Achâner
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Dictionnaire manchois |
Achâner |
Quelqu'un qui est achâné. |
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Achâner (fr. rég. et dial), v. tr. et intr.
- 1 : achâner, v. intr., tomber, s'abattre; pleuvoir fortement.
- 2 : s'achâner, v. pron., s'écrouler lourdement, s'affaisser, s'effondrer, s'avachir, se déformer (chaussures…); d'où achâné, « affalé, avachi ».
- 3 : achâno : accroupi.
Répartition géographique
L'emploi de ce mot en français régional est caractéristique du nord de la Manche, mais il est également attesté dans le reste du département [1]. Son usage dialectal concerne surtout la Hague et le Val de Saire et ne descend guère au sud de Portbail [2], [3].
Attestations écrites
Dans la littérature dialectale
- Emploi intransitif
- ACHÂNAER [4] : 1970 L’russé ramass’ touot’ l’iao, qu’i plloueine ou achâne, « la ruisseau ramasse toute l'eau, qu'il pleuvote ou qu'il tombe des hallebardes » [5].
- Emploi pronominal
- S'ACHÂNAER [4] : 1970 Quaund sous l’peids d’lus minsères j’en veis taunt qui s’achânent, « quand sous le poids de leurs misères j'en vois tant qui s'écroulent » [5].
Dans les glossaires et dictionnaires
- Emploi intransitif
- ACHÂNAER [4] : 1993, Manche, nord de la ligne Joret [6].
- Emploi pronominal
- S’ACHANAER : 1886, Hague, s'asseoir sur les talons[7]
- S’ACHÂNER : 1989, Manche (surtout dans le nord) [1]. — 1993, Manche [8].
- S’ACHÂNAER [4] : 1993, Manche, nord de la ligne Joret [6].
- Emploi comme adjectif
- ACHÂNO, 1881, Val de Saire [9]
Attestations orales
Transcriptions : alphabet Rousselot-Gilliéron.
Emploi pronominal
- s à
cåno 1974/1976 (Cosqueville) [2].
Participe passé, « affalé », « avachi »
- à
cånaœ [10] 1974/1976 (Omonville-la-Rogue) [3]. - à
cånà 1974/1976 (Cosqueville) [3]. - à
cånò 1974/1976 (Portbail) [3].
Transcription francisée
- s'achané, s'achano, s'achana 1970 (Tourlaville — Bretteville) [11]
Étymologie
René Lepelley rattache ce mot, sans grande certitude, au bas-latin afannare « se fatiguer », également à l'origine du français ahaner [1]. La coexistence du verbe enhanner « trimer dur, se tuer à la tâche » et d’achâner dans le nord de la Manche semblerait impliquer que ces deux termes ont une origine différente. Cependant, l'ancien français ahaner « se fatiguer, travailler » a pour dérivé déverbal ahan « labeur, fatigue », qui est attesté sous diverses variantes, dont afan et achan [12]. On peut donc supposer qu’achâner, au lieu de représenter une simple variante d’ahaner < gallo-roman °AFANNARE « se donner de la peine » (le mot latin n'est pas attesté, contrairement à ce que l'explication de Lepelley pourrait laisser penser), correspond en fait à un dérivé verbal d’achan, variante d'ahan « fatigue », et signifiant d'abord « s'écrouler de fatigue », puis simplement « s'écrouler, tomber lourdement ».
☞ Le bas-latin °afannāre (d'où le gallo-roman °AFANNARE) est un dérivé verbal du latin impérial afannæ « sottises; faux-fuyants, paroles creuses », pour lequel on suppose le sens initial de « choses embrouillées », d'où aussi « complications, difficultés », et pour le verbe °afannāre « éprouver des difficultés », d'où « se fatiguer ». On estime que le mot afannæ représente un emprunt au grec εἰς Ἀφάνας, eis Apʰánas, locution employée à propos de choses obscures en jeu de mot avec ἀφανής, apʰanḗs « peu apparent, obscur; incertain » [13].
Emplois particuliers
Locutions
- achânaé de paquet [4], « très chargé à l'avant (tombereau, charrette…) » : 1993, Manche, nord de la ligne Joret [6].
- yête achânaé sus la tablle [4], « être avachi sur la table » : 1993, Manche, nord de la ligne Joret [6].
- cha achâne [4] ou « achâne de pieur », « il pleut à pluie battante » : 1993, Manche, nord de la ligne Joret [6]. Attestation orale : 1970 Bretteville.
Notes et références
- ↑ 1,0 1,1 et 1,2 René Lepelley, Dictionnaire du français régional de Basse-Normandie, Paris, Bonneton, 1989, p. 18a.
- ↑ 2,0 et 2,1 Patrice Brasseur, Atlas Linguistique et Ethnographique Normand, CNRS, Paris, vol. IV, OUEN / PUC, Caen, 2011, carte 1188 « À plat ventre », note « s'affaisser ».
- ↑ 3,0 3,1 3,2 et 3,3 Ibid., carte 1186 « Pencher, s'incliner », note « s'allonger ».
- ↑ 4,0 4,1 4,2 4,3 4,4 4,5 et 4,6 Graphie dite « normalisée », prônée par la mouvance de Fernand Lechanteur, Marcel Lelégard et al., mais ne reflétant qu'une prononciation minoritaire.
- ↑ 5,0 et 5,1 Côtis-Capel, « L'âne et le cardroun », in Raz-Bannes, poèmes, OCEP, Coutances, 1970, p. 64; patois de la Hague.
- ↑ 6,0 6,1 6,2 6,3 et 6,4 J.-P. Bourdon, A. Cournée, Y. Charpentier, Dictionnaire normand-français, Paris, Conseil international de la langue française, 1993, p. 15a.
- ↑ Jean François Bonaventure Fleury, Essai sur le patois normand de la Hague, 1886. p. 108. (lire en ligne).
- ↑ René Lepelley, Dictionnaire du français régional de Normandie, Paris, Bonneton, 1993, p. 14a.
- ↑ Axel Romdahl, Glossaire du patois du Val de Saire (Manche) suivi de remarques grammaticales, Linköping, 1881.
- ↑ Les deux signes vocaliques sont normalement superposés; il s'agit d'une voyelle simple.
- ↑ Témoignage personnel de deux contributeurs de Wikimanche
- ↑ Frédéric Godefroy, Dictionnaire de l’ancienne langue française et de tous ses dialectes du IXe s. au XVe s., Bouillon, Paris, t. I., 1881, p. 172b.
- ↑ A. Ernout et Antoine Meillet, Dictionnaire étymologique de la langue latine, 4e édition, Klincksieck, Paris, 1985, p. 14a.