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'''Remy de Gourmont''', né à Bazoches-au-Houlme (Orne) {{date naissance|4|4|1858|}} et {{date décès|27|9|1915|Paris}}, est un écrivain lié par son enfance au département de la [[Manche]].
'''Remy de Gourmont''', né à Bazoches-au-Houlme ([[L'Orne et la Manche|Orne]]) {{date naissance|4|4|1858|}} <ref name=ad61>{{Source AD|1=61|2=Bazoches-au-Houlme |3=NMD |4=n |5=1830-1862 |6=3E2_028_6 |7=270 |8 =319 |9=6 |10=https://gaia.orne.fr/mdr/index.php/docnumViewer/calculHierarchieDocNum/388047/1057:357842:379060:388047/1080/1920 }}</ref> et {{date décès|27|9|1915|Paris}} <ref name=ad75>{{Source AD|1=75|2={{15e}} arrondissement |3=décès |4=d |5=1915 |6=15D 255 |7=23 |8 =31 |9=4011 |10=https://gaia.orne.fr/mdr/index.php/docnumViewer/calculHierarchieDocNum/388047/1057:357842:379060:388047/1080/1920}}</ref>, est un écrivain lié par son enfance au département de la [[Manche]].


Il est le frère aîné de [[Jean de Gourmont (écrivain)|Jean de Gourmont]] ([[1877]]-[[1928]]) et le cousin de Robert de Gourmont, prêtre et supérieur de l'[[Institut Saint-Paul]] ([[Cherbourg]]) à la fin des années 1940.
== Biographie ==
Rémy de Gourmont naît au château de la Motte, domicile de ses grands-parents. Il est le fils du vicomte Auguste Marie de Gourmont, propriétaire, âgé de vingt-huit ans, originaire de Coutances, et de Marie Mathilde de Montfort, son épouse, âgée de vingt ans, domiciliés aussi au château de la Motte <ref name=ad61/>. Il est le frère aîné de [[Jean de Gourmont (écrivain)|Jean de Gourmont]] ([[1877]]-[[1928]]) et le cousin de Robert de Gourmont, prêtre et supérieur de l'[[Institut Saint-Paul]] ([[Cherbourg]]) à la fin des années 1940.


== Manchois jusqu’au bout des ongles ==
[[Fichier:Remydegourmont.jpg|thumb|right|160px|Remy de Gourmont.]]


Il est si difficile de dissocier Remy de Gourmont :<br>
Il est si difficile de dissocier Remy de Gourmont :
- du  ''Café de Flore'' à Paris, où il dépouillait les journaux pour alimenter ses chroniques <br>
* du  ''Café de Flore'' à Paris, où il dépouillait les journaux pour alimenter ses chroniques
- du 26 rue de Condé à Paris, siège du ''Mercure de France'', la revue violette, qui, sous sa houlette, donnera le ton à Paris, à la France et au monde entier <br>
* du 26 rue de Condé à Paris, siège du ''Mercure de France'', la revue violette, qui, sous sa houlette, donnera le ton à Paris, à la France et au monde entier
- des bouquinistes des quais de Paris — on disait qu'il sous-traitait une boîte <br>
* des bouquinistes des quais de Paris — on disait qu'il sous-traitait une boîte
- du 71 rue des Saints-Pères à Paris, où, défiguré par la maladie, il vivait en reclus, mais visité par Apollinaire, Léautaud, Natalie Barney...<br/>
* du 71, rue des Saints-Pères à Paris, où, défiguré par la maladie, il vivait en reclus, mais était visité par Apollinaire, Léautaud, Natalie Barney...


qu'on croirait Parisien celui qui fut, selon Jean Dutourd, le chef d'état-major de la vie intellectuelle de son époque.
qu'on croirait Parisien celui qui fut, selon Jean Dutourd, le chef d'état-major de la vie intellectuelle de son époque.


Pourtant, il n'en est rien. Rémy de Gourmont est Normand, que dis-je, Manchot, jusqu'au bout des ongles. Un Manchot, que le hasard fit naître en 1858 à Bazoches-au-Houlme (Orne). Il y vivra sept ans jusqu'à ce que ses parents reviennent dans la Manche, berceau des Gourmont, au manoir du [[Le Mesnil-Villeman|Mesnil-Villeman]], par [[Gavray]]. Si on objecte que ce n'est pas tout à fait le hasard qui fit naître Rémy (avec accent) au château de la Motte, puisque c'était la demeure de ses grands-parents maternels, je répondrai que Remy (sans accent) a tranché. Il ne peut être ornais celui qui écrivait : « Je suis un homme de la mer, mon rêve va vers les grèves » ou « La vraie terre natale est celle où on a eu sa première émotion forte ». Si sa première émotion forte fut son amour pour la mystérieuse A.A. de son ''Journal intime'', la Manche est bien sa terre natale. CQFD.
Pourtant, Rémy de Gourmont est très lié à la Normandie et au département de la Manche. Le hasard le fait naître en 1858 à Bazoches-au-Houlme (Orne), où il y vivra sept ans jusqu'à ce que ses parents reviennent dans la Manche, berceau des Gourmont, au [[Château de Dragueville (Le Mesnil-Villeman)|manoir]] du [[Le Mesnil-Villeman|Mesnil-Villeman]], par [[Gavray]].  


En dehors de [[Geffosses]] où il passait ses vacances, vêtu sinon de probité candide (« Je dors fort mal, passant tous mes rêves avec toi » — lettre à Berthe de Courrière, [[1887]]), du moins de molleton blanc, comme les pêcheurs du pays qu'il accompagnait volontiers à la pêche des crevettes, des images et des sensations, c'est [[Coutances]] son haut lieu.
Il est élève de [[Paul Blier]] au [[Lycée Charles-François-Lebrun|lycée de Coutances]].


[[Fichier:Coutances-bustegourmont1.JPG|thumb|Buste de Gourmont à Coutances.]]
Il donne sa préférence à notre département et ne semble pas regretter l'Orne : « Je suis un homme de la mer, mon rêve va vers les grèves » <ref> R. de Gourmont, ''Promenades philosophiques'', 1920. </ref> ou « La vraie terre natale est celle où on a eu sa première émotion forte » <ref> R. de Gourmont, ''Le songe d'une femme : roman familier'', 1899. </ref>. Si sa première émotion forte fut son amour pour la mystérieuse A.A. de son ''Journal intime'', la Manche est bien sa terre natale.
* Coutances où il fit de brillantes études au [[Lycée Lebrun|lycée]], auquel il aurait dû donner son nom
 
En dehors de [[Geffosses]], où il passait ses vacances (vêtu de molleton blanc comme les pêcheurs du pays qu'il accompagnait volontiers à la pêche aux crevettes, aux images et aux sensations), c'est [[Coutances]] son haut lieu.
 
[[Fichier:Coutances-bustegourmont1.JPG|thumb|right|200px|Buste de Gourmont à Coutances.]]
* Coutances où il fit de brillantes études au [[Lycée Lebrun|lycée]], auquel il aurait dû donner son nom <sup> Jugement personnel ? </sup>
* Coutances où il aimait à séjourner chez sa sœur Marie, en l'hôtel de Gourmont, donnant sur le [[Jardin des plantes de Coutances|Jardin des Plantes]]
* Coutances où il aimait à séjourner chez sa sœur Marie, en l'hôtel de Gourmont, donnant sur le [[Jardin des plantes de Coutances|Jardin des Plantes]]
* Coutances, à qui il consacra les tableaux-poèmes en prose de ''La Petite ville'' ([[1913]]) et qui lui a consacré un buste
* Coutances, à qui il consacra les tableaux-poèmes en prose de ''La Petite ville'' ([[1913]]) et qui lui a consacré un buste
* Coutances enfin, si liée à Gourmont que nombreux sont ceux qui, comme Paul Guth, l'y font naître
* Coutances enfin, si liée à Gourmont que nombreux sont ceux qui, comme Paul Guth, l'y font naître


À l'image de ''La Petite ville'', précieux guide littéraire pour découvrir Coutances, sa gare, sa [[Cathédrale Notre-Dame de Coutances|cathédrale]], son [[Jardin des plantes de Coutances|jardin des plantes]] avec son colimaçon et son Manneken-Piss à peine plus décent que celui de Bruxelles, son musée, son lycée, son [[Aqueduc de Coutances|pseudo aqueduc romain]], son marché, sa plage de [[Agon-Coutainville|Coutainville]], la plupart des romans de Gourmont sont une exploration de la Manche.
== Ouvrages ==
À l'image de ''La Petite ville'', précieux guide littéraire pour découvrir Coutances, sa gare, sa [[Cathédrale Notre-Dame de Coutances|cathédrale]], son [[Jardin des plantes de Coutances|jardin des plantes]] avec son colimaçon et son Manneken-Piss, son musée, son lycée, son [[Aqueduc de Coutances|aqueduc]], son marché, sa plage de [[Agon-Coutainville|Coutainville]], la plupart des romans de Gourmont sont une exploration de la Manche.
 
* ''Merlette'' ([[1886]]) conduit le lecteur, non sans un détour au [[Le Mont-Saint-Michel|mont Saint-Michel]], au cœur du département, dans la campagne profonde du [[Le Mesnil-Villeman|Mesnil-Villeman]]. C'est l'un des rares romans de l'époque à donner une image relativement fidèle des mœurs de province : après la Normandie sans Normandie de Flaubert, celle hallucinée de Barbey, celle « bestiale » de Maupassant, et avant la Normandie phantasmée de La Varende ou de Patrick Grainville, il y a la Normandie (pour ne pas dire la Manche) normande de Remy de Gourmont.


'''''Merlette''''' ([[1886]]) conduira le lecteur, non sans un beau détour au [[Le Mont-Saint-Michel|mont Saint-Michel]], au cœur du département, dans la campagne profonde du [[Le Mesnil-Villeman|Mesnil-Villeman]]. C'est l'un des rares romans de l'époque à donner une image relativement fidèle des mœurs de province : après la Normandie sans Normandie de Flaubert, celle hallucinée de Barbey, celle « bestiale » de Maupassant, et avant la Normandie phantasmée de La Varende ou de Patrick Grainville, il y a la Normandie (pour ne pas dire la Manche) normande de Remy de Gourmont, dont, trop rarement, mais avec bonheur, la langue se fait entendre.
* ''Un cœur virginal'', roman physiologique ([[1907]]), le lecteur va à [[Cherbourg]], « triste cité maritime, où tout semble avoir été combiné pour faire croire que la mer n'existe pas. Les maisons lui tournent le dos et l'on a ménagé entre le rivage et la ville un vaste désert de pavés, de poussière et de vent ». En transformant la [[plage Napoléon]] en Plage verte, les Cherbourgeois ont confirmé cette appréciation. ''Un cœur virginal'' mène aussi le lecteur d'un château à l'autre, croqué en formulation impérissable <sup> Quoi ? </sup>, tel celui du [[Le Vast|Vast]], « qui a trop l'air d'un grand chalet », ou celui de [[Urville-Nacqueville|Nacqueville]], « par excellence, le château français, celui que les générations ont maintenu vivant, sans rien cacher de ses origines lointaines ». C'est également dans ''Un cœur virginal'' que le lecteur, revenant par [[La Pernelle]], d'où l’œil voit depuis [[Gatteville-le-Phare|Gatteville]] jusqu'à [[Îles Saint-Marcouf|Saint-Marcouf]], aurait dû éprouver un « spasme » érotique à la vue du paysage, si Gourmont avait retranscrit ce qu'il éprouva, selon le philosophe du bovarysme, Jules de Gaultier : « L'émotion esthétique peut aller jusqu'au spasme et fait tenir parfois, dans l'apparition d'un paysage, toute la volupté et tout le pathétique de la passion amoureuse. Par une belle journée, nous nous dirigions vers [[Saint-Vaast-la-Hougue]]. Nous atteignîmes le sommet d'un vaste plateau où, sur un brusque lever de rideau, la mer verte et bleue nous apparut d'une façon si inopinée que nous fûmes tous debout, la poitrine soulevée d'une même émotion. Et à mesure que la voiture s'avançait sur la route, qui ne se dirigeait pas directement vers la mer, mais décrivait une ligne courbe, s'en rapprochant peu à peu, l'apparition s'agrandissait et de nouvelles étendues vertes et bleues et qui se gonflaient vers l'horizon emplissaient sans cesse nos yeux. On eût dit que le mouvement de la voiture nous traînant au pas du cheval fatigué d'avoir monté, déterminait cette ascension continue de la mer vers nos prunelles, et que l'Océan tout entier se soulevât vers notre extase. »


Dans '''''Un cœur virginal''''', roman physiologique ([[1907]]) le lecteur ira à [[Cherbourg]], « triste cité maritime, où tout semble avoir été combiné pour faire croire que la mer n'existe pas. Les maisons lui tournent le dos et l'on a ménagé entre le rivage et la ville un vaste désert de pavés, de poussière et de vent ». En transformant la [[plage Napoléon]] en Plage verte, les Cherbourgeois ont confirmé cette appréciation. Mais le musée vaut la visite, comme le jardin Liais, où l'on devient fou — à lier — d'amour. ''Un cœur virginal'' mène aussi le lecteur d'un château l'autre, croqué en formulation impérissable, tel celui du [[Le Vast|Vast]], qui a trop l'air d'un grand chalet, ou celui de [[Urville-Nacqueville|Nacqueville]], par excellence, le château français, celui que les générations ont maintenu vivant, sans rien cacher de ses origines lointaines. C'est également dans ''Un cœur virginal'' que le lecteur, revenant par [[La Pernelle]], d'où l’œil voit depuis [[Gatteville-le-Phare|Gatteville]] jusqu'à [[Îles Saint-Marcouf|Saint-Marcouf]], aurait dû éprouver un spasme érotique à la vue du paysage, si Gourmont avait retranscrit ce qu'il éprouva, selon le philosophe du bovarysme, Jules de Gaultier :
Puis Gaultier de raconter comment Gourmont, arraché à cette extase par le soudain galop du cheval, invective le voiturier jusquce que la voiture retrouve le rythme propre à prolonger l'apparition magique.


« L'émotion esthétique peut aller jusqu'au spasme et fait tenir parfois, dans l'apparition d'un paysage, toute la volupté et tout le pathétique de la passion amoureuse. Par une belle journée, nous nous dirigions vers [[Saint-Vaast-la-Hougue]]. Nous atteignîmes le sommet d'un vaste plateau où, sur un brusque lever de rideau, la mer verte et bleue nous apparut d'une façon si inopinée que nous fûmes tous debout, la poitrine soulevée d'une même émotion. Et à mesure que la voiture s'avançait sur la route, qui ne se dirigeait pas directement vers la mer, mais décrivait une ligne courbe, s'en rapprochant peu à peu, l'apparition s'agrandissait et de nouvelles étendues vertes et bleues et qui se gonflaient vers l'horizon emplissaient sans cesse nos yeux. On eût dit que le mouvement de la voiture nous traînant au pas du cheval fatigué d'avoir monté, déterminait cette ascension continue de la mer vers nos prunelles, et que l'Océan tout entier se soulevât vers notre extase. »
* ''Le Songe d'une femme, roman familier'' ([[1899]]) dans lequel l'érotisme est le plus associé aux paysages de fougères, de ronces, d'ajoncs et de dunes de la Manche. Ce chef-d'œuvre du roman épistolaire confirme que le [[Cotentin]] maritime des mielles et des havres est le lieu d'élection de Gourmont. On y voit réapparaître le cher phantasme de ses vacances à Geffosses, le phantasme de la femme-dune
* Le peintre Pierre Bazan réalise le rêve du héros de ''Sixtine, roman de la vie cérébrale'' (1890) : « s'aller cacher en une maison sur le bord de la mer. Il la voyait bâtie dans les dunes, entre la grève et les premiers arbres de la côte : nulle végétation tout autour que les herbes pâles, les chardons violets et les hautes ivraies des mielles ; la mer et un phare debout, au milieu des vents et des flots, comme un symbole. Les charrettes passent, pleines de varech, les chevaux et les hommes haletants dans le sable, attelés au labeur de la fécondation du sol, et lui les regarderait passer, attelé au labeur de la stérilisation des désirs. »


Puis Gaultier de raconter comment Gourmont, arraché à cette extase par le soudain galop du cheval, invective le voiturier jusquce que la voiture retrouve le rythme propre à prolonger l'apparition magique.
Il reste à dire sur la présence de la Manche dans l'œuvre gourmontine, les poèmes de
* ''Simone'' ([[1897]]), puisés au Mesnil-Villeman
* ''Esthétique de la langue française'' ([[1899]]), l'intérêt de l'auteur pour les normanismes ; son appétence des images champêtres, liée à la profonde communion de sa jeunesse avec le paysage de sa vraie terre natale.


Mais c'est peut-être dans '''''Le Songe d'une femme, roman familier''''' ([[1899]]) que l'érotisme est le plus associé aux paysages de fougères, de ronces, d'ajoncs et de dunes de la Manche. Ce chef d'œuvre du roman épistolaire confirme que le [[Cotentin]] maritime des ''mielles'' et des havres est le lieu d'élection de Gourmont. On y voit réapparaître le cher phantasme de ses vacances à Geffosses, le phantasme de la femme-dune ; et le peintre Pierre Bazan réalise le rêve du héros de '''''Sixtine, roman de la vie cérébrale''''' (1890) : « s'aller cacher en une maison sur le bord de la mer. Il la voyait bâtie dans les dunes, entre la grève et les premiers arbres de la côte : nulle végétation tout autour que les herbes pâles, les chardons violets et les hautes ivraies des mielles ; la mer et un phare debout, au milieu des vents et des flots, comme un symbole. Les charrettes passent, pleines de varech, les chevaux et les hommes haletants dans le sable, attelés au labeur de la fécondation du sol, et lui les regarderait passer, attelé au labeur de la stérilisation des désirs. »
En [[2023]], les éditions Garnier publient ses ''Écrits normands'', avec un appareil critique de Christian Buat <ref>« Les écrits normands de Remy de Gourmont », ''Ouest-France'', 15 novembre 2023. </ref>.


Il reste à dire sur la présence de la Manche dans l'œuvre gourmontine : les poèmes de '''''Simone''''' ([[1897]]), puisés au Mesnil-Villeman ; l'intérêt de l'auteur de l'irremplaçable '''''Esthétique de la langue française''''' ([[1899]]) pour les normannismes ; son appétence des images champêtres, liée à la profonde communion de sa jeunesse avec le paysage de la vraie terre natale. Tant à dire, que je me borne à envier le [[horsain]] qui découvrira notre département sur les pas de notre grand Manchot, à qui s'applique idéalement ces mots de Jacques Brenner, qu'un pays n'est pas plus beau pour avoir inspiré des écrivains et des poètes, mais qu'écrivains et poètes nous permettent de mieux voir, de mieux comprendre et de mieux aimer un pays.
== Fin de vie ==
[[Fichier:Père-Lachaise - Division 10 - Clésinger-Gourmont 01.jpg|vignette|droite|200px|Tombeau, {{10e}} division.]]
Remy de Gourmont meurt à l'hôpital Boucicaut, dans le {{15e}} arrondissement de Paris, le {{date-|27|9|1915}}. Il est inhumé au cimetière du Père Lachaise le {{1er}} octobre dans un caveau provisoire, avant d'être exhumé le [[5 novembre]] suivant pour être inhumé dans un caveau situé dans la {{10e}} division, {{4e}} ligne, face à la {{11e}} division, n° 16 de la {{13e}} division, avec Auguste Clésinger et Berthe de Courrière.  


''Post-scriptum'' : le lecteur découvrira la Manche sur les pas de Gourmont, s'il ne découvre Gourmont grâce à cette balade en Manche ? Qu'on ne me demande pas d'expliquer pourquoi l'un des plus grands écrivains de son temps, dont le nom devrait être aussi familier que ceux de Zola, Proust, Jarry ou Gide, a pu à ce point sombrer dans l'oubli, ne connaître ni gloire nationale ni gloire locale, être ignoré de l'édition et des histoires littéraires, même quand elles traitent du symbolisme, dont il fut le plus digne représentant comme romancier, conteur, dramaturge, poète, théoricien ou critique ! Cette grande absence est sinon un mystère, du moins l'absolu scandale de l'histoire littéraire. Si, pour qu'on en retienne le nom, un écrivain ne doit avoir qu'une qualité, Gourmont n'eut qu'un tort, exceller dans tous les domaines, y compris le domaine scientifique. Ce fut peut-être le dernier encyclopédiste, le dernier à être capable de dominer et de faire partager avec une limpidité d'expression rarement égalée les connaissances de son époque. Évoquer cette glorieuse période de notre littérature sans Gourmont, c'est amputer le XVIII{{e}} de Diderot.
Après sa mort, de Gourmont sombre dans l'oubli. Il ne connaîtra ni gloire nationale ni gloire locale, ignoré de l'édition et des histoires littéraires, même quand elles traitent du symbolisme, dont il fut un représentant important comme romancier, conteur, dramaturge, poète, théoricien ou critique. Ce fut peut-être le dernier encyclopédiste, le dernier à être capable de faire partager avec une limpidité d'expression rarement égalée les connaissances de son époque <sup> Jugement personnel ? </sup>.


==Hommages==
== Hommages ==
Une [[Rue Remy-de-Gourmont (Coutances)|rue de Coutances]] porte son nom.
* Une [[Rue Remy-de-Gourmont (Coutances)|rue de Coutances]] porte son nom.
* Un buste dans le [[jardin des plantes de Coutances]], inauguré le [[24 septembre]] [[1922]].
* Une plaque commémorative, au n° 71 de la rue des Saints-Pères, dans le {{6e}} arrondissement de Paris, rappelle qu'il y a vécu <ref>Article [[wikipedia:Rue des Saints-Pères|« Rue des Saints-Pères »]], ''Wikipédia en français'' ([https://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Rue_des_Saints-P%C3%A8res&action=history auteurs]).</ref>.


==Bibliographie==
== Bibliographie ==
; ''Livres''
; ''Livres''
* Karl D. Uitti, ''La Passion littéraire de Remy de Gourmont'', éd. Princeton University/PUF, 1962
* Karl D. Uitti, ''La Passion littéraire de Remy de Gourmont'', éd. Princeton University/PUF, 1962.
* Charles Dantzig, ''Remy de Gourmont'', Éd. du Rocher, 1990
* Charles Dantzig, ''Remy de Gourmont'', Éd. du Rocher, 1990.
* Christian Buat, ''Remy de Gourmont'', coll. Qui suis-je ?, éd. Pardès, 2014
* Christian Buat, ''Remy de Gourmont'', coll. Qui suis-je ?, éd. Pardès, 2014.


; ''Articles régionaux''
; ''Articles régionaux''
* Henri Landemer, « L's houmes counséqueints d'par chin », ''[[La Presse de la Manche]]'', 23 avril 1957
* Henri Landemer, « L's houmes counséqueints d'par chin », ''[[La Presse de la Manche]]'', 23 avril 1957.
* E.-D. Haussy, « Un grand Normand : Remy de Gourmont », ''Le Pays d'Auge'', décembre 1964, p. 3-5
* E.-D. Haussy, « Un grand Normand : Remy de Gourmont », ''Le Pays d'Auge'', décembre 1964, p. 3-5.
* Joël Masson, « Remy de Gourmont et Louis Beuve », ''Cahiers des annales de Normandie'', vol. 26, n° 26, 1995 [http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/annor_0570-1600_1995_hos_26_1_2292 ''(lire en ligne)'']
* Joël Masson, « Remy de Gourmont et Louis Beuve », ''Cahiers des annales de Normandie'', vol. 26, n° 26, 1995 [http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/annor_0570-1600_1995_hos_26_1_2292 ''(lire en ligne)''].
* René Le Texier, « Les fêtes en l'honneur de Rémy de Gourmont à Coutances en 1922 », ''[[Revue du département de la Manche]]'', n° 189, 2005
* René Le Texier, « Les fêtes en l'honneur de Rémy de Gourmont à Coutances en 1922 », ''[[Revue du département de la Manche]]'', n° 189, 2005.


==Article connexe==
{{Notes et références}}
 
== Liens internes ==
* [[:Catégorie:Remy de Gourmont (image)|Galerie d'images]]
* [[Inauguration du buste de Remy de Gourmont à Coutances (1922)]]
* [[Inauguration du buste de Remy de Gourmont à Coutances (1922)]]
* [[Gourmont]]
== Lien externe ==
* [http://www.remydegourmont.org Site sur Remy de Gourmont]


==Lien externe==
{{CLEDETRI:Gourmont, Remy de}}
*[http://www.remydegourmont.org Site sur Remy de Gourmont]


{{DEFAULTSORT:Gourmont, Remy de}}
[[Catégorie:Décès à 57 ans]]
[[Catégorie:Biographie]]
[[Catégorie:Biographie]]
[[Catégorie:Écrivain de la Manche]]
[[Catégorie:Écrivain de la Manche]]

Dernière version du 12 mars 2024 à 15:02

Remy de Gourmont.

Remy de Gourmont, né à Bazoches-au-Houlme (Orne) le 4 avril 1858 [1] et mort à Paris le 27 septembre 1915 [2], est un écrivain lié par son enfance au département de la Manche.

Biographie

Rémy de Gourmont naît au château de la Motte, domicile de ses grands-parents. Il est le fils du vicomte Auguste Marie de Gourmont, propriétaire, âgé de vingt-huit ans, originaire de Coutances, et de Marie Mathilde de Montfort, son épouse, âgée de vingt ans, domiciliés aussi au château de la Motte [1]. Il est le frère aîné de Jean de Gourmont (1877-1928) et le cousin de Robert de Gourmont, prêtre et supérieur de l'Institut Saint-Paul (Cherbourg) à la fin des années 1940.

Remy de Gourmont.

Il est si difficile de dissocier Remy de Gourmont :

  • du Café de Flore à Paris, où il dépouillait les journaux pour alimenter ses chroniques
  • du 26 rue de Condé à Paris, siège du Mercure de France, la revue violette, qui, sous sa houlette, donnera le ton à Paris, à la France et au monde entier
  • des bouquinistes des quais de Paris — on disait qu'il sous-traitait une boîte
  • du 71, rue des Saints-Pères à Paris, où, défiguré par la maladie, il vivait en reclus, mais était visité par Apollinaire, Léautaud, Natalie Barney...

qu'on croirait Parisien celui qui fut, selon Jean Dutourd, le chef d'état-major de la vie intellectuelle de son époque.

Pourtant, Rémy de Gourmont est très lié à la Normandie et au département de la Manche. Le hasard le fait naître en 1858 à Bazoches-au-Houlme (Orne), où il y vivra sept ans jusqu'à ce que ses parents reviennent dans la Manche, berceau des Gourmont, au manoir du Mesnil-Villeman, par Gavray.

Il est élève de Paul Blier au lycée de Coutances.

Il donne sa préférence à notre département et ne semble pas regretter l'Orne : « Je suis un homme de la mer, mon rêve va vers les grèves » [3] ou « La vraie terre natale est celle où on a eu sa première émotion forte » [4]. Si sa première émotion forte fut son amour pour la mystérieuse A.A. de son Journal intime, la Manche est bien sa terre natale.

En dehors de Geffosses, où il passait ses vacances (vêtu de molleton blanc comme les pêcheurs du pays qu'il accompagnait volontiers à la pêche aux crevettes, aux images et aux sensations), c'est Coutances son haut lieu.

Buste de Gourmont à Coutances.
  • Coutances où il fit de brillantes études au lycée, auquel il aurait dû donner son nom Jugement personnel ?
  • Coutances où il aimait à séjourner chez sa sœur Marie, en l'hôtel de Gourmont, donnant sur le Jardin des Plantes
  • Coutances, à qui il consacra les tableaux-poèmes en prose de La Petite ville (1913) et qui lui a consacré un buste
  • Coutances enfin, si liée à Gourmont que nombreux sont ceux qui, comme Paul Guth, l'y font naître

Ouvrages

À l'image de La Petite ville, précieux guide littéraire pour découvrir Coutances, sa gare, sa cathédrale, son jardin des plantes avec son colimaçon et son Manneken-Piss, son musée, son lycée, son aqueduc, son marché, sa plage de Coutainville, la plupart des romans de Gourmont sont une exploration de la Manche.

  • Merlette (1886) conduit le lecteur, non sans un détour au mont Saint-Michel, au cœur du département, dans la campagne profonde du Mesnil-Villeman. C'est l'un des rares romans de l'époque à donner une image relativement fidèle des mœurs de province : après la Normandie sans Normandie de Flaubert, celle hallucinée de Barbey, celle « bestiale » de Maupassant, et avant la Normandie phantasmée de La Varende ou de Patrick Grainville, il y a la Normandie (pour ne pas dire la Manche) normande de Remy de Gourmont.
  • Un cœur virginal, roman physiologique (1907), le lecteur va à Cherbourg, « triste cité maritime, où tout semble avoir été combiné pour faire croire que la mer n'existe pas. Les maisons lui tournent le dos et l'on a ménagé entre le rivage et la ville un vaste désert de pavés, de poussière et de vent ». En transformant la plage Napoléon en Plage verte, les Cherbourgeois ont confirmé cette appréciation. Un cœur virginal mène aussi le lecteur d'un château à l'autre, croqué en formulation impérissable Quoi ? , tel celui du Vast, « qui a trop l'air d'un grand chalet », ou celui de Nacqueville, « par excellence, le château français, celui que les générations ont maintenu vivant, sans rien cacher de ses origines lointaines ». C'est également dans Un cœur virginal que le lecteur, revenant par La Pernelle, d'où l’œil voit depuis Gatteville jusqu'à Saint-Marcouf, aurait dû éprouver un « spasme » érotique à la vue du paysage, si Gourmont avait retranscrit ce qu'il éprouva, selon le philosophe du bovarysme, Jules de Gaultier : « L'émotion esthétique peut aller jusqu'au spasme et fait tenir parfois, dans l'apparition d'un paysage, toute la volupté et tout le pathétique de la passion amoureuse. Par une belle journée, nous nous dirigions vers Saint-Vaast-la-Hougue. Nous atteignîmes le sommet d'un vaste plateau où, sur un brusque lever de rideau, la mer verte et bleue nous apparut d'une façon si inopinée que nous fûmes tous debout, la poitrine soulevée d'une même émotion. Et à mesure que la voiture s'avançait sur la route, qui ne se dirigeait pas directement vers la mer, mais décrivait une ligne courbe, s'en rapprochant peu à peu, l'apparition s'agrandissait et de nouvelles étendues vertes et bleues et qui se gonflaient vers l'horizon emplissaient sans cesse nos yeux. On eût dit que le mouvement de la voiture nous traînant au pas du cheval fatigué d'avoir monté, déterminait cette ascension continue de la mer vers nos prunelles, et que l'Océan tout entier se soulevât vers notre extase. »

Puis Gaultier de raconter comment Gourmont, arraché à cette extase par le soudain galop du cheval, invective le voiturier jusqu'à ce que la voiture retrouve le rythme propre à prolonger l'apparition magique.

  • Le Songe d'une femme, roman familier (1899) dans lequel l'érotisme est le plus associé aux paysages de fougères, de ronces, d'ajoncs et de dunes de la Manche. Ce chef-d'œuvre du roman épistolaire confirme que le Cotentin maritime des mielles et des havres est le lieu d'élection de Gourmont. On y voit réapparaître le cher phantasme de ses vacances à Geffosses, le phantasme de la femme-dune
  • Le peintre Pierre Bazan réalise le rêve du héros de Sixtine, roman de la vie cérébrale (1890) : « s'aller cacher en une maison sur le bord de la mer. Il la voyait bâtie dans les dunes, entre la grève et les premiers arbres de la côte : nulle végétation tout autour que les herbes pâles, les chardons violets et les hautes ivraies des mielles ; la mer et un phare debout, au milieu des vents et des flots, comme un symbole. Les charrettes passent, pleines de varech, les chevaux et les hommes haletants dans le sable, attelés au labeur de la fécondation du sol, et lui les regarderait passer, attelé au labeur de la stérilisation des désirs. »

Il reste à dire sur la présence de la Manche dans l'œuvre gourmontine, les poèmes de

  • Simone (1897), puisés au Mesnil-Villeman
  • Esthétique de la langue française (1899), l'intérêt de l'auteur pour les normanismes ; son appétence des images champêtres, liée à la profonde communion de sa jeunesse avec le paysage de sa vraie terre natale.

En 2023, les éditions Garnier publient ses Écrits normands, avec un appareil critique de Christian Buat [5].

Fin de vie

Tombeau, 10e division.

Remy de Gourmont meurt à l'hôpital Boucicaut, dans le 15e arrondissement de Paris, le . Il est inhumé au cimetière du Père Lachaise le 1er octobre dans un caveau provisoire, avant d'être exhumé le 5 novembre suivant pour être inhumé dans un caveau situé dans la 10e division, 4e ligne, face à la 11e division, n° 16 de la 13e division, avec Auguste Clésinger et Berthe de Courrière.

Après sa mort, de Gourmont sombre dans l'oubli. Il ne connaîtra ni gloire nationale ni gloire locale, ignoré de l'édition et des histoires littéraires, même quand elles traitent du symbolisme, dont il fut un représentant important comme romancier, conteur, dramaturge, poète, théoricien ou critique. Ce fut peut-être le dernier encyclopédiste, le dernier à être capable de faire partager avec une limpidité d'expression rarement égalée les connaissances de son époque Jugement personnel ? .

Hommages

Bibliographie

Livres
  • Karl D. Uitti, La Passion littéraire de Remy de Gourmont, éd. Princeton University/PUF, 1962.
  • Charles Dantzig, Remy de Gourmont, Éd. du Rocher, 1990.
  • Christian Buat, Remy de Gourmont, coll. Qui suis-je ?, éd. Pardès, 2014.
Articles régionaux
  • Henri Landemer, « L's houmes counséqueints d'par chin », La Presse de la Manche, 23 avril 1957.
  • E.-D. Haussy, « Un grand Normand : Remy de Gourmont », Le Pays d'Auge, décembre 1964, p. 3-5.
  • Joël Masson, « Remy de Gourmont et Louis Beuve », Cahiers des annales de Normandie, vol. 26, n° 26, 1995 (lire en ligne).
  • René Le Texier, « Les fêtes en l'honneur de Rémy de Gourmont à Coutances en 1922 », Revue du département de la Manche, n° 189, 2005.

Notes et références

  1. 1,0 et 1,1 Naissance : « Acte 6 » — Archives de l'Orne — (NMD) Bazoches-au-Houlme 1830-1862 (3E2_028_6) — Vue : 270/319.
  2. Décès : « Acte 4011 » — Archives de Paris — (décès) 15e arrondissement 1915 (15D 255) — Vue : 23/31.
  3. R. de Gourmont, Promenades philosophiques, 1920.
  4. R. de Gourmont, Le songe d'une femme : roman familier, 1899.
  5. « Les écrits normands de Remy de Gourmont », Ouest-France, 15 novembre 2023.
  6. Article « Rue des Saints-Pères », Wikipédia en français (auteurs).

Liens internes

Lien externe