l'achat d'une part de la production locale et la présence au marché du lundi. À l'inverse, la ville attire les habitants de l'arrondissement pour ses foires, ses écoles, et ses emplois [2].

La vitalité de ville est subordonnée à l'immigration car à cette date, Coutances compte moins de jeunes et plus de vieillards que le reste de la France, un taux de natalité particulièrement bas, inférieur au taux de mortalité. Une immigration plutôt féminine et une émigration franchement masculine engendre un nombre de femmes très supérieur à celui des hommes (16 points d'écart), un tiers de celles-ci étant seules, célibataires ou veuves. 45 % des Coutançais ne sont pas nés dans cette ville, mais de l'arrondissement pour les trois quant d'entre eux, 15 % du reste de la Manche et 62 habitants sont britanniques, justifiant un temple anglican. Les mariages sont rares avant vingt ans, fréquents vers trente ans [2].

Alors que 43,4 % de la population est active, le travail du lin, du chanvre et, dans une moindre mesure, du coton, emploie un quart des actifs recensés en 1836, notamment à la filature pour laquelle œuvrent 668 femmes et une demi douzaine de maîtres filandiers, tandis que 155 ouvriers tisserands travaillent pour une dizaine de fabricants de coutils (toiles de lin ou de coton) et de cotonnades. La production est vendue dans les campagnes environnantes et exportée en France et à l'étranger depuis l'important marché de Canisy. Le travail de peaux est également pourvoyeur de travail pour les parcheminiers, les mégissiers et les tanneurs. Aux quatre ateliers de reliures s'ajoutent dans la Grande-Rue les imprimeries d'ouvrages religieux de Jean-Vercingétorix Voisin et de Paul Tanquerey, éditant respectivement le Journal de Coutances et la Feuille coutançaise. On compte également de nombreux marchands de denrées alimentaires mais aussi des marchands de nouveautés comme la maison Trocmet sous l'enseigne « Au Père de famille », rue Saint-Nicolas. Les professions juridiques sont fortement représentées, de même que celles de la santé. 49 prêtres et 44 religieuses complètent la population, contre plus de trois cents ecclésiastiques avant la Révolution française, qui a vu partir définitivement Dominicains, Capucins et hospitaliers Augustins, alors que les Bénédictines de Notre-Dame des Anges reviennent plus de vingt ans après pour soigner à l'Hôtel-Dieu [2].

Les 110 notables pouvant élire les députés sont fonctionnaires, exercent une profession libérale ou vivent de leurs biens. Les grands propriétaires sont les familles Quesnel, Lepesant, Brohier de Littinière, Morel, Frémin-Dumesnil, Gourmont, Guérin d'Agon, l'ancien sous-préfet Antoine-François Paquet de Beauvais, le général baron Benjamin Houssin de Saint-Laurent, Pierre Leforestier de Mobecq, Louis Lecomte d'Ymouville... La petite bourgeoisie que composent ceux qui ne peuvent élire que les représentants communaux sont le double, avec une présence plus grande de commerçants (marchands de nouveautés, aubergistes, cabaretiers, épiciers...) mais aussi des fabricants de toile, des meuniers, des mégissiers [2]... En bas de l'échelle sociale, Coutances dénombre une cinquantaine de pauvres ainsi que 175 indigents à l'hospice des Augustines qui accueille aussi deux centaines d'enfants abandonnés, ceux-ci représentant alors près d'un nouveau-né sur quatre [2].

Une quinzaine de maîtres particuliers se chargent de l'éducation des enfants de bonne famille, trois pensionnats (les Augustines dans l'hospice-hôpital, les Dames de la Providence et un établissement laïc) accueillent chacun entre quinze et vingt jeunes filles. Les Dames de la Providence gèrent également depuis 1806 une école primaire communale pour trois cents filles, subventionnée par la ville. L'école communale pour les garçons est confiée en 1827 aux Frères des écoles chrétiennes, puis en 1831 aux sieurs Hélie et Mollet qui pratiquent la méthode mutuelle auprès de la cinquantaine d'élèves qu'ils reçoivent alors que les Frères conservent la préférence de la majorité des parents, avec 250 à 300 élèves dans leurs cours désormais privés. Pour le secondaire, les effectifs du collège communal fondent de 420 en 1823, quand il était plus important que le collège royal de Caen, à 150 en 1836. Entre-temps, le petit séminaire est créé en 1824 dans les locaux de l'ancien hôpital général par Pierre Dupont de Poursat, et la Révolution de 1830 a poussé vers la sortie plusieurs régents du collège favorables à Charles X ainsi que le principal, l'abbé Gilbert, remplacé de manière inédite par un laïque. Les deux établissements, en conflit ouvert, comptent ainsi en 1836 le même nombre d'élèves. Le Grand séminaire abrite, dans l'ancien couvent des dominicains, 160 séminaristes en 1836. Deux écoles communales de dessin existent également, l'une à vocation artistique pour les collégiens, l'autre à visée professionnelle pour les ouvriers [2].

La population la plus aisée se concentre au rez-de-chaussée et premier étage des immeubles du centre ville, dans les rues au Grand, au Rat, Saint-Martin, d'Yvetot, des Petites-Douves, des Cohües, la Basse-Rue, les places Milon et Nieulen, les rues de l’Évêché et du Perthuis-Trouard. Au-dessus, loge la classe modeste, plus particulièrement des hommes et femmes seules, tisserands ou fileuses. La rue Saint-Nicolas et la Grande-Rue forment l'artère commerçante principale de la ville, commerce qui s'affaire également dans le quartier des Halles et les rues de la Filanderie, Vesnard, Passemaire, et la place Montgargane. La rue Fontaine-Jouan au nord et la rue Saint-Pierre au sud marquent les prémices des faubourgs, habitées uniquement par les ouvriers, employés et petits boutiquiers alors que plus loin, la Rue des Piliers compte de nombreuses lessivières, la Rue du Pont-de-Soulles des travailleurs de peaux.[2].

Ainsi écrit Jean Quellien, « dès la Monarchie de Juillet, Coutances offre le type même de la sous-préfecture provinciale quelque peu figée dans le temps. Elle présente déjà tous les caractères de “la petite ville” que chantera Rémy de Gourmont à la veille de la Première Guerre mondiale »[2].

Second Empire (1852-1870)

Sous le Second Empire et l'administration de Charles Brohier de Littinière, la ville rassemble 8 000 habitants sur 300 hectares l'habitat est très resserré. Elle tire sa richesse de l'artisant du textile, du cuir et des livres, avec deux imprimeurs, l’un religieux, l’autre laïque. Beaucoup de jeunes filles et des veuves issues des campagnes travaillent comme fileuses ou employées de maison [4]

De grands travaux publics sont entrepris dans la vague hygiéniste et haussmannienne : macadam dans les rues, éclairage au gaz, eau potable acheminée par des sources vers la place de la cathédrale puis redistribuée vers des bornes fontaines dans les quartiers. C'est aussi la période de construction du Grand séminaire de Coutances et l'aménagement en 1870,de la place du Parvis de la cathédrale après la destruction d’un hôtel particulier.

Le collège devient un lycée « impérial » en 1853 au prix de l'endettement de la Ville pour l'agrandir, créer des dortoirs, aménager les rues d’accès. Les sœurs de Saint-Vincent-de-Paul créent une salle d’asile, ancêtre de l'école maternelle, pour les enfants de 2 à 7 ans.

XXe siècle

Seconde Guerre mondiale

Page une du Baltimore News Post (29 juillet 1944).

Les bombardements de juin 1944 sont meurtriers. Dans l'après-midi du 6, des bombes tombent sur le quartier de la gare et de l'hôpital. Dès 13 h 30, on constate deux immenses cratères près de la Petite-Vitesse, mais pas de victimes. « En soirée, une première vague de bombardiers lourds américains s'approche, opérant à au moins 3 000 mètres d'altitude. Deux passages d’un bombardement en tapis. Peu précis, il provoque des destructions assez importantes. Dans la nuit suivante, une seconde vague de chasseurs bombardiers anglais attaque la ville, volant bien plus bas. Lors de ce bombardement, on déplore 254 victimes, dont 235 Coutançais.

Dans la nuit du 13 au 14 juin, c'est l'ultime bombardement. L'aviation attaque le centre-ville avec des bombes incendiaires et les Allemands jettent des grenades, de l’essence ou des plaquettes incendiaires au phosphore pour activer la destruction de Coutances. Tout le centre-ville est en proie aux flammes [5]. Bilan à la fin de 1944 : « 350 morts, 612 maisons détruites, 1 300 endommagées  ».

L'opération Cobra ayant déjà libéré Périers, les soldats allemands se replient et abandonnent la ville [6]. Les Américains de la 4e division blindée américaine pénètrent dans la ville le 28 juillet à 17 h 30. Coutances est libérée.

En août 1944, Coutances devient préfecture de la Manche en remplacement de Saint-Lô en grande partie détruite. L'intermède dure jusqu'en 1953.

Reconstruction

La ville est meurtrie par les bombardements, détruite au trois-quarts, même si la cathédrale n'a pas été touchée. La préfecture s'installe provisoirement dans la cité (école normale d'institutrices). La première urgence pour la nouvelle municipalité est de reloger les sinistrés[7]. Des cités de baraques provisoires sont construites en périphérie du centre-ville.

La reconstruction de la ville est confiée à Louis Arretche, assisté de Roman Karasinsky. « À Coutances, petite cité pittoresque qui a eu le bonheur de conserver ses deux églises anciennes de part et d'autre de la cathédrale, l'urbaniste, M. Arretche, a surtout cherché un meilleur dessin des places, des vues plus simples et plus harmonieuses. » [8]. Elle commence en 1947 et dure vingt ans. La chapelle Saint-Vincent, la poissonnerie et la salle Marcel-Hélie sont les bâtiments emblématiques de cette nouvelle cité [9].

Réforme territoriale

En 1965, Coutances absorbe Saint-Nicolas-de-Coutances.


Notes et références

  1. Véronique Goulle, « L'industrie de la toile », Trésor des archives. Huit siècles d'histoire de Coutances, Cahier du musée Quesnel-Morinière, 2011, pp.16-18.
  2. 2,0 2,1 2,2 2,3 2,4 2,5 2,6 2,7 2,8 et 2,9 Jean Quellien, « Coutances en 1836 », Annales de Normandie, 36e année n°3, 1986, pp. 253-278. (lire en ligne).
  3. 3,0 3,1 3,2 3,3 3,4 et 3,5 « Coutances au temps du Premier empire. Du plan médiéval vers la cité moderne », exposition du musée Quesnel-Morinière, 2021-2022.
  4. V. Goulle, Coutances sous le Second Empire, éditions du Cghlcc, 2016.
  5. Notice d’après Patrick Fissot, enseignant et historien à Coutances.
  6. Celia Chebbah, « Il y a soixante-seize ans, Coutances était libérée », Ouest-France, 28 juillet 2020.
  7. Joël Masson, « A Coutances, en 1950 — La Geste de Geoffroy de Montbray ou petite chronique d'un grand mystère », Annales de Normandie, 47e année n°3, 1997, p 265-304. Lire en ligne
  8. André Chastel, « VII. - Les murs sont-ils bons ? », Le Monde, 26 juin 1947.
  9. F. Laty, « Focus La Reconstruction Coutances & coutançais », Ville et pays d'art et d'histoire du coutançais, 2019 (voir en ligne)

Liens internes