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Histoire de Valognes

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Histoire de Valognes

Bâtie dans un vallon où se réunissent plusieurs ruisseaux, et près de l'emplacement qu'occupait l'ancienne cité d'Alauna, Valognes aurait été fondée à l'époque où fut détruite la cité romaine. Les habitants qui échappèrent à l'incendie se réfugièrent au val, alors habité par des potiers, et s'y établirent : la principale rue de Valognes porte même encore le nom de « rue de Poterie ».

Durant les guerres qui désolèrent la province, depuis le XIIe siècle jusqu'au XVIIe, elle a pu avoir part à la bonne ou mauvaise fortune des villes circonvoisines, mais non exercer une influence notable. Elle possédait un château-fort, qu'un des continuateurs de l'abbé Velly a dit avoir été bâti par Clovis, mais sans citer de garants, et comme pour la plupart des cités du Moyen Âge, son histoire se lie si intimement à celle de son château, qu'elles ne font pour ainsi dire qu'une.

La première mention de Valognes remonte au séjour de Guillaume Ier, duc de Normandie, qui y résidait volontiers, et où son fou vint l'avertir, au milieu de la nuit, que les seigneurs du Bessin et du Cotentin, conjurés contre lui, se proposaient de le surprendre et de l'assassiner. Il monta aussitôt à cheval, s'enfuit à travers cent périls et gagna Falaise (Calvados). La bataille du Val-des-Dunes, en ruinant les prétentions de Guy, comte de Bourgogne, assura au Bâtard la possession de son duché.

Le château [1] était sans doute peu considérable à cette époque, puisque Guillaume s'y crut si peu en sûreté, qu'au lieu d'y attendre ses ennemis, il mit la plus grande précipitation à s'en éloigner.

Guerre de Cent Ans

Il n'en est plus question jusqu'en 1346 Pas clair . Édouard III, roi d'Angleterre, prend la ville sans coup férir, y couche, la fait piller et en part le lendemain Quand ? après l'avoir incendiée.

Neuf ans après, un traité conclu à Valognes même avec le roi de France, confirme le traité de Mantes en cédant cette ville avec le Cotentin, à Charles II, roi de Navarre. Ce traité de Valognes, signé le 10 septembre 1355, laisse en revanche au seul roi de France la nomination des châtelains de Cherbourg, Gavray, Mortain, Avranches et Carentan occupés par les Navarrais.

On a tout lieu de croire que Charles de Navarre, à qui Cherbourg dut les hautes et puissantes murailles qui le défendaient, la fortifia également. Du moins, lorsqu'en 1364, Bertrand Du Guesclin vint en faire le siège, le château était-il en bon état de défense. Il soutint plusieurs assauts, et à la honte de la garnison qui avait capitulé, une poignée d'Anglais put résister seule encore quelques jours, et ne céda que par surprise. Le traité de Guérande rendit cette forteresse au roi de Navarre qui la perdit de nouveau en 1378. Du Guesclin, maître de toutes les villes que ce prince possédait en Normandie, n'avait échoué que devant Cherbourg ; la garnison anglaise de cette place escarmouchait fréquemment avec les garnisons des places voisines. Les deux partis, ayant leurs principaux chefs en tête, se rencontrèrent le 4 juillet 1379, dans la forêt de Valognes et en vinrent aux mains. « La bataille, dit Froissart, dura longuement, et moult fut fort combattue et bien continuée tant d'un côté comme d'autre. » À la fin cependant les Anglais eurent le dessus, et Guillaume des Bordes, gouverneur du Cotentin, fut fait prisonnier.

Charles VI.

En 1415, l'aliénation mentale dans laquelle était tombé le roi Charles VI, l'inimitié qui avait éclaté entre les grands du royaume et les troubles que cette division suscita, encouragèrent les prétentions de Henri V, roi d'Angleterre. Il mit sur pied une armée de plus de 50 000 hommes, passa en France et s'empara successivement de toute la Normandie; Cherbourg fut la dernière ville qu'il prit, encore n'y parvint-il qu'après un siège de trois mois, qui lui coûta la perte d'un tiers de ses troupes, et en subornant à prix d'or le gouverneur. A partir de cette époque (1418) Valognes, comme le reste de la province, resta plus de trente ans sous la domination anglaise.

En 1449, les hostilités recommencèrent, et Charles VII enleva à l'Angleterre plusieurs des places dont elle avait la possession : Valognes était du nombre ; mais l'année suivante, Thomas Kiriel, général anglais, étant venu l'assiéger, il l'amena à capituler après un blocus de trois semaines. Les succès des armes anglaises touchaient à leur terme. L'échec de Formigny porta un coup terrible aux Anglais ; la plupart des villes de Basse-Normandie leur furent aussitôt reprises, et la reddition de Cherbourg, le 12 août, les chassa enfin du territoire français.

Le pays put goûter quelque repos. Sous Louis XI, des cordeliers installent un couvent et un hôtel-Dieu est ouvert en 1497. La ville qui reçoit la visite de François Ier le 30 avril 1532 est alors prospère. Elle est le siège d'administrations et juridictions du Cotentin.

Guerres de religion et démolition du château

En 1562, les protestants, excités et soutenus par Elisabeth, s'insurgent et se rendent maîtres d'un grand nombre de villes. Ils assiègent Valognes et se servent du canon de la tour de l'île Tatihou pour battre le château : les uns disent qu'ils l'emportèrent, d'autres, que Matignon, arrivé à temps, les força de se retirer.

À la paix conclue le 19 mars 1563, la France rentra dans ses possessions. Montgommery, à la tête des protestants, arriva devant Valognes le 6 février 1573 ; il le bloqua et l'attaqua vigoureusement sans pouvoir le réduire. Après 24 jours d'efforts inutiles et des pertes considérables, tant en hommes qu'en matériel, il leva le siège. Plus heureux l'année suivante, il prit la ville et le château, mais ne les conserva que peu de temps. En 1588, cette place eut part à l'insurrection de presque toutes les villes de Normandie et entra dans la Ligue. — En 1593, Matignon reçut du roi l'ordre d'en démolir le château ; cet ordre n'ayant point été exécuté, elle soutint encore un siège en 1649. Celui-ci eut lieu à l'occasion de la Fronde. Le comte de Bellefonds commandait pour le roi dans la Basse-Normandie, et Matignon, petit-fils de celui dont il vient d'être parlé, y tenait pour les Frondeurs. Valognes devint un centre des opérations du parti Mazarin ; Matignon, conformément aux ordres que lui avait expédiés le duc de Longueville, chef des mécontents, réunit de six à sept mille hommes de troupes, se présenta, le 20 mars, sous les murs de la ville, et somma le gouverneur de la lui livrer. Bellefonds refusa, quoiqu'il n'eût avec lui que deux cents soldats et une milice bourgeoise peu nombreuse. Elle fut investie sur-le-champ, et les fortifications furent battues en brèche par cinq fortes pièces de canon amenées de Cherbourg. Elle était mal approvisionnée ; les munitions s'épuisèrent, et force fut de capituler, quand elle eût pu tenir encore un certain temps. La population eut sans doute beaucoup à souffrir de ces événements, car un témoin oculaire, qui en écrivit alors la relation sur le registre des baptêmes de l'église Saint-Malo, termine son récit par ces mots : Dieu préserve Valognes de pareils malheurs que ceux qu'il a soufferts pendant ce siège. Huit jours après on commença la démolition du château ; mais elle ne fut consommée que sous Louis XIV, en 1689, année où tomba pareillement celui de Cherbourg. Quelques pans de murailles, quelques logements restés debout disparurent lorsqu'on aplanit le terrain en 1788. Cette forteresse se trouvait dans l'emplacement qu'occupe aujourd'hui la place du Château. Il n'en reste aucun vestige apparent, et les souterrains, en partie comblés, sont sans issue.

Plan de Valognes en 1767.
Rue de Poterie et église Saint-Malo
début du XXe siècle.

Révolution

En janvier 1791, l'abbé de la Rive et ses vicaires refusent le serment à la Constitution. Le gouvernement installe un nouveau prêtre constitutionnel, les contraignant à quitter au mois d'octobre suivant le presbytère et l'église [2].

Époque moderne et contemporaine

Valognes est une sous-préfecture de 1800 à 1926. Jules Barbey d'Aurevilly mentionne dans Le Dessous de cartes d'une partie de whist la présence de Britanniques dans la commune sous la Monarchie de Juillet, « attirés par cette ville qui leur rappelait certains endroits de leurs comtés. Ils l'aimaient pour son silence, pour sa tenue rigide, pour l'élévation froide de ses habitudes, pour les quatre pas qui la séparaient de la mer qui les avait apportés et aussi pour la possibilité d'y doubler, par le bas prix des choses, le revenu insuffisant des fortunes médiocres de leur pays ».

En 1867, la commune de Valognes absorbe celle d'Alleaume qui comptait à l'époque 491 habitants, puis, en 1929, cède un territoire d'environ 100 hectares peuplé de 129 habitants pour la création de la commune nouvelle de Saint-Joseph (avec Brix, Négreville et Tamerville).

Durant la Seconde Guerre mondiale, un camp d'internement est installé dans les locaux du Collège Sainte-Marie. Ce serait le seul en France où la stérilisation forcée de femmes tsiganes aurait été effectuée [3].

Valognes est libérée le 20 juin 1944 [4]. Le 6 juin précédent, vers 14 h, les bombes alliées détruisent Alleaume et font une quarantaine de victimes. Le 7 vers 20 h 45, la gare est visée, le Refuge est touché, des religieuses sont tuées. Le 8, en trois largages successifs à partir de 9 h, les bombes rasent le centre-ville, éventrent l'église Saint-Malo et font fuir les Valognais. Les bombardements reprennent le 12 juin, et les Allemands quittent à partir du 17 la ville en ruines, encerclée le 19 par les Américains. Ces bombardements font « environ 400 victimes et d'énormes destructions » [5].

Détruite à plus de 60 % par les combats, la ville est reconstruite par l'architecte Olivier Lahalle qui en modifie profondément la physionomie urbaine : il élève le nouvel hôtel de ville, réaménage les rues et les places. Yves-Marie Froidevaux rebâtit quant à lui l'église Saint-Malo.

Notes et références

  1. Le château de Valognes, Georges Le Barbanchon, Revue du département de la Manche, n° 2, 1959.
  2. Vcte de Brachet, Le conventionnel Jean-Baptiste Le Carpentier, Perrin, 1912.
  3. Martin Gilbert, Atlas de la Shoah, L’Aube, 1982, carte 182, p. 141.
  4. « Les villes de Normandie pendant les combats de 1944. Valognes (Manche) », dday-overlord.com, consulté le 14 février 2018 (lire en ligne).
  5. Georges Lepelley, « Aperçu géographique et historique », Art de Basse-Normandie, n° 56, spécial « Valognes », 1er trimestre 1971, p. 19.