Actions

Visite d'une église

De Wikimanche

Visite des églises dans le diocèse de Coutances et Avranches

Une église, au sens large, est un édifice initialement consacré aux offices et à la prière. Dans la Manche ce sont des églises catholiques. Pour les édifices consacrés aux cultes protestants on parle plutôt de temples.

Pour profiter de la visite des églises du diocèse, il est utile de connaître les éléments de son architecture, de son mobilier et de sa symbolique.

Architecture

Il n'existe pas de plan type d'église. Depuis la simple salle rectangulaire d'une église rurale de faible importance, jusqu'à la complexité inégalable de l'église abbatiale du Mont-Saint-Michel, la disposition des espaces et des éléments bâtis est d'une très grande variété.

Le seul point commun qu'on peut trouver à toutes les églises, c'est que leur plan n'est jamais « barlong » : c'est à dire qu'il n'existe pas d'église dont l'espace intérieur est orienté vers le plus long mur de l'édifice[1].

Cependant, au fil de l'évolution des modes de constructions et du rituel chrétien, il s'est établi un certain nombre d'éléments architectoniques reconnaissables d'une église à l'autre, dont on peut ici dresser une répertoire, qui ne peut prétendre à l'exhaustivité.

Au plus simple : une nef et un chœur

Le chœur de l'église de Vrasville ne se distingue de la nef que par son aménagement mobilier.

A minima l'espace interne d'une église est un simple rectangle, préférentiellement avec ses petits côtés à l'Est et à l'Ouest. On entre traditionnellement par le petit côté Ouest directement dans ce qu'on appelle la nef. C'est l'espace principal d'accueil des fidèles.

Le chœur constitue alors l'extrémité Ouest. Il peut se distinguer de la nef de multiples façons : un artifice mobilier, un emmarchement, etc. Le chœur est l'espace principal où est célébré le rituel. Suivant les périodes il peut être réservé au clergé.

L'église de Vrasville est un bon exemple d'église minimale, pour sa partie la plus ancienne.

Voir et entendre l'église : le clocher

Un clocher à bâtière, ici entre nef et chœur, à Saint-Jean-des-Champs

Le clocher abrite les cloches. C'est la seule et unique caractéristique commune à tous les clochers ! Cette construction s'élève au-dessus, à côté, à l'une ou l'autre des extrémités de l'église, il peut en être séparé de quelques mètres, ou de beaucoup plus ! Il affecte généralement la forme d'une tour, c'est la caractéristique iconique de tous les villages de France, mais ce n'est pas toujours le cas.

Il n'y a pas de terme consacré pour toutes les situations du clocher, mais on peut distinguer :

  • Le clocher porche, situé à l'est et dans le pied duquel se trouve l'entrée de l'église (exemple : Baubigny)
  • Le clocher à l'extrémité Ouest. (Agneaux)
  • le clocher qu'on appellera ici latéral, au nord ou au sud de l'église (Sud à Tamerville, nord à Breuville) généralement situé à hauteur de la limite entre nef et chœur.
  • le clocher entre nef et chœur, au dessus de l'église (Bérigny)
  • le clocher à la croisée du transept (on verra ce terme plus loin) (Marchésieux)
  • Le clocher autonome du type campanile, fréquent dans les églises de la reconstruction (Donville-les-Bains ou Sainte-Croix-de-Saint-Lô).
Église de Fermanville, on distingue tout là haut son clocher, dans une situation atypique
  • On trouve aussi des clochers très éloignés de l'église comme à Fermanville. L'église étant située au fond de la Vallée des Moulins, le son des cloches, si on les avait avait placées dans l'église, aurait été réverbéré par les flancs du vallon et n'aurait eu qu'une portée très médiocre. Il a donc été construit à proximité des lieux-dits Mont Tereire et Tôt de Haut, sur les hauteurs du lieu, simplement pour avoir de la voix. Il n'avait plus besoin d'être une tour et ressemble donc à une bâtisse tout à fait banale.

Certaines églises ont deux clochers totalement différents, comme celle de Saint-Jores ou Gatteville-le-Phare.

Certains clochers, notamment dans le nord Cotentin, ont servi de tour de guet au Moyen Âge, mais aussi beaucoup plus tardivement ! Témoin l'église de Réthoville, dont le garde-corps sommital a été copieusement bétonné pour servir de protection aux artilleurs allemands durant la Seconde guerre mondiale. Espérons qu'un jour un habille restaurateur saura jouer du burin pour retrouver l'originale dentelle de pierre qui est - parait-il - toujours noyé dans l'épouvantable ouvrage défensif.

On peut recenser dans la Manche plus de trois-cent-quarante clochers du type en bâtière. Ce type est par construction le plus facile à réaliser, car ne comportant que des pannes rectilignes portées par les murs-pignons ; c'est donc le clocher le moins onéreux à construire…

Un pas de plus dans la complexité : les bas-côtés et le transept

Nous n'avons jusque là parlé que des formules d'église les plus simples en plan. Il faut maintenant parler de coupe pour distinguer des dispositifs de plus en plus complexes. Donc prenons une église pour la scier vigoureusement et regarder à quoi ressemble notre trait de scie, et voyons apparaître les bas-côtés (aussi appelés les collatéraux).

On comprend qu'il s'agit d'agrandir l'église. En écartant les murs on arrive vite à la limite des procédés de construction, qu'il soient de bois ou de pierre, et la lumière a de plus en plus de mal à rentrer jusque au centre du bâtiment. L'idée est donc de remplacer les murs par une série de pilier, et de créer deux nouveaux espaces de part et d'autre de la nef : les bas-côtés.

En même temps que cette innovation en coupe, on voit apparaître le transept qui cette fois bouleverse le plan : de rectangulaire, l'église peut prendre une forme de croix généralement latine, parfois grecque. Quand une croix latine est debout, le transept en serait la barre horizontale.

Voilà, à titre d'exemple, le plan de l'église de Marchésieux. On y a repéré les différents espaces créés par l'invention du bas côté et du transept. Au passage on y comprend ce qu'est une travée et on voit apparaître deux autres éléments : le porche et la sacristie.

Plan de l'église de Machésieux dans la manche. Décalque d'un relevé dressé par Marc Thibout, avant 1937

La sacristie est l'annexe de l'église où sont déposés les vêtements sacerdotaux, les vases sacrés, etc.

  • Le parvis : espace extérieur, situé devant l'entrée principale (le portail), qui est souvent un lien d'échange, de rencontre et de rassemblement.
  • Le narthex : parvis intérieur de l'église où se rassemblent les catéchumènes (personnes demandant le baptême)
  • L'abside : extrémité arrondie de l'église dans le fond du chœur.
  • Le déambulatoire : espace de circulation tournant autour de l'abside.
  • Les absidioles : petites chapelles réparties en demi-cercle de part et d'autre de l'abside.

Périodes

  • Roman : style le plus ancien, il livre des édifices massifs, utilisant des arcs semi-circulaires, dits en plein cintre, des colonnes aux chapiteaux historiés d'où sortent personnages et animaux.
  • Gothique : initié dans les années 1160-1170, le gothique joue, grâce aux voûtes sur croisées d'ogives, aux arcs brisés et aux arcs-boutants, sur la hauteur et la lumière qui entre par les grandes fenêtres percées dans les murs et ornées de vitraux.
  • Gothique rayonnant : entre 1230 et 1380, le gothique évolue vers des fenêtres de plus en plus grandes, des colonnes de plus en plus fines, et des ornements plus nombreux (cercles, trèfles polylobes, rosaces...).
  • Gothique flamboyant : postérieur à la Guerre de Cent Ans, ce style est caractérisé par une profusion décorative : portails monumentaux aux multiples statues, pinacles, balustrades sculptées...
  • Reconstruction : après les destructions de la Seconde Guerre mondiale, les églises sont reconstruites en appliquant les méthodes architecturales modernes : usage quasi-exclusif du béton, vaisseau souvent unique éclairé des grandes verrières aux vitraux abstraits, une sobriété extérieure et une recherche de chaleur intérieure, l'incrustation dans les murs des vestiges des anciens bâtiments...

Le mobilier

  • Le bénitier : récipient en forme de coquille contenant l'eau bénite avec laquelle les chrétiens tracent sur eux le signe de croix en entrant dans l'église.
  • Les fonts baptismaux : cuve destinée à recevoir l'eau utilisée lors du sacrement du baptême.
  • La chaire : située au milieu ou en haut de la nef, surélevée grâce à un escalier, elle permet au prêtre de faire entendre son homélie aux fidèles.
  • L'autel : situé au centre de l'édifice, c'est l'objet le plus saint de l'église. Il rappelle à la fois la prière du sacrifice et la table de la Cène (dernier repas de Jésus avec ses disciples).
  • Le tabernacle : petit meuble fermant à clé où sont conservées les hosties consacrées. Il est souvent situé au centre du retable.
  • Le retable : décor vertical entourant l'ancien maître-autel situé au fond de l'église.
  • L'ambon ou lutrin : pupitre destiné à recevoir le livre de la parole de Dieu qui est lu au cours de toute célébration.
  • La poutre de Gloire (ou « perque » en Normandie) : poutre portant le crucifix ou un calvaire, elle est placée à l'entrée du chœur.
  • Les quatorze stations du chemin de croix.
  • Les stalles : situés dans le chœur, ces sièges sont destinés au clergé.
  • Les statues : représentent les Saints honorés par l'Église en raison de la qualité religieuse de leur vie. Elles sont souvent fleuries en raison d'une dévotion particulière (patron de la paroisse, légende locale, saint guérisseur, etc.). Durant la période gothique, la statuaire devient un art en soi et demeure, jusqu'au XVe siècle, une expression de l'art local, avec comme principal sujet la Vierge à l'Enfant, ainsi que quelques Christs aux liens (Colomby, Quettehou, Saint-Sauveur-le-Vicomte).
  • Les ex-votos : symboles de foi et de reconnaissance. On trouve de nombreux ex-votos marins dans la Manche.
  • Les vitraux : grisés ou colorés, ils diffusent une lumière douce et propice au recueillement. Ils représentent bien souvent la vie des saints, des épisodes bibliques ou de la vie de la paroisse. D'autres sont des hommages aux morts de la paroisse lors des Première ou Seconde Guerres mondiales. Ils sont souvent le fruit de donation de paroissiens.
  • Les reliques : restes, prétendus ou avérés, d'un saint, les reliques sont l'objet de vénération importantes à partir du IXe siècle et peuvent apporter richesse ou notoriété à l'église qui les abrite. Il peut s'agir de reliques de saints locaux, tel le reliquaire du bienheureux Thomas Hélye à Biville, le crâne d'Aubert à Avranches, les reliques de Guillaume Firmat à Mortain ou des portions de la Vraie croix et de la Couronne d’épines, comme à la cathédrale Notre-Dame de Coutances.
  • L'ostensoir : ouvrage généralement d'orfèvrerie destiné à recevoir une hostie consacrée visible à travers une vitre pour l'adoration du Saint-Sacrement.
  • L'encensoir : l'encensoir est une sorte de brûle-parfum mobile, suspendu par un jeu de 3 chainettes, plus une autre chainette servant à soulever le couvercle. Pendant les offices, le thuriféraire y place un morceau de charbon allumé servant à brûler l'encens ; il entretient la combustion en balançant l'encensoir pour que ce charbon reste allumé. L'officiant encense les personnes, l'autel... en signe de purification et de sanctification.
  • La navette : tenue par le naviculaire, elle contient l'encens destiné à être brûlé dans l'encensoir.
  • La sonnette : manipulée par un des servants , elle est utilisée pour marquer les moments importants durant les offices, par exemple, la Consécration.
  • Les burettes : deux flacons contenant l'un le vin, l'autre l'eau versés dans le calice par le célébrant durant la messe. Elles peuvent être en verre, en cristal, ou en tout autre matériaux ; si elles ne sont pas transparentes, un signe distinctif signale celle contenant le vin. La burette d'eau sert également au célébrant pour se laver les mains avant la Consécration, après quoi il les essuie avec le manuterge.

Ornements et symboles

  • Les peintures murales : les murs des églises peuvent être recouverts de peintures. Ainsi à Sainte-Colombe voit-on la Flagellation et le Christ aux outrages, à Omonville-la-Rogue la mort de Thomas Beckett et la légende de saint Hélier, le retable peint de Digulleville, la légende du pendu dépendu à Canville-la-Rocque, les anges et la vierge à l'enfant dans la crypte de Brévands, ainsi que celles protégées de Marchésieux, de Savigny, et de la chapelle du château de Grainville à Granville.
  • La Croix : symbole par excellence de la foi chrétienne. Elle se trouve dans le plan même de l'église à à l'intérieur de l'édifice. Croix d'autel ou de « perque », la Croix rappelle le sacrifice du Christ pour l'humanité.
  • L'orientation : les églises sont généralement « orientées », c'est-à-dire tournées avec le chœur vers l'Orient, là où le soleil se lève ; mais certaines églises ne respectent pas cette règle générale : par exemple l'église Saint-Clément à Cherbourg-Octeville pour laquelle le chœur est au nord. Le croyant entre dans l'église par la façade occidentale (du côté de l'ombre le matin) et s'avance vers la lumière – le Christ (du côté du levant).
  • Le carré du transept : il représente la terre, la création dans sa plénitude et sa solidité.
  • Le cercle de la coupole : il représente le ciel et couronne le monde comme une voûte céleste. Le passage du carré au cercle symbolise le passage de la terre au ciel.
  • La verticalité : elle symbolise l'aspiration à la transcendance, à l'ascension spirituelle. L'âme s'élève en même temps que le regard.
  • Les évangélistes : chacun est représenté avec son symbole :
- Mathieu avec un homme ou un ange
- Marc avec un lion
- Luc avec un bœuf
- Jean avec un aigle.
  • Les apôtres : ils sont aussi représentés avec des attributs spécifiques :
- Pierre avec des clefs ou un coq
- Jacques avec la coquille du pèlerin
- Paul avec le livre ou l'épée.

Bibliographie

  • Monseigneur Perrier, Visiter une église, Ed. Centurion, 1993
  • Les Églises communales, Comité national d'art sacré, Ed Cerf, 1995
  • B. Beck, Quand les Normands bâtissaient des églises, éd. OCEP, 1981
  • Marc Thibout . Les églises des XIIIe et XIVe siècles dans le département de la Manche. In: Bulletin Monumental, tome 96, n°1, année 1937. pp. 5-43.

Notes et références

  1. Encore existe-t-il des églises dites « à plan centré » qui n'ont pas de direction préférentielles. À notre connaissance il n'en existe pas dans la Manche. Par ailleurs, signalons que le plan barlong est une caractéristique de très nombreuses mosquées arabes.