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Sienne

De Wikimanche

La Sienne à Quettreville-sur-Sienne.

La Sienne est un petit fleuve de la Manche.

« Une rivière, c’est intelligent ».
« Celle-ci, en tout cas est immédiatement intelligible et charmante. Les vingt lieues de son cours ménagent de délicieuses échappées d’eau bondissantes et chantantes, de trouées de lumière tamisée sous les branchages, des resserrements heureux et des épanouissements de vallée entre des courbes harmonieuses qui peuvent satisfaire les sens et l’esprit [1] ».

Description

La Sienne, à Hambye.
Ruines du pont de la Roque, entre Montchaton et Orval.

Elle prend une source modeste sous les frondaisons de la forêt de Saint-Sever (Calvados) et se jette dans la Manche au havre de Regnéville-sur-Mer. Elle est longue de 76 km.

Elle entre dans la Manche près de Beslon après avoir traversé la retenue artificielle du lac du Gast.

Avant la Révolution française et la mise en place des départements, elle était entièrement du diocèse de Coutances, le traversant de part en part dans cette zone de transition entre le Cotentin et l’Avranchin.

Le Gast, Fontenermont, Saint-Aubin-des-Bois, Saint-Maur-des-Bois, Boisyvon, Saint-Denis-le-Gast, les Mesnils : autant de sylvestres noms significatifs du pays traversé.

Elle traverse ou borde notamment les communes de Saint-Maur-des-Bois, Villedieu-les-Poêles, Sourdeval-les-Bois, La Baleine, Gavray, Cérences, Trelly, Quettreville-sur-Sienne, Hyenville, Heugueville-sur-Sienne et Tourville-sur-Sienne.

Au sortir de Villedieu, la vallée accuse un relief assez tranché : succession de croupes boisées et éventuellement garnies de bruyères.

Les villages de Quettreville, d'Heugueville et de Tourville (pour suivre le cours de la rivière) ont en commun d'avoir apporté le nom du cours d'eau à leur toponyme respectif.

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Gestion

Échelle à poissons sur la Sienne à Villedieu-les-Poêles

Créé en 1993, le syndicat intercommunal d'aménagement et d'entretien de la Sienne (Siaes) a pour mission l'entretien de son bassin versant. De 2006 à 2014, un premier programme de restauration consiste à entretenir la végétation des berges, l'abattage d'arbres dangereux. Il propose aux exploitants agricoles riverains des aménagements limitant le piétinement du bétail dans les cours d'eau [2].

En 2017, des techniciens mettent en place 26 passerelles à bétail, et passages à gué, 40 aménagements pour le bétail et plus de 12 km de clôtures[2].

La Sienne doit rester propre : elle fournit quatre stations de pompage qui alimentent le réseau en eau potable [2].

En 2019, des échelles à poisson sont aménagées à Villedieu-les-Poêles[3].

Le Siaes, présidé par Stéphane Villaespesa, emploie trois techniciens de rivière, trois techniciens d'entretien et un administratif sur un mi-temps[3].

Hydronymie

Attestations anciennes

  • super fluvium Sane [var. Sene, Senæ] 1026/1027 [copie 17e s.] [4].
  • super Sienam [var. Siennam] 1056/1066 [copie 1319] [5].
  • [gén.] aque Sene 1056/1066 [copie 1319] [6].
  • Sienne 1689 [7], ~1700 [8], 1706 [9].
  • Siene 1716 [10].
  • Sienne 1719 [11], 1720 [12].
  • Siene 1751 [13], 1758 [14].
  • la riviere de Sienne 1770 [15].
  • Sienne 1771 [16], 1777 [17].
  • Sienne Riuiere 1780 [18].
  • Sienne 1753/1785 [19], 1792 [20].
  • la Sienne 1805 [21].
  • Rivière De Sienne 1820 [22].
  • Rivière de Sienne 1830 [22].
  • la Sienne 1854 [23].
  • Rivière de Sienne 1825/1866 [24].
  • la Sienne 1880 [25], 1884 [26].
  • Sienne 1926 [27].
  • la Sienne 2012 [28].

Étymologie

Albert Dauzat semble avoir été le premier à rapprocher le nom de la Sienne < Sena de celui du nom de l'île de Sein < °Seno en Bretagne, et faire l'hypothèse d'une « racine hydronymique, peut-être gauloise » [29]. Il avait en outre vu dans le nom de la Senelle un dérivé de celui de la Sienne.

Ce dernier rapprochement est repris par François de Beaurepaire qui associe également le nom de la Sienne à celui de la Sélune (Senuna ~850) [30], négligeant cependant de mentionner celui de la Sénène, qui est un affluent rive droite de la Sienne. L'auteur se borne ensuite à citer, sans l'expliciter, une « racine hydronymique sen » ou « racine indo-européenne sen » (comprendre °sen-), que l'on croit retrouver dans divers toponymes tels que Sénonnes (Mayenne), Senones (Voges), rapprochés du nom des Gaulois Senones, et Senonches (Eure-et-Loir), Senonges (Vosges) < °SENONICAS [30]. Le fait est que l'on reste un peu sur sa faim.

Il existe deux principales racines indo-européennes °sen-, l'une signifiant « vieux », et l'autre « à part, séparé », qui fournissent toutes deux des pistes intéressantes.

Hypothèse n° 1 : °sen- « vieux »

La racine indo-européenne °sen- « vieux » a souvent, outre son sens propre, une valeur laudative, et admet des significations secondaires telles que « ancien », « vénérable », « sage », voire « sacré ». En latin par exemple, elle est à l'origine des mots senex « vieux, vieillard » et senium « grand âge, sénilité », mais aussi de senatus « conseil des Anciens, Sénat » et senator « sénateur, sage » [31]. En Gaule, les Senones, qui ont laissé leur nom à Sens (Yonne), étaient « les Anciens », « les Vénérables », plutôt que « les Vieux » [32], car en gaulois le mot senos avait également cette double valeur [33]. De même, le nom de l'île de Sein (Finistère), attesté sous la forme Sena dès le premier siècle de notre ère, était « la Vénérable », « la Sacrée ». Son nom se rattache à la présence en ce lieu d'un groupe de neuf prophétesses « Sacrées », les Senæ, et donc d'un probable sanctuaire où ces femmes prédisaient l'avenir par l'intermédiaire de l'oracle d'une divinité gauloise [32]. Ce lien avec le sacré se retrouve encore dans le toponyme Senantes (Oise, Eure-et-Loir), issu du gaulois °Seno-nemeton « vénérable sanctuaire, sanctuaire sacré ».

Il est donc possible de considérer que les hydronymes en Sen- sont des créations gauloises qui relèvent du même sémantisme de « vénérable, sacré », analogues aux noms de cours d'eau en Div-, (Dive(s), Divette, Divonne, etc.), eux-mêmes issus ou dérivés du gaulois °deua « déesse ». Dans cette hypothèse, la Sienne serait alors °SENA « la Vénérable », « la Sacrée », dont les noms de la Sélune, de la Sénène et de la Senelle représentent divers dérivés : °SEN-ON-A, °SEN-AN-A et °SEN-ELL-A.

Hypothèse n° 2 : °sen- « séparé »

Cette deuxième racine, évoquant la séparation ou l'exclusion, est à l'origine, entre autres, du latin sine « sans » (d'où le français sans) ou encore de l'anglais to sunder « séparer ». On pourrait donc considérer que les hydronymes en Sen- (ou du moins, certains d'entre eux) sont des marqueurs de limites. Cependant, le cours de la Sienne ne correspond pas à la frontière entre les Abrincates et les Unelles, qui passait nettement plus au sud. Faire l'hypothèse d'un tracé antérieur de la frontière ou d'une limite de pagus à cet endroit ne repose sur rien de concret, en l'état des connaissances actuelles. Aussi paraît-t-il plus prudent de se limiter pour l'instant à la première explication.

Affluents

Rive droite
Rive gauche

Lieux et monuments

Bibliographie

  • Fernand Lechanteur, « Sites et gens remarquables de la vallée de la Sienne », Le Mois à Caen, n° 56, juin 1967, p. 6-18
  • Philippe Clairay, « La Sienne », Lettre d'information des musées de Villedieu-les-Poêles, n° 86, mai 2022 (lire en ligne)

Notes et références

  1. Fernand Lechanteur, cité en bibliographie.
  2. 2,0 2,1 et 2,2 « Parce que la Sienne, c'est aussi la vôtre », La Manche Libre, 29 octobre 2016.
  3. 3,0 et 3,1 « Depuis 1993, le Syndicat veille sur la Sienne », Ouest-France, 4-5 janvier 2020.
  4. Marie Fauroux, Recueil des actes des ducs de Normandie (911-1066), Mémoire de la Société des Antiquaires de Normandie XXXVI, Caen, 1961, p. 182, § 58.
  5. Ibid., p. 405, § 214
  6. Ibid., p. 407, § 214.
  7. G. Mariette de La Pagerie, cartographe, Unelli, seu Veneli. Diocese de Coutances, divisé en ses quatre archidiaconés, et vint-deux doiennés ruraux avec les Isles de Iersay, Grenesey, Cers, Herms, Aurigny etc., chez N. Langlois, Paris, 1689 [BnF, collection d'Anville, cote 00261 I-IV].
  8. Gerard Valk, Normannia Ducatus, tum Superior ad Ortum, tum Inferior ad Occasum, Praefectura Generalis […] Anglici Caesarea sive Jarsey…, Amsterdam, ~1700.
  9. Alexis-Hubert Jaillot (1632?-1712), La Bretagne divisée en ses neuf Eveschés […], aux Deux globes, Paris, 1706 [BnF, collection d'Anville, cote 00728 B].
  10. Guillaume de l'Isle, Carte de Normandie, Paris, 1716.
  11. Bernard Jaillot, Le Gouvernement général de Normandie divisée en ses trois généralitez, Paris, 1719.
  12. Jean-Baptiste Homann, Tabula Ducatus Britanniæ Gallis / le Gouvernem[en]t General de Bretagne, Nuremberg, 1720.
  13. Gilles Robert de Vaugondy (1688-1766), Gouvernement Generale de Normandie divise en ses sept Bailliages de Coutances, Caen, Caux, Rouen, Evreux, Gisors, et Alencon, Par le Sr. Robert Geographe ordinaire du Roy, 1751. Avec Privilege. Supplement pour les Isles Grenezey et Jersey, appartenantes aux Anglois, Boudet, Paris, 1751.
  14. G. Robert de Vaugondy, Carte du gouvernement de Normandie, Paris, 1758.
  15. Abbé Expilly, Dictionnaire géographique, historique et politique des Gaules et de la France, Amsterdam, t. VI, 1770, p. 814a.
  16. Rigobert Bonne, Carte du Gouvernement de Normandie avec celui du Maine et Perche, 1771, recueillie in Jean Lattre, Atlas Moderne ou Collection de Cartes sur Toutes les Parties du Globe Terrestre, ~1775.
  17. P. Santini, Gouvernement de Normandie avec celui du Maine et Perche, Remondini, Venise, 1777.
  18. Anonyme, Plan des Départemens de Caen Bayeux et Saint Lo suivant la Marche que les Ambulants Tiennnent lors de Leurs Recouvremens [de la taille], 1780 [BnF département Cartes et plans, GE AA-3798 (RES)].
  19. Carte de Cassini.
  20. Les Auteurs de l’Atlas National de France, Atlas National Portatif de la France, Bureau de l’Atlas National, Paris, 1792.
  21. Dictionnaire universel, géographique, statistique, historique et politique de la France, impr. Baudouin, libr. Laporte, vol. V (R-S), an XIV (1805), p. 107c.
  22. 22,0 et 22,1 Cadastre napoléonien, Archives départementales de la Manche.
  23. V. Lavasseur, Atlas National Illustré des 86 départements et des possessions de la France, A. Combette éditeur, Paris, 1854.
  24. Cartes d’État-Major (relevés de 1825 à 1866, mises à jour jusqu’à 1889).
  25. Adolphe Joanne, Géographie du département de la Manche, Hachette, Paris, 1880, p. 17.
  26. E.-A. Pigeon, Carte du diocèse d’Avranches, A. Herluison, Orléans, 1884 [BnF, GED-1158].
  27. Carte du département de la Manche, L’Illustration économique et financière, 28 août 1926.
  28. Carte IGN au 1 : 25.000.
  29. Albert Dauzat, Gaston Deslandes et Charles Rostaing, Dictionnaire étymologique des noms de rivières et de montagnes en France, Klincksieck, Paris, 1978, p. 84b.
  30. 30,0 et 30,1 François de Beaurepaire, Les noms de communes et anciennes paroisses de la Manche, Picard, Paris, 1986, p. 218 et 219.
  31. Cette valeur se retrouve également dans le germanique commun °senaz « âgé, ancien » : le °sini-skalkaz « vieux serviteur », désigne en fait l'officier qui a le plus d'expérience, et aboutit au français sénéchal.
  32. 32,0 et 32,1 Jacques Lacroix, Les noms d’origine gauloise III, La Gaule des dieux, Errance, Paris, 2007, p. 216.
  33. Xavier Delamarre, Dictionnaire de la langue gauloise, Errance, Paris, 2001, p. 229.

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