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Histoire du Mont-Saint-Michel

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Histoire du Mont-Saint-Michel

L'histoire ancienne de la commune étant peu dissociable de l'histoire de l'abbaye elle-même, voir aussi l'article consacré à l'abbaye du mont Saint-Michel.

Du mont Tombe aux pèlerinages

Le Mont Saint-Michel à la fin du Xe siècle.
Chevaliers s'inclinant devant l'abbé Roger.

Avant l'ère chrétienne, le Mont est probablement déjà un lieu de culte. D'après La revelatio ecclesiae sancti Michaelis (manuscrit dont la copie du Xe siècle est conservée à la bibliothèque du fonds ancien d’Avranches), les populations environnantes le nomment alors le Mont Tombe [1]. Au VIe siècle, des ermites installent deux sanctuaires sur le mont Tombe.

En 709, toujours selon la Revelatio ecclesiae sancti Michaelis, Aubert, évêque d'Avranches, aménage un sanctuaire, suivant ainsi les ordres de l'archange apparu dans ses rêves. Il confie les reliques de saint Michel, ramenées de Gargano (Italie), à une douzaine de chanoines.

Le site ne subit pas les invasions normandes et sert même de refuge aux familles du littoral viennent y chercher refuge, fondant ce bourg montois qui grandira à l'ombre de l'établissement religieux [2]. Si certains auteurs évoquent un pillage de l’abbaye du Mont-Saint-Michel par les Vikings dans les années 840 [3], sans préciser leur source, d’autres comme Pierre Bouet pensent que l’abbaye, a été préservée de leur convoitise par les Bretons qui en avaient le contrôle [4]. Toutefois, la saga dite d’Olaf Haraldson, rédigée entre 1179 et 1241 mentionne le nom viking de la baie du Mont-Saint-Michel : le Hringsfjördr, autrement-dit le fjord en rond [5]. Sinon aucune découverte archéologique ne vient étayer l’hypothèse d’un pillage ni même d’une occupation par les vikings [6].

En 933, le Mont, le diocèse d’Avranches et celui de Coutances deviennent normands [7]. En 966, alors que l'église préromane est achevée [8], le duc Richard Ier chasse les chanoines pour y placer des bénédictins de Saint-Wandrille (aujourd'hui en Seine-Maritime). Leur premier abbé, Maynard, instaure la vie monastique au Mont, et initie le développement spirituel, intellectuel et économique de la communauté. Cette installation symbolise le retour définitif du diocèse d’Avranches dans sa province ecclésiastique d’origine, après que les Bretons en ont été chassés [9].

La construction de l’abbatiale romane et du monastère, au dessus de la chapelle carolingienne [2], s'étale entre 1023 et 1084 [7]. Henri Ier Beauclerc (d'Angleterre) y est assiégé par ses deux frères en 1091 [7].

Le côté nord de la nef de l'église romane s'effondre en 1103, entraînant des bâtiments conventuels proches. Puis, en août 1138, les habitants d'Avranches incendient le Mont dans un contexte de désaccord avec les moines sur la succession de Henri Ier Beauclerc [10].

Sous le prieurat de Robert de Torigni (1154-1186), sont élevés les bâtiments de l'ouest [7]. Après l'incendie par les Bretons de Guy de Thouars en 1204, le Mont Saint-Michel rejoint le domaine royal et Philippe-Auguste fait une importante donation [7]. La « Merveille », partie nord de l'abbaye, sur trois niveaux, est élevée entre 1211 et 1228 [7]. A la même période, le Mont accueille les pèlerinages de Louis VII et d’Henri II Plantagenêt (1158), Philippe III le Hardi (1272), Philippe IV le Bel (1311). C'est au retour du Mont que les pastoureaux lancent leurs croisades antisémites en 1320. D'autres jeunes bergers convergent en 1333 [7].

Le Mont-Saint-Michel forteresse

La guerre de Cent ans débute en 1337. Tombelaine est aux mains des Anglais à partir de 1356 et l'année suivante, Bertrand du Guesclin est nommé gouverneur de Pontorson et du Mont Saint-Michel [7]. De nouvelles fortifications, dont la tour Perrine, sont élevées sous l'abbatiat de Pierre Le Roy (1386-1410) qui accueille en pèlerinage Charles VI en 1393 et 1394 [7]. L'abbé Robert Jolivet (1411-1444) commence par soutenir le siège face aux Anglais afin de se soumettre en 1420, sans que la place forte ne tombe. Jean d’Harcourt, comte d’Aumale, puis Louis d’Estouteville en 1424, deviennent capitaines de la place du Mont Saint-Michel. Le chœur roman de l’église abbatiale s’écroule en 1421 et les remparts sont à nouveau renforcés en 1425.

Lord Thomas de Scales reprend le siège en 1434 [7]. Sous l'abbatiat de Guillaume d’Estouteville (1445-1482), premier abbé commendataire du Mont (titulaire sans obligation de présence) [7], la reconstruction du chœur de l'église abbatiale est lancée en 1446, et jusqu'en 1450, année de la reconquête de la Normandie par les Français. Le Mont-Saint-Michel n'est pas tombé en près de 30 ans.

Les pèlerinages reprennent : Louis XI en 1462, 1467 et 1472, Charles VIII en 1487, François Ier en 1518 (lequel revient le 8 mai 1532 préparer le rattachement à la France du duché de Bretagne), Charles IX en 1562, dernier roi de France à venir en pèlerinage [7]. Louis XI fonde en 1469 l'ordre de Saint-Michel [2]. Les travaux sont également réactivés pour relever le chœur roman effondré, dans un style gothique flamboyant, achever le logis abbatial et la citerne de l'aumônerie [2].

Vers la décadence

Le mont Saint-Michel, gravure de Nicolas Tassin, 1631.

Progressivement, l'archange Saint-Michel et le Mont qui lui est dédié perdent leur aura dans la France de la Renaissance. Comme un symbole, Henri III fonde en 1578 l'ordre du Saint-Esprit, visant à remplacer l'ordre de Saint-Michel [2].

Entre 1577-1598, les guerres de religion voient de nombreux coups de mains des protestants menés par Montgommery contre l’abbaye. En septembre 1591, ils tentent de s'introduire dans l'abbaye grâce à une trahison. Mis au courant, le gouverneur laisse grimper les assaillants aux remparts par une corde avant de tuer un à un les quatre-vingt-seize huguenots [2].

L'édit de Nantes en 1598 ramène la paix religieuse et ne fait plus du Mont une place militaire disputée.

La commende passe à un laïc en 1643, Jacques de Souvré [7]. En 1661, on note la visite de la marquise de Sévigné.

L’abbaye se dégrade au cours du XVIIIe siècle [2]. Un onzième incendie ravage en 1776 trois travées de l’église abbatiale [7]. Elles sont abattues en 1780 et l'on bâtit une façade en style jésuite [2]. La baie en revanche intéresse Quinette de la Hogue qui, en 1757, présente un projet de poldérisation.

En 1790, les derniers bénédictins quittent le Mont, chassés par la Révolution. Les biens de l’abbaye sont nationalisés. Le Mont Saint-Michel devient une commune [7]appelée « le mont Libre ».

La Bastille des mers

La Révolution livre le Mont aux pillages et renomme le lieu « Mont-Libre », alors qu'elle la transforme en lieu de détention [2].

  • 1793 : internement au Mont de 300 prêtres réfractaires, jusqu'en 1795 [11].
  • 1811 : le Mont devient une maison d’arrêt centrale, qui compte jusqu'à 700 détenus [11].
  • 1817 : la maison d’arrêt est transformée en maison de force et de correction. L'hôtellerie romane s'écroule [2].
  • 1830 : incarcération de prisonniers politiques légitimistes et républicains.
  • 1834 : incendie d'un atelier dans l’église abbatiale qui détruit les combles de la nef [2].
  • 1836 : visite de Victor Hugo.
  • 1848 : tous les détenus politiques sont transférés dans d’autres prisons.
  • 1858-1863 : canalisation du Couesnon [8].
  • 1863 : fermeture de la « maison de force et de correction » par Napoléon III [11].

Architectes et restaurations

Après l'effondrement (1817) des bâtiments sud-ouest édifiés par Robert de Torigny
Le mont Saint-Michel, lithographie de 1842.
Le mont Saint-Michel, gravure de 1884.

Le romantisme redécouvre les trésors médiévaux, à l'image de l'architecte Viollet-le-Duc, qui visite le Mont en 1835 et de Victor Hugo, qui vient en 1836. Si Mérimée ne met pas l'abbaye sur sa première liste des Monuments historiques, elle y apparaît en 1874 [2].

Au XXIe siècle

  • 2005 : début des travaux visant à rétablir « le caractère maritime » du Mont-Saint-Michel.
  • 2008 : le 29 août, à l'occasion de la visite officielle du Dalaï-Lama en France et des Jeux olympiques organisés à Pékin, l'actrice Véronique Jannot et l'aventurière Priscilla Telmon sautent en parachute avec le drapeau du Tibet au-dessus du Mont-Saint-Michel [14].
  • 2012 : le Mont est désormais interdit aux automobiles : on ne peut plus s'y rendre qu'à pied depuis le barrage de la Caserne (2 km), ou en empruntant un service de navettes [15].
  • 2013 : le 24 juillet, le Mont redevient véritablement une île pour la première fois depuis 1879 lors d'une marée de coefficient 108 [16].
  • 2015: le 31 octobre, François Hollande inaugure le pont-passerelle en remplacement de la digue route.
  • 2016 :
  • 2017 : les archéologues continuent de mettre au jour l'ancien cimetière qu'on croyait détruit en 1913, révélant une trentaine de sépultures datant peut-être de huit siècles [18].
  • 2018 :
    • 18 juillet : le premier ministre Édouard Philippe annonce la création d'un établissement public et commercial (Epic) pour gérer Le Mont Saint-Michel, cet Epic doit se substituer au syndicat mixte Baie du Mont Saint-Michel et gérer aussi l'abbaye [19].
    • 2 août : visite du ministre de l'Intérieur Gérard Collomb qui rencontre les forces de l'ordre et rassure les touristes face à la menace terroriste [20]. Il est reçu ensuite à la mairie avant de visiter l'abbaye.

Notes et références

  1. Pierre Bouet, La revelatio ecclesiae sancti Michaelis , Office universitaire d'études normandes, (lire en ligne).
  2. 2,00 2,01 2,02 2,03 2,04 2,05 2,06 2,07 2,08 2,09 2,10 et 2,11 Jean Couvreur, « I. - Naissance, gloire et décadence de la “merveille de l'Occident” », Le Monde, 7 septembre 1965.
  3. Jean Renaud, Les Vikings et la Normandie, éd. Ouest-France, 1989, p. 37.
  4. Pierre Bouet, « Des origines à l’arrivée des Bénédictins », Le Mont-Saint-Michel, éd, du Patrimoine, 2015, p. 44.
  5. David Nicolas-Méry, Avranches, capitale du pays du Mont-Saint-Michel, éd, Orep, 2011, p. 27.
  6. Daniel Levallet, « Les traces toponymiques de la présence anglo-scandinave autour de la baie du Mont-Saint-Michel », Revue de l'Avranchin, t. 94, 2017, p. 45-72.
  7. 7,00 7,01 7,02 7,03 7,04 7,05 7,06 7,07 7,08 7,09 7,10 7,11 7,12 7,13 7,14 et 7,15 Service éducatif des archives départementales de la Manche, Mont et Merveille, 13 siècles d'histoire, 13 histoires, septembre 2009.
  8. 8,0 8,1 8,2 8,3 et 8,4 « Treize siècles d'aménagements », Le Monde, 12 février 2003.
  9. Réaction de Philippe Cléris à l'article « Le Mont-Saint-Michel n'est pas un accident de l'histoire  », La Manche Libre, site internet, 30 septembre 2016.
  10. David Nicolas-Méry, Avranches, capitale du pays du Mont Saint-Michel, éd. Orep, 2011, p. 38.
  11. 11,0 11,1 et 11,2 Jérémie Halais, La Prison du Mont-Saint-Michel 1792-1864, Lemme Édit, 2022.
  12. « L’Archange de l'abbaye du Mont-Saint-Michel va reprendre des couleurs », La Gazette de la Manche, 11 février 2016.
  13. « Tour de France : au Mont, ce sera coton », Ouest-France, 2 juillet 2013 (lire en ligne).
  14. « Résumé de la visite de SS le Dalaï Lama, des JO, et des manifestations », Tibet-Info, site internet, 9 septembre 2008 (lire en ligne).
  15. Éric Bléas, « Ave navette, ceux qui vont marcher te saluent », Ouest-France, 30 avril 2012.
  16. Christian Gauvry, « Le Mont-Saint-Michel a goûté à l'insularité, une première depuis 1879 », AFP, 24 juillet 2013, 22 h 22 ; Jacques Serais, « 134 ans après, le Mont redevient une île », Ouest-France, 25 juillet 2013.
  17. « 14 squelettes découverts au Mont-Saint-Michel », Ouest-France, site internet, 23 septembre 2016 (lire en ligne).
  18. « Le cimetière paroissial mis au jour par des fouilles », Dimanche Ouest-France, 22 janvier 2017.
  19. « Mont Saint-Michel : la gestion du site confiée à un Établissement public national », La Presse de la Manche, site internet, 18 juillet 2018.
  20. Florian Hervieu, « Sécurité au Mont-Saint-Michel : Gérard Collomb veut rassurer les touristes », La Gazette de la Manche, site internet, 2 août 2018.