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Révolte des bouilleurs de cru (1935)

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La révolte des bouilleurs de cru est une révolte paysanne qui s'est exprimée en 1935 en Basse-Normandie, principalement dans le Mortainais et le Domfrontais.

Contexte

Déjà sous l'Ancien régime, la production excédentaire de pommes à cidre amène les paysans à faire « bouillir » leur cidre en surplus pour le transformer en calvados. La loi du 14 décembre 1875 autorise les bouilleurs à distiller pour leur usage personnel sans limitation de quantité, sans taxe ni déclaration. Une taxe importante s'applique seulement si l'eau de vie est vendue : elle multiplie le prix du litre par cinq [1]

À la fin du 19e siècle, des organisations clandestines se livrent à un important trafic. En 1900, seulement 20 % de la production de « goutte » sont déclarés aux contributions indirectes. Les ligues antialcooliques, les pouvoirs publics et les distilleries industrielles tentent d'enrayer le commerce clandestin [1].

Deux lois de 1900 et 1903 mettent fin au privilège des bouilleurs de cru, établissant une surveillance plus serrée. Levée de boucliers des élus, Arthur Legrand, député de Mortain, en tête ! La loi du 27 février 1906 rétablit les privilèges des bouilleurs de cru [1].

La loi du 30 juin 1916 limite à dix litres la production d'eau de vie hors taxe, le reste doit être déclaré, des contrôles de la Régie s'installent, tracassiers et vexatoires, la délation suit. Les bouilleurs de cru s'organisent. Auguste Leroux de Barenton est l'un d'eux. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, le Syndicat national des bouilleurs de cru se met en place, le vicomte du Hamel de Milly, maire de Milly, en est le responsable pour la Manche [1].

Les bouilleurs de cru, au nombre de 50 000 dans la Manche en 1930, soit près d'un électeur sur deux, constituent un puissant groupe de pression auprès des politiques. Si bien que les députés et sénateurs, comme Gustave Guérin à Mortain, se font les défenseurs des bouilleurs au Parlement, mais sans résultat [1].

La colère du bocage

Lors de la crise économique des années 1930, pommes et cidre se vendent mal. Il faut en transformer beaucoup en alcool, et payer (d'avance) des droits jugés exorbitants. La fraude s'intensifie, les agents de la Régie, en brigades volantes, perquisitionnent au domicile des suspects et infligent de nombreux procès aux resquilleurs. Malgré tout, les paysans estiment avoir le droit absolu de disposer des produits de leur récolte. Les organisations syndicales cherchent à calmer les esprits qui s'échauffent[2].

En 1932, les députés et le gouvernement bloquent un projet de loi du sénateur Émile Damecour qui prévoit le retour à la distillation sans taxe. Le syndicat des bouilleurs de cru recueille 5 000 adhésions à Mortain [1]. Le 17 septembre 1933, à Avranches, 4 000 congressistes et une vingtaine de parlementaires participent au 6e congrès national des bouilleurs de cru. Gustave Guérin, Maxime Fauchon et Joseph Lecacheux déclarent leur soutien aux bouilleurs, Yves Tizon est élu vice-président du syndicat [3].

Le 24 février 1935, 5 000 bouilleurs de cru de l'Orne, de la Manche, du Calvados et de la Mayenne se retrouvent à Mantilly (Orne) pour réclamer « le retour immédiat à la liberté de distillation » et demander aux élus municipaux de « démissionner pour donner une leçon impressionnante aux pouvoirs publics ». Heureusement, les cent gendarmes et gardes mobiles, commandés pour le maintien de l'ordre n'ont pas à intervenir.[2]

Très rapidement des démissions massives s'enchaînent, comme à Mortain[4] et Saint-Hilaire du Harcouët[5]. En mai, la « grève des urnes » empêche le déroulement normal des élections municipales. Pendant trois mois, dans le Mortainais et le Domfrontais, des dizaines de manifestations rassemblent des milliers de personnes. Des échauffourées opposent les manifestants aux forces de police.[1]

Bibliographie

  • Hippolyte Gancel, avec Jacques Le Gall, Bouilleurs de cru et rats de cave, éd. Ouest-France, 2002 (ré-éd. 2007).
  • Auguste Leroux, Histoire des bouilleurs de crus ou les mémoires d'un petit fermier, impr. du Mortainais, Mortain, 1948.

Notes et références

  1. 1,0 1,1 1,2 1,3 1,4 1,5 et 1,6 Jean Quellien, « La révolte des bouilleurs de cru de 1935 en Basse-Normandie », Cahier des Annales de Normandie, n° 26, 1995, Mélanges René Lepelley, pp. 559-569 (lire en ligne).
  2. 2,0 et 2,1 L'Ouest-Éclair, 25 février 1935. (lire en ligne)
  3. L'Ouest-Éclair, 18 septembre 1933. (lire en ligne)
  4. L'Ouest-Éclair, 18 mars 1935.(lire en ligne)
  5. L'Ouest-Éclair, 14 avril 1935. (lire en ligne)