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== Histoire ==
== Histoire ==
=== Historiographie ===
====Historiographie====


L'histoire de la Hague n'est étudiée que depuis peu. Les premières recherches remontent à la création de la [[Société royale académique de Cherbourg]] par quelques érudits locaux qui durant la deuxième moitié du XVIII{{e}} siècle entreprennent des recherches sur les traces laissés par les premiers haguais à partir de fouilles, notamment du [[Hague-Dick]] et des [[Pierres pouquelées]], et de quelques découvertes de l'époque gallo-romaine<ref name=historique>[[Robert Lerouvillois]], « Historique sommaire des recherches anciennes », ''Archéologie, histoire et anthropologie de la presqu'île de la Hague (Manche) - Première année de recherche'', 2005, p. 43-49</ref>.
L'histoire de la Hague n'est étudiée que depuis peu. Les premières recherches remontent à la création de la [[Société royale académique de Cherbourg]] par quelques érudits locaux qui durant la deuxième moitié du XVIII{{e}} siècle entreprennent des recherches sur les traces laissés par les premiers haguais à partir de fouilles, notamment du [[Hague-Dick]] et des [[Pierres pouquelées]], et de quelques découvertes de l'époque gallo-romaine<ref name=historique>[[Robert Lerouvillois]], « Historique sommaire des recherches anciennes », ''Archéologie, histoire et anthropologie de la presqu'île de la Hague (Manche) - Première année de recherche'', 2005, p. 43-49</ref>.
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Les trouvailles et les fouilles se poursuivent : une hache de bronze à talon naissant et au tranchant courbe est découverte vers 1850, un tumulus à la Fosse-Yvon (Beaumont-Hague) est fouillé l'année suivante. Les érudits se disputent sur l'origine des vestiges. [[Augustin Asselin]], Auguste Le Prévost, Arcisse de Caumont, George-Bernard Depping, Ernest Desjardins, Elisée Reclus, Charles Joret, dissertent sur le Hague Dick. Rostaing et le vicomte de Potiche place Coriallo dans l'[[anse Saint-Martin]]. Le chanoine Émile-Auber Pigeon imagine les voies romaines. Les mêmes ou d'autres publient sur le camp de Jobourg, les tumulus, l'allée couverte de Vauville<ref name=historique/>...
Les trouvailles et les fouilles se poursuivent : une hache de bronze à talon naissant et au tranchant courbe est découverte vers 1850, un tumulus à la Fosse-Yvon (Beaumont-Hague) est fouillé l'année suivante. Les érudits se disputent sur l'origine des vestiges. [[Augustin Asselin]], Auguste Le Prévost, Arcisse de Caumont, George-Bernard Depping, Ernest Desjardins, Elisée Reclus, Charles Joret, dissertent sur le Hague Dick. Rostaing et le vicomte de Potiche place Coriallo dans l'[[anse Saint-Martin]]. Le chanoine Émile-Auber Pigeon imagine les voies romaines. Les mêmes ou d'autres publient sur le camp de Jobourg, les tumulus, l'allée couverte de Vauville<ref name=historique/>...


=== Formation géologique ===
====Formation géologique====


Extrémité du Massif armoricain, le sous-sol de la Hague est principalement constitué de roches anciennes, remontant au Précambrien et au Paléozïque, avec, cas unique en France, les vestiges des trois chaînes icartienne, cadomienne et hercynienne<ref name=dupret>Lionel Dupret, « Les pierres de la Hague, témoins de deux milliards d'années d'histoire de la Terre », ''La Hague dans tous ses états’’, p.28-37</ref>.
Extrémité du Massif armoricain, le sous-sol de la Hague est principalement constitué de roches anciennes, remontant au Précambrien et au Paléozïque, avec, cas unique en France, les vestiges des trois chaînes icartienne, cadomienne et hercynienne<ref name=dupret>Lionel Dupret, « Les pierres de la Hague, témoins de deux milliards d'années d'histoire de la Terre », ''La Hague dans tous ses états’’, p.28-37</ref>.
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La Pangée, supercontinent de la fin du Paléozoïque se sépare durant les ères secondaire et tertiaire. Depuis la zone tropicale nord, au Mésozoïque, la plaque armoricaine se déplace jusqu'à sa position actuelle au cours du Cénozoïque. La Hague demeure terre émergée sous le Jurassique et le Crétacé. Le Pléistocène, marqué par un grand refroidissement, laisse des roches sédimentaires (Port-Racine, Ecalgrain, Herquemoulin). La côte finit de se dessiner avec les plages holocènes (- 8000 ans à aujourd'hui)<ref name=dupret/>.
La Pangée, supercontinent de la fin du Paléozoïque se sépare durant les ères secondaire et tertiaire. Depuis la zone tropicale nord, au Mésozoïque, la plaque armoricaine se déplace jusqu'à sa position actuelle au cours du Cénozoïque. La Hague demeure terre émergée sous le Jurassique et le Crétacé. Le Pléistocène, marqué par un grand refroidissement, laisse des roches sédimentaires (Port-Racine, Ecalgrain, Herquemoulin). La côte finit de se dessiner avec les plages holocènes (- 8000 ans à aujourd'hui)<ref name=dupret/>.


=== Préhistoire ===
====Préhistoire====


[...]
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=== Antiquité ===
====Antiquité====


Les éléments permettant de retracer l'histoire de l'occupation de la Hague durant l'antiqué et le Moyen Âge sont rares. En 56 avant JC, les légions romaines vainquent la tribu locale des [[Unelles]], basée à [[Coriallo]], cité ou agglomération située probablement à l'emplacement du Cherbourg actuel, mais que certains placent sur la pointe de la Hague ou à Urville-Nacqueville. Cette conquête laisse sa trace dans une légende locale, [[légende d'Esquinandra|celle d'Esquinandra]]. La tradition indique qu'un camp romain est installé à Jobourg, sans que l'origine puisse être confirmée par les recherches<ref name=carpentier>Vincent Carpentier, « La Hague aux périodes historiques », ''La Hague dans tous ses états'', p.114-129</ref>.
Les éléments permettant de retracer l'histoire de l'occupation de la Hague durant l'antiqué et le Moyen Âge sont rares. En 56 avant JC, les légions romaines vainquent la tribu locale des [[Unelles]], basée à [[Coriallo]], cité ou agglomération située probablement à l'emplacement du Cherbourg actuel, mais que certains placent sur la pointe de la Hague ou à Urville-Nacqueville. Cette conquête laisse sa trace dans une légende locale, [[légende d'Esquinandra|celle d'Esquinandra]]. La tradition indique qu'un camp romain est installé à Jobourg, sans que l'origine puisse être confirmée par les recherches<ref name=carpentier>Vincent Carpentier, « La Hague aux périodes historiques », ''La Hague dans tous ses états'', p.114-129</ref>.
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Cependant, on sait que la Hague continue d'être habitée durant le Haut-Empire, comme en témoigne la mise en évidence une occupation large du site portuaire d'[[Urville-Nacqueville]], et la découverte d'un lieu d'enfouissement cultuel galloromain à [[Digulleville]], comprenant un ensemble de bronzes votifs (têtes humaines, cerf, oiseau et bœuf ou taureau), une statuette de Vénus, une patère et une hache<ref name=carpentier/>.
Cependant, on sait que la Hague continue d'être habitée durant le Haut-Empire, comme en témoigne la mise en évidence une occupation large du site portuaire d'[[Urville-Nacqueville]], et la découverte d'un lieu d'enfouissement cultuel galloromain à [[Digulleville]], comprenant un ensemble de bronzes votifs (têtes humaines, cerf, oiseau et bœuf ou taureau), une statuette de Vénus, une patère et une hache<ref name=carpentier/>.


=== Moyen Âge ===
====Moyen Âge====
Évangélisée par des moines irlandais et anglais, à l'image de [[saint Germain à la Rouelle]] au V{{e}} siècle, puis [[saint Clair]] au IX{{e}} siècle, la Hague est christianisée dès le VI{{e}} siècle, soumise à l'autorité de l'évêque de Coutances, et les lieux de cultes les plus anciens connus sont dédiés à saint Armel (Vauville), saint Méen (Teurthéville-Hague), saint Germain le Scot (Querqueville)<ref name=carpentier/>.
Évangélisée par des moines irlandais et anglais, à l'image de [[saint Germain à la Rouelle]] au V{{e}} siècle, puis [[saint Clair]] au IX{{e}} siècle, la Hague est christianisée dès le VI{{e}} siècle, soumise à l'autorité de l'évêque de Coutances, et les lieux de cultes les plus anciens connus sont dédiés à saint Armel (Vauville), saint Méen (Teurthéville-Hague), saint Germain le Scot (Querqueville)<ref name=carpentier/>.


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L'habitat dispersé, fixé au cours du second Moyen Âge, se complète, entre le XI{{e}} et XIII{{e}} siècles qui voient un accroissement démographique, de « villages-rues », parfois planifiés par les seigneurs locaux<ref name=carpentier/>.
L'habitat dispersé, fixé au cours du second Moyen Âge, se complète, entre le XI{{e}} et XIII{{e}} siècles qui voient un accroissement démographique, de « villages-rues », parfois planifiés par les seigneurs locaux<ref name=carpentier/>.


===Une terre isolée===
====Une terre isolée====


A la fin du XVI{{e}} siècle, [[François Desrue]] décrit une presque isle, dicte de la Hogue, par les latin Ogigies<ref>ce nom latin fantaisiste, que l'on trouve également dans l'''Histoire de la France'' de [[Robert Ceneau]] renvoie à ''Ôgygia'', île « loin dans l'Occident » où Calypso a retenu Ulysse, puis île au large de la Bretagne -''ie'' l'Angleterre- sous la plume de Putarque, séjour sacré de quelques élus</ref>, qui est infertile, ne servant qu'à transporter de la marchandise de là en autres lieux, sçavoir en terre ferme<ref name=historique/>.
A la fin du XVI{{e}} siècle, [[François Desrue]] décrit une presque isle, dicte de la Hogue, par les latin Ogigies<ref>ce nom latin fantaisiste, que l'on trouve également dans l'''Histoire de la France'' de [[Robert Ceneau]] renvoie à ''Ôgygia'', île « loin dans l'Occident » où Calypso a retenu Ulysse, puis île au large de la Bretagne -''ie'' l'Angleterre- sous la plume de Putarque, séjour sacré de quelques élus</ref>, qui est infertile, ne servant qu'à transporter de la marchandise de là en autres lieux, sçavoir en terre ferme<ref name=historique/>.
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La marine était alors souvent la seule possibilité d'échapper à la destinée agricole, du fait de la proximité du [[port militaire de Cherbourg]] et de son arsenal. [[Alfred Rossel]] chantait ainsi  dans ''[[Sus la mé]]'', un père dont les deux fils sont engagés dans les colonies (''J'i déeuss fis dauns la Marène/Déeuss forts et hardis gaillards/ L'eun revyint dé Cochinchène/ L'aôtre dé Madagascar'').
La marine était alors souvent la seule possibilité d'échapper à la destinée agricole, du fait de la proximité du [[port militaire de Cherbourg]] et de son arsenal. [[Alfred Rossel]] chantait ainsi  dans ''[[Sus la mé]]'', un père dont les deux fils sont engagés dans les colonies (''J'i déeuss fis dauns la Marène/Déeuss forts et hardis gaillards/ L'eun revyint dé Cochinchène/ L'aôtre dé Madagascar'').


===La presqu'île au nucléaire===
====La presqu'île au nucléaire====


Mais les années [[1960]] ont vu l'implantation de l'[[usine de retraitement de la Hague]] qui a bouleversé l'aspect du plateau central. Cette installation fait venir des personnels extérieurs à la région et apporte des ressources nouvelles que l'agriculture n'aurait pu procurer.
Mais les années [[1960]] ont vu l'implantation de l'[[usine de retraitement de la Hague]] qui a bouleversé l'aspect du plateau central. Cette installation fait venir des personnels extérieurs à la région et apporte des ressources nouvelles que l'agriculture n'aurait pu procurer.
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Aujourd'hui, le débat sur les avantages et les dangers de cette usine est étroitement lié au débat sur l'énergie nucléaire. Les mesures de sécurité en vigueur sur l'usine sont défendues par les « pro », tandis que les « anti » rappellent les nombreux accidents de son homologue anglaise de Sellafield, et l'impact négatif en terme d'image pour la région et ses productions issues de l'agriculture et de la pêche. La population locale est partagée entre la peur d'une pollution invisible, et la reconnaissance envers une industrie qui a transformée l'économie locale et tenu en vie une pointe promise à la désertification.
Aujourd'hui, le débat sur les avantages et les dangers de cette usine est étroitement lié au débat sur l'énergie nucléaire. Les mesures de sécurité en vigueur sur l'usine sont défendues par les « pro », tandis que les « anti » rappellent les nombreux accidents de son homologue anglaise de Sellafield, et l'impact négatif en terme d'image pour la région et ses productions issues de l'agriculture et de la pêche. La population locale est partagée entre la peur d'une pollution invisible, et la reconnaissance envers une industrie qui a transformée l'économie locale et tenu en vie une pointe promise à la désertification.


===À la recherche d'une autre identité===
====À la recherche d'une autre identité====
[[Image:Port-Racine.jpg|thumb|250px|[[Port Racine]], plus petit port de France]]
[[Image:Port-Racine.jpg|thumb|250px|[[Port Racine]], plus petit port de France]]
Après avoir accueilli comme un soulagement l'usine, les élus locaux ont pris conscience de la lourde contrepartie pour l'image de la région. Ils ont d'abord cherché à protéger la nature de la péninsule, en classant des parties importantes de la côte, interdisant ou réduisant les possibilités de construction. Jusqu'alors, l'isolement et la relative pauvreté de la région avait permis de préserver les paysages et l'habitat traditionnel, en pierre avec des couvertures en lauzes de schiste bleu, regroupé en hameaux blottis au gré des reliefs pour se protéger des vents marins. Ainsi, aujourd'hui, les franges côtières, parsemées de quelques restes de blockhaus du [[Mur de l'Atlantique]], ont gardé un aspect traditionnel, et près de la moitié de la côte haguaise appartient au Conservatoire du littoral.
Après avoir accueilli comme un soulagement l'usine, les élus locaux ont pris conscience de la lourde contrepartie pour l'image de la région. Ils ont d'abord cherché à protéger la nature de la péninsule, en classant des parties importantes de la côte, interdisant ou réduisant les possibilités de construction. Jusqu'alors, l'isolement et la relative pauvreté de la région avait permis de préserver les paysages et l'habitat traditionnel, en pierre avec des couvertures en lauzes de schiste bleu, regroupé en hameaux blottis au gré des reliefs pour se protéger des vents marins. Ainsi, aujourd'hui, les franges côtières, parsemées de quelques restes de blockhaus du [[Mur de l'Atlantique]], ont gardé un aspect traditionnel, et près de la moitié de la côte haguaise appartient au Conservatoire du littoral.

Version du 9 juin 2011 à 17:17

Vue aérienne de la presqu'île de la Hague.

La presqu'île de la Hague est formée de la pointe nord-ouest du Cotentin.

Toponymie

Attestations anciennes

La Hague et le Hague-Dick sur la carte de Mariette de la Pagerie, 1689.
  • [acc.] pagum qui dicitur Haga 1026/1027 [1].
  • Haga 1057 [2].
  • Nigell[us] de Haga 1079/1087 [3].
  • in Haga 1172/1178 [4], 1210 [5].
  • decanatus de Haga 1332 [6].
  • decanatus de Hagua 1351/1352 [7].
  • la Hague 1549 [8], 1562 [9].
  • C[ap] de la hague 1634 [10].
  • Cap de la Hague; D[oyenné] de la Hague 1689 [11].
  • C[ap] de la Hague 1693 [12].
  • Cap de la Hague 1694 [13], 1692/1699 [14].
  • C[ap] de la Hague ~1700 [15].
  • Cap de la Hague 18e s. [16].
  • la Hague 1716 [17].
  • Cap de la Hague 1719 [18], 1749 [19].
  • Hague 1753 [20].
  • Cap de la Hague 1758 [21].
  • C[ap] de la Hogue 1777 [22].
  • C[ap] de la Hague 1778 [23].
  • Cap de la Hague 1781 [24], 1753/1785 [25].
  • la Hague 1830 [26], 1837 [27], 1839 [28].
  • C[ap] de la Hague 1854 [29].
  • Cap de la Hague 1825/1866 [30].
  • C[ap] de la Hague 1889 [31].
  • la Hague 1903 [32].
  • Cap de la Hague 1926 [33], 2007 [34].

Étymologie

Son nom provient de hagi, signifiant « prairie, enclos, clôture » en ancien norois [35], ou de haga ou hagja, « haie » ou « hauteur boisée » en francique [36].

Désignant initialement, probablement jusqu'à la création du Duché de Normandie, le territoire protégé par le Hague-Dick[35], ce nom pourrait dater du 10e ou 11e siècles[36].

Géographie

La croix du Vendémiaire face au phare de la Hague, Goury, Auderville

Ses limites sont traditionnellement la Divette et la Diélette.

La Hague présente un littoral varié : des falaises abruptes (entre Landemer et Omonville-la-Rogue et entre Auderville et Vauville) ; de grandes plages de sable (Urville-Nacqueville et Vauville) ; des îlots et platiers rocheux (cap de la Hague ; pointe de Jardeheu ; les Herbeuses…), des massifs dunaires (Biville), grèves de galets (anse Saint-Martin), des marais arrières-littoraux (Mare de Vauville), des vallons boisés (Hubiland, Sabine…). La côte est également agrémentée de petits ports (Goury, le Houguet, Port Racine, Le Hâble…) et de mouillages.

Le littoral haguais est protégé au titre de la loi du 2 mai 1930 relative à la protection des monuments et sites naturels, depuis la vallée du Hubiland (Urville-Nacqueville), jusqu'aux dunes de Biville, à l'exception de l'anse des Moulinets, où se situent les installations de l'usine de retraitement de la Hague.

Faune et flore

La péninsule est principalement un pays de landes sur la côte et de bocage à l'intérieur des terres.

Les landes sont formées de fougères, bruyères, genêts, ajoncs... Sur la côte, on trouve dans les haies d'aubépines, chênes, frênes, sycomores et sureaux. Il existe également une concentration d'ormes dans les haies de la côte nord, malheureusement très atteints par la graphiose.

Les falaises sont recouvertes de lichens noirs ou orangés, de salicornes, d'asperges prostrées, de statices de l'ouest et de carottes à gomme. Les corniches accueillent pelouse rase, arméries et silènes maritimes. Aux abords des plages sont présents le chou marin (objet d'une protection), la véronique en épi, l'œillet de France.

Dans les jardins, on trouve traditionnellement nombres d'hortensias, des camélias et quelques palmiers.

La Hague possède plusieurs réserves ornithologiques (le Nez de Jobourg, les Herbeuses...), où se côtoient les goélands (argentés et marins), les fous de Bassan, les grands corbeaux, les fulmars boréals, les mouettes tridactyles, les cormorans, les foulques. La mare de Vauville accueille plus de 140 espèces d'oiseaux : migrateurs (comme la fuligule morillon ou le pipit farlouse), canards (colverts, sarcelles...), gravelots, ou encore hérons. Nichent également dans la Hague quelques rapaces comme le busard des roseaux et le faucon crècerelle.

Outre les oiseaux, on trouve également des batraciens (crapauds accoucheurs, rainettes vertes) et des petits reptiles (lézards verts, orvets...). Grands dauphins et marsouins sont présents au large.

Depuis une vingtaine d'années, les falaises de Jobourg abritent une harde de chèvres sauvages. Traditionnellement, chaque ferme avait quelques chèvres afin de nettoyer landes et haies. L'usage se perdant avec la mécanisation, ces animaux ont été peu à peu laissés à la vie sauvage, formant un troupeau qui arpente le sentier des douaniers. Elles permettent l'entretien nécessaire de la lande et sont à ce titre, désormais protégées par le Conservatoire du littoral.

Concernant l'élevage, les vaches omniprésentes comme dans toute la Normandie, partagent les prés avec les moutons roussins et quelques ânes, âne du Cotentin et âne normand notamment.

Histoire

Historiographie

L'histoire de la Hague n'est étudiée que depuis peu. Les premières recherches remontent à la création de la Société royale académique de Cherbourg par quelques érudits locaux qui durant la deuxième moitié du XVIIIe siècle entreprennent des recherches sur les traces laissés par les premiers haguais à partir de fouilles, notamment du Hague-Dick et des Pierres pouquelées, et de quelques découvertes de l'époque gallo-romaine[37].

En 1760, en s'appuyant sur la Table de Peutinger, Jean-Baptiste Bourguignon place arbitrairement Coriallo à Goury[37].

On découvre dans les décennies suivantes de nombreuses pièces archéologiques : médailles de bronze au Castel Vendon en 1786, haches de bronze à Vauville en 1788, monnaies romaines en 1792 au Castel Vendon, d'autres pièces romaines dans le lit de la Biale à Urville-Hague en 1810, 400 à 500 monnaies d'argent gauloises anépigraphiques en 1820 sur la même commune, et un anneau-disque de schiste de 13 cm de diamètre sur la lande de Calenfrier à Auderville la même année, des éléments d'un dépôt votif à Digulleville en 1822, une centaine de haches de bronze à douille à la limite entre Sainte-Croix-Hague et Vauville en 1826[37].

Ces découvertes fortuites sont complétées par des fouilles qui deviennent plus systématiques : le tumulus de la butte de César par Henri Duchevreuil, Demons et Delaroque en 1809, celui de La Cour d'Auderville par Duchevreuil et Gerville en 1810. Ce dernier affirme l'origine nordique (Vikings ou Saxons) du Hague-Dick, induisant en erreurs ses successeurs pendant les 2 siècles suivant, puis en 1814 dresse une liste des camps romains de la Manche qui se révèleront quasiment tous des retranchements protohistoriques. Il étudie, avec l'aide du clergé local, les autres vestiges qu'il juge romain ou normand, soutient en mai et novembre 1828 qu'une voie romaine reliant la Hague à Portbail par Vauville partait du port d'Omonville-la-Rogue puis publie en 1831 son rapport attribuant aux pirates du Nord le Hague-Dick, les retranchements de terre à Omonville et les tumulus de la Hague[37]. Pierre Le Fillastre, proche de Gerville, consacre 2 pages d'un article de l'annuaire de la Manche de 1833, aux Pierres Pouquelées et une longue note aux tumulus de Beaumont, Jobourg, Vauville, Biville, Branville, Auderville et Eculleville), au Hague Dick et aux enceintes d'Omonville. La même année, un article de Louis Ragonde traite des monuments celtiques de la région : l'allée couverte de Vauville et les tombelles de Beaumont et Sainte-Croix[37].

Les trouvailles et les fouilles se poursuivent : une hache de bronze à talon naissant et au tranchant courbe est découverte vers 1850, un tumulus à la Fosse-Yvon (Beaumont-Hague) est fouillé l'année suivante. Les érudits se disputent sur l'origine des vestiges. Augustin Asselin, Auguste Le Prévost, Arcisse de Caumont, George-Bernard Depping, Ernest Desjardins, Elisée Reclus, Charles Joret, dissertent sur le Hague Dick. Rostaing et le vicomte de Potiche place Coriallo dans l'anse Saint-Martin. Le chanoine Émile-Auber Pigeon imagine les voies romaines. Les mêmes ou d'autres publient sur le camp de Jobourg, les tumulus, l'allée couverte de Vauville[37]...

Formation géologique

Extrémité du Massif armoricain, le sous-sol de la Hague est principalement constitué de roches anciennes, remontant au Précambrien et au Paléozïque, avec, cas unique en France, les vestiges des trois chaînes icartienne, cadomienne et hercynienne[38].

Le gneiss et les amphibolites de la chaîne icartienne, vieille de 2 milliards d'années, affleurent sur les falaises entre l'anse du Culeron et celle de Pivette, et dans les platiers rocheux entre la Pointe de Jardeheu à Landemer, à lexception des environs de la baie de Quervière[38].

La chaîne cadomienne, datée de 650 à 540 millions d'années, forme la côte septentrionale, depuis la Côte Soufflée jusqu'à Herqueville, et à Jardeheu, avec des diorites quartziques à andésine, hornblende et biotite aux Moulinets et à Jardeheu, des granodiorites vertes, dites du Thiébot, entre le Nez et les Moulinets, et des granitoïdes qui forment l'essentiel du tréfonds rocheux de Goury à Cherbourg : monzonite de l'Anse Saint-Martin, granite clair du Cap de la Hague et granite alcalin rouge d'Ecuty[38].

Durant le Paléozoïque, la plaque Armorica se détache du supercontinent, la Rodinia, pour dériver de l'hémisphère sud au cercle polaire antarctique puis remonter rapidement vers le nord, jusqu'à attendre l'équateur lors du Carbonifère (360-290 Ma). Les sédiments déposés durant le Cambrien (540-495 Ma) et l'Ordovicien (495-425 Ma), au fond des deux océans formés par la séparation des plaques armoricaine, africaine et baltique, se retrouvent dans le synclinal de Jobourg, allant de la Baie d'Ecalgrain à Beaumont-Hague, et dans le flanc nord du grand synclinal de Siouville. Le Cambrien voit l'abrasion de la chaîne cadomienne engendrer la formation de conglomérats fluviatiles (poudingue de Hainneville), et d'arkoses riches en grès feldspathique rose (pierre d'Omonville) ou vert (platier rocheux au nord de la baie d'Ecalgrain). A l'Ordivicien (495-425 Ma)², se forment successivement le grès armoricain, par le dépôt de sables quartzeux (sous-sol des landes de Jobourg), le schiste de Beaumont par le dépôt de vases noires, les grès de May, et les schistes d'Ecalgrain. Des filons de dolérites s’infiltrent dans les roches sous l’effet de l'activité magmatique dû au soulèvement continental de la fin du Dévonien, des roches noires résistantes, orientées N20°E et N120°E, qu’on retrouve à la [[pointe de Jardeheu, le Cap de la Hague, Goury, la baie de Sary, la Côte Soufflée, l'Anse du Culeron, l'anse de la Pivette, l'anse du Tas de Pois. Puis, le sol subit une compression au Carbonifère qui créé deux grands plis : le synclinal de Jobourg, orienté N110°E, et le synclinal de Siouville, orienté N50°E. Sur le flanc sud de ce dernier, l'activité magmatique concluant l'orogène varisque fait naître le granite rose porphyroïde de Flamanville, tandis que le début du Permien (290-265 Ma) voit, sous l'effet du magmatisme alcalin, l'injection de lamprophyres brunes, que l'on observe dans la baie de Sary, l'Anse du Culeron, la baie des Fontenelles[38]...

La Pangée, supercontinent de la fin du Paléozoïque se sépare durant les ères secondaire et tertiaire. Depuis la zone tropicale nord, au Mésozoïque, la plaque armoricaine se déplace jusqu'à sa position actuelle au cours du Cénozoïque. La Hague demeure terre émergée sous le Jurassique et le Crétacé. Le Pléistocène, marqué par un grand refroidissement, laisse des roches sédimentaires (Port-Racine, Ecalgrain, Herquemoulin). La côte finit de se dessiner avec les plages holocènes (- 8000 ans à aujourd'hui)[38].

Préhistoire

[...]

Antiquité

Les éléments permettant de retracer l'histoire de l'occupation de la Hague durant l'antiqué et le Moyen Âge sont rares. En 56 avant JC, les légions romaines vainquent la tribu locale des Unelles, basée à Coriallo, cité ou agglomération située probablement à l'emplacement du Cherbourg actuel, mais que certains placent sur la pointe de la Hague ou à Urville-Nacqueville. Cette conquête laisse sa trace dans une légende locale, celle d'Esquinandra. La tradition indique qu'un camp romain est installé à Jobourg, sans que l'origine puisse être confirmée par les recherches[36].

Cependant, on sait que la Hague continue d'être habitée durant le Haut-Empire, comme en témoigne la mise en évidence une occupation large du site portuaire d'Urville-Nacqueville, et la découverte d'un lieu d'enfouissement cultuel galloromain à Digulleville, comprenant un ensemble de bronzes votifs (têtes humaines, cerf, oiseau et bœuf ou taureau), une statuette de Vénus, une patère et une hache[36].

Moyen Âge

Évangélisée par des moines irlandais et anglais, à l'image de saint Germain à la Rouelle au Ve siècle, puis saint Clair au IXe siècle, la Hague est christianisée dès le VIe siècle, soumise à l'autorité de l'évêque de Coutances, et les lieux de cultes les plus anciens connus sont dédiés à saint Armel (Vauville), saint Méen (Teurthéville-Hague), saint Germain le Scot (Querqueville)[36].

Au cours du Moyen Âge, les paysages agricoles se forment à travers le développement des cultures, la plantation d'aulnaies, la création de prairies et de landes à fougères, dédiés à l'élevage extensif. L'habitat est dispersé, essentiellement sur la côte, et les forêts recouvrent l'intérieur des terres. L'économie locale exploite la mer, à travers la pêche, la navigation ou encore la chasse à la baleine. et les larges forêts fournissent aux propriétaires des droits lucratifs. Parmi eux, avant l'arrivée des hommes du Nord, plusieurs grandes abbayes, comme celle de Marmoutiers, possèdent de nombreux domaines et prieurés[36].

L'installation au cours du IXe siècle des Vikings sur ces terres ne semblent corroborée que par les traces linguistiques qu'ils ont laissés. La fuite des moines vers de la vallée de la Seine et l'appropriation de fiefs par les nouveaux barons normands désorganisation du territoire, même si le réseau paroissial déjà largement constitué demeure, et s'il est vraisemblable que nombre de villages et de hameaux médiévaux se développe sur des sites occupés depuis l'époque gallo-romaine[36].

Au début du XIe, les limites du « pagus de Haga », terme qui témoigne d'un découpage hérité de l'époque carolingienne, demeurent floues[36], mais devaient couvrir peu ou prou le doyenné de la Hague, entre Divette et Diélette.

L'habitat dispersé, fixé au cours du second Moyen Âge, se complète, entre le XIe et XIIIe siècles qui voient un accroissement démographique, de « villages-rues », parfois planifiés par les seigneurs locaux[36].

Une terre isolée

A la fin du XVIe siècle, François Desrue décrit une presque isle, dicte de la Hogue, par les latin Ogigies[39], qui est infertile, ne servant qu'à transporter de la marchandise de là en autres lieux, sçavoir en terre ferme[37].

Nez de Jobourg et anse de Sennival

Vauban quant à lui écrit en 1686 : « Le surplus du païs [du Cotentin] est naturellement coupé de hayes, quelques pièces de bois taillis et de landes qui sont toutes pleines d'eau pendant l'hiver. Les environs du Cap de la Hague et fosse d'Aumonville en peuvent estre exceptez, bien qu'ils soient meslez de hauts et de bas et de beaucoup de landes ; ce coing de païs est sec et de peu de rapport, non tant coupé que l'autres, mais il est est de petite estendue »[37].

Le caractère insulaire de la Hague et la difficulté pour s'y rendre ont donné à la région la réputation d'un pays de fraudeurs sous l'Ancien Régime. Il faut dire que la proximité des îles anglo-normandes facilitait la contrebande, qui était de deux types : celle du textile, au XVIIe siècle et celle du tabac au XIXe siècle. La première était le fait de quelques nobles dont le plus célèbre est probablement le Chevalier de Rantot. La contrebande de tabac était, quant à elle, l'objet de plusieurs bandes organisées, menées autant par des agriculteurs que des pêcheurs. On trouve donc dans les murs de la Hague des caches à tabac, domestiques (de petite dimension, auprès des maisons, recueillant le tabac pour une consommation familiale) et des grandes caches, dissimulant les ballots de tabac tressé de plusieurs kilos.

Aussi lit-on dans un rapport de la maréchaussée de Valognes en 1748 : « C'est un pays de landes et de rochers où l'on a pratiqué quantité de cavernes servant de retraites aux voleurs, assassins et fraudeurs, qui attendent avec assurance et tranquillité le moment favorable pour passer aux îles voisines. Les plus grands chemins de ce canton sont de deux ou trois pieds, des deux côtés desquels se trouvent des précipices. Les habitants sont gueux, mauvais, fraudeurs insignes et ne vivent que de brigandages. Il y a des paroisses où les commis aux aides et les employés dans les fermes ont été un temps considérable sans oser y aller ; ils n'y vont même pas encore volontiers. »

Les douaniers étaient chargés de surveiller les trafics mais aussi lutter contre les naufrageurs.

Mais la forte présence des douaniers et le renforcement des peines encourues ont mis fin peu à peu à la fraude au début du XXe siècle, dont subsistent aujourd'hui le chemin des douaniers le long de la côte (GR 223). La mauvaise réputation des Haguards en fait également des naufrageurs sans qu'aucune recherche ne soit réellement concluante. En revanche, la population pauvre avait l'habitude d'« aller à gravage », c'est-à-dire fréquenter les plages après les grosses tempêtes, pour ramasser les marchandises échouées ou passées par dessus bord, et de récupérer le bois des bateaux échoués

Pendant des siècles, la vie dans la Hague n'a pas énormément évolué. La ressource principale est l'agriculture (élevage et polyculture), permettant une relative autarcie. L'industrialisation des techniques ont peu de prise sur les terres divisées en petites parcelles difficiles à travailler, propriétés de nombreux petits exploitants. Il faudra attendre les années 1950 et 1960 pour voir l'apparition des tracteurs et des techniques agricoles modernes, comme l'illustre le film Le Passager de l'été, situé à Digulleville après la Seconde Guerre mondiale. La pêche est souvent une ressource complémentaire aux agriculteurs (on parle des agriculteurs-pêcheurs ou crateurs), rarement un métier à part entière, excepté à Omonville-la-Rogue, Goury et Diélette.

Isolée, la presqu'île est longtemps restée éloignée du tourisme, mise à part la station balnéaire d'Urville-Hague au début du XXe siècle, largement détruite lors des bombardements de 1944.

La marine était alors souvent la seule possibilité d'échapper à la destinée agricole, du fait de la proximité du port militaire de Cherbourg et de son arsenal. Alfred Rossel chantait ainsi dans Sus la mé, un père dont les deux fils sont engagés dans les colonies (J'i déeuss fis dauns la Marène/Déeuss forts et hardis gaillards/ L'eun revyint dé Cochinchène/ L'aôtre dé Madagascar).

La presqu'île au nucléaire

Mais les années 1960 ont vu l'implantation de l'usine de retraitement de la Hague qui a bouleversé l'aspect du plateau central. Cette installation fait venir des personnels extérieurs à la région et apporte des ressources nouvelles que l'agriculture n'aurait pu procurer.

En 1960, des ingénieurs inspectent les landes de Jobourg et Omonville-la-Petite, selon eux pour l'implantation possible d'une usine de plastique puis de casseroles. La décision de construire l'usine atomique du Commissariat à l'énergie atomique (CEA) sur les hauteurs de la Hague est alors prise, sans la moindre information des élus locaux, laissant les populations locales, sinon dans l'ignorance, au minimum dans le flou, que le classement "secret défense" de l'installation accentue.

L'ancienneté et la stabilité du socle géologique du cap de la Hague, remontant au précambien, met à l'abri ce territoire des tremblements de terre. Le raz Blanchard offre des courants parmi les plus forts d'Europe qui permettent la dispersion la plus efficace des rejets en mer. L'isolement de la péninsule favorise l'implantation d'une installation militaire à haut risque, opération immobilière de plus facilitée par la faible densité démographique du plateau. Ainsi, le CEA commence en 1962 à acheter à prix d'or des terrains de landes, parfois labourés au moment de la vente pour en tirer un meilleur prix. Les 190 hectares sont acquis sans aucune expropriation, malgré 150 propriétaires, tant ces fortes sommes ont permis à certains de moderniser leurs exploitations, voire de se reconvertir. Plusieurs de ces propriétaires ont négocié en plus de la valeur des parcelles, leur entrée comme salarié de l'usine de lui ou celle d'un fils.

En parallèle des premiers travaux, le CEA pour être accepté et rassurer, développe une campagne de lobbying, auprès des élus et des élites religieuses. Ainsi les notables du canton ont-ils pu visiter en grandes pompes les sites de Marcoule et de Saclay. La fierté d'accueillir une technologie de pointe, les difficultés du milieu agricole et le licenciement en 1962 des derniers mineurs à la fermeture de la mine de fer de Diélette finissent de convaincre la population. Ainsi en 1966, les premiers châteaux de combustible irradié en provenance de la centrale nucléaire de Chinon arrivent sans la moindre contestation.

En 1969, Infratome cherche à la demande du CEA un lieu pour l'enfouissement des déchets faiblement radioactifs. Le site de la Hague semble parfait. Mais aucune commune ne veut devenir une décharge. Pourtant, le maire de Digulleville accepte d'accueillir ce qui sera le Centre de stockage de la Manche en bordure de l'usine de retraitement. Passé sous le giron de l'ANDRA en 1991, il a reçu son dernier colis en 1994 et est, depuis en phase de surveillance, pour trois siècles.

Le 1er juin 1976, l'usine atomique du CEA devient usine de retraitement de la COGEMA. La production de plutonium à visée militaire devient recyclage d'uranium civile, sans que les technologies ne changent. Le secret défense se lève un peu, et surtout, la taxe professionnelle et les impôts locaux sont exigibles par les collectivités. Face à cette manne financière sans précédent, qui aurait dû profiter essentiellement aux communes de Jobourg et d'Omonville-la-Petite, et du fait des équipements que nécessitent l'accueil de la nouvelle population, les élus du canton décident la constitution d'un district en 1977.

Les mouvements écologistes ne se font pas entendre à l'époque. Les premières mobilisations répondent au projet de construire la centrale nucléaire de Flamanville. Le site est occupé plusieurs jours à la fin des années 1970. Les manifestations contre les transports nucléaires vers la Cogema se développent au début des années 1980. Le désengagement des militaires délie quelques langues, et la CFDT provoque un mini-scandale en produisant un film critique traitant du travail en milieu confiné.

L'ouverture de l'usine entraine l'arrivée de nouvelles populations. En même temps que l'agrandissement de l'usine (UP3), il est donc décidé de lancer le « grand chantier », pour construire logements, écoles et infrastructures. Alors que le canton vieillissait et vivait d'une petite agriculture autarcique, la population de la Hague en quelques années s'accroît, se rajeunie et se diversifie. Certains villages doublent leur nombre d'habitants en accueillant des cités, comme Coriallo à Beaumont-Hague ou celle des Arbres à Omonville-la-Rogue. Auderville sera distingué en 1984 du prix national de l'habitat pour la bonne gestion de l'arrivée de ces « horsains ». Mais le plus souvent, elles sont en périphérie des bourgs, ne facilitant pas le brassage. Pourtant, cet afflux d'une population nombreuse et atypique (beaucoup de cadres, chimistes ou scientifiques arrivent, dans une région constituée essentiellement d'agriculteurs, et de quelques ouvriers, militaires et petits notables locaux) a été digérée sans heurt et sans acculturation.

Aujourd'hui, le débat sur les avantages et les dangers de cette usine est étroitement lié au débat sur l'énergie nucléaire. Les mesures de sécurité en vigueur sur l'usine sont défendues par les « pro », tandis que les « anti » rappellent les nombreux accidents de son homologue anglaise de Sellafield, et l'impact négatif en terme d'image pour la région et ses productions issues de l'agriculture et de la pêche. La population locale est partagée entre la peur d'une pollution invisible, et la reconnaissance envers une industrie qui a transformée l'économie locale et tenu en vie une pointe promise à la désertification.

À la recherche d'une autre identité

Port Racine, plus petit port de France

Après avoir accueilli comme un soulagement l'usine, les élus locaux ont pris conscience de la lourde contrepartie pour l'image de la région. Ils ont d'abord cherché à protéger la nature de la péninsule, en classant des parties importantes de la côte, interdisant ou réduisant les possibilités de construction. Jusqu'alors, l'isolement et la relative pauvreté de la région avait permis de préserver les paysages et l'habitat traditionnel, en pierre avec des couvertures en lauzes de schiste bleu, regroupé en hameaux blottis au gré des reliefs pour se protéger des vents marins. Ainsi, aujourd'hui, les franges côtières, parsemées de quelques restes de blockhaus du Mur de l'Atlantique, ont gardé un aspect traditionnel, et près de la moitié de la côte haguaise appartient au Conservatoire du littoral.

Depuis quelques années, les Haguards cherchent à accroître l'attrait touristique de la presqu'île, tout en gardant son caractère sauvage. Ils ont créé des équipements tels l'observatoire Ludiver et le centre culturel du Tourp, et tentent de communiquer autour des atouts de la région pour prouver que la Hague est plus que l'usine qui s'étale sur 1% de son territoire.

Population

Vu en 1748 comme des « gueux, mauvais, fraudeurs insignes et ne vivent que de brigandages », les habitants de la Hague sont décrit un siècle et demi plus tard par Charles Frémine, dans Promenades et rencontres (1905), ainsi : « L'habitant, le Hagard, vit exclusivement des champs et de la mer. Laboureur ou pêcheur, souvent les deux à la fois. Il tient plus du Breton que du Normand. [Les pirates normands] ne firent qu'y planter leurs tentes, qu'y déposer en lieu sûr leur butin sans se mêler aux aborigènes dont les Hagards d'aujourd'hui semblent les descendants directs. [...] Ils tiennent de la race bretonne, non par l'idiome et le costume qui sont normands, mais par le caractère et la physionomie ».

Lieux et monuments

...

Économie

La principale industrie est celui de l'énergie, plus particulièrement du nucléaire, avec l'usine de retraitement de la Hague et le centre de stockage de la Manche, près de Beaumont-Hague, et la centrale nucléaire de Flamanville dans le canton des Pieux.

Outre le nucléaire, les ressources économiques de la Hague proviennent de l'agriculture (élevage) et de la pêche. Isolée, la presqu'île est longtemps restée éloigné du tourisme, mis à part Urville, proche de Cherbourg. Depuis quelques années, les élus locaux cherchent à développer l'attrait touristique de la presqu'île, tout en gardant son caractère sauvage (campagnes de communication nationales, création d'équipement tels l'observatoire Ludiver et le centre culturel du Tourp...).

La communauté de communes a pris en trente ans une telle importance que la fonction publique territoriale est le deuxième plus gros secteur d'emploi.

Personnalités liées à la région

La Hague dans la culture

Les paysages de la Hague ont souvent inspiré les artistes.

Peinture

Littérature

En matière littéraire, écrivains locaux et nationaux ont mis en scène la péninsule dans leurs ouvrages. Boris Vian, adolescent, y venait en vacances dans la maison de ses parents à Landemer et il y est resté fidèle toute sa vie. Didier Decoin, auteur parisien qui a élu domicile à la Roche, à Auderville, publie Les Trois vies de Babe Ozouf en 1983 (éd. Seuil), et Vue sur mer en 2006 consacrée à sa maison. Catherine École-Boivin s'est fait une spécialité de romans documentaires sur le passé agricole : Jeanne de Jobourg, parole d'une paysanne du Cotentin, 2001 ; Jean de la Mer : paroles d'un Mathieu-Sala du Cotentin et La Hague, Embruns de mémoires, 2002 ; La Petite Misère. Claudie Gallay y situe Les Déferlantes (Éditions du Rouergue, 2008) à Auderville.

Cinéma

Selon Philippe Quévastre [41], le premier film tourné dans la péninsule serait Les Enfants du Capitaine Grant, qui avait utilisé en 1913 les falaises de Gréville. En 2005, il dénombre 18 longs métrages tournés au moins partiellement dans le canton de Beaumont-Hague. Le rôle du décorateur de cinéma, Trauner, est important puisque, résidant à Omonville-la-Petite, il a fait venir plusieurs réalisateurs dans la Hague, comme Joseph Losey, qui a tourné Les Routes du sud en partie dans la maison même de Trauner, mais aussi son ami le scénariste et poète Jacques Prévert, qui s'installe également dans ce village.

Ont également été accueillis les tournages de :

Notes

  1. Marie Fauroux, Recueil des actes des ducs de Normandie (911-1066), Mémoire de la Société des Antiquaires de Normandie XXXVI, Caen, 1961, p. 182, § 58.
  2. Jean Adigard des Gautries & Fernand Lechanteur, « Les noms de pays normands attestés de 911 à 1066 », in Festschrift Adolf Bach, Bonn, 1955, I, 122-130.
  3. Lucien Musset, Les actes de Guillaume le Conquérant et de la Reine Mathilde pour les abbayes caennaises, Mémoires de la société des Antiquaires de Normandie XXXVII, Caen, 1967, p. 122, § 18.
  4. Léopold Delisle, Recueil des actes de Henri II, revu et publié par Élie Berger, Imprimerie Nationale, Paris, t. II, 1920, p. 78, § DXV.
  5. Léchaudé D’Anisy, Grands Rôles des Échiquiers de Normandie, première partie, Mémoire de la Société des Antiquaires de Normandie XV, 2e série, 5e volume, Paris, 1845, p. 169a.
  6. Pouillé du Diocèse de Coutances, 1332, in Auguste Longnon, Pouillés de la Province de Rouen, Recueil des Historiens de France, Paris, 1903, p. 317F.
  7. Compte du Diocèse de Coutances, pour l’année 1351 ou 1352, in Auguste Longnon, op. cit., p. 377D.
  8. Eugène Robillard de Beaurepaire et le Comte Auguste de Blangy, Le Journal du Sire de Gouberville (t. I), Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie XXXI, Caen, 1892, p. 5.
  9. Eugène Robillard de Beaurepaire et le Comte Auguste de Blangy, Le Journal du Sire de Gouberville (t. II), Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie XXXII, Caen, 1895, p. 817.
  10. Sébastien Cramoisy, Carte générale de toutes les costes de France tant de la mer Océane que Mediterranée, 1634 [BNF].
  11. G. Mariette de La Pagerie, cartographe, Unelli, seu Veneli. Diocese de Coutances, divisé en ses quatre archidiaconés, et vint-deux doiennés ruraux avec les Isles de Iersay, Grenesey, Cers, Herms, Aurigny etc., chez N. Langlois, Paris, 1689 [BNF, collection d'Anville, cote 00261 I-IV].
  12. Greenville Collins, Chart of the channell, Manche, 1693 [BNF, Collection d'Anville, cote 00757].
  13. Jean-Baptiste Nolin, Le duche et gouvernement de Normandie Divisé en Haute et Basse Normandie, en Divers Pays, et par Evechez, Paris, 1694 [BNF, IFN-7710251].
  14. Justus Danckerts (1635-1701), Canalis inter Angliae et Galliae tabula cum omnibus suis portibus, arenis et profundis, Amsterdam, 1692/1699.
  15. Gerard Valk, Normannia Ducatus, tum Superior ad Ortum, tum Inferior ad Occasum, Praefectura Generalis […] Anglici Caesarea sive Jarsey…, Amsterdam, ~1700.
  16. Carte de la Manche, 18e s. [BNF, collection d'Anville, cote 00761 B].
  17. Guillaume de l'Isle, Carte de Normandie, Paris, 1716.
  18. Bernard Jaillot, Le Gouvernement général de Normandie divisée en ses trois généralitez, Paris, 1719.
  19. Nouvelle carte réduite de la Manche, Chez Mr Bellin, Paris, 1749 [BNF, collection d'Anville, cote 00762 B].
  20. Herman van Loon, D2.me [= Deuxième] carte particuliere des costes de Normandie contenant les costes du Cotentin depuis la Pointe de la Percée Jusqu'a Granville ou sont Comprises les Isles de Jersey, Grenezey, Cers, et Aurigny, avec les Isles de Brehat. Comme elles paroissent a basse Mer dans les grandes marées, Atlas Van Keulen, Amsterdam, 1753 [BNF]
  21. G. Robert de Vaugondy, Carte du gouvernement de Normandie, Paris, 1758.
  22. P. Santini, Gouvernement de Normandie avec celui du Maine et Perche, Remondini, Venise, 1777.
  23. Jean de Beaurain, Carte de la Manche ou du canal qui sépare les côtes de France d'avec celles d'Angleterre / par le Ch[evalie]r de Beaurain, 1778 [BNF, collection d'Anville, cote 00766 B]
  24. Louis Stanislas d'Arcy de la Rochette, « A chart of the islands of Jersey and Guernsey, Sark, Herm and Alderney; with the adjacent coast of France », 1781, reproduit dans General atlas, publ. par William Faden, London, 1811.
  25. Carte de Cassini.
  26. J. G. Masselin, Dictionnaire universel de géographie physique, commerciale, historique et politique du Monde Ancien, du Moyen Age et des Temps Modernes comparées / Dictionnaire universel de géographie, Auguste Delalain, Paris, 1830, t. 2, p. 592a.
  27. Dictionnaire géographique universel ou description de tous les lieux du globe sous le rapport de la géographie physique et politique, de l’histoire, de la statistique, du commerce, de l’industrie, etc., etc., Sociétés de Paris, Londres et Bruxelles pour les publications littéraires, Bruxelles, 1837, t. I, p. 827b.
  28. Panorama pittoresque de la France […], par une société de gens de lettres, de géographes et d’artistes, Firmin Didot, Paris, t. V-Manche, 1839, p. 22a.
  29. V. Lavasseur, Atlas National Illustré des 86 départements et des possessions de la France, A. Combette éditeur, Paris, 1854.
  30. Cartes d’État-Major (relevés de 1825 à 1866, mises à jour jusqu’à 1889).
  31. Carte de la Manche, in Adolphe Joanne, Géographie du département de la Manche, Hachette, Paris, 1889.
  32. Auguste Longnon, Pouillés de la Province de Rouen, Recueil des Historiens de France, Paris, 1903.
  33. Carte du département de la Manche, L’Illustration économique et financière, 28 août 1926.
  34. Carte IGN au 1 : 25 000.
  35. 35,0 et 35,1 Élisabeth Ridel, « La Hague, un coin du monde viking ? Apercu critique sur la question », La Hague dans tous ses états, p,120-121
  36. 36,0 36,1 36,2 36,3 36,4 36,5 36,6 36,7 et 36,8 Vincent Carpentier, « La Hague aux périodes historiques », La Hague dans tous ses états, p.114-129
  37. 37,0 37,1 37,2 37,3 37,4 37,5 37,6 et 37,7 Robert Lerouvillois, « Historique sommaire des recherches anciennes », Archéologie, histoire et anthropologie de la presqu'île de la Hague (Manche) - Première année de recherche, 2005, p. 43-49
  38. 38,0 38,1 38,2 38,3 et 38,4 Lionel Dupret, « Les pierres de la Hague, témoins de deux milliards d'années d'histoire de la Terre », La Hague dans tous ses états’’, p.28-37
  39. ce nom latin fantaisiste, que l'on trouve également dans l'Histoire de la France de Robert Ceneau renvoie à Ôgygia, île « loin dans l'Occident » où Calypso a retenu Ulysse, puis île au large de la Bretagne -ie l'Angleterre- sous la plume de Putarque, séjour sacré de quelques élus
  40. Admirer l'œuvre sur Archim.
  41. Hag'tions n° 33, avril 2005

Bibliographie

par ordre chronologique de parution
Livres
  • Émile de Pontaumont, Récits d'une soiréee d'hiver dans la Hague, Baratria-P. Pança, sd
  • Albert Sorel, La Grande falaise, 1872
  • Jean Fleury, Littérature orale de la Basse-Normandie : Hague et Val de Saire, Maisonneuve, 1883
  • Jean Fleury, Essai sur le patois normand de la Hague, Maisonneuve, 1886
  • Jules Lucas, La Hague jusqu'aux temps de Guillaume le Conquérant (Périodes celtique, gallo-romaine et danoise), 1903
  • Claude Pithois, La Hague, terre ignorée, Librairie G. Gautier, 1961
  • Michel Lambert, Peur sur la Hague, éd. Ocep, 1978
  • Jean Decosse, Michel Lambert, Rencontres au pays haguard, éd. Ocep, 1978
  • Xavière Gauthier, La Hague, ma terre violentée, Mercure de France , 1981
  • Françoise Zonabend, La Presqu'île au nucléaire, Odile Jacob, 1989
  • Roger-Jean Lebarbenchon, Les Falaises de la Hague, Centre d'études normandes, 1990
  • Roger-Jean Lebarbenchon, La Hague (2 vol), Société nationale académique de Cherbourg, 1998
  • Guillaume de Monfreid, Trésors de la Hague, éd. Isoète, 2004 (sur l'architecture des maisons)
  • Patrick Courault, La Hague, rivages de lumière et de légende, éd. Isoète, 2002
  • Dominique Gros, Paysages, pays sages : la Hague, éd. Le Vent qui passe, 2003
  • Guillaume de Monfreid, Normandie extrême. Voyage à la pointe de la Hague, éd. Isoète, 2006
  • André Hamel, 1939-1945 en Hague-Sud (Les chemins victorieux de la 9th division US), Inédits et introuvables du patrimoine normand, 2008
Articles
  • Digard de Lousta, « Coup d'œil sur la Hague : considérations générales, topographiques, mœurs, traditions », Mémoires de la Société nationale académique de Cherbourg, vol. 5, 1847
  • François Simon, « À la Hague, le cinéma en prend plein la vue », Ouest-France, 10 août 2010

Voir aussi

Notes et références


Liens externes