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Histoire de Cametours

De Wikimanche

Du Moyen âge à la Révolution

Un sondage pratiqué aux Fournaises en 1996, montre l'existence d'un remblai destiné au comblement partiel d'une dépression naturelle du terrain, constitué d'une grande quantité de fragments céramiques laissant envisager la présence d'un atelier de poterie médiéval [1].

En 1200, Cametours faisait partie du doyenné de Cenilly, le patronage de cette paroisse appartint à l'évêque de Coutances jusqu'en 1666. Après l'annexion de la Normandie à la couronne de France par Philippe-Auguste en 1204, le seigneur de Carantilly opta pour l'Angleterre. Le roi confisqua ses biens et les attribua à Guillaume de Soule. En 1216, l'évêque Hugues de Morville donna les deux tiers des dîmes de Cametours avec la moitié des terres d'aumône à l'Hôtel-Dieu de Coutances qu'il avait fondé sept ans auparavant, ce qui était évalué au Livre Noir de l'Evêché, composé en 1251, à 40 livres de revenu. Le curé avait le dernier tiers des dîmes, l'autre moitié des terres d'aumône et tout le casuel, ce qui lui assurait également 40 livres de revenu.

Les terres d'aumône comprenaient environ 4 vergées de terre allant du presbytère jusqu’à la route de Savigny et occupant l'emplacement de la route qui remonte actuellement du presbytère à la poste et celui de la voie ferrée. Sur la partie donnée l'Hôtel-Dieu se trouvait une maison et la grange à dîmes. En 1231, Guillaume de Soule, chevalier, seigneur de Carantilly et de Cametours, donna le patronage de l'église de Cametours et les dîmes de Cametours à Hugues de Morville, évêque de Coutances qui la redonna à l'Hôtel Dieu de Coutances. Le droit de nommer le curé de Cametours passait ainsi du seigneur à l’évêque de Coutances. Sur les terres de cette paroisse, il donna également à l'Abbaye de Blanchelande des rentes à prendre sur différents champs situés à Cametours. Ces rentes survécurent même à l'occupation anglaise de la guerre de Cent Ans car en 1496, une pièce de terre nomme la Croûte, vendue par Colin Levallois à Perrin Hinard était grevée de 15 sols de rente envers les religieux de Blanchelande.

Au point de vue civil, la paroisse de Cametours relevait presque en totalité du fief de la Masure en Carantilly. Ce fief dépendait du comté de Mortain et comprenait les fiefs ou portions de fief de la Masure, de Cametours, de Sourdeval-les-Bois et de Saint-Sauveur-de-Bonfossé

Carantilly était un fief de haubert relevant du comté de Mortain.

En 1327, le fief de la Masure appartenait à Simon du Boys, chevalier.

En 1362, Jèhan de Soules, chevalier, était seigneur de Carantilly. La famille de Soule s'éteignit au commencement du XVe siècle.

En 1416 , Jèhan de Grimouville se fit acquéreur du fief de Carantilly, y compris Cametours.

En 1485, Guillemette de Grimouville, fille de Jèhan, épousa Jèhan de Magneville, chevalier, seigneur de la Varengère à Ozeville.

En 1560, la seigneurie de Carantilly fut aliénée par la famille de Magneville. Dans la suite, François de Gourfaleur hérita de la seigneurie; il avait épousé Marie de Rabodanges.

En 1668, Nicolas de Soulebieu, écuyer de Montmartin-en-Graignes, acquit le fief de Carantilly s'étendant à Cametours. Sa fille unique épousa Jean Simon de Boisdavid, écuyer l'un de ses fils Antoine fut seigneur de Carantilly et Cametours en 1803.

En 1720, Louis Coudreau était seigneur de Carantilly et Cametours.

Lorsque la Révolution éclata, Léonor Henri de Mons était seigneur de Carantilly et Cametours.

Cametours pendant la Révolution

Lors de la période révolutionnaire, comme partout, divers événements se déroulèrent à Cametours. Pendant ces années troublées de la Révolution, certaines personnes rendirent de grands services aux prêtres clandestins et bien souvent au péril de leur vie. Parmi elles, Louis Calenge et celle qu'il devait épouser plus tard, Françoise Hénault

Louis François Calenge, né le 25 août 1779 était encore bien jeune lorsque la révolution éclata mais il aida de nombreux prêtres, notamment M. HarelL de Cerisy-la-Salle qui était réduit à se cacher pour échapper à ses poursuivants qui en voulaient à sa vie. Le petit Louis avertissait le prêtre des dangers et lui faisait part des besoins religieux dans tel ou tel village de la paroisse. En 1802, il épousa Françoise Hénault. Avant son mariage, cette jeune fille vivait avec son frère. Celui-ci, sous-diacre, se rendit à Paris pour recevoir le diaconat et la prêtrise des mains d'un évêque orthodoxe. Revenu de la capitale, il se retira chez sa sœur, presque personne ne savait qu'il avait été ordonné prêtre, aussi, secrètement il exerça son ministère.

Une famille de Quibou, nommée Germain, abritait également les prêtres menacés comme MM. Guilbert et Lerendu, anciens curés de Courcy. Un des frères de Françoise Hénault alla arracher M. Lerendu à la prison du Mont-Saint-Michel.

Un jour, Françoise Hénault fut avertie qu’une recherche allait avoir lieu à Quibou dans le but d'arrêter M. Guilbert ; alors elle laisse son frère seul, prend son petit cheval noir, se met en route, arrive à Quibou et ramène M. Guilbert. En revenant, elle passe par le village de la Fosse mais, là, les attendait un poste républicain. La situation s’avérait critique. Aussi, M. Guilbert, ne voulant pas trahir son ministère recommanda-t-il à celle qui le conduisait, de ne rien répondre, sinon qu’il allait faire des brioches.

« Qui vive ? », cria la garde
« Républicaine » fut-t-il répondu.

Puis s’adressant à M. Guilbert, Françoise Hénault ajouta. « Chape la donc la carogne de rosse, vas-tu nous faire coucher là ! » Cette apostrophe un peu dure leva tout soupçon et leur permit de passer outre.

Les personnes ayant connaissance de ce secret trouvaient, par d'autres subterfuges, le moyen de sanctifier les dimanches et les fêtes, et même les autres jours par l'assistance à la messe. Le nombre en était cependant restreint; nous ne connaissons qu'une famille qui fut entièrement dans le secret, à Cametours.

Pierre Hébert du Grand Chemin et d'autres enfants de Quibou reçurent le baptême dans la maison de Françoise Hénault.

M. Blanchard, bénédictin jureur vint un jour à Cametours. Sur les rapports qu’on lui avait faits : à savoir que M. Hénault était prêtre et célébrait la messe, il voulait s'en assurer par lui-même. Le soir venu, il semblait peu décidé à quitter la maison. Lorsqu’on lui offrit un lit pour ne pas éveiller de soupçons, il accepta. L'heure de dire la messe arrivée, le bénédictin sommeillait. M. Hénault dit sa messe tranquillement avant le jour. Quand le bénédictin s’éveilla, il était de bon matin. M. Hénault déjeuna avec lui et lui tint compagnie. Le bénédictin, qui ne s’était aperçu de rien, repartit, bien persuadé que ce prétendu prêtre ne pouvait pas dire la messe après avoir si bien déjeuné.

François Hénault rendit service à la famille de Setteville, au château de Savigny. Le père de cette famille avait émigré, la mère avait été guillotinée. Restaient neuf enfants que de braves gens assistèrent. Françoise Hénault se chargea des papiers de famille qui furent remis à qui de droit.

Deux des fils appartenaient à l'armée royaliste et payèrent de leur personne dans un conflit qui eut lieu à la Fosse entre les 2 partis. Leurs sœurs, ignorant lissue du combat et craignant pour la vie de leurs frères, prièrent Françoise Hénault d'aller examiner le champ de bataille, ce qu'elle fit.

Cette bataille de La Fosse eut lieu le 2 novembre 1789. Les royalistes, pris entre deux feux : celui des républicains et celui de la garde mobile venue de Coutances, furent écrasés. Cette bataille où il y eut une soixantaine de tués fut nommée le « tombeau des Chouans ».

Un républicain Pierre H, alla, au moyen d'une gaule abattre les saints de l'église de Cametours. Cet acte violent lui valut le nom de « Gaule les saints » Cet homme montait en chaire pour prêcher les « Décades » : « je suis, disait-il, le père des pauvres et la foudre des méchants » : tantôt on lui disait : « il est temps que tu descendes d'ilo », tantôt, un homme rentrant dans l'église, s'étant agenouillé au milieu de la nef et ayant fait le signe de la croix, disait ; « apportez une botte de foin à cet âne là… »

Pendant la révolution, M.Lêvre exerça son ministère à Cametours sans avoir prêté le serment; il demeurait au Hutrel et disait la messe dans sa chambre. Plus d’une fois, il exposa sa vie en parcourant les villages. Après le concordat, il célébrait sa messe à l'autel Saint-Sébastien. Il y avait alors deux espèces d'eau bénite. Les jureurs et leurs partisans avaient la leur ; les non-jureurs et ceux qui les suivaient avaient aussi leur eau bénite qu’ils apportaient pour l'office et qu'ils remportaient chez eux ensuite. De là, des abus, des querelles, des altercations apparurent. Les 3/4 de la commune étaient pour les prêtres jureurs. Les choses se passaient ainsi, lorsqu'un dimanche, à l'heure de la messe on vit entrer à l'église, à la suite de M. Lefèvre, un homme de haute stature, nommé Gilles Turgis, carabinier de Louis XVI. En habit d’ordonnance et le sabre à la main, il pénétra dans le lieu saint et suivit le prêtre qui allait célébrer la messe. II lui commanda d'aller au maître-autel, il y alla et à partir de ce moment-là, M. Lefèvre et M. Hacquebec se fréquentèrent. Pendant la messe, le carabinier resta dans le chœur, sabre à la main -Remarquant que dans I 'église il y avait deux espèces d'eau bénite : « qu'est-ce que c'est que cela ? », dit-t-il. Et prenant les deux vases il les réunit en un seul, et depuis ce temps-là, il porta le nom de "La réunion ".

M. Hacquebec et son vicaire M. Rouet prêtèrent le serment à la constitution civile du clergé mais ils se rétractèrent.

En 1793, au plus fort de la tourmente révolutionnaire, l'église de Cametours fut vendue à l'un de ses habitants : M. Pierre Delalande, qui la rendit au culte dès que les temps devinrent meilleurs. Jean Guérin du Bois Daireau, acheta les ornements et les rendit à la paroisse.

Cametours centre de tissage

Au 19e siècle, Cametours est un centre de tissage de toile très important. Dès 1475, on y trouve une confrérie de maîtres-toiliers ayant les mêmes statuts que celle de Coutances. On y compte 144 tisserands et 169 fileuses et dévideuses sur les 1 313 habitants de la commune en 1831. C'est vers les années 1840-1850 que les toiliers de Cametours connurent le plus bel essor grâce à la Manufacture Vallée-Lerond. Ce dernier, industriel très actif, entreprit de substituer les coutils de fils, alors en crise, par une fabrication de coton. Environ cinq cents métiers battaient avec des filés venus de Rouen et le chiffre d'affaires pour les toiles coutil et calicots s'élevait à 750 000 F. À son tour la crise du coton portera un sérieux coup à la manufacture et à cette industrie qui en 1877 comptait encore 150 métiers dans la commune.

Ainsi Colombe Melletiers était tisserand rue des Juifs à Cametours. Son atelier était situé dans une petite salle mal éclairée et humide près de la cuisine. Son métier était fixé au sol par de solides montants de chêne. Le fil de lin était livré en écheveaux qu'il fallait dévider sur des bobines. Son premier travail consistait à ourdir la chaine en la tendant sur un énorme tambour que l’on tournait à la main chez Alexandre Dauguet. Avec les bobines, les enfants préparaient des canettes en bobinant du fil sur un gros clou que l'on plaçait à l'intérieur de la navette en bois qui, par son va-et-vient, allait former la trame. Son métier avait 1,20 mètre de large. C'est à peu près la longueur de drap qu'elle tissait dans une journée. Elle fabriquait du droguet bleu ou brun et du drap de fil. Son atelier avait les murs nus blanchis à la chaux. Un trou avait été aménagé dans son aire en terre battue pour le mouvement des pédales. En 1861, la commune avait encore 1 068 habitants dont 85 toiliers, 102 toilières, 50 fileuses. En 1872, la commune avait encore 923 habitants dont 90 tisserands et 50 fileuses. Le dernier tisserand est mort en 1927 [2].

La récolte du chanvre à Cametours

Le chanvre était récolté et subissait le rouissage comme le lin. L'hiver on le passe à la brie. On a à sa portée une planche inclinée et chaque poignée de chanvre est grattée, nettoyée grâce à l'écousse, grattoir qui nettoie les fibres du chanvre que l'on débarrasse de son bois. On obtient une longue chevelure de 1 m 20 de long qui est disposée en écheveau puis en ballots que l'on transporte chez Aimable Lavieille, cordier au Poteau à Marigny. Il travaillait sous les pommiers dans un plant appelé la Corderie. En retour le père Lavielle donnait une énorme roule de cordage que l'on sectionnait pour attacher les bestiaux qui en principe n'étaient jamais en liberté puisque tout était en labour. Il fabriquait aussi des liures, des cordes de toutes sortes, des traits d'attelage, des cordes de fouet, etc. Aimable Lavieille est décédé en 1931.

Modification de l'habitat rural à Cametours de 1826 à 1937

Cametours était au XIXe siècle un centre de tissage de la toile. En 1831 la population comptait 1 303 habitants dont 14 tisserands et 169 fileuses et dévideuses. En 1861 la commune avait encore 1 068 habitants dont 85 toiliers, 102 toilières, 50 fileuses. L'élevage au XIXe siècle n'avait dans la vie économique qu'une place réduite : sur les 722 ha de la commune, on comptait 219 ha en prés et herbages, 132 ha ensemencés en blé, 48 ha en orge, 25 en sarrasin. En 1892, on relevait 333 bêtes à cornes. Une telle forme de vie rurale nécessitait peu de bâtiments. L'habitation des tisserands comprenait deux pièces : l'une à usage de cuisine et de chambre, l'autre servant d'atelier pour le tissage.

En dehors de l'habitation, les dépendances étaient réduites, à savoir une laiterie, un hangar, une étable avec en outre, une boulangerie et un pressoir par village. On remarque souvent à Cametours que lorsque le pressoir, le puits, la boulangerie sont communs à tout un hameau, c'est que ce dernier a groupé à l'origine, les membres d’une même famille. Chacun d'eux avait son habitation propre mais les principales dépendances étaient à l'usage de tous. C'est ainsi que le village du « Vaucher-de-Haut », ruiné maintenant, regroupait les membres d'une même famille.

La décadence au cours du XIXe siècle, puis la disparition totale au XXe siècle du travail de la toile libérèrent une main d'œuvre nombreuse (le dernier tisserand est mort en 1927]) que la terre désormais devait faire vivre. Or, elle avait assez de bras. La transformation des terres labourées en herbages et l'exploitation agricole facilitée par les machines, ne pouvaient que restreindre encore le nombre des travailleurs nécessaires au travail de la terre. Les fermes de Cametours portent la marque de l'évolution économique qui s'est faite dans la commune, depuis un siècle, substituant à l'industrie rurale une économie agricole basée sur l'élevage. Ces raisons locales jointes à des facteurs d'ordre plus général (dénatalité, exode des campagnes vers les villes) ont amené une énorme dépopulation de la commune, atteignant 60%.

Notes et références

  1. Éric Mare, « Cametours (Manche). Les Fournaises ». In: Archéologie médiévale, tome 27, 1997. pp. 266-267 (lire en ligne).
  2. René Gautier et 54 correspondants, 601 communes et lieux de vie de la Manche, 2014, p. 125.