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'''Delbo-Phénix est''' un réseau de [[Résistance_dans_ la_Manche|résistance de la Manche]] créé par [[Paul Talluau]] en avril 1942 <ref> Source : La résistance dans la Manche – [[Marcel Leclerc]] - éd. La Dépêche, 1980 et éd. Eurocibles 2004</ref>.
'''Delbo-Phénix est''' un réseau de [[Résistance_dans_ la_Manche|résistance de la Manche]] créé par [[Paul Talluau]] en avril [[1942]] <ref> Source : La résistance dans la Manche – [[Marcel Leclerc]] - éd. La Dépêche, 1980 et éd. Eurocibles 2004</ref>.


[[Fichier:Paul Talluau.jpg|thumb|right|200px]]
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Paul Talluau a été recruté sous le pseudonyme d’ « Andromaque » par l’avocat parisien Edouard Bracassac qui vient d’entrer en relation à Paris avec une branche du réseau franco-belge « Delbo », et le charge de recruter des agents depuis le [[Cotentin]] jusqu’au Pas-de-Calais.
Paul Talluau est recruté sous le pseudonyme d’ « Andromaque » par l’avocat parisien Edouard Bracassac qui vient d’entrer en relation à Paris avec une branche du réseau franco-belge « Delbo », et le charge de recruter des agents depuis le [[Cotentin]] jusqu’au Pas-de-Calais.<br>
En juin 1942 Talluau recrute le marbrier Jean Delacotte (« Parchemin 51 ») qui le supplée pendant ses déplacements, et rend compte à « Raymonde » 10 rue de Vignon à Paris.
En juin 1942, Talluau recrute le marbrier Jean Delacotte (« Parchemin 51 ») qui le supplée pendant ses déplacements, et rend compte à « Raymonde » 10 rue de Vignon à Paris.


Delacotte recrute son compagnon marbrier Alexandre Crestey, colombophile, puis son voisin Michel Bronne, employé photographe qui ayant recueilli un pigeon voyageur porteur d’un message s’en était ouvert à Delacotte. Chauffeur d’ambulance à la Défense Passive de [[Cherbourg]], Bronne peut circuler librement de jour comme de nuit
Delacotte recrute son compagnon marbrier Alexandre Crestey, colombophile, puis son voisin Michel Bronne, employé photographe qui, ayant recueilli un pigeon voyageur porteur d’un message, s’en est ouvert à Delacotte. Chauffeur d’ambulance à la Défense Passive de [[Cherbourg]], Bronne peut circuler librement de jour comme de nuit.


En juillet Talluau recrute l’instituteur d’[[Octeville]] Louis Levitoux (« Lucien Ducloset »), ancien combattant de 14-18, comme agent de renseignements. Celui-ci rend compte tous les mois sur les emplacements et ouvrages bétonnés d’Octeville.
En juillet, Talluau recrute Louis Levitoux (« Lucien Ducloset »), l’instituteur d’[[Octeville]], ancien combattant de [[Première Guerre mondiale|14-18]], comme agent de renseignements. Celui-ci rend compte tous les mois sur les emplacements et ouvrages bétonnés d’Octeville.


Vers la fin de l’été Bronne recrute Roger Denis (« Sophocle ») qui est électricien pour la KriegsMarine (Marine Allemande) et peut à ce titre pénétrer dans tous les chantiers de l’ennemi dans le Nord-Cotentin. Denis est aidé par l’interprète belge Edouard Van den Branden qui peut « emprunter » le soir les plans des ingénieurs allemands, les confier à Denis qui les remettait à Talluau lequel les faisait photographier par Bronne, de façon à ce que les plans retrouvent leur place avant la reprise du travail le lendemain matin.
Vers la fin de l’été, Bronne recrute Roger Denis (« Sophocle ») qui est électricien pour la Kriegsmarine (Marine Allemande) et peut, à ce titre, pénétrer dans tous les chantiers de l’ennemi dans le Nord-Cotentin. Denis est aidé par l’interprète belge Édouard Van den Branden qui peut « emprunter » le soir les plans des ingénieurs allemands, les confier à Denis qui les remet à Talluau lequel les fait photographier par Bronne, de façon à ce que les plans retrouvent leur place avant la reprise du travail le lendemain matin.


Fernand Henry comptable à Carentan est recruté ; puis Marcel Jolivet (« Triton 44 ») qui est agent technique à la [[Naval Group|Direction des Constructions et Armes Navales]] et a été sollicité par son ami Lemauviot dont la mère tient un magasin d’alimentation près du domicile de Talluau à [[Cherbourg]].
Fernand Henry comptable à [[Carentan]] est recruté ; puis Marcel Jolivet (« Triton 44 ») qui est agent technique à la [[Naval Group|Direction des Constructions et Armes Navales]] et est sollicité par son ami Lemauviot dont la mère tient un magasin d’alimentation près du domicile de Talluau à [[Cherbourg]].


Jolivet aidé par Léon Lecres renseigne sur les entrées et sorties des navires allemands et transmet un plan de l’Arsenal fourni par le chef de travaux Fortin. Les documents sont mis en lieu sûr chez madame Lemauviot.
Jolivet, aidé par Léon Lecres, renseigne sur les entrées et sorties des navires allemands et transmet un plan de l’[[Arsenal de Cherboug|arsenal]] fourni par le chef de travaux Fortin. Les documents sont mis en lieu sûr chez madame Lemauviot.


A la même époque le réseau engage André Ledrans, conducteur de travaux à l’entreprise SACER, et des sous-agents : le notaire Lecoeur et un employé de banque de Segré (Maine et Loire) qui voyage dans tous les départements de l’Ouest.
A la même époque, le réseau engage André Ledrans, conducteur de travaux à l’entreprise SACER, et des sous-agents : le notaire Lecœur et un employé de banque de Segré (Maine-et-Loire) qui voyage dans tous les départements de l’Ouest.


En décembre Talluau obtient le concours précieux d’[[Augustin_Le_Maresquier|Augustin Le Maresquier]] (« Phébus 34 ») employé des Postes, chargé de la branche « Essai et mesures » du service téléphonique de Cherbourg, de la construction et de la réparation des lignes de communication allemandes et françaises. Il peut ainsi remettra à Talluau le plan du réseau avec les points de coupure importants et la position des têtes de câbles, ainsi que le plan exact du « circuit d’alarme » reliant entre eux les nombreux groupes de batteries allemandes, et des renseignements sur les régiments allemands et leurs effectifs.
En décembre, Talluau obtient le concours précieux d’[[Augustin Le Maresquier]] (« Phébus 34 ») employé des Postes Télégraphes et Téléphones, chargé de la branche « Essai et mesures » du service téléphonique de Cherbourg, de la construction et de la réparation des lignes de communication allemandes et françaises. Il peut ainsi remettra à Talluau le plan du réseau avec les points de coupure importants et la position des têtes de câbles, ainsi que le plan exact du « circuit d’alarme » reliant entre eux les nombreux groupes de batteries allemandes, et des renseignements sur les régiments allemands et leurs effectifs.
En fin d’année Talluau engage le vétérinaire Boué, et son épouse née Louise Girard comme « boîte à lettres » qui assure également le secrétariat du réseau. Son mari qui peut circuler dans la campagne par sa profession observe et situe les ouvrages militaires. Madame Boué assure l’hébergement de jeunes réfractaires au S.T.O. provenant d’Eure-et-Loir dont elle est originaire.
En fin d’année, Talluau engage le vétérinaire Boué, et son épouse née Louise Girard comme « boîte à lettres » qui assure également le secrétariat du réseau. Son mari qui peut circuler dans la campagne par sa profession observe et situe les ouvrages militaires. Madame Boué assure l’hébergement de jeunes réfractaires au [[STO dans la Manche|STO]] provenant d’Eure-et-Loir dont elle est originaire.


En 6 mois le secteur du réseau Delbo-Phénix fondé par Paul Talluau est bien implanté et fournit beaucoup de renseignements précis, ce que les services anglais saluent par un message radio.
En 6 mois, le secteur du réseau Delbo-Phénix fondé par Paul Talluau est bien implanté et fournit beaucoup de renseignements précis, ce que les services anglais saluent par un message radio.


Début 1943 le réseau essaie de s’étendre dans la région de [[Saint-Lô]] par l’intermédiaire de François Dravert, commerçant de cette ville dont le beau-père habite Cherbourg.
Début 1943, le réseau essaie de s’étendre dans la région de [[Saint-Lô]] par l’intermédiaire de François Dravert, commerçant de cette ville dont le beau-père habite Cherbourg.
 
Monsieur et madame Boué sont aidés par mesdames Lemonnier et Magnaud, chargées du guichet de poste restante, qui transmettent le courrier arrivé sous un faux nom à Talluau par cette voie. Ils accueillent et cachent une douzaine de réfractaires à la fois, les acheminent à la gare munis de fausses cartes d’identité fournies par le voisin et ami de Talluau Louis Levitoux (« Lucien Ducloset »).


M. et Mme Boué sont aidés par mesdames Lemonnier et Magnaud, chargées du guichet de poste restante, qui transmettent le courrier arrivé sous un faux nom à Talluau par cette voie.
Ils accueillent et cachent une douzaine de réfractaires à la fois, les acheminent à la gare munis de fausses cartes d’identité fournies par le voisin et ami de Talluau
Gaston Augure, instituteur et secrétaire de mairie à [[Flottemanville-Hague]], qui renseigne aussi sur les chantiers de rampes de lancement de V1 de cette commune.
Gaston Augure, instituteur et secrétaire de mairie à [[Flottemanville-Hague]], qui renseigne aussi sur les chantiers de rampes de lancement de V1 de cette commune.


Un requis, Alain Degonzague, fournit le plan des câbles souterrains partant de la [[Pyrotechnie_du_Nardouet|pyrotechnie du Nardouet]], et Bernard Bernou renseigne sur une tour en construction à [[Fermanville]], commune où le réseau dispose d’un agent en la personne de Mme Noblet qui relève les mouvements de l’ennemi.
Alain Degonzague, un requis, fournit le plan des câbles souterrains partant de la [[Pyrotechnie_du_Nardouet|pyrotechnie du Nardouet]], et Bernard Bernou renseigne sur une tour en construction à [[Fermanville]], commune où le réseau dispose d’un agent en la personne de madame Noblet qui relève les mouvements de l’ennemi.
 
En avril, Gaston Augure et Louis Levitoux pour le réseau nouent des contacts avec l’O.C.M. via Lucien Lacroix, instituteur à [[Tollevast]], engagé par son parent Lucien Leviandier chef à Cherbourg du réseau Centurie. En mai, le contact avec le réseau Libération-Nord s’établit dans l’Arsenal avec Henri Lecres.


En avril Gaston Augure et Louis Levitoux pour le réseau nouent des contacts avec l’O.C.M. via Lucien Lacroix, instituteur à Tollevast, engagé par son parent Lucien Leviandier chef à Cherbourg du réseau Centurie. En mai le contact avec le réseau [https://fr.wikipedia.org/wiki/Lib%C3%A9ration-Nord Libération-Nord] s’établit dans l’Arsenal avec Henri Lecres.
Le [[5 mai]], Albert Ecolivet, prisonnier de guerre libéré et voisin des Boué, s’engage dans le réseau. Agent d’assurances muni d’un laisser-passer, il parcourt avec Talluau les secteurs de [[Valognes]] et [[Montebourg]] pour obtenir des renseignements sur les chantiers de fortifications à Fontenay et [[Saint-Marcouf]].


Le 5 mai Albert Ecolivet, prisonnier de guerre libéré et voisin des Boué, s’engage dans le réseau. Agent d’assurances muni d’un laisser-passer, il parcourt avec Talluau les secteurs de [[Valognes]] et [[Montebourg]] pour obtenir des renseignements sur les chantiers de fortifications à Fontenay et [[Saint-Marcouf]].
A Montebourg, Albert Ecolivet connaît André Fortin (chef de secteur du réseau Centurie) et il engage son frère Pierre Ecolivet, horloger à [[Beaumont-Hague]] ; Auguste Corbet, boulanger à [[Gréville]] ; à [[Martinvast]] son ami René Orange, secrétaire de mairie qui fournit des cartes d’identité et des tickets d’alimentation, renseigne sur les effectifs allemands dans le bois du Mont du Roc et à [[Sideville]], et lui signale la construction de rampes de lancement à [[Martinvast]].
A Montebourg Albert Ecolivet connait André Fortin (chef de secteur du réseau Centurie) et il engage : son frère Pierre Ecolivet horloger à [[Beaumont-Hague]] ; Auguste Corbet, boulanger à [[Gréville]] ; à [[Martinvast]] son ami René Orange, secrétaire de mairie qui fournit des cartes d’identité et des tickets d’alimentation, renseigne sur les effectifs allemands dans le bois du Mont du Roc et à [[Sideville]], et lui signale la construction de rampes de lancement à Martinvast.


En septembre Talluau reçoit de [[Marie Coupey]] le relevé sur cartes des dépôts d’essence du [[Aéroport de Cherbourg-Manche| camp d’aviation de Maupertus]] et des nids de mitrailleuses qui l’entourent, ainsi que la présence d’un état-major allemand au [[Château_de_Gonneville|château de Gonneville]].
En septembre, Talluau reçoit de [[Marie Coupey]] le relevé sur cartes des dépôts d’essence du [[Aéroport de Cherbourg-Manche| camp d’aviation de Maupertus]] et des nids de mitrailleuses qui l’entourent, ainsi que la présence d’un état-major allemand au [[Château_de_Gonneville|château de Gonneville]].


Fin novembre, le réseau prend en charge un aviateur hollandais de la RAF [[Reginald Overwijn]] qui a sauté en parachute de son bombardier B-25 abattu en bombardant un chantier de rampe de lancement à [[Couville]]. Caché quelques jours à Cherbourg chez Alexandre Crestey [[Rue Gustave-Féron (Cherbourg-Octeville)|rue Gustave Féron]] à Octeville, puis dans le chantier de Delacotte [[Rue de la Duché (Cherbourg-Octeville)|rue de la Duché ]] à Cherbourg, il est convoyé à Paris chez Edouard Bracassac, et réussira à rejoindre l’Angleterre.
Fin novembre, le réseau prend en charge [[Reginald Overwijn]], aviateur hollandais de la RAF, qui a sauté en parachute de son bombardier B-25 abattu en bombardant un chantier de rampe de lancement à [[Couville]]. Caché quelques jours à Cherbourg chez Alexandre Crestey [[Rue Gustave-Féron (Cherbourg-Octeville)|rue Gustave Féron]] à Octeville, puis dans le chantier de Delacotte [[Rue de la Duché (Cherbourg-Octeville)|rue de la Duché ]] à Cherbourg, il est convoyé à Paris chez Édouard Bracassac, et réussira à rejoindre l’Angleterre.


En cette fin d’année 1943, le réseau Delbo-Phénix est en plein essor. Cependant il est menacé à la suite, croit-on, de la découverte par les Allemands d’une liste dans les débris d’un avion anglais. Talluau a reçu une lettre qui le prévient.
En cette fin d’année 1943, le réseau Delbo-Phénix est en plein essor. Cependant il est menacé à la suite, croit-on, de la découverte par les Allemands d’une liste dans les débris d’un avion anglais. Talluau a reçu une lettre qui le prévient.


De fait le 6 janvier 1944 Paul Talluau est arrêté ; il sera torturé, et déporté à Mauthausen où il décèdera (voir sa fiche).
De fait, le [[6 janvier]] [[1944]], Paul Talluau est arrêté. Il est torturé et déporté à Mauthausen où il décède.


Le 29 janvier, la plupart des membres du réseau dans le Nord-Cotentin sont arrêtés à leur tour : Augustin Le Maresquier, Alphonse Le Baron, Albert Jessurun, Fernand Henry, Jean Delacotte, Marie Coupey, ainsi que Pierre Kerroux qui est le comptable de Delacotte mais qui est rapidement libéré. Conduits à la prison de Saint-Lô puis à Fresnes, interrogés par la Gestapo, ils sont finalement libérés le 10 mars grâce à l’intervention auprès du colonel allemand Witzel, Kreiskommandant de Cherbourg, de sa confidente Thérèse Compère, membre du réseau Alliance. Celle-ci préviendre aussi Bronne de son arrestation imminente.
Le [[29 janvier]], la plupart des membres du réseau dans le Nord-Cotentin sont arrêtés à leur tour : Augustin Le Maresquier, Alphonse Le Baron, Albert Jessurun, Fernand Henry, Jean Delacotte, Marie Coupey, ainsi que Pierre Kerroux qui est le comptable de Delacotte mais qui est rapidement libéré. Conduits à la prison de Saint-Lô puis à Fresnes, interrogés par la Gestapo, ils sont finalement libérés le [[10 mars]] grâce à l’intervention auprès du colonel allemand Witzel, Kreiskommandant de Cherbourg, de sa confidente Thérèse Compère, membre du réseau Alliance. Celle-ci prévient aussi Bronne de son arrestation imminente.


Ainsi finit le réseau Delbo-Phénix après un an et demi d’existence.
Ainsi finit le réseau Delbo-Phénix après un an et demi d’existence.


{{Notes et références}}
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== Article connexe ==
== Article connexe ==
* [[Résistance dans la Manche]]
* [[Résistance dans la Manche]]
* [[STO dans la Manche]]


{{DEFAULTSORT:Delbo-Phénix}}
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[[Catégorie:Résistant de la Manche]]
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Version du 20 mars 2022 à 00:49

Delbo-Phénix est un réseau de résistance de la Manche créé par Paul Talluau en avril 1942 [1].

Paul Talluau est recruté sous le pseudonyme d’ « Andromaque » par l’avocat parisien Edouard Bracassac qui vient d’entrer en relation à Paris avec une branche du réseau franco-belge « Delbo », et le charge de recruter des agents depuis le Cotentin jusqu’au Pas-de-Calais.
En juin 1942, Talluau recrute le marbrier Jean Delacotte (« Parchemin 51 ») qui le supplée pendant ses déplacements, et rend compte à « Raymonde » 10 rue de Vignon à Paris.

Delacotte recrute son compagnon marbrier Alexandre Crestey, colombophile, puis son voisin Michel Bronne, employé photographe qui, ayant recueilli un pigeon voyageur porteur d’un message, s’en est ouvert à Delacotte. Chauffeur d’ambulance à la Défense Passive de Cherbourg, Bronne peut circuler librement de jour comme de nuit.

En juillet, Talluau recrute Louis Levitoux (« Lucien Ducloset »), l’instituteur d’Octeville, ancien combattant de 14-18, comme agent de renseignements. Celui-ci rend compte tous les mois sur les emplacements et ouvrages bétonnés d’Octeville.

Vers la fin de l’été, Bronne recrute Roger Denis (« Sophocle ») qui est électricien pour la Kriegsmarine (Marine Allemande) et peut, à ce titre, pénétrer dans tous les chantiers de l’ennemi dans le Nord-Cotentin. Denis est aidé par l’interprète belge Édouard Van den Branden qui peut « emprunter » le soir les plans des ingénieurs allemands, les confier à Denis qui les remet à Talluau lequel les fait photographier par Bronne, de façon à ce que les plans retrouvent leur place avant la reprise du travail le lendemain matin.

Fernand Henry comptable à Carentan est recruté ; puis Marcel Jolivet (« Triton 44 ») qui est agent technique à la Direction des Constructions et Armes Navales et est sollicité par son ami Lemauviot dont la mère tient un magasin d’alimentation près du domicile de Talluau à Cherbourg.

Jolivet, aidé par Léon Lecres, renseigne sur les entrées et sorties des navires allemands et transmet un plan de l’arsenal fourni par le chef de travaux Fortin. Les documents sont mis en lieu sûr chez madame Lemauviot.

A la même époque, le réseau engage André Ledrans, conducteur de travaux à l’entreprise SACER, et des sous-agents : le notaire Lecœur et un employé de banque de Segré (Maine-et-Loire) qui voyage dans tous les départements de l’Ouest.

En décembre, Talluau obtient le concours précieux d’Augustin Le Maresquier (« Phébus 34 ») employé des Postes Télégraphes et Téléphones, chargé de la branche « Essai et mesures » du service téléphonique de Cherbourg, de la construction et de la réparation des lignes de communication allemandes et françaises. Il peut ainsi remettra à Talluau le plan du réseau avec les points de coupure importants et la position des têtes de câbles, ainsi que le plan exact du « circuit d’alarme » reliant entre eux les nombreux groupes de batteries allemandes, et des renseignements sur les régiments allemands et leurs effectifs. En fin d’année, Talluau engage le vétérinaire Boué, et son épouse née Louise Girard comme « boîte à lettres » qui assure également le secrétariat du réseau. Son mari qui peut circuler dans la campagne par sa profession observe et situe les ouvrages militaires. Madame Boué assure l’hébergement de jeunes réfractaires au STO provenant d’Eure-et-Loir dont elle est originaire.

En 6 mois, le secteur du réseau Delbo-Phénix fondé par Paul Talluau est bien implanté et fournit beaucoup de renseignements précis, ce que les services anglais saluent par un message radio.

Début 1943, le réseau essaie de s’étendre dans la région de Saint-Lô par l’intermédiaire de François Dravert, commerçant de cette ville dont le beau-père habite Cherbourg.

Monsieur et madame Boué sont aidés par mesdames Lemonnier et Magnaud, chargées du guichet de poste restante, qui transmettent le courrier arrivé sous un faux nom à Talluau par cette voie. Ils accueillent et cachent une douzaine de réfractaires à la fois, les acheminent à la gare munis de fausses cartes d’identité fournies par le voisin et ami de Talluau Louis Levitoux (« Lucien Ducloset »).

Gaston Augure, instituteur et secrétaire de mairie à Flottemanville-Hague, qui renseigne aussi sur les chantiers de rampes de lancement de V1 de cette commune.

Alain Degonzague, un requis, fournit le plan des câbles souterrains partant de la pyrotechnie du Nardouet, et Bernard Bernou renseigne sur une tour en construction à Fermanville, commune où le réseau dispose d’un agent en la personne de madame Noblet qui relève les mouvements de l’ennemi.

En avril, Gaston Augure et Louis Levitoux pour le réseau nouent des contacts avec l’O.C.M. via Lucien Lacroix, instituteur à Tollevast, engagé par son parent Lucien Leviandier chef à Cherbourg du réseau Centurie. En mai, le contact avec le réseau Libération-Nord s’établit dans l’Arsenal avec Henri Lecres.

Le 5 mai, Albert Ecolivet, prisonnier de guerre libéré et voisin des Boué, s’engage dans le réseau. Agent d’assurances muni d’un laisser-passer, il parcourt avec Talluau les secteurs de Valognes et Montebourg pour obtenir des renseignements sur les chantiers de fortifications à Fontenay et Saint-Marcouf.

A Montebourg, Albert Ecolivet connaît André Fortin (chef de secteur du réseau Centurie) et il engage son frère Pierre Ecolivet, horloger à Beaumont-Hague ; Auguste Corbet, boulanger à Gréville ; à Martinvast son ami René Orange, secrétaire de mairie qui fournit des cartes d’identité et des tickets d’alimentation, renseigne sur les effectifs allemands dans le bois du Mont du Roc et à Sideville, et lui signale la construction de rampes de lancement à Martinvast.

En septembre, Talluau reçoit de Marie Coupey le relevé sur cartes des dépôts d’essence du camp d’aviation de Maupertus et des nids de mitrailleuses qui l’entourent, ainsi que la présence d’un état-major allemand au château de Gonneville.

Fin novembre, le réseau prend en charge Reginald Overwijn, aviateur hollandais de la RAF, qui a sauté en parachute de son bombardier B-25 abattu en bombardant un chantier de rampe de lancement à Couville. Caché quelques jours à Cherbourg chez Alexandre Crestey rue Gustave Féron à Octeville, puis dans le chantier de Delacotte rue de la Duché à Cherbourg, il est convoyé à Paris chez Édouard Bracassac, et réussira à rejoindre l’Angleterre.

En cette fin d’année 1943, le réseau Delbo-Phénix est en plein essor. Cependant il est menacé à la suite, croit-on, de la découverte par les Allemands d’une liste dans les débris d’un avion anglais. Talluau a reçu une lettre qui le prévient.

De fait, le 6 janvier 1944, Paul Talluau est arrêté. Il est torturé et déporté à Mauthausen où il décède.

Le 29 janvier, la plupart des membres du réseau dans le Nord-Cotentin sont arrêtés à leur tour : Augustin Le Maresquier, Alphonse Le Baron, Albert Jessurun, Fernand Henry, Jean Delacotte, Marie Coupey, ainsi que Pierre Kerroux qui est le comptable de Delacotte mais qui est rapidement libéré. Conduits à la prison de Saint-Lô puis à Fresnes, interrogés par la Gestapo, ils sont finalement libérés le 10 mars grâce à l’intervention auprès du colonel allemand Witzel, Kreiskommandant de Cherbourg, de sa confidente Thérèse Compère, membre du réseau Alliance. Celle-ci prévient aussi Bronne de son arrestation imminente.

Ainsi finit le réseau Delbo-Phénix après un an et demi d’existence.

Notes et références

  1. Source : La résistance dans la Manche – Marcel Leclerc - éd. La Dépêche, 1980 et éd. Eurocibles 2004

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