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Libération de la Manche (1944)

De Wikimanche

La Manche est un des théâtres du débarquement allié de juin 1944.

Préparatifs du débarquement

L'idée de débarquer des troupes en Normandie est un projet ancien chez les Alliés. Dès avril 1942, le général Marshall, chef d'état major général américain, envisage le plan Sledgehammer devant permettre de soulager la pression sur l'Armée rouge soviétique en établissant un deuxième front par le débarquement dans le Cotentin à l'automne 1942 pour un repli par le port de Cherbourg au printemps suivant. Ni cette opération, ni son alternative Roundup, ne sont finalement engagées, au profit du débarquement en Afrique du Nord, l'opération Torch, en décembre 1942, puis en Sicile en juillet 1943.

La conférence Trident, à Washington en mai 1943, décide de l'organisation de l'opération Overlord le 1er mai 1944, pour débarquer sur les côtes françaises, dès lors que les Alliés maitrisent désormais les airs, autorisant les bombardements et mitraillages des positions allemandes et des infrastructures, et les océans permettant au matériel et aux soldats américains et canadiens de gagner la Grande-Bretagne. En décembre 1943, Dwight David Eisenhower est désigné comme commandant en chef des opérations, secondé par les Britanniques Tedder, Ramsay, Leigh Mallory et Montgomery.

Mais le choix précis du lieu reste à définir : Bretagne, golfe de Gascogne, Pas-de-Calais et même Norvège sont envisagés. Un débarquement dans le Pas-de-Calais serait plus logique en termes de distance, mais plus difficile du fait de la concentration de la défense allemande. Trois plages normandes, entre Grandcamp et Courseulles dans le Calvados sont proposés à Eisenhower et Montgomery, qui obtiennent un front plus large, atteignant 90 km, de Varreville à Ouistreham.

Les côtes normandes ne sont pas les plus proches de l'Angleterre, mais la côte orientale du Cotentin et le Calvados sont choisis par les stratèges britanniques et américains pour permettre l'accès rapide à un port en eau profonde, Cherbourg. En en faisant une tête de pont dès les premiers jours du Débarquement, ils pensent s'assurer l'avantage stratégique par un ravitaillement et des renforts réguliers. Le Cotentin protège également des vents violents du sud-ouest et le Calvados offre un réseau routier et ferré idéal pour avancer rapidement dans les terres. À l'inverse, la Normandie peut être isolée facilement des renforts allemands en coupant les ponts sur la Seine et la Loire[1]. De plus, la présence au sein de la VIIe Armée allemande des bataillons de Osttrupen, formés d'anciens soldats de l'Armée rouge, fait espérer une valeur plus faible au combat. En revanche, le tragique débarquement à Dieppe impose de ne pas attaquer directement un port par la mer, mais de le prendre par la terre. Pour pallier l'absence de port les premiers jours, deux ports artificiels sont prévus, ainsi qu'un pipeline sous-marin pour acheminer le carburant, PLUTO. Les chars sont adaptés par l'ingénieur militaire britannique Percy Hobart : les chars fléaux contre les mines, les chars Bobbin déposant une toile renforcée sur les sols meubles, les chars crocodiles dotés de lance-flammes, les chars amphibies Duplex Drive (DD), les AVRE dont le canon est remplacé par un mortier...

La date est longuement débattue. Le manque de barges ne permet pas de lancer l'opération en mai. Le largage des parachutistes doit se faire de nuit, mais à la pleine lune, pour leur permettre d'avancer vers leurs objectifs à terre. Les opérations de bombardement aérien et naval intensif doivent se faire de jour. La marée doit monter au petit matin pour détruire les obstacles sur les plages avant que les barges de débarquement ne déversent leurs troupes au plus près des plages sans s'échouer. La deuxième marée montante doit permettre une nouvelle vague d'attaque. On choisit donc le 5 juin. Mais l'opération est retardée de vingt-quatre heures à cause de l'arrivée d'une perturbation. Les nuages menacent l'efficacité de l'aviation. Mais retarder à nouveau l'opération contraindrait à la programmer un mois plus tard pour que les conditions optimales soient à nouveau réunies[1].

Le 5 juin, à 4 h 15 du matin, le général Eisenhower décide donc d'attaquer le lendemain[1].

Opérations « Albany » et « Boston »

L'aviation pilonne les points stratégiques du débarquement à venir. Les alliés possèdent 12 000 avions, dix à vingt fois de plus que la flotte de la Luftwaffe, assurant leur suprématie dans les airs et la réussite des combats à terre[2].

La première tâche des alliés est de sécuriser le secteur qui va être le théâtre du débarquement. À l'aube du 6 juin, cinq divisions aéroportées débarquent sur 80 kilomètres de côtes, des environs de Caen jusqu'à l'est de Cotentin. Alors que la 6e aéroportée britannique s'empare des ponts autour de Caen (Opération Tonga), les parachutistes des 82e et 101e aéroportées américaines sautent dans la vallée de la Douve inondée par les Allemands, pour préparer la progression rapide des soldats devant prendre Cherbourg (Opérations Albany et Boston). Les drop zones initialement prévues près de Saint-Sauveur-le-Vicomte, sont déplacées autour de Sainte-Mère-Église pour s'éloigner d'une division allemande arrivée en mai. Ils atterrissent dispersés, certains se noient, le général Don Pratt meurt en percutant une haie avec son planeur, d'autres se blessent, beaucoup se font arrêter. Sur les 6 000 hommes, 1 500 sont morts ou faits prisonniers la nuit du 5 au 6 juin, seulement la moitié peut réellement prendre part au combat. Mais ils prennent Sainte-Mère et y tuent le général allemand chargé du secteur[1].

Les résistants passent également à l'action ce jour là. 486 coupures de voies ferrées et 950 coupures de routes, empêchent les renforts allemands de rejoindre le front[1].

Voir l'article détaillé Opérations Albany et Boston (1944)

Débarquement

Rues de Valognes détruites par les combats.

Cinq zones ont été définies : Sword, autour de Ouistreham, Juno, autour de Courseulles, Gold à l'est d'Arromanches, Omaha à Colleville et Vierville-su-Mer et Utah au nord de la baie des Veys[1]. Plage la plus occidentale de l'opération, Utah Beach a été une volonté du général anglais Bernard Montgomery, afin d'atteindre plus rapidement le port de Cherbourg.

À 5 h 45, l'artillerie de la flotte commence à viser les défenses des plages.

Les Allemands s'attendent à une attaque alliée entre mai et septembre 1944, en provenance de l'Angleterre du fait de la concentration de matériel et de soldats. Ils supposent un débarquement entre Somme et Seine équipant ce littoral de 20 divisions d'infanterie contre 14 en Bretagne et Basse-Normandie, dont les côtes sont deux fois plus longues. Pensant que l'attaque porterait sur deux points, les Allemands voient dans les premiers bataillons sur les plages du Calvados et de la Manche, une diversion pour affaiblir la défense du Nord-Pas-de-Calais, principal objectif des Alliés[1].

Le 7e corps américain du général Joseph Lawton Collins débarque à Utah facilement. 27 chars amphibies, les Duplex Drive, appuient la première vague d'assaut. Malgré un point de débarquement face au Widerstandsnest (nid de résistance) n° 5, détruit par l'aviation alliée, à 2 kilomètres de l'objectif, à cause des courants[2], la résistance allemande est faible, le contact est rapide avec les parachutistes de Sainte-Mère. Sur 23 000 hommes débarqués, on dénombre 197 morts en fin de journée[1].

717 civils meurent dans la Manche le 6 juin, 220 le lendemain, et 257 le surlendemain. Parmi eux, 352 Saint-Lois périssent sous les bombardements du 6, comme 205 Valognais et 261 Coutançais après deux raids. 93 Manchois meurent en représailles sous les balles allemandes[1].

Entre le 6 juin et la mi-août, 3 300 civils périssent dans la Manche, essentiellement sous les bombardements[1].

S'ils n'ont pas débarqué sur les plages, des Danois ont participé à la logistique de l'opération.Les historiens évaluent la participation danoise aux opérations du Débarquement à 30 navires et 500 marins, auxquels s'ajoutent 300 autres Danois opérant sur des bateaux alliés. Il y aurait également eu environ 200 Danois dans les forces combattantes. Le monument danois leur rend hommage.

Le 10 juin, débarque la 90e division d’infanterie américaine.

Le 4 juillet, débarquent les hommes de la 8e Division d'infanterie américaine.

La bataille du Cotentin et la prise de Cherbourg

Prisonniers allemands sur la place Napoléon.

Pour ralentir la progression des renforts allemands, la 8e US Air Force bombarde la Basse-Normandie dès le 6 juin. Dans la nuit du 6 au 7 juin, la Royal Air Force bombarde Coutances et Saint-Lô.

Nœud routier et ferroviaire, Carentan est un des premiers objectifs pour les 5e et 7e corps américains débarqués à Utah Beach et Omaha Beach. À partir du 11 juin, la 101e Airborne s'oppose à la résistance du 6e régiment de parachutistes allemands. Le 512e régiment d'infanterie parachutiste perd deux tiers de ses effectifs dans la bataille de Carentan, notamment lors du « Bloody Gulsh ». Le 12 juin, Carentan est libérée. Le 16, c'est au tour de Saint-Sauveur-le-Vicomte.

Rapidement, la progression vers le nord du Cotentin est bloquée à la hauteur de Montebourg par la 243e Division d'infanterie du général Hellmich et la 709e Division d'infanterie du général von Schlieben. Le 18 juin, les Américains entrent dans Barneville-sur-Mer. Le 21, Valognes est libérée. Après de lourds bombardements, la 4e division d'infanterie américaine du général Barton entre le 19 juin dans un bourg détruit et déserté par Allemands repliés dans la forteresse de Cherbourg. Le port est libéré le 26.

lire aussi l'article détaillé Bataille de Cherbourg (1944)

La bataille de l'Elle

Elle se déroule les 13 et 14 juin 1944, à Cerisy-la-Forêt et autour.

lire aussi l'article détaillé Bataille de l'Elle (1944)

La bataille des haies

Elle se déroule dans le bocage marqué par ses innombrables haies.

lire l'article détaillé Bataille des haies (1944)

La bataille de Saint-Lô

Elle se déroule à Saint-Lô du 15 au 18 juillet.

lire l'article détaillé Bataille de Saint-Lô (1944)

L'opération Cobra et la percée d'Avranches

Elle se déroule du 24 juillet au 31 juillet 1944

lire les articles détaillés : Opération Cobra et Libération d'Hébécrevon (1944)

La bataille de Mortain

Une contre-attaque allemande lancée le 6 août rencontre la résistance des Américains jusqu'au 13 août.

lire l'article détaillé : Bataille de Mortain (1944)

Camps de prisonniers allemands

Bilan

Bibliographie

  • Collectif, Numéro spécial du cinquantenaire 1944-1994, Revue de la Manche, n° 142 , avril 1994.
  • Philippe Huet et Elizabeth Coquart, Le Jour le plus fou, éd. Albin Michel, 1994, réédité aux éd.Ouest-France, 2024
  • 100 jours pour la Liberté, hors série, éd. Ouest-France, juin 2019.
  • Isabellle Bournier, Sébastien Corbet, Le débarquement en bande dessinée, éd Orep, 2019.
  • Jérémie Halais, D-Day, l'essentiel du Débarquement et de la bataille de Normandie, éd. Orep, 2023.

Vidéos

De Dominique Forget, documentaliste et réalisateur audiovisuel (SARL Archives de Guerres) :

  • 1944, la libération de la Manche, DVD, 90 min, 2009
  • Leclerc et la 2e DB, de Koufra à Strasbourg, DVD, 2009
  • Mémoires de guerre, Manche 1939-1945, DVD, 2011
  • Manche 1944, Thank you Americans, DVD, 60 min, 2014

Notes et références

  1. 1,0 1,1 1,2 1,3 1,4 1,5 1,6 1,7 1,8 et 1,9 Jean-Pierre Azéma, Philippe Burrin et Robert Owen Paxton, 6 juin 44, Perrin, 2004.
  2. 2,0 et 2,1 Jean-Jacques Lerosier, « La bataille de Normandie en neuf points », Le Monde, 4 juin 2014.


Articles connexes