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[[Image:Plan de Cherbourg au 16e siecle.jpg|thumb|350px|<center>Château et fortifications de Cherbourg au 17{{e}} siècle</center>]]
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Le '''[[Château de Cherbourg|château]]''' et les fortifications de '''[[Cherbourg]]''' furent entretenus, refaits, renforcés tout au long de leur histoire; le château lui-même fut finalement démoli entre [[1689]] et [[1692]]. Le texte ci-dessous, qui détaille les travaux effectués au château de [[1347]] à [[1348]], sous le règne de Philippe VI de Valois, donne une idée assez précise de ce site stratégique au milieu du 14{{e}} siècle, au début de la [[guerre de Cent Ans]].
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[[File:Clin.svg|50px]]  '''En chantier ! Un peu de patience, Cherbourg et son château ne se sont pas faits en un jour !'''  [[File:Clin.svg|50px]]
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[[Image:Plan de Cherbourg au 16e siecle.jpg|thumb|350px|Château et fortifications de Cherbourg au 17{{e}} siècle]]
Le '''château''' et les fortifications de '''[[Cherbourg]]''' furent entretenus, refaits, renforcés tout au long de leur histoire; le château lui-même fut finalement démoli entre [[1689]] et [[1692]]. Le texte ci-dessous, qui détaille les travaux effectués au château de [[1347]] à [[1348]], sous le règne de Philippe VI de Valois, donne une idée assez précise de ce site stratégique au milieu du 14{{e}} siècle, au début de la guerre de Cent Ans.


==Présentation==
==Présentation==
Ce document, daté de Pâques 1348, provient des ''Actes normands de la Chambre des Comptes'' <ref>Léopold Delisle, ''Les actes normands de la Chambre des Comptes sous Philippe de Valois (1328-1350)'', Rouen, Le Brument, 1871, p. 362-368, § 209.</ref>. Nous en avons supprimé les accents graves et aigus non nécessaires à la lecture, ajoutés dans l'édition du manuscrit par Léopold Delisle, mais conservé les apostrophes et la ponctuation, également imputables au transcripteur.
Ce document, daté de Pâques [[1348]], provient des ''Actes normands de la Chambre des Comptes'' <ref>Léopold Delisle, ''Les actes normands de la Chambre des Comptes sous Philippe de Valois (1328-1350)'', Rouen, Le Brument, 1871, p. 362-368, § 209.</ref>. Nous en avons supprimé les accents graves et aigus non nécessaires à la lecture, ajoutés dans l'édition du manuscrit par Léopold Delisle, mais conservé les apostrophes et la ponctuation, également imputables au transcripteur.


Le texte est clairement organisé en plusieurs parties, selon la nature des travaux effectués : en introduction sont évoquées plusieurs menues tâches (pose de gouttières; charriage de matériaux; confection de charbon de bois), puis quatre importantes sections sont consacrées respectivement aux travaux de charpenterie et menuiserie, de ferronnerie, de couverture, et enfin de maçonnerie. Chaque tâche particulière est dûment répertoriée, les artisans identifiés et leur salaire calculé.
Le texte est clairement organisé en plusieurs parties, selon la nature des travaux effectués : en introduction sont évoquées plusieurs menues tâches (pose de gouttières; charriage de matériaux; confection de charbon de bois), puis quatre importantes sections sont consacrées respectivement aux travaux de charpenterie et menuiserie, de ferronnerie, de couverture, et enfin de maçonnerie. Chaque tâche particulière est dûment répertoriée, les artisans identifiés et leur salaire calculé.


==Texte==
==Texte==
[[Fichier:1620-Cherbourg-chateau-1620.jpg|thumb|350px|<center>Le château de Cherbourg (reconstitution) en [[1620]].</center>]]
Partie d'euvres faites et mises ou <ref>Ancien français ''ou'' « dans le », forme contractée de ''en'' + ''le''.</ref> chastel de Cherebourc par Jehan Vuibet, dit Macenot, maistre des euvres du dit chastel, depuis le terme de la Saint Michiel <small>CCC XLVII</small> <ref>29 septembre 1347.</ref>, et comptees au terme de Pasques l'an mil <small>CCC XLVIII</small>.
Partie d'euvres faites et mises ou <ref>Ancien français ''ou'' « dans le », forme contractée de ''en'' + ''le''.</ref> chastel de Cherebourc par Jehan Vuibet, dit Macenot, maistre des euvres du dit chastel, depuis le terme de la Saint Michiel <small>CCC XLVII</small> <ref>29 septembre 1347.</ref>, et comptees au terme de Pasques l'an mil <small>CCC XLVIII</small>.


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Item pour ……… de carbon de fournel <ref>Littéralement, « charbon de fourneau ». Il s'agit évidemment de charbon de bois.</ref> fait en la haie <ref>Ancien français ''haie'' « bois ».</ref> de Saumarez <ref>Ce lieu n'est pas identifié avec certitude : il peut s'agir de Sauxmarais à [[Tourlaville]] ou à [[Réville]], de Saulmarais à [[Anneville-en-Saire]], ou encore des Saumarais à [[Barneville-Carteret]].</ref> par les carboniers que le chastelain fist venir de son pays ……… valent <small>LXXV</small> s.
Item pour ……… de carbon de fournel <ref>Littéralement, « charbon de fourneau ». Il s'agit évidemment de charbon de bois.</ref> fait en la haie <ref>Ancien français ''haie'' « bois ».</ref> de Saumarez <ref>Ce lieu n'est pas identifié avec certitude : il peut s'agir de Sauxmarais à [[Tourlaville]] ou à [[Réville]], de Saulmarais à [[Anneville-en-Saire]], ou encore des Saumarais à [[Barneville-Carteret]].</ref> par les carboniers que le chastelain fist venir de son pays ……… valent <small>LXXV</small> s.


Item pour les carpenteries faites eu <ref>Ancien français ''eu'', variante de ''ou'' « dans le » < ''en'' + ''le''.</ref>  dit chastel, c'est assavoir pour faire la bretesque <ref>Forme normano-picarde de l'ancien français ''bretesche'', qui a désigné un château en bois couvert d'un toit et faisant saillie sur un mur pour protéger les baies des fenêtres.</ref> derrere la tour Rauville ot <ref>Ancien français ''o'', ''ot'' « avec » < latin ''apud''. Le mot subsiste dans quelques parlers normands.</ref> la tour du Fenil, et faire la bretesque carree, et faire une closture de coulombeiz <ref>Ancien français ''colombeis'', ''colombeys'' « cloison formée de colonnes ». Ce mot est un dérivé collectif en ''-eis'' de l'ancien français ''colombe'' « colonne » < latin ''columna''.</ref> chies <ref>Ancien français ''chies'' « chez ».</ref> Johan du Rey, a une chambre, pour les couvertures, et faire une chambre en la maison de Johan Conart, une fenestre, reparacion d'auges et de rasteliers es <ref>Ancien français ''es'' « dans les », forme contractée de ''en les''.</ref> establieez <ref>Ancien français ''establie'' « établi; échafaudage; boutique; redoute ». Sans doute ce dernier sens est-il préférable ici.</ref> de dessous Jehan le Maignen, et doleir <ref>Sans doute pour ''doler'' « amincir, aplanir ». La graphie ''doleir'' est la forme dialectale de l'Ouest de ''doloir'' « faire souffrir », avec lequel le mot a été confondu.</ref> latez <ref>Lattes; le ''-ez'' final, fréquent dans ce texte, est une simple variante graphique de ''-es''.</ref> et faire chanslate <ref>Le mot ''chanlate'' a eu différents sens en ancien français, où il est souvent associé au mot ''late''. On lit ainsi dans la ''Voie de Paradis'' de Rutebeuf (13{{e}} s.) : ''La couverture a tout les lates'', / ''Et li chevron et les chanlates'' / ''Sont fetes de bone aventure''. Ce mot a parfois désigné une gouttière, mais désigne à proprement parler une ''latte'' mise à ''chant'' (sur son petit côté). En terme de couvreur, c'est un chevron refendu diagonalement, posé à l'extrémité des chevrons d'une couverture, de même sens que les lattes et qui soutient les dernières tuiles et l'égout.</ref>, pour ……… en tous les greniers haut et bas, appareillier une fenestre en la chambre de haut dessus Jehan Martin, et appareiller <small>IIII</small> huches du danjon <ref>Ancienne variante de ''donjon'' < gallo-roman <small>°DOMINIONE</small> < bas-latin °''dominionem'', accusatif de °''dominio'', formé sur le latin ''dominus'' « seigneur ».</ref> pour la chastelaine et <small>I</small> tronc <ref>Sans doute ici au sens de « coffre en bois », qui est plutôt celui du féminin ''tronche''. Cette valeur a été conservée, entre autres, par l'anglais ''trunk'' « coffre », emprunté à l'ancien français.</ref>, pour redrechier et requevronner <ref>Littéralement, « redresser et rechevronner »; formes normano-picardes.</ref> le degrey <ref>L'escalier.</ref> d'apres la maison Mauhommet qui estoit chaet <ref>Qui était tombé. Le mot ''chaet'' est le participe passé de ''chaer'', ''chaier'', variante morphologique de ''cheoir'' « choir, tomber » < latin ''cadēre''.</ref>; pour metre pendans <ref>Terme technique de valeur imprécise; l'ancien français ''pendant'' a désigné toutes sortes de choses en pente ou qui servaient à suspendre.</ref> es aes <ref>Aux ais (planches de bois); du gallo-roman <small>°AXE</small>, latin ''axis''.</ref> des carneaux <ref>Ancien français ''carnel'' (pluriel ''carnels'', puis ''carneaux''), « créneau ».</ref> et faire en de touz neufs, et faire une huche pour la chastelaine toute neuve, et une arche <ref>Ancien français ''arche'' « coffre, caisse » < latin ''arca''.</ref> pour Robin le Seneschal, escuier du chastelain; pour clorre d'aes entour le puis du baille <ref>L'ancien français ''baille'' a désigné une enceinte retranchée, et plus particulièrement l'espace fortifié autour du donjon d'un château, renfermant la chapelle, les magasins, etc. (et ici, on le voit, le puits). Ce mot est la forme féminine de ''bail'' « pieu ferré; enceinte, palissade » < gallo-roman <small>°BALLIU</small>, d’origine probablement gauloise.</ref>, et faire reparacion es tour de bas de quevillez <ref>Chevilles; forme normano-picarde.</ref> et d'aes; pour restreindre et requeviller les aes des biccesques <ref>Ce mot ne semble pas exister; il pourrait représenter une graphie corrompue de ''bretesques'' « bretèches ».</ref> et le planchier de haut ou danjon; pour faire l'alee de la bretesque d'entre la tour au Prestre et la bretesque de dessus le degrey Mauhommet, et faire la colombe <ref>Ancien français ''colombe'' « colonne, pilier, poteau » < latin ''columna'' « colonne »; le mot désigne ici le montant de la porte.</ref> de la porte de la greive <ref>La porte donnant sur le rivage.</ref>, et une goutere en la maison Jehan le Maignen, et faire une peille <ref>L'ancien français ''peille'', ''pesle'' au sens de « pêne (de porte) » étant masculin, il s'agit sans doute ici d'une variante graphique de ''pele'' « pelle », et donc d'une pelle à four.</ref> pour le four du danjon, et fenestres en la meson la ou le mestre des euvres demouroit, et adouber <ref>Employé ici au sens d' « arranger, remettre en état »; ce sens a été conservé dans l'expression ''j'adoube'' aux échecs, utilisée par le joueur qui touche une pièce sans la jouer, pour la remettre en bonne position sur sa case.</ref> les fenestrez de la meson la ou mons. du Gal demoure, et estrecher <ref>Forme normano-picarde de l'ancien français estrecier « resserrer; rétrécir, diminuer ».</ref> et reffaire la bretesque de la tour Grenot; pour metre <small>II</small> quevrons a la meson Jehan Conart; pour adouber la porte de dessus Paris et metre y une sarreure <ref>Serrure.</ref> en estrange boiz <ref>La valeur de cette locution n'est pas claire. Le mot ''estrange'' veut généralement dire « étranger, qui vient d'ailleurs » : s'agit-il de bois exotique ? Peut-être faut-il simplement comprendre « différent ».</ref>. Es quelles euvrez et plusours autres menues euvres faires les carpentiers qui ensievent <ref>De l'ancien français ''ensievir'', ''ensevre'', variantes d'''ensuivre''.</ref> ont esté, c'est assavoir <ref>Habitude graphique ancienne pour ''à savoir''; on la trouve encore utilisée au 17{{e}} siècle, parfois même plus tardivement.</ref> : Guillot Rose, <small>XLV</small> jours, <small>II</small> s. <small>VI</small> d. par jour <ref>Dans tout le reste du paragraphe, on a la locution ''pour jour'' et non ''par jour''; il s'agit peut-être ici d'une faute d'inattention de la part de Léopold Delisle (qui en fait généralement peu).</ref>, valent <small>C XII</small> s. <small>VI</small> d. — Jehan Ferey, <small>LXX</small> jours, <small>II</small> s. pour jour, valent <small>VII</small> l. — Johan Quesnel, <small>LXX</small> jours, <small>II</small> s. pour jour, valent <small>VII</small> l. — Guillot le Pouchin, <small>LXX</small> jours, <small>II</small> s. pour jour, valent <small>VII</small> l. — Jehan le Landez, <small>IIII<sup>XX</sup></small> et <small>II</small> jours au devant du jour Saint Vincent que la monnoie canga <ref>Ancien normano-picard ''cangier'', équivalent de l'ancien français ''changier'' « changer ».</ref>, <ref>Ce changement de valeur de la monnaie correspond, note Léopold Delisle, aux ordonnances du 6 janvier 1348.</ref>, <small>II</small> s. pour jour, valent <small>VIII</small> l. <small>IIII</small> s. — Jehan Murdrac, <small>LXX</small> jours, <small>XX</small> d. pour jour, valent <small>CXVI</small> s. <small>VIII</small> d. — Guillot Buherey, <small>XXVIII</small> jours, <small>XX</small> d. pour jour, valent <small>XLVI</small> s. <small>VIII</small> d. — Michiel le Jeune, <small>LXX</small> jours, <small>XVIII</small> d. pour jour, valent <small>CV</small> s.
Item pour les carpenteries faites eu <ref>Ancien français ''eu'', variante de ''ou'' « dans le » < ''en'' + ''le''.</ref>  dit chastel, c'est assavoir pour faire la bretesque <ref>Forme normano-picarde de l'ancien français ''bretesche'', qui a désigné un château en bois couvert d'un toit et faisant saillie sur un mur pour protéger les baies des fenêtres.</ref> derrere la tour Rauville ot <ref>Ancien français ''o'', ''ot'' « avec » < latin ''apud''. Le mot subsiste dans quelques parlers normands.</ref> la tour du Fenil, et faire la bretesque carree, et faire une closture de coulombeiz <ref>Ancien français ''colombeis'', ''colombeys'' « cloison formée de colonnes ». Ce mot est un dérivé collectif en ''-eis'' de l'ancien français ''colombe'' « colonne » < latin ''columna''.</ref> chies <ref>Ancien français ''chies'' « chez ».</ref> Johan du Rey, a une chambre, pour les couvertures, et faire une chambre en la maison de Johan Conart, une fenestre, reparacion d'auges et de rasteliers es <ref>Ancien français ''es'' « dans les », forme contractée de ''en les''.</ref> establieez <ref>Ancien français ''establie'' « établi; échafaudage; boutique; redoute ». Sans doute ce dernier sens est-il préférable ici.</ref> de dessous Jehan le Maignen, et doleir <ref>Sans doute pour ''doler'' « amincir, aplanir ». La graphie ''doleir'' est la forme dialectale de l'Ouest de ''doloir'' « faire souffrir », avec lequel le mot a été confondu.</ref> latez <ref>Lattes; le ''-ez'' final, fréquent dans ce texte, est une simple variante graphique de ''-es''.</ref> et faire chanslate <ref>Le mot ''chanlate'' a eu différents sens en ancien français, où il est souvent associé au mot ''late''. On lit ainsi dans la ''Voie de Paradis'' de Rutebeuf (13{{e}} s.) : ''La couverture a tout les lates'', / ''Et li chevron et les chanlates'' / ''Sont fetes de bone aventure''. Ce mot a parfois désigné une gouttière, mais désigne à proprement parler une ''latte'' mise à ''chant'' (sur son petit côté). En terme de couvreur, c'est un chevron refendu diagonalement, posé à l'extrémité des chevrons d'une couverture, de même sens que les lattes et qui soutient les dernières tuiles et l'égout.</ref>, pour ……… en tous les greniers haut et bas, appareillier une fenestre en la chambre de haut dessus Jehan Martin, et appareiller <small>IIII</small> huches du danjon <ref>Ancienne variante de ''donjon'' < gallo-roman <small>°DOMINIONE</small> < bas-latin °''dominionem'', accusatif de °''dominio'', formé sur le latin ''dominus'' « seigneur ».</ref> pour la chastelaine et <small>I</small> tronc <ref>Sans doute ici au sens de « coffre en bois », qui est plutôt celui du féminin ''tronche''. Cette valeur a été conservée, entre autres, par l'anglais ''trunk'' « coffre », emprunté à l'ancien français.</ref>, pour redrechier et requevronner <ref>Littéralement, « redresser et rechevronner »; formes normano-picardes.</ref> le degrey <ref>L'escalier.</ref> d'apres la maison Mauhommet qui estoit chaet <ref>Qui était tombé. Le mot ''chaet'' est le participe passé de ''chaer'', ''chaier'', variante morphologique de ''cheoir'' « choir, tomber » < latin ''cadēre''.</ref>; pour metre pendans <ref>Terme technique de valeur imprécise; l'ancien français ''pendant'' a désigné toutes sortes de choses en pente ou qui servaient à suspendre.</ref> es aes <ref>Aux ais (planches de bois); du gallo-roman <small>°AXE</small>, latin ''axis''.</ref> des carneaux <ref>Ancien français ''carnel'' (pluriel ''carnels'', puis ''carneaux''), « créneau ».</ref> et faire en de touz neufs, et faire une huche pour la chastelaine toute neuve, et une arche <ref>Ancien français ''arche'' « coffre, caisse » < latin ''arca''.</ref> pour Robin le Seneschal, escuier du chastelain; pour clorre d'aes entour le puis du baille <ref>L'ancien français ''baille'' a désigné une enceinte retranchée, et plus particulièrement l'espace fortifié autour du donjon d'un château, renfermant la chapelle, les magasins, etc. (et ici, on le voit, le puits). Ce mot est la forme féminine de ''bail'' « pieu ferré; enceinte, palissade » < gallo-roman <small>°BALLIU</small>, d’origine probablement gauloise.</ref>, et faire reparacion es tour de bas de quevillez <ref>Chevilles; forme normano-picarde.</ref> et d'aes; pour restreindre et requeviller les aes des biccesques <ref>Ce mot ne semble pas exister; il pourrait représenter une graphie corrompue de ''bretesques'' « bretèches ».</ref> et le planchier de haut ou danjon; pour faire l'alee de la bretesque d'entre la tour au Prestre et la bretesque de dessus le degrey Mauhommet, et faire la colombe <ref>Ancien français ''colombe'' « colonne, pilier, poteau » < latin ''columna'' « colonne »; le mot désigne ici le montant de la porte.</ref> de la porte de la greive <ref>La porte donnant sur le rivage.</ref>, et une goutere en la maison Jehan le Maignen, et faire une peille <ref>L'ancien français ''peille'', ''pesle'' au sens de « pêne (de porte) » étant masculin, il s'agit sans doute ici d'une variante graphique de ''pele'' « pelle », et donc d'une pelle à four.</ref> pour le four du danjon, et fenestres en la meson la ou le mestre des euvres demouroit, et adouber <ref>Employé ici au sens d' « arranger, remettre en état »; ce sens a été conservé dans l'expression ''j'adoube'' aux échecs, utilisée par le joueur qui touche une pièce sans la jouer, pour la remettre en bonne position sur sa case.</ref> les fenestrez de la meson la ou mons. du Gal demoure, et estrecher <ref>Forme normano-picarde de l'ancien français estrecier « resserrer; rétrécir, diminuer ».</ref> et reffaire la bretesque de la tour Grenot; pour metre <small>II</small> quevrons a la meson Jehan Conart; pour adouber la porte de dessus Paris et metre y une sarreure <ref>Serrure.</ref> en estrange boiz <ref>La valeur de cette locution n'est pas claire. Le mot ''estrange'' veut généralement dire « étranger, qui vient d'ailleurs » : s'agit-il de bois exotique ? Peut-être faut-il simplement comprendre « différent ».</ref>. Es quelles euvrez et plusours autres menues euvres faires les carpentiers qui ensievent <ref>De l'ancien français ''ensievir'', ''ensevre'', variantes d'''ensuivre''.</ref> ont esté <ref>Participe passé du verbe ''ester'' « rester, demeurer; séjourner » < latin ''stare'' « se tenir debout »; le verbe introduit ici le décompte des journées de travail. Ce participe passé est par ailleurs devenu celui du verbe ''être'' en français.</ref>, c'est assavoir <ref>Habitude graphique ancienne pour ''à savoir''; on la trouve encore utilisée au 17{{e}} siècle, parfois même plus tardivement.</ref> : Guillot Rose, <small>XLV</small> jours, <small>II</small> s. <small>VI</small> d. par jour <ref>Dans tout le reste du paragraphe, on a la locution ''pour jour'' et non ''par jour''; il s'agit peut-être ici d'une faute d'inattention de la part de Léopold Delisle (qui en fait généralement peu).</ref>, valent <small>C XII</small> s. <small>VI</small> d. — Jehan Ferey, <small>LXX</small> jours, <small>II</small> s. pour jour, valent <small>VII</small> l. — Johan Quesnel, <small>LXX</small> jours, <small>II</small> s. pour jour, valent <small>VII</small> l. — Guillot le Pouchin, <small>LXX</small> jours, <small>II</small> s. pour jour, valent <small>VII</small> l. — Jehan le Landez, <small>IIII<sup>XX</sup></small> et <small>II</small> jours au devant du jour Saint Vincent que la monnoie canga <ref>Ancien normano-picard ''cangier'', équivalent de l'ancien français ''changier'' « changer ».</ref>, <ref>Ce changement de valeur de la monnaie correspond, note Léopold Delisle, aux ordonnances du 6 janvier 1348.</ref>, <small>II</small> s. pour jour, valent <small>VIII</small> l. <small>IIII</small> s. — Jehan Murdrac, <small>LXX</small> jours, <small>XX</small> d. pour jour, valent <small>CXVI</small> s. <small>VIII</small> d. — Guillot Buherey, <small>XXVIII</small> jours, <small>XX</small> d. pour jour, valent <small>XLVI</small> s. <small>VIII</small> d. — Michiel le Jeune, <small>LXX</small> jours, <small>XVIII</small> d. pour jour, valent <small>CV</small> s.


Item forgeures <ref>Ancien français ''forgeure'' « action de forger », et ici « ouvrage de ferronnerie ».</ref> faites eu dit chastel, c'est assavoir <small>XXXIIII</small> quevillez grandes de fer pour coustre <ref>Ancien français ''coustre'', variante tardive de ''cosdre'' « coudre », ici employé au sens d' « assembler ».</ref> les treifs <ref>Ancien français ''tref'' « poutre, solive » < gallo-roman <small>°TRABE</small> < latin ''trabem'', accusatif de ''trabs'' « poutre », également à l'origine du français ''travée''.</ref> de la bretesque d'entre le gait <ref>Ancien français ''gait'' « guet », au sens de « poste de guet ».</ref> Hauville et la tour du Fenil, et tout le clou grant et petit qui est en la dite bretesque, tant en limandez <ref>Ancien français ''limande'' « planche plate ».</ref> que austres coustures <ref>Ancien français ''costure'', ''cousture'' « couture », ici « assemblage ».</ref>, et <small>IIII</small> quevilles grandes pour coustre les treifs de l'aleie de la bretesque d'entre la tour Longis et la grand bretesque de dessus le Fenil, et tout le clou grant et petit qui est en la dite alee, tant en limandes que en cousture, et <small>III</small> quevillez pour coustre les treifs de l'alee de la bretesque d'entre la tour au Prestre et la tour Grenot, et le clou qui est a present et la dite alee, et demi cent de clou grant et petit pour le degrey d'apres la maison Mauhomet, et <small>II</small> gons, <small>II</small> penturez pour la meson Jehan du Prey; pour <small>I</small> quarteron <ref>L'ancien français ''quarteron'' avait le sens de « quart »; il désigne ici le quart d'un cent, c'est-à-dire vingt-cinq (et non pas quatre, comme le pensait un certain général…).</ref> de clou pour coustre coulombez d'une chambre chies Jehan du Prey; pour <small>C</small> et demi de clou a coustre le paleteis <ref>Ici, « palissade »; mais ce mot désignait le plus souvent un combat qui se faisait aux palissades d'une ville ou d'un château.</ref> du celier Jehan du Prey, et demi cent de clou pour les estables au chastelain, <small>I</small> chandelier a palete <ref>Une ''palete'' est une petite pelle; mais nous ignorons ce qu'est un ''chandelier a palete''.</ref> pour les dites estables, une cleif, <small>VI</small> croques <ref>Forme normano-picarde de l'ancien français ''croche'' « crochet ».</ref> en la chambre es escuiers, desquielx Jehan du Prey, peur pendre lour hernois <ref>L'ancien français ''harnois'' a désigné tout l'équipement d'un homme d'armes, une arme ou une armure aussi bien que le harnais d'un cheval. La forme ''hernois'' résulte de l'action fermante dans l'Ouest de [r] en syllabe initiale au Moyen Âge.</ref>; pour <small>I</small> carteron de clou a une chambre chies Jehan Conart, <small>II</small> gonz, <small>II</small> penturez, une clenque <ref>Forme normano-picarde de ''clenche''.</ref> pour l'uis <ref>Ancien français ''uis'' « porte » < latin ''ostium''.</ref> du buschier <ref>Lieu où l'on stocke le bois de chauffage. Ce sens est resté courant en Normandie.</ref> de la garnison, <small>II</small> lunetez <ref>L'ancien français ''lunete'' « petite lune » a désigné divers objets mal définis de forme ronde. L'un d'entre eux semble en relation avec les gonds de porte; cf. cet extrait du ''Compte de Odart de Claigny'' (1335), cité par Frédéric Godefroy à l'article <small>'''LUNETE'''</small> : ''pour <small>.IIII.</small> '''lunetes''' et <small>.IIII.</small> gons a fust, avecques <small>.II.</small> verrouls pour les huys.''</ref>, une clenque pour le prael <ref>Ancien français ''prael'' « petit pré », puis « cour, préau » au 13{{e}} siècle.</ref> de devant la meson Jehan du Prey, <small>I</small> quarteron de clou pour metre es guerniers <ref>[[Métathèse]] fréquente de ''grenier''.</ref> de dessus Saint Michiel a faire les establies, <small>II<sup>C</sup></small> de clou a coustre tonneaux chanslatez et a faire les aleurs <ref>Ancien français ''aleor'' « allée, corridor; chemin de ronde », mais aussi « échafaudage ». C'est sans doute ce dernier sens qu'il faut retenir ici.</ref>; pour une cleif a la chapelle Saint Michiel, <small>I</small> quarteron de clou a faire reparacions en la chambre au chastellain et aillours; pour <small>VI</small> croquez a pendre les torches au chastellain, une bende <ref>Ancien français ''bande'', ''bende'' « lien, bandeau ».</ref> et un moieillon pour le charun <ref>La lecture de ce mot et son sens sont incertains.</ref> du danjon; pour une clef du petit guernier de dessus la chambre au chastellain, une clef a la despense <ref>Ancien français ''despense'' « endroit où l'on garde les provisions ».</ref> du danjon; pour achater une hachete et une coingnie a bosc pour la cuisine, et acherer <ref>Forme normano-picarde de l'ancien français ''acerer'' « garnir ou recouvrir d'acier ».</ref> une coingnie, a Bernart Chopillart, du commandement de mons. du Gal, un bouclez <ref>Bouclier.</ref> a chengle <ref>Forme normano-picarde de l'ancien français ''cengle'' « sangle ».</ref> pour le dit mons. Thomas du Gal, <small>II</small> cros a pendre ses coffrez a sommier <ref>Un ''somier'' (plus tard ''sommier'') est en ancien français une bête de somme, un cheval de charge. Les « coffres à sommier » désignent donc les ancêtres des valises : des coffres en bois dont on charge l'animal (généralement, un sur chaque flanc).</ref> et un quarteron de viretons <ref>Ancien français ''vireton'' « flèche rotative ».</ref> pour le dit mons. du Gal, et <small>VI</small> fers a une [sic] <ref>Lire ''fer a ane''.</ref>; une cleif et un estrief <ref>Ancien français ''estrief'', ''estrieu'' « étrier ». Un étrier d'arbalète était un étrier de fer placé à la tête de l'arbre, grâce auquel l'arbalétrier maintenait son arme verticalement avec le pied pendant qu'il en bandait l'arc.</ref> a une arbalestre de cor <ref>Faut-il comprendre « arbalète de corps », de valeur incertaine ? Le mot ''cor'' peut en outre avoir des sens très divers en ancien français. Mais, étant donné la confusion fréquente dans les manuscrits médiévaux des lettres ''c'' et ''t'', peut-être s'agit-il ici d'une ''arbalestre a tor'', qui désigne une arbalète de siège, munie d'un affût.</ref> pour le dit mons. Thomas, <small>II</small> fers a esseul <ref>Ancien français ''aissil'', ''aisuel'', ''esseul'' « essieu ».</ref> a la carete <ref>Forme normano-picarde de l'ancien français ''charete'' « petit char, charrette ».</ref> madame du Gal, demi <small>C</small> de clou pour la dite carete, <small>II</small> brides pour le dit mons. du Gal, une cleif a une des arbalastrez de la garnison, une estrille pour le chastellain, un tourail <ref>Variante de l'ancien français ''toreil'' « verrou ».</ref> a la porte de dessus Paris, <small>II</small> grans clous pour la dite porte, une cleif pour la porte de devant le march[ié], <small>XVI</small> gons et crampons pour tenir le garrot <ref>L'ancien français ''garrot'' a désigné divers objets longs : bois d'une flèche, carreau d'arbalète, bâton, levier, etc. Le sens en est peut-être ici « barre », pour verrouiller la porte de la tour.</ref> de la tour au Prestre, et <small>XVI</small> gons et crampons pour le garrot de la tour au Sauvage, et <small>VII</small> plates pice <ref>Forme dialectale normande de l'ancien français ''piece''[''s''].</ref> de fer grandes pour les dis garros, <small>IIII</small> grandes ouches <ref>Sens inconnu.</ref>, <small>IIII</small> plastrees <ref>Littéralement « emplâtre », mais sans doute ici avec le sens de « lien de fer ».</ref> pour les dis garros, pour lier et restreindre <small>III</small> seaulx pour les puis, et faire <small>II</small> grandes quevillez de viron <ref>Ancien français ''viron'' « à peu près, environ ».</ref> <small>III</small> piez de lonc pour l'engin que l'en appelle Baiex <ref>Cet « engin [de guerre] que l'on appelle Bayeux » nous est également inconnu.</ref>, une have <ref>Variante probable de l'ancien français ''havet'' « croc, crochet ».</ref> pour la garnison, et un fer a truble <ref>Le ''truble'' est une pelle en bois renforcée d'un fer. Ce mot a été conservé par certains parlers normands.</ref>, et une lime baillie <ref>Donnée.</ref> es carbonners <ref>Forme normano-picarde de l'ancien français ''charbon(n)ier''.</ref> du commandement du chastellain, acheter un martel et un chisel <ref>Forme normano-picarde de l'ancien français ''cisel'' « ciseau »; elle est passée telle quelle en anglais (''chisel'').</ref> a Guieffroy de Martinvast du commandement de mons. du Gal, lieutenant du Chastellain, un loquet pour la chambre des loges, un gon, une penteure pour l'uis de la meson Girot Courvassal, <small>V<sup>C</sup></small> de clou pour reparacion des bretesquez du danjon et de bas et des carneaux, <small>XXIIII</small> de gros clou pour le pont Jehan Martin, et <small>XXVI</small> clou pour fere les establiez Guieffroy de Martinvast, machon <ref>Forme normano-picarde de l'ancien français ''maçon''.</ref>, pour enduire les murs des fossés, renover une sie pour les seours <ref>Ancien français ''seeor'', ''seour'' « scieur ».</ref> de boiz du commandement mons. du Gal, acherer un grant martel de la garnison, et faire une houe et <small>II</small> cleif pour les coffres de la garnison, <small>IIII</small> bendes a lier les charneaux de la tour Grenot; pour <small>XXIIII</small> grans clous a coustre les tonneaux et les chanslatez du puis du baille, une penture pour l'uis du moustier <ref>Ancien français ''mostier'', ''moustier'' « église » < latin ''monasterium''.</ref>, C et demi de clou que grant que petit pour faire reparacions de tours et en la tremie du danjon, <small>XII</small> grosses quevilles et <small>IIII</small> quevilles agues <ref>Aiguës, pointues.</ref> pour les bretesques; esquelles <ref>Littéralement, « dans lesquelles ».</ref> euvrez faire Richart de Limoges et Colin le Gay ont esté, c'est assavoir le dit Richart par <small>IIII<sup>XX</sup></small> et <small>II</small> jours, <small>II</small> s. <small>VI</small> d. pour jour, valent en somme <small>X</small> l. <small>V</small> s.; itel le dit Colin le Gai, <small>IIII<sup>XX</sup> II</small> jours, <small>XVIII</small> d. pour jour, valent <small>VI</small> l. <small>III</small> s.
Item forgeures <ref>Ancien français ''forgeure'' « action de forger », et ici « ouvrage de ferronnerie ».</ref> faites eu dit chastel, c'est assavoir <small>XXXIIII</small> quevillez grandes de fer pour coustre <ref>Ancien français ''coustre'', variante tardive de ''cosdre'' « coudre », ici employé au sens d' « assembler ».</ref> les treifs <ref>Ancien français ''tref'' « poutre, solive » < gallo-roman <small>°TRABE</small> < latin ''trabem'', accusatif de ''trabs'' « poutre », également à l'origine du français ''travée''.</ref> de la bretesque d'entre le gait <ref>Ancien français ''gait'' « guet », au sens de « poste de guet ».</ref> Hauville et la tour du Fenil, et tout le clou grant et petit qui est en la dite bretesque, tant en limandez <ref>Ancien français ''limande'' « planche plate ».</ref> que austres coustures <ref>Ancien français ''costure'', ''cousture'' « couture », ici « assemblage ».</ref>, et <small>IIII</small> quevilles grandes pour coustre les treifs de l'aleie de la bretesque d'entre la tour Longis et la grand bretesque de dessus le Fenil, et tout le clou grant et petit qui est en la dite alee, tant en limandes que en cousture, et <small>III</small> quevillez pour coustre les treifs de l'alee de la bretesque d'entre la tour au Prestre et la tour Grenot, et le clou qui est a present et la dite alee, et demi cent de clou grant et petit pour le degrey d'apres la maison Mauhomet, et <small>II</small> gons, <small>II</small> penturez pour la meson Jehan du Prey; pour <small>I</small> quarteron <ref>L'ancien français ''quarteron'' avait le sens de « quart »; il désigne ici le quart d'un cent, c'est-à-dire vingt-cinq (et non pas quatre, comme le pensait un certain général…).</ref> de clou pour coustre coulombez d'une chambre chies Jehan du Prey; pour <small>C</small> et demi de clou a coustre le paleteis <ref>Ici, « palissade »; mais ce mot désignait le plus souvent un combat qui se faisait aux palissades d'une ville ou d'un château.</ref> du celier Jehan du Prey, et demi cent de clou pour les estables au chastelain, <small>I</small> chandelier a palete <ref>Une ''palete'' est une petite pelle; mais nous ignorons ce qu'est un ''chandelier a palete''.</ref> pour les dites estables, une cleif, <small>VI</small> croques <ref>Forme normano-picarde de l'ancien français ''croche'' « crochet ».</ref> en la chambre es escuiers, desquielx Jehan du Prey, peur pendre lour hernois <ref>L'ancien français ''harnois'' a désigné tout l'équipement d'un homme d'armes, une arme ou une armure aussi bien que le harnais d'un cheval. La forme ''hernois'' résulte de l'action fermante dans l'Ouest de [r] en syllabe initiale au Moyen Âge.</ref>; pour <small>I</small> carteron de clou a une chambre chies Jehan Conart, <small>II</small> gonz, <small>II</small> penturez, une clenque <ref>Forme normano-picarde de ''clenche''.</ref> pour l'uis <ref>Ancien français ''uis'' « porte » < latin ''ostium''.</ref> du buschier <ref>Lieu où l'on stocke le bois de chauffage. Ce sens est resté courant en Normandie.</ref> de la garnison, <small>II</small> lunetez <ref>L'ancien français ''lunete'' « petite lune » a désigné divers objets mal définis de forme ronde. L'un d'entre eux semble en relation avec les gonds de porte; cf. cet extrait du ''Compte de Odart de Claigny'' (1335), cité par Frédéric Godefroy à l'article <small>'''LUNETE'''</small> : ''pour <small>.IIII.</small> '''lunetes''' et <small>.IIII.</small> gons a fust, avecques <small>.II.</small> verrouls pour les huys.''</ref>, une clenque pour le prael <ref>Ancien français ''prael'' « petit pré », puis « cour, préau » au 13{{e}} siècle.</ref> de devant la meson Jehan du Prey, <small>I</small> quarteron de clou pour metre es guerniers <ref>[[Métathèse]] fréquente de ''grenier''.</ref> de dessus Saint Michiel a faire les establies, <small>II<sup>C</sup></small> de clou a coustre tonneaux chanslatez et a faire les aleurs <ref>Ancien français ''aleor'' « allée, corridor; chemin de ronde », mais aussi « échafaudage ». C'est sans doute ce dernier sens qu'il faut retenir ici.</ref>; pour une cleif a la chapelle Saint Michiel, <small>I</small> quarteron de clou a faire reparacions en la chambre au chastellain et aillours; pour <small>VI</small> croquez a pendre les torches au chastellain, une bende <ref>Ancien français ''bande'', ''bende'' « lien, bandeau ».</ref> et un moieillon pour le charun <ref>La lecture de ce mot et son sens sont incertains.</ref> du danjon; pour une clef du petit guernier de dessus la chambre au chastellain, une clef a la despense <ref>Ancien français ''despense'' « endroit où l'on garde les provisions ».</ref> du danjon; pour achater une hachete et une coingnie a bosc <ref>Grosse hache pour fendre le bois.</ref> pour la cuisine, et acherer <ref>Forme normano-picarde de l'ancien français ''acerer'' « garnir ou recouvrir d'acier ».</ref> une coingnie, a Bernart Chopillart, du commandement de mons. du Gal, un bouclez <ref>Bouclier.</ref> a chengle <ref>Forme normano-picarde de l'ancien français ''cengle'' « sangle ».</ref> pour le dit mons. Thomas du Gal, <small>II</small> cros a pendre ses coffrez a sommier <ref>Un ''somier'' (plus tard ''sommier'') est en ancien français une bête de somme, un cheval de charge. Les « coffres à sommier » désignent donc les ancêtres des valises : des coffres en bois dont on charge l'animal (généralement, un sur chaque flanc).</ref> et un quarteron de viretons <ref>Ancien français ''vireton'' « flèche rotative ».</ref> pour le dit mons. du Gal, et <small>VI</small> fers a une [sic] <ref>Lire ''fer a ane''.</ref>; une cleif et un estrief <ref>Ancien français ''estrief'', ''estrieu'' « étrier ». Un étrier d'arbalète était un étrier de fer placé à la tête de l'arbre, grâce auquel l'arbalétrier maintenait son arme verticalement avec le pied pendant qu'il en bandait l'arc.</ref> a une arbalestre de cor <ref>Faut-il comprendre « arbalète de corps », de valeur incertaine ? Le mot ''cor'' peut en outre avoir des sens très divers en ancien français. Mais, étant donné la confusion fréquente dans les manuscrits médiévaux des lettres ''c'' et ''t'', peut-être s'agit-il ici d'une ''arbalestre a tor'', qui désigne une arbalète de siège, munie d'un affût.</ref> pour le dit mons. Thomas, <small>II</small> fers a esseul <ref>Ancien français ''aissil'', ''aisuel'', ''esseul'' « essieu ».</ref> a la carete <ref>Forme normano-picarde de l'ancien français ''charete'' « petit char, charrette ».</ref> madame du Gal, demi <small>C</small> de clou pour la dite carete, <small>II</small> brides pour le dit mons. du Gal, une cleif a une des arbalastrez de la garnison, une estrille pour le chastellain, un tourail <ref>Variante de l'ancien français ''toreil'' « verrou ».</ref> a la porte de dessus Paris, <small>II</small> grans clous pour la dite porte, une cleif pour la porte de devant le march[ié], <small>XVI</small> gons et crampons pour tenir le garrot <ref>L'ancien français ''garrot'' a désigné divers objets longs : bois d'une flèche, carreau d'arbalète, bâton, levier, etc. Le sens en est peut-être ici « barre », pour verrouiller la porte de la tour.</ref> de la tour au Prestre, et <small>XVI</small> gons et crampons pour le garrot de la tour au Sauvage, et <small>VII</small> plates pice <ref>Forme dialectale normande de l'ancien français ''piece''[''s''].</ref> de fer grandes pour les dis garros, <small>IIII</small> grandes ouches <ref>Sens inconnu.</ref>, <small>IIII</small> plastrees <ref>Littéralement « emplâtre », mais sans doute ici avec le sens de « lien de fer ».</ref> pour les dis garros, pour lier et restreindre <small>III</small> seaulx pour les puis, et faire <small>II</small> grandes quevillez de viron <ref>Ancien français ''viron'' « à peu près, environ ».</ref> <small>III</small> piez de lonc pour l'engin que l'en appelle Baiex <ref>Cet « engin [de guerre] que l'on appelle Bayeux » nous est également inconnu.</ref>, une have <ref>Variante probable de l'ancien français ''havet'' « croc, crochet ».</ref> pour la garnison, et un fer a truble <ref>Le ''truble'' est une pelle en bois renforcée d'un fer. Ce mot a été conservé par certains parlers normands.</ref>, et une lime baillie <ref>Donnée.</ref> es carbonners <ref>Forme normano-picarde de l'ancien français ''charbon(n)ier''.</ref> du commandement du chastellain, acheter un martel et un chisel <ref>Forme normano-picarde de l'ancien français ''cisel'' « ciseau »; elle est passée telle quelle en anglais (''chisel'').</ref> a Guieffroy de Martinvast du commandement de mons. du Gal, lieutenant du Chastellain, un loquet pour la chambre des loges, un gon, une penteure pour l'uis de la meson Girot Courvassal, <small>V<sup>C</sup></small> de clou pour reparacion des bretesquez du danjon et de bas et des carneaux, <small>XXIIII</small> de gros clou pour le pont Jehan Martin, et <small>XXVI</small> clou pour fere les establiez Guieffroy de Martinvast, machon <ref>Forme normano-picarde de l'ancien français ''maçon''.</ref>, pour enduire les murs des fossés, renover une sie pour les seours <ref>Ancien français ''seeor'', ''seour'' « scieur ».</ref> de boiz du commandement mons. du Gal, acherer un grant martel de la garnison, et faire une houe et <small>II</small> cleif pour les coffres de la garnison, <small>IIII</small> bendes a lier les charneaux <ref>Variante francisée de ''carneaux'' « créneaux ».</ref> de la tour Grenot; pour <small>XXIIII</small> grans clous a coustre les tonneaux et les chanslatez du puis du baille, une penture pour l'uis du moustier <ref>Ancien français ''mostier'', ''moustier'' « église » < latin ''monasterium''.</ref>, C et demi de clou que grant que petit pour faire reparacions de tours et en la tremie du danjon, <small>XII</small> grosses quevilles et <small>IIII</small> quevilles agues <ref>Aiguës, pointues.</ref> pour les bretesques; esquelles <ref>Littéralement, « dans lesquelles ».</ref> euvrez faire Richart de Limoges et Colin le Gay ont esté, c'est assavoir le dit Richart par <small>IIII<sup>XX</sup></small> et <small>II</small> jours, <small>II</small> s. <small>VI</small> d. pour jour, valent en somme <small>X</small> l. <small>V</small> s.; itel le dit Colin le Gai, <small>IIII<sup>XX</sup> II</small> jours, <small>XVIII</small> d. pour jour, valent <small>VI</small> l. <small>III</small> s.


Item ouvrages fais de couverture de pierre, c'est assavoir descovrir et recovrir sous les bretesques d'entre la maison Jehan Conart et le gait Rouville, et pour aidier es carpentiers a lever le mesrien haut, et couvrir <small>V</small> couples de quevrons en la tour du gait Rouville et heuser par dessous d'un coster et d'autre, et couvrir la bretesque qui a été aloingnie endroit la maison Jehan le Maignen, et ………er les fentes de dessus la maison Johan le Maignein et la Johan du Prey, et couvrir dessous la bretesque qui est aloingniee entre la maison Richart Mauhommet et la tour au Prestre, et couvrir et adouber sur les bous des wuilz (?) de la dite tour, et adouber et couvrir pertuis qui estoient sur le moustier d'un costé et d'autre, et couvrir et descouvrir le degrei d'apres la maison Mauhommet, et appareillier le heusers d'une luquerne qui est chies Pierre de Vivers, et couvrir sur <small>II</small> quevrons neufs de la maison Jehan Conart, et couvrir sur <small>IIII</small> couplez de quevrons qui sunt sur un huis de la tour du Fenil, et heuser d'une part et d'autre; pour couvrir eu danjon sur la tour Saint Michiel et entre les alees de la dite tour et la tour devers la maison Bernart Chopillart devers la meir, et adouber et recouvrir les <small>II</small> grosses du danjon devers la ville et les alees de dessus la cuisine du danjon, et estouper un pertuis sous une fenestre couleiche chies Bernart Chopillart; pour adouber et recouvrir la couverture du puis du baille tout entour, et recouvrir et adouber la couverture de la maison la ou mons. Thomas demouroit par devers la maison Raoul de Laval; esquelles euvres Jehan Chopillart et Jehan du Perron ont esté, c'est assavoir le dit Chopillart <small>IIII<sup>XX</sup></small> et <small>X</small> jours, <small>XVIII</small> d. pour jour, valent <small>VII</small> l. <small>III</small> s.; item Jehan du Perron pour <small>IIII<sup>XX</sup></small> et <small>II</small> jours, <small>XVIII</small> d. pour jour, valent <small>VI</small> l. <small>III</small> s.
Item ouvrages fais de couverture de pierre, c'est assavoir descovrir et recovrir sous les bretesques d'entre la maison Jehan Conart et le gait Rouville, et pour aidier <ref>Ancien français ''aidier'' « aider » < gallo-roman <small>ADJUVARE</small>; la forme moderne ''aider'' est due à une réfection analogique, d'après la forme prise par certains verbes en conséquence du second effet de la loi de Bartsch (''marchier'' > ''marcher''; ''jugier'' > ''juger'', etc.).</ref> es carpentiers a lever le mesrien <ref>Ancien français ''mairien'', ''mesrien'' « merrain, bois de construction » < gallo-roman <small>°MATERIAMEN</small>, dérivé neutre à valeur instrumentale du latin ''materia'' « matière ».</ref> haut, et couvrir <small>V</small> couples de quevrons en la tour du gait Rouville et heuser <ref>Ancien français ''heuzer'' « creuser avec la houe », et sans doute ici « creuser avec l'herminette ».</ref> par dessous d'un costé et d'autre, et couvrir la bretesque qui a été aloingnie <ref>Lire ''aloingniee'', comme ci-dessous; de l'ancien français ''aloingnier'' « éloigner ».</ref> endroit <ref>Ancien français ''endroit'' « auprès de ».</ref> la maison Jehan le Maignen, et ………er les fentes de dessus la maison Johan le Maignein et la Johan du Prey, et couvrir dessous la bretesque qui est aloingniee entre la maison Richart Mauhommet et la tour au Prestre, et couvrir et adouber sur les bous des wuilz (?) <ref>Mot incertain; comprendre peut-être ''vuitz'' « vides »; cf. liégeois ''vû'' « vide formé par une baie de porte ou de fenêtre ». Ce sens serait cohérent avec celui des ''pertuis'' ci-après.</ref> de la dite tour, et adouber et couvrir pertuis <ref>Ancien français ''pertuis'' « trou, ouverture », et aussi « passage ».</ref> qui estoient sur le moustier d'un costé et d'autre, et couvrir et descouvrir le degrei d'apres la maison Mauhommet, et appareillier le heusers d'une luquerne <ref>Variante ancienne de ''lucarne'' (action fermante de [r] au Moyen Âge).</ref> qui est chies Pierre de Vivers, et couvrir sur <small>II</small> quevrons neufs de la maison Jehan Conart, et couvrir sur <small>IIII</small> couplez de quevrons qui sunt sur un huis de la tour du Fenil, et heuser d'une part et d'autre; pour couvrir eu danjon sur la tour Saint Michiel et entre les alees de la dite tour et la tour devers la maison Bernart Chopillart devers la meir, et adouber et recouvrir les <small>II</small> grosses du danjon devers la ville et les alees de dessus la cuisine du danjon, et estouper un pertuis sous une fenestre couleiche <ref>Ancien français ''coleis'', ''couleis'' « coulissant »; ''couleiche'' est la forme normano-picarde du féminin ''couleisse''.</ref> chies Bernart Chopillart; pour adouber et recouvrir la couverture du puis du baille tout entour, et recouvrir et adouber la couverture de la maison la ou mons. Thomas demouroit par devers la maison Raoul de Laval; esquelles euvres Jehan Chopillart et Jehan du Perron ont esté, c'est assavoir le dit Chopillart <small>IIII<sup>XX</sup></small> et <small>X</small> jours, <small>XVIII</small> d. pour jour, valent <small>VII</small> l. <small>III</small> s.; item Jehan du Perron pour <small>IIII<sup>XX</sup></small> et <small>II</small> jours, <small>XVIII</small> d. pour jour, valent <small>VI</small> l. <small>III</small> s.


Item machonneries faites par Guiffroy de Martinvast, c'est assavoir pour machonner et solleir les solez et les posteaux des estroitez bretesquez et appareillier les greniers ou l'en met les bles de la garnison; esquelles euvrez et plusours autres menues euvres, et pourgeter une fente qui estoit es murs la ou la maison Jehan Martin pent devers la Bonde, le dit Guieffroy a esté <small>XLV</small> jours, [<small>XVIII</small>] d. par jour, valent <small>LXVII</small> s. <small>VI</small> d.
Item machonneries <ref>Forme normano-picarde de l'ancien français ''maçoneries''.</ref> faites par Guiffroy de Martinvast, c'est assavoir pour machonner <ref>Forme normano-picarde de l'ancien français ''maçoner''.</ref> et solleir <ref>Ancien français ''soler'' « garnir le sol »</ref> les solez <ref>Ancien français ''sole'' « cellier, cave ».</ref> et les posteaux des estroitez bretesquez et appareillier les greniers ou l'en met les bles de la garnison; esquelles euvrez et plusours autres menues euvres, et pourgeter <ref>Ancien français ''porgeter'', ici « crépir », « jeter du crépi ».</ref> une fente qui estoit es murs la ou la maison Jehan Martin pent <ref>Ancien français ''pendre'' « pencher ».</ref> devers la Bonde, le dit Guieffroy a esté <small>XLV</small> jours, [<small>XVIII</small>] d. par jour, valent <small>LXVII</small> s. <small>VI</small> d.


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Ligne 41 : Ligne 37 :
Ce texte fournit de précieux renseignements concernant le salaire journalier d'un artisan dans la Manche en 1348. On constate qu'il est variable, allant pratiquement du simple au double, selon (sans doute) l'âge, l'expérience, la spécialité ou la qualification (la raison de ces différences n'est malheureusement pas précisée).
Ce texte fournit de précieux renseignements concernant le salaire journalier d'un artisan dans la Manche en 1348. On constate qu'il est variable, allant pratiquement du simple au double, selon (sans doute) l'âge, l'expérience, la spécialité ou la qualification (la raison de ces différences n'est malheureusement pas précisée).
* '''charpentiers''' / '''menuisiers''' : le salaire va de 2 sols 6 deniers (30 deniers) à 1 sol 6 deniers (18 deniers) par jour. — Répartition : 1 ouvrier à 30 deniers; 4 ouvriers à 24 deniers; 1 ouvrier à 20 deniers; 1 ouvrier à 18 deniers.
* '''charpentiers''' / '''menuisiers''' : le salaire va de 2 sols 6 deniers (30 deniers) à 1 sol 6 deniers (18 deniers) par jour. — Répartition : 1 ouvrier à 30 deniers; 4 ouvriers à 24 deniers; 1 ouvrier à 20 deniers; 1 ouvrier à 18 deniers.
* '''ferronniers''' / '''forgerons''' :
* '''ferronniers''' / '''forgerons''' : le salaire va de 2 sols 6 deniers (30 deniers) à 1 sol 6 deniers (18 deniers) par jour (deux artisans).
* '''couvreurs''' :
* '''couvreurs''' : 1 sol 6 deniers (18 deniers) par jour (deux artisans).
* '''maçons''' :
* '''maçons''' : 1 sol 6 deniers (18 deniers) par jour (un artisan).
 
=====Topographie du château=====
Un second point d'intérêt réside dans le fait que ce texte permet d'identifier un certain nombre d'ouvrages défensifs (tours, postes de guet, etc.) et de constructions diverses, de les nommer et, dans une certaine mesure, de les localiser les unes par rapport aux autres. On peut ainsi relever :
 
*<u>Tours</u> :
** ''le danjon''.
** ''la tour au Prestre''.
** ''la tour au Sauvage''.
** ''la tour de bas''.
** ''la tour du Fenil''.
** ''la tour Grenot''.
** ''la tour Longis''.
** ''la tour Rauville''.
** ''la tour Saint Michiel''.
 
*<u>Guets</u> :
** ''le gait Hauville''.
** ''le gait Rouville'' <ref>Il s'agit probablement du même (cf. aussi la tour Rauville ci-dessus). Cette fluctuation graphique correspond certainement à une prononciation fortement expirée de [h], proche de [ʁ].</ref>.
 
*<u>Portes</u> :
** ''la porte de la greive''.
** ''la porte de dessus Paris''.
 
*<u>Escaliers</u> :
** ''le degrey d'apres la maison Mauhommet''; ''le degrey Mauhommet''.
 
*<u>Ponts</u> :
** ''le pont Jehan Martin''.
 
*<u>Maisons</u> :
** ''la maison Bernart Chopillart''.
** ''la maison de Johan Conart''; ''la meson Jehan Conart''; ''la maison Jehan Conart''.
** ''la meson Girot Courvassal''.
** ''la maison Raoul de Laval''.
** ''la meson Jehan du Prey''; ''la [maison] Johan du Prey''.
** ''la maison Jehan le Maignen''; ''la maison Johan le Maignein''.
** ''la maison Jehan Martin''.
** ''la maison Mauhomet''; ''la maison Mauhommet''; ''la maison Richart Mauhommet''.
** ''la meson la ou le mestre des euvres demouroit''; ''la maison la ou mons. Thomas demouroit''; ''la meson la ou mons. du Gal demoure''.
 
*<u>Églises</u> :
** ''la chapelle Saint Michiel''.
 
*<u>Lieux divers</u> :
** ''la Bonde''.
** ''le puis du baille''.


====Caractéristiques dialectales====
====Caractéristiques dialectales====
=====Traits normano-picards=====


Trois [[traits normano-picards]] sont décelables dans ce texte :


=====[[Traits normano-picards]]=====
* Conservation de [k] issu de ''c'' latin (ou germanique assimilé) devant ''a'', là où le français a [ʃ], noté ''ch'' :
* Conservation de [k] issu de ''c'' latin (ou germanique assimilé) devant ''a'', là où le français a [ʃ], noté ''ch'' :
**'''Dans le lexique''' : ''bretesque'' (bretèche); ''canga'' (changea); ''carbon'' (charbon), ''carboniers'' (charbonniers); ''carpentiers'' (charpentiers), ''carpenteries'' (charpenteries); ''quevrons'' (chevrons), ''requevronner'' (« rechevronner »); ''quevillez'' (chevilles), ''requeviller'' (recheviller).
**'''Dans le lexique''' : ''bretesque'' (bretèche); ''canga'' (changea); ''carbon'' (charbon), ''carboniers'', ''carbonners'' (charbonniers); ''carete'' (charrette); ''carpentiers'' (charpentiers), ''carpenteries'' (charpenteries); ''clenque'' (clenche); ''croques'', ''croquez'' (croches); ''quevrons'' (chevrons), ''requevronner'' (« rechevronner »); ''quevillez'' (chevilles), ''requeviller'' (recheviller).
**'''Dans les noms propres''' : Johan ''Quesnel'' (Chesnel; nom formé sur ''quesne'' « chêne »).
**'''Dans les noms propres''' : Johan ''Quesnel'' (Chesnel; nom formé sur ''quesne'' « chêne »).


* Conservation de [g] issu de ''g'' latin devant ''a'', là où le français a [ʒ], noté ''g(e)-'', ''g(i)-'', ''j-'' : .
* Conservation de [g] issu de ''g'' latin (ou germanique assimilé) devant ''a'', là où le français a [ʒ], noté ''g(e)-'', ''g(i)-'', ''j-'' :
** '''Dans les noms propres''' : ''Guieffroy'' de Martinvast (Geoffroy) <ref>Ce nom provient en effet du nom de personne d'origine germanique '''''Ga'''utfrid''.</ref>.


* Évolution de [k] > [ʃ] (noté ''ch'') issu de ''c'' latin devant ''e'' et ''i'', là où le français a [s], noté ''c(e)'', ''c(i)'', ''ss'' :  
* Évolution de [k] > [ʃ] (noté ''ch'') issu de ''c'' latin devant ''e'' et ''i'' (ou germanique assimilé), là où le français a [s], noté ''c(e)'', ''c(i)'', ''ç'', ''s'', ''ss'' :  
**'''Dans le lexique''' : ''redrechier'' (redresser); ''estrecher'' (étrécir).
**'''Dans le lexique''' : ''acherer'' (acérer); ''chengle'' (sangle); ''chisel'' (ciseau); ''machon'', ''machonner'', ''machonnerie'' (maçon, maçonner, maçonnerie); ''redrechier'' (redresser); ''estrecher'' (étrécir); ''couleiche'' (coulisse).
**'''Dans les noms propres''' : Guillot ''le Pouchin'' (Poussin).
**'''Dans les noms propres''' : Guillot ''le Pouchin'' (Poussin).


==Notes et références==
=====Traits de l'Ouest=====
<references/>
On remarque également dans ce texte plusieurs caractéristiques des dialectes de l'[[Traits de l'Ouest|ouest de la France]].
 
La première se relève, en gros, de la Seine-Maritime à la Charente-Maritime :
 
* Latin [e:], [i] toniques libres > [e], [ɛ] noté ''ei'', ''é'', ''ai'', è, là où le français a [wa] noté ''oi'', ''oy'' :
** '''Dans les noms propres''' : ''Jehan le Land'''ez''''' (graphie moderne ''Leland'''ais''''' = forme de l'Est ''Land'''ois''''').
 
La seconde, plus tardive, affecte la Normandie et, sporadiquement, quelques régions plus au sud :
 
* Action fermante de [r] en syllabe initiale au Moyen Âge :
** '''Dans le lexique''' : '''''her'''nois'' (ancien français '''''har'''nois'', « équipement militaire »).
 
{{Notes et références}}


[[Catégorie:Document d'archives]]
[[Catégorie:Document d'archives|1348]]
[[Catégorie:Texte dialectal]]
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Dernière version du 25 avril 2023 à 15:11

Château et fortifications de Cherbourg au 17e siècle

Le château et les fortifications de Cherbourg furent entretenus, refaits, renforcés tout au long de leur histoire; le château lui-même fut finalement démoli entre 1689 et 1692. Le texte ci-dessous, qui détaille les travaux effectués au château de 1347 à 1348, sous le règne de Philippe VI de Valois, donne une idée assez précise de ce site stratégique au milieu du 14e siècle, au début de la guerre de Cent Ans.

Présentation

Ce document, daté de Pâques 1348, provient des Actes normands de la Chambre des Comptes [1]. Nous en avons supprimé les accents graves et aigus non nécessaires à la lecture, ajoutés dans l'édition du manuscrit par Léopold Delisle, mais conservé les apostrophes et la ponctuation, également imputables au transcripteur.

Le texte est clairement organisé en plusieurs parties, selon la nature des travaux effectués : en introduction sont évoquées plusieurs menues tâches (pose de gouttières; charriage de matériaux; confection de charbon de bois), puis quatre importantes sections sont consacrées respectivement aux travaux de charpenterie et menuiserie, de ferronnerie, de couverture, et enfin de maçonnerie. Chaque tâche particulière est dûment répertoriée, les artisans identifiés et leur salaire calculé.

Texte

Le château de Cherbourg (reconstitution) en 1620.

Partie d'euvres faites et mises ou [2] chastel de Cherebourc par Jehan Vuibet, dit Macenot, maistre des euvres du dit chastel, depuis le terme de la Saint Michiel CCC XLVII [3], et comptees au terme de Pasques l'an mil CCC XLVIII.

Premierement pour ……… [4] les gouteres [5] par Guillaume l'Orfevre, de son esteim [6], XX s. [7].

Item pour XIII milliers de pierres a couvrir [8], le millier VII s., rendu et amené eu dit chastel, valent IIII l. XI s.

Item pour ……… de carbon de fournel [9] fait en la haie [10] de Saumarez [11] par les carboniers que le chastelain fist venir de son pays ……… valent LXXV s.

Item pour les carpenteries faites eu [12] dit chastel, c'est assavoir pour faire la bretesque [13] derrere la tour Rauville ot [14] la tour du Fenil, et faire la bretesque carree, et faire une closture de coulombeiz [15] chies [16] Johan du Rey, a une chambre, pour les couvertures, et faire une chambre en la maison de Johan Conart, une fenestre, reparacion d'auges et de rasteliers es [17] establieez [18] de dessous Jehan le Maignen, et doleir [19] latez [20] et faire chanslate [21], pour ……… en tous les greniers haut et bas, appareillier une fenestre en la chambre de haut dessus Jehan Martin, et appareiller IIII huches du danjon [22] pour la chastelaine et I tronc [23], pour redrechier et requevronner [24] le degrey [25] d'apres la maison Mauhommet qui estoit chaet [26]; pour metre pendans [27] es aes [28] des carneaux [29] et faire en de touz neufs, et faire une huche pour la chastelaine toute neuve, et une arche [30] pour Robin le Seneschal, escuier du chastelain; pour clorre d'aes entour le puis du baille [31], et faire reparacion es tour de bas de quevillez [32] et d'aes; pour restreindre et requeviller les aes des biccesques [33] et le planchier de haut ou danjon; pour faire l'alee de la bretesque d'entre la tour au Prestre et la bretesque de dessus le degrey Mauhommet, et faire la colombe [34] de la porte de la greive [35], et une goutere en la maison Jehan le Maignen, et faire une peille [36] pour le four du danjon, et fenestres en la meson la ou le mestre des euvres demouroit, et adouber [37] les fenestrez de la meson la ou mons. du Gal demoure, et estrecher [38] et reffaire la bretesque de la tour Grenot; pour metre II quevrons a la meson Jehan Conart; pour adouber la porte de dessus Paris et metre y une sarreure [39] en estrange boiz [40]. Es quelles euvrez et plusours autres menues euvres faires les carpentiers qui ensievent [41] ont esté [42], c'est assavoir [43] : Guillot Rose, XLV jours, II s. VI d. par jour [44], valent C XII s. VI d. — Jehan Ferey, LXX jours, II s. pour jour, valent VII l. — Johan Quesnel, LXX jours, II s. pour jour, valent VII l. — Guillot le Pouchin, LXX jours, II s. pour jour, valent VII l. — Jehan le Landez, IIIIXX et II jours au devant du jour Saint Vincent que la monnoie canga [45], [46], II s. pour jour, valent VIII l. IIII s. — Jehan Murdrac, LXX jours, XX d. pour jour, valent CXVI s. VIII d. — Guillot Buherey, XXVIII jours, XX d. pour jour, valent XLVI s. VIII d. — Michiel le Jeune, LXX jours, XVIII d. pour jour, valent CV s.

Item forgeures [47] faites eu dit chastel, c'est assavoir XXXIIII quevillez grandes de fer pour coustre [48] les treifs [49] de la bretesque d'entre le gait [50] Hauville et la tour du Fenil, et tout le clou grant et petit qui est en la dite bretesque, tant en limandez [51] que austres coustures [52], et IIII quevilles grandes pour coustre les treifs de l'aleie de la bretesque d'entre la tour Longis et la grand bretesque de dessus le Fenil, et tout le clou grant et petit qui est en la dite alee, tant en limandes que en cousture, et III quevillez pour coustre les treifs de l'alee de la bretesque d'entre la tour au Prestre et la tour Grenot, et le clou qui est a present et la dite alee, et demi cent de clou grant et petit pour le degrey d'apres la maison Mauhomet, et II gons, II penturez pour la meson Jehan du Prey; pour I quarteron [53] de clou pour coustre coulombez d'une chambre chies Jehan du Prey; pour C et demi de clou a coustre le paleteis [54] du celier Jehan du Prey, et demi cent de clou pour les estables au chastelain, I chandelier a palete [55] pour les dites estables, une cleif, VI croques [56] en la chambre es escuiers, desquielx Jehan du Prey, peur pendre lour hernois [57]; pour I carteron de clou a une chambre chies Jehan Conart, II gonz, II penturez, une clenque [58] pour l'uis [59] du buschier [60] de la garnison, II lunetez [61], une clenque pour le prael [62] de devant la meson Jehan du Prey, I quarteron de clou pour metre es guerniers [63] de dessus Saint Michiel a faire les establies, IIC de clou a coustre tonneaux chanslatez et a faire les aleurs [64]; pour une cleif a la chapelle Saint Michiel, I quarteron de clou a faire reparacions en la chambre au chastellain et aillours; pour VI croquez a pendre les torches au chastellain, une bende [65] et un moieillon pour le charun [66] du danjon; pour une clef du petit guernier de dessus la chambre au chastellain, une clef a la despense [67] du danjon; pour achater une hachete et une coingnie a bosc [68] pour la cuisine, et acherer [69] une coingnie, a Bernart Chopillart, du commandement de mons. du Gal, un bouclez [70] a chengle [71] pour le dit mons. Thomas du Gal, II cros a pendre ses coffrez a sommier [72] et un quarteron de viretons [73] pour le dit mons. du Gal, et VI fers a une [sic] [74]; une cleif et un estrief [75] a une arbalestre de cor [76] pour le dit mons. Thomas, II fers a esseul [77] a la carete [78] madame du Gal, demi C de clou pour la dite carete, II brides pour le dit mons. du Gal, une cleif a une des arbalastrez de la garnison, une estrille pour le chastellain, un tourail [79] a la porte de dessus Paris, II grans clous pour la dite porte, une cleif pour la porte de devant le march[ié], XVI gons et crampons pour tenir le garrot [80] de la tour au Prestre, et XVI gons et crampons pour le garrot de la tour au Sauvage, et VII plates pice [81] de fer grandes pour les dis garros, IIII grandes ouches [82], IIII plastrees [83] pour les dis garros, pour lier et restreindre III seaulx pour les puis, et faire II grandes quevillez de viron [84] III piez de lonc pour l'engin que l'en appelle Baiex [85], une have [86] pour la garnison, et un fer a truble [87], et une lime baillie [88] es carbonners [89] du commandement du chastellain, acheter un martel et un chisel [90] a Guieffroy de Martinvast du commandement de mons. du Gal, lieutenant du Chastellain, un loquet pour la chambre des loges, un gon, une penteure pour l'uis de la meson Girot Courvassal, VC de clou pour reparacion des bretesquez du danjon et de bas et des carneaux, XXIIII de gros clou pour le pont Jehan Martin, et XXVI clou pour fere les establiez Guieffroy de Martinvast, machon [91], pour enduire les murs des fossés, renover une sie pour les seours [92] de boiz du commandement mons. du Gal, acherer un grant martel de la garnison, et faire une houe et II cleif pour les coffres de la garnison, IIII bendes a lier les charneaux [93] de la tour Grenot; pour XXIIII grans clous a coustre les tonneaux et les chanslatez du puis du baille, une penture pour l'uis du moustier [94], C et demi de clou que grant que petit pour faire reparacions de tours et en la tremie du danjon, XII grosses quevilles et IIII quevilles agues [95] pour les bretesques; esquelles [96] euvrez faire Richart de Limoges et Colin le Gay ont esté, c'est assavoir le dit Richart par IIIIXX et II jours, II s. VI d. pour jour, valent en somme X l. V s.; itel le dit Colin le Gai, IIIIXX II jours, XVIII d. pour jour, valent VI l. III s.

Item ouvrages fais de couverture de pierre, c'est assavoir descovrir et recovrir sous les bretesques d'entre la maison Jehan Conart et le gait Rouville, et pour aidier [97] es carpentiers a lever le mesrien [98] haut, et couvrir V couples de quevrons en la tour du gait Rouville et heuser [99] par dessous d'un costé et d'autre, et couvrir la bretesque qui a été aloingnie [100] endroit [101] la maison Jehan le Maignen, et ………er les fentes de dessus la maison Johan le Maignein et la Johan du Prey, et couvrir dessous la bretesque qui est aloingniee entre la maison Richart Mauhommet et la tour au Prestre, et couvrir et adouber sur les bous des wuilz (?) [102] de la dite tour, et adouber et couvrir pertuis [103] qui estoient sur le moustier d'un costé et d'autre, et couvrir et descouvrir le degrei d'apres la maison Mauhommet, et appareillier le heusers d'une luquerne [104] qui est chies Pierre de Vivers, et couvrir sur II quevrons neufs de la maison Jehan Conart, et couvrir sur IIII couplez de quevrons qui sunt sur un huis de la tour du Fenil, et heuser d'une part et d'autre; pour couvrir eu danjon sur la tour Saint Michiel et entre les alees de la dite tour et la tour devers la maison Bernart Chopillart devers la meir, et adouber et recouvrir les II grosses du danjon devers la ville et les alees de dessus la cuisine du danjon, et estouper un pertuis sous une fenestre couleiche [105] chies Bernart Chopillart; pour adouber et recouvrir la couverture du puis du baille tout entour, et recouvrir et adouber la couverture de la maison la ou mons. Thomas demouroit par devers la maison Raoul de Laval; esquelles euvres Jehan Chopillart et Jehan du Perron ont esté, c'est assavoir le dit Chopillart IIIIXX et X jours, XVIII d. pour jour, valent VII l. III s.; item Jehan du Perron pour IIIIXX et II jours, XVIII d. pour jour, valent VI l. III s.

Item machonneries [106] faites par Guiffroy de Martinvast, c'est assavoir pour machonner [107] et solleir [108] les solez [109] et les posteaux des estroitez bretesquez et appareillier les greniers ou l'en met les bles de la garnison; esquelles euvrez et plusours autres menues euvres, et pourgeter [110] une fente qui estoit es murs la ou la maison Jehan Martin pent [111] devers la Bonde, le dit Guieffroy a esté XLV jours, [XVIII] d. par jour, valent LXVII s. VI d.

............................................................................................................................................

Commentaire

Remarques générales

Ce texte est rédigé en ancien français tardif, proche du moyen français que certains font commencer vers 1350, et d'autres vers 1400. Il contient de nombreuses formes dialectales normano-picardes ainsi que de l'Ouest.

Intérêt historique

Salaire des artisans

Ce texte fournit de précieux renseignements concernant le salaire journalier d'un artisan dans la Manche en 1348. On constate qu'il est variable, allant pratiquement du simple au double, selon (sans doute) l'âge, l'expérience, la spécialité ou la qualification (la raison de ces différences n'est malheureusement pas précisée).

  • charpentiers / menuisiers : le salaire va de 2 sols 6 deniers (30 deniers) à 1 sol 6 deniers (18 deniers) par jour. — Répartition : 1 ouvrier à 30 deniers; 4 ouvriers à 24 deniers; 1 ouvrier à 20 deniers; 1 ouvrier à 18 deniers.
  • ferronniers / forgerons : le salaire va de 2 sols 6 deniers (30 deniers) à 1 sol 6 deniers (18 deniers) par jour (deux artisans).
  • couvreurs : 1 sol 6 deniers (18 deniers) par jour (deux artisans).
  • maçons : 1 sol 6 deniers (18 deniers) par jour (un artisan).
Topographie du château

Un second point d'intérêt réside dans le fait que ce texte permet d'identifier un certain nombre d'ouvrages défensifs (tours, postes de guet, etc.) et de constructions diverses, de les nommer et, dans une certaine mesure, de les localiser les unes par rapport aux autres. On peut ainsi relever :

  • Tours :
    • le danjon.
    • la tour au Prestre.
    • la tour au Sauvage.
    • la tour de bas.
    • la tour du Fenil.
    • la tour Grenot.
    • la tour Longis.
    • la tour Rauville.
    • la tour Saint Michiel.
  • Guets :
    • le gait Hauville.
    • le gait Rouville [112].
  • Portes :
    • la porte de la greive.
    • la porte de dessus Paris.
  • Escaliers :
    • le degrey d'apres la maison Mauhommet; le degrey Mauhommet.
  • Ponts :
    • le pont Jehan Martin.
  • Maisons :
    • la maison Bernart Chopillart.
    • la maison de Johan Conart; la meson Jehan Conart; la maison Jehan Conart.
    • la meson Girot Courvassal.
    • la maison Raoul de Laval.
    • la meson Jehan du Prey; la [maison] Johan du Prey.
    • la maison Jehan le Maignen; la maison Johan le Maignein.
    • la maison Jehan Martin.
    • la maison Mauhomet; la maison Mauhommet; la maison Richart Mauhommet.
    • la meson la ou le mestre des euvres demouroit; la maison la ou mons. Thomas demouroit; la meson la ou mons. du Gal demoure.
  • Églises :
    • la chapelle Saint Michiel.
  • Lieux divers :
    • la Bonde.
    • le puis du baille.

Caractéristiques dialectales

Traits normano-picards

Trois traits normano-picards sont décelables dans ce texte :

  • Conservation de [k] issu de c latin (ou germanique assimilé) devant a, là où le français a [ʃ], noté ch :
    • Dans le lexique : bretesque (bretèche); canga (changea); carbon (charbon), carboniers, carbonners (charbonniers); carete (charrette); carpentiers (charpentiers), carpenteries (charpenteries); clenque (clenche); croques, croquez (croches); quevrons (chevrons), requevronner (« rechevronner »); quevillez (chevilles), requeviller (recheviller).
    • Dans les noms propres : Johan Quesnel (Chesnel; nom formé sur quesne « chêne »).
  • Conservation de [g] issu de g latin (ou germanique assimilé) devant a, là où le français a [ʒ], noté g(e)-, g(i)-, j- :
    • Dans les noms propres : Guieffroy de Martinvast (Geoffroy) [113].
  • Évolution de [k] > [ʃ] (noté ch) issu de c latin devant e et i (ou germanique assimilé), là où le français a [s], noté c(e), c(i), ç, s, ss :
    • Dans le lexique : acherer (acérer); chengle (sangle); chisel (ciseau); machon, machonner, machonnerie (maçon, maçonner, maçonnerie); redrechier (redresser); estrecher (étrécir); couleiche (coulisse).
    • Dans les noms propres : Guillot le Pouchin (Poussin).
Traits de l'Ouest

On remarque également dans ce texte plusieurs caractéristiques des dialectes de l'ouest de la France.

La première se relève, en gros, de la Seine-Maritime à la Charente-Maritime :

  • Latin [e:], [i] toniques libres > [e], [ɛ] noté ei, é, ai, è, là où le français a [wa] noté oi, oy :
    • Dans les noms propres : Jehan le Landez (graphie moderne Lelandais = forme de l'Est Landois).

La seconde, plus tardive, affecte la Normandie et, sporadiquement, quelques régions plus au sud :

  • Action fermante de [r] en syllabe initiale au Moyen Âge :
    • Dans le lexique : hernois (ancien français harnois, « équipement militaire »).

Notes et références

  1. Léopold Delisle, Les actes normands de la Chambre des Comptes sous Philippe de Valois (1328-1350), Rouen, Le Brument, 1871, p. 362-368, § 209.
  2. Ancien français ou « dans le », forme contractée de en + le.
  3. 29 septembre 1347.
  4. Les points de suspension indiquent ici soit un blanc dans le texte originel, soit un passage illisible.
  5. Gouttières.
  6. Ancien français estain, estaim, etc. « étain ».
  7. On rencontre dans ce texte les abréviations usuelles suivantes : d. = denier; s. = sol (12 deniers); l. = livre (20 sols).
  8. On les désigne plus couramment aujourd'hui par le terme d'origine occitane de lauzes.
  9. Littéralement, « charbon de fourneau ». Il s'agit évidemment de charbon de bois.
  10. Ancien français haie « bois ».
  11. Ce lieu n'est pas identifié avec certitude : il peut s'agir de Sauxmarais à Tourlaville ou à Réville, de Saulmarais à Anneville-en-Saire, ou encore des Saumarais à Barneville-Carteret.
  12. Ancien français eu, variante de ou « dans le » < en + le.
  13. Forme normano-picarde de l'ancien français bretesche, qui a désigné un château en bois couvert d'un toit et faisant saillie sur un mur pour protéger les baies des fenêtres.
  14. Ancien français o, ot « avec » < latin apud. Le mot subsiste dans quelques parlers normands.
  15. Ancien français colombeis, colombeys « cloison formée de colonnes ». Ce mot est un dérivé collectif en -eis de l'ancien français colombe « colonne » < latin columna.
  16. Ancien français chies « chez ».
  17. Ancien français es « dans les », forme contractée de en les.
  18. Ancien français establie « établi; échafaudage; boutique; redoute ». Sans doute ce dernier sens est-il préférable ici.
  19. Sans doute pour doler « amincir, aplanir ». La graphie doleir est la forme dialectale de l'Ouest de doloir « faire souffrir », avec lequel le mot a été confondu.
  20. Lattes; le -ez final, fréquent dans ce texte, est une simple variante graphique de -es.
  21. Le mot chanlate a eu différents sens en ancien français, où il est souvent associé au mot late. On lit ainsi dans la Voie de Paradis de Rutebeuf (13e s.) : La couverture a tout les lates, / Et li chevron et les chanlates / Sont fetes de bone aventure. Ce mot a parfois désigné une gouttière, mais désigne à proprement parler une latte mise à chant (sur son petit côté). En terme de couvreur, c'est un chevron refendu diagonalement, posé à l'extrémité des chevrons d'une couverture, de même sens que les lattes et qui soutient les dernières tuiles et l'égout.
  22. Ancienne variante de donjon < gallo-roman °DOMINIONE < bas-latin °dominionem, accusatif de °dominio, formé sur le latin dominus « seigneur ».
  23. Sans doute ici au sens de « coffre en bois », qui est plutôt celui du féminin tronche. Cette valeur a été conservée, entre autres, par l'anglais trunk « coffre », emprunté à l'ancien français.
  24. Littéralement, « redresser et rechevronner »; formes normano-picardes.
  25. L'escalier.
  26. Qui était tombé. Le mot chaet est le participe passé de chaer, chaier, variante morphologique de cheoir « choir, tomber » < latin cadēre.
  27. Terme technique de valeur imprécise; l'ancien français pendant a désigné toutes sortes de choses en pente ou qui servaient à suspendre.
  28. Aux ais (planches de bois); du gallo-roman °AXE, latin axis.
  29. Ancien français carnel (pluriel carnels, puis carneaux), « créneau ».
  30. Ancien français arche « coffre, caisse » < latin arca.
  31. L'ancien français baille a désigné une enceinte retranchée, et plus particulièrement l'espace fortifié autour du donjon d'un château, renfermant la chapelle, les magasins, etc. (et ici, on le voit, le puits). Ce mot est la forme féminine de bail « pieu ferré; enceinte, palissade » < gallo-roman °BALLIU, d’origine probablement gauloise.
  32. Chevilles; forme normano-picarde.
  33. Ce mot ne semble pas exister; il pourrait représenter une graphie corrompue de bretesques « bretèches ».
  34. Ancien français colombe « colonne, pilier, poteau » < latin columna « colonne »; le mot désigne ici le montant de la porte.
  35. La porte donnant sur le rivage.
  36. L'ancien français peille, pesle au sens de « pêne (de porte) » étant masculin, il s'agit sans doute ici d'une variante graphique de pele « pelle », et donc d'une pelle à four.
  37. Employé ici au sens d' « arranger, remettre en état »; ce sens a été conservé dans l'expression j'adoube aux échecs, utilisée par le joueur qui touche une pièce sans la jouer, pour la remettre en bonne position sur sa case.
  38. Forme normano-picarde de l'ancien français estrecier « resserrer; rétrécir, diminuer ».
  39. Serrure.
  40. La valeur de cette locution n'est pas claire. Le mot estrange veut généralement dire « étranger, qui vient d'ailleurs » : s'agit-il de bois exotique ? Peut-être faut-il simplement comprendre « différent ».
  41. De l'ancien français ensievir, ensevre, variantes d'ensuivre.
  42. Participe passé du verbe ester « rester, demeurer; séjourner » < latin stare « se tenir debout »; le verbe introduit ici le décompte des journées de travail. Ce participe passé est par ailleurs devenu celui du verbe être en français.
  43. Habitude graphique ancienne pour à savoir; on la trouve encore utilisée au 17e siècle, parfois même plus tardivement.
  44. Dans tout le reste du paragraphe, on a la locution pour jour et non par jour; il s'agit peut-être ici d'une faute d'inattention de la part de Léopold Delisle (qui en fait généralement peu).
  45. Ancien normano-picard cangier, équivalent de l'ancien français changier « changer ».
  46. Ce changement de valeur de la monnaie correspond, note Léopold Delisle, aux ordonnances du 6 janvier 1348.
  47. Ancien français forgeure « action de forger », et ici « ouvrage de ferronnerie ».
  48. Ancien français coustre, variante tardive de cosdre « coudre », ici employé au sens d' « assembler ».
  49. Ancien français tref « poutre, solive » < gallo-roman °TRABE < latin trabem, accusatif de trabs « poutre », également à l'origine du français travée.
  50. Ancien français gait « guet », au sens de « poste de guet ».
  51. Ancien français limande « planche plate ».
  52. Ancien français costure, cousture « couture », ici « assemblage ».
  53. L'ancien français quarteron avait le sens de « quart »; il désigne ici le quart d'un cent, c'est-à-dire vingt-cinq (et non pas quatre, comme le pensait un certain général…).
  54. Ici, « palissade »; mais ce mot désignait le plus souvent un combat qui se faisait aux palissades d'une ville ou d'un château.
  55. Une palete est une petite pelle; mais nous ignorons ce qu'est un chandelier a palete.
  56. Forme normano-picarde de l'ancien français croche « crochet ».
  57. L'ancien français harnois a désigné tout l'équipement d'un homme d'armes, une arme ou une armure aussi bien que le harnais d'un cheval. La forme hernois résulte de l'action fermante dans l'Ouest de [r] en syllabe initiale au Moyen Âge.
  58. Forme normano-picarde de clenche.
  59. Ancien français uis « porte » < latin ostium.
  60. Lieu où l'on stocke le bois de chauffage. Ce sens est resté courant en Normandie.
  61. L'ancien français lunete « petite lune » a désigné divers objets mal définis de forme ronde. L'un d'entre eux semble en relation avec les gonds de porte; cf. cet extrait du Compte de Odart de Claigny (1335), cité par Frédéric Godefroy à l'article LUNETE : pour .IIII. lunetes et .IIII. gons a fust, avecques .II. verrouls pour les huys.
  62. Ancien français prael « petit pré », puis « cour, préau » au 13e siècle.
  63. Métathèse fréquente de grenier.
  64. Ancien français aleor « allée, corridor; chemin de ronde », mais aussi « échafaudage ». C'est sans doute ce dernier sens qu'il faut retenir ici.
  65. Ancien français bande, bende « lien, bandeau ».
  66. La lecture de ce mot et son sens sont incertains.
  67. Ancien français despense « endroit où l'on garde les provisions ».
  68. Grosse hache pour fendre le bois.
  69. Forme normano-picarde de l'ancien français acerer « garnir ou recouvrir d'acier ».
  70. Bouclier.
  71. Forme normano-picarde de l'ancien français cengle « sangle ».
  72. Un somier (plus tard sommier) est en ancien français une bête de somme, un cheval de charge. Les « coffres à sommier » désignent donc les ancêtres des valises : des coffres en bois dont on charge l'animal (généralement, un sur chaque flanc).
  73. Ancien français vireton « flèche rotative ».
  74. Lire fer a ane.
  75. Ancien français estrief, estrieu « étrier ». Un étrier d'arbalète était un étrier de fer placé à la tête de l'arbre, grâce auquel l'arbalétrier maintenait son arme verticalement avec le pied pendant qu'il en bandait l'arc.
  76. Faut-il comprendre « arbalète de corps », de valeur incertaine ? Le mot cor peut en outre avoir des sens très divers en ancien français. Mais, étant donné la confusion fréquente dans les manuscrits médiévaux des lettres c et t, peut-être s'agit-il ici d'une arbalestre a tor, qui désigne une arbalète de siège, munie d'un affût.
  77. Ancien français aissil, aisuel, esseul « essieu ».
  78. Forme normano-picarde de l'ancien français charete « petit char, charrette ».
  79. Variante de l'ancien français toreil « verrou ».
  80. L'ancien français garrot a désigné divers objets longs : bois d'une flèche, carreau d'arbalète, bâton, levier, etc. Le sens en est peut-être ici « barre », pour verrouiller la porte de la tour.
  81. Forme dialectale normande de l'ancien français piece[s].
  82. Sens inconnu.
  83. Littéralement « emplâtre », mais sans doute ici avec le sens de « lien de fer ».
  84. Ancien français viron « à peu près, environ ».
  85. Cet « engin [de guerre] que l'on appelle Bayeux » nous est également inconnu.
  86. Variante probable de l'ancien français havet « croc, crochet ».
  87. Le truble est une pelle en bois renforcée d'un fer. Ce mot a été conservé par certains parlers normands.
  88. Donnée.
  89. Forme normano-picarde de l'ancien français charbon(n)ier.
  90. Forme normano-picarde de l'ancien français cisel « ciseau »; elle est passée telle quelle en anglais (chisel).
  91. Forme normano-picarde de l'ancien français maçon.
  92. Ancien français seeor, seour « scieur ».
  93. Variante francisée de carneaux « créneaux ».
  94. Ancien français mostier, moustier « église » < latin monasterium.
  95. Aiguës, pointues.
  96. Littéralement, « dans lesquelles ».
  97. Ancien français aidier « aider » < gallo-roman ADJUVARE; la forme moderne aider est due à une réfection analogique, d'après la forme prise par certains verbes en conséquence du second effet de la loi de Bartsch (marchier > marcher; jugier > juger, etc.).
  98. Ancien français mairien, mesrien « merrain, bois de construction » < gallo-roman °MATERIAMEN, dérivé neutre à valeur instrumentale du latin materia « matière ».
  99. Ancien français heuzer « creuser avec la houe », et sans doute ici « creuser avec l'herminette ».
  100. Lire aloingniee, comme ci-dessous; de l'ancien français aloingnier « éloigner ».
  101. Ancien français endroit « auprès de ».
  102. Mot incertain; comprendre peut-être vuitz « vides »; cf. liégeois « vide formé par une baie de porte ou de fenêtre ». Ce sens serait cohérent avec celui des pertuis ci-après.
  103. Ancien français pertuis « trou, ouverture », et aussi « passage ».
  104. Variante ancienne de lucarne (action fermante de [r] au Moyen Âge).
  105. Ancien français coleis, couleis « coulissant »; couleiche est la forme normano-picarde du féminin couleisse.
  106. Forme normano-picarde de l'ancien français maçoneries.
  107. Forme normano-picarde de l'ancien français maçoner.
  108. Ancien français soler « garnir le sol »
  109. Ancien français sole « cellier, cave ».
  110. Ancien français porgeter, ici « crépir », « jeter du crépi ».
  111. Ancien français pendre « pencher ».
  112. Il s'agit probablement du même (cf. aussi la tour Rauville ci-dessus). Cette fluctuation graphique correspond certainement à une prononciation fortement expirée de [h], proche de [ʁ].
  113. Ce nom provient en effet du nom de personne d'origine germanique Gautfrid.