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L’élément final '''''-hou''''' se rencontre dans un certain nombre de noms d'[[îles de la Manche|îles]] et de [[toponyme]]s de la [[Manche]].  
L’élément final '''''-hou''''' se rencontre dans neuf noms d'[[îles de la Manche|îles]] et autant de communes ou hameaux de la [[Manche]]. Il est également attesté seul sous la forme ''le Hou''. On le rencontre enfin, plus rarement, dans le Calvados et la Seine-Maritime.


==Étymologie==
==Étymologie==
L'origine et la signification de cet élément ne fait pas l'unanimité parmi les spécialistes. Il existe deux thèses principales, l'origine saxonne et l'origine scandinave.


L'origine et la signification de cet élément de fait pas l'unanimité parmi les spécialistes.
====L'hypothèse anglo-saxonne====
La plupart des linguistes qui se sont penchés sur cette origine <ref name = NLF>Auguste Longnon, ''Les noms de lieux de la France'', Paris, 1920-1929 (rééd. Champion, Paris, 1979), p. 184, § 748.</ref>, <ref>Albert Dauzat et Charles Rostaing, ''Dictionnaire étymologique des noms de lieux en France'', Larousse, Paris, 1963, p. 552a.</ref>, <ref>François de Beaurepaire, « Quelques finales anglo-saxonnes dans la toponymie normande », ''Annales de Normandie'' XIII (1963), 219-236; ''Les noms de communes et anciennes paroisses de la Manche'', Picard, Paris, 1986, p. 46.</ref>, <ref>Ernest Nègre, ''Toponymie Générale de la France'', Droz, Genève, t. II, 1991, p. 1009, § 18197 et 18198.</ref> s'accorde à penser qu'il s'agit du terme d'origine saxonne ou anglo-saxonne ''hōh'', variante ''hō'' « talon », puis « promontoire en forme de talon, dominant la plaine ou la mer; escarpement rocheux, rivage abrupt », ou encore « légère élévation ». Cet élément s'applique particulièrement bien aux îlots rocheux.  


On le rencontre dans la Manche dans six noms d'îles, ainsi que trois noms de communes (voir la liste ci-dessous). Il est aussi attesté, quoique plus rarement, en Seine-Maritime.
Mais le fait qu'on le rencontre également dans certains toponymes désignant des lieux où ce trait topographique est absent a suggéré un croisement de sens avec l'ancien norois ''holmr'' « île; île de marais; terre dans une courbe de rivière », puis « prairie humide », qui peut expliquer sa présence dans Quettehou ou Tribehou par exemple. Ce croisement sémantique, qui fait de ''-hou'' un élément anglo-scandinave, permet de justifier la multiplicité de sens qui lui sont attribués : île, presqu'île, escarpement, rivage abrupt, rivage, terre humide, etc.


Nous hésitons à suivre René Lepelley lorsqu’il affirme que ''holmr'' aboutit toujours à -hou en composition, et à homme / houme en emploi autonome <ref>René Lepelley, ''Noms de lieux de Normandie'', Bonneton, Paris, 1999, p. 96-97.</ref>. On sait que l’on trouve d’une part des NL de type le Hou en Seine-Maritime; c’est aussi un nom de rocher près de Guernesey. D’autre part on relève des composés en -homme (forme parfois altérée en -onne) en Haute et Basse-Normandie : cf. par exemple les Échommes, hameau à Saint-Senier-sous-Avranches, cn d’Avranches, attesté sous la forme Eschehoume en 1517; Engehomme (Engo homme s.d.), nom d’une île de la Seine, devant Martot; les communes de Grand-Couronne et Petit Couronne en Seine-Maritime (Corhulma 1032/1035, Corone 1261/1270), etc. En outre, la carte de Cassini mentionne à Beaumont-le-Roger un hameau et moulin du nom de Jahomme, mais cette forme représente incontestablement une cacographie pour le Hom (Humetum 1089, Hulmus 1209 DTE).
====L'hypothèse scandinave====
Seul René Lepelley <ref>René Lepelley, ''Noms de lieux de Normandie'', Bonneton, Paris, 1999, p. 96-97 et 175.</ref> affirme que l'élément ''-hou'' est directement et seulement issu de l'ancien norois ''holmr'' « île », et que, parallèlement, ''holmr'' aboutit toujours à ''-hou'' en composition, et à ''homme'' / ''houme'' en emploi autonome. Or on sait que l’on trouve d’une part des toponymes de type ''le Hou'' en Seine-Maritime; c’est aussi le nom d'un rocher près de Guernesey <ref>Curieusement, ce nom disparaît de l'analyse par René Lepelley des noms d'îlots en ''-hou'' dans les îles Anglo-Normandes (''ibid.'').</ref> : ces noms attestent formellement l'emploi autonome de ''Hou'' < ''hōh'', et son emploi ancien en Normandie en tant qu'appellatif. D’autre part on relève de nombreux composés en ''-homme'' (forme parfois altérée en ''-onne'') en Haute et Basse-Normandie : cf. par exemple ''Robehomme'' (ancienne commune rattachée à Bavent, dans le Calvados (''Raimberti Hulmus'' 1083, ''Ramberti Hulmus'' 1149) <ref>Célestin Hippeau, ''Dictionnaire topographique du département du Calvados'', Imprimerie Nationale, Paris, 1883.</ref>; ''Suhomme'', ancien hameau à Varaville, également dans le Calvados (''Suhomme'' 1753/1785) <ref name = CC>Carte de Cassini.</ref>; ''les Échommes'', hameau à [[Saint-Senier-sous-Avranches]] (''Eschehoume'' 1517) <ref>François de Beaurepaire, ''Les noms de communes et anciennes paroisses de la Manche'', Picard, Paris, 1986, p. 47.</ref>; ''Engehomme'' (''Engo homme'' s.d.) <ref>Auguste le Prevost, ''Dictionnaire des anciens noms de lieux du département de l’Eure'', 1839.</ref>, nom d’une île de la Seine, devant Martot (Eure); les communes de Grand-Couronne et Petit Couronne en Seine-Maritime (''Corhulma'' 1032/1035 <ref>Marie Fauroux, ''Recueil des actes des ducs de Normandie (911-1066)'', Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie XXXVI, Caen, 1961, p. 225, § 85.</ref>, ''Corone'' 1261/1270 <ref>Joseph Reese Strayer, ''The Royal Domain in the Baillage of Rouen'', Princeton, Princeton University Press, 1936, p. 35.</ref>; ancienne unité territoriale, divisée en deux paroisses puis communes), etc. : ''holm'' en composition peut donc fort bien aboutir à ''-homme''.


Les Échommes, h. à Saint-Senier-sous-Avranches, cn d’Avranches, M. — Eschehoume en 1517 NCM 47.
====Discussion====
Engehomme, île de la Seine, devant Martot, cn de Pont-de-l’Arche, E. — Engo homme s.d.DNLE 106 [charte de Félicie de Martot].
L'évolution ''-holmr'' > ''-hou'' avancée par René Lepelley postule un cheminement hypothétique ''-holmr'' > ''°-houm'' > ''-hou'' jamais attesté par les textes, et en outre assez inhabituel (les nasales finales ''-n'', ''-m'' derrière voyelle n'ont pas tendance à s'effacer dans les dialectes d'oïl). Cette hypothèse a sans doute été suggérée par certaines latinisations médiévales de la finale ''-hou'' sous la forme ''hulmus'' ou ''hulmum'' à partir du 11{{e}} siècle. C’est également, à peu de choses près, l’opinion d'Auguste Longnon, qui pose clairement le problème dès le début du 20{{e}} siècle : « dans tels de ces noms (Néhou, Quettehou, Tatihou, etc.), la terminaison a été, aux 12{{e}} et 13{{e}} siècles, latinisée en ''hulmum'', et l’on a voulu l’identifier avec le mot norois ''holm'', signifiant île : il faut tenir pour erronée cette opinion, fondée uniquement sur une fantaisie de clercs » <ref name = NLF/>. Un autre fait qui peut inciter à voir en ''-hou'' le produit de l'ancien norois ''holmr'' est que cette finale est fréquemment combinée avec un élément d'origine scandinave (nom de personne ou appellatif); à ceci on pourra répondre que les hybrides anglo-scandinaves et romano-scandinaves sont très nombreux et bien connus en Normandie, et particulièrement dans la Manche. Enfin, il faut noter la propension de René Lepelley à préférer, de manière assez systématique, les étymologies scandinaves, et parallèlement, celle de François de Beaurepaire à privilégier l'apport anglo-saxon dans la toponymie normande dans leurs travaux respectifs <ref>Les considérations ci-dessus s'inspirent partiellement de Dominique Fournier, « Quelques traces franciques, anglo-saxonnes et scandinaves dans la toponymie augeronne », ''Bulletin de la Société historique de Lisieux'' n° 55 (décembre 2003), p. 12-30.</ref>.
*Couronne, a. localité dont le territoire a été divisé au Moyen Âge (~12e s.) en deux paroisses puis communes, Grand-Couronne et Petit-Couronne, cn de Grand-Couronne, S. — Corhulma 1032/1035 RADN 225 § 85, Corone 1261/1270 RDBR 35.


À notre avis, les formes hou et homme / houme correspondent le plus souvent (sinon toujours) à deux étymons distincts (en l’occurrence : saxon ou anglo-saxon hoh “escarpement rocheux, rivage abrupt” d’une part, ancien norois holmr de l’autre), parfois confondus dans les latinisations médiévales sous la forme hulmus ou hulmum à partir du 11e s. C’est également, à peu de choses près, l’opinion de Longnon, qui pose clairement le problème : “dans tels de ces noms (Néhou, Quettehou, Tatihou, etc.), la terminaison a été, aux 12e et 13e siècles, latinisée en hulmum, et l’on a voulu l’identifier avec le mot norois holm, signifiant île : il faut tenir pour erronée cette opinion, fondée uniquement sur une fantaisie de clercs” <ref>Auguste Longnon, ''Les noms de lieux de la France'', Paris, 1920-1929 (rééd. Champion, Paris, 1979), p. 184, § 748.</ref>.
En conclusion, il semble bien qu'il faille différencier les deux étymons :  


==Toponymes comportant l'élément ''-hou''==
* d'une part ''holm'' > ''-homme'' et variantes en finale, ''le Homme'', ''le Hou(l)me'' en emploi autonome (voir [[Le Homme]] pour ce dernier élément);
* d'autre part ''hōh'' > ''-hou'' en finale, ''le Hou'' en tant qu'élément autonome issu d'un ancien appellatif toponymique ''hou''.


===Dans la Manche===
Dans la toponymie anglaise, cet emploi de ''hōh'' est absolument parallèle. Il aboutit en finale à ''-hoo'' ou ''-hoe'', parfois ''-(h)ow'' : ainsi ''Northoo'' (Suffolk); ''Poddinghoo'' (Worcestershire); ''Millhoo'' (Essex); ''Fingringhoe'' (Essex); ''Rainow'' (Cheshire) , etc. <ref>Auguste Longnon, ''op. cit.'', p. 184, § 747; Eilert Ekwall, ''The Concise Oxford Dictionary of English Place-names'' (4<sup>th</sup> edition), Oxford University Press, Oxford, 1960, p. 244b.</ref>. En emploi autonome, il apparaît sous la forme ''Hoe'', ''Hoo'', ''Hooe'' ou ''the Hoe'', comme par exemple ''the Hoe'' à Plymouth (Dorset), éminence surplombant le port.


====Îles Anglo-Normandes====
====Origine linguistique====
L'ancien anglais ''hōh'' « talon » est issu du germanique commun ''°hanhaz'', qui repose lui-même sur la racine indo-européenne °'''kenk-''' « talon ; genou », et sans doute initialement « projection; angle ». La racine '''°kenk-''' elle-même est sans doute à analyser en '''°ken-k-''', où '''°ken-''' pourrait représenter une variante de '''°gen-''' dans '''°genu-''' « angle; genou » (voir à ce sujet l'analyse d'''Ingena'', nom primitif d'[[Avranches]]). Le mot ''hōh'' survit en anglais sous la forme ''hough'' « jarret d'animal », et aussi dans ''heel'' « talon » < ancien anglais ''hēla'' < germanique commun ''°hanhilōn-''.


* '''Bernehou''', près d''''Aurigny'''.
==Toponymes comportant l'élément ''-hou''==
* '''[[Brecqhou]]''', à l'est de [[Guernesey]].
* '''Brehou''', près d'[[Aurigny]].
* '''[[Burhou]]''', à l'ouest d'[[Aurigny]].
* '''Coquelihou''', près d'[[Aurigny]].
* '''[[Écréhou]]''', au nord-est de [[Jersey]].
* '''[[Jéthou]]''' (''Jethou'' en anglais), à l'est de [[Guernesey]].
* '''[[Lihou]]''', à l'ouest de [[Guernesey]].


====Autres îles====
====Dans la Manche====


* '''[[Tatihou]]''', au large de [[Saint-Vaast-la-Hougue]].
:'''Îles Anglo-Normandes'''
:* '''Bernehou''', près d''''Aurigny'''.
:* '''[[Brecqhou]]''', à l'est de [[Guernesey]].
:* '''Brehou''', près d'[[Aurigny]].
:* '''[[Burhou]]''', à l'ouest d'[[Aurigny]].
:* '''Coquelihou''', près d'[[Aurigny]].
:* '''[[Écréhou]]''', au nord-est de [[Jersey]].
:* '''[[Jéthou]]''' (''Jethou'' en anglais), à l'est de [[Guernesey]].
:* '''[[Lihou]]''', à l'ouest de [[Guernesey]].


====Noms de communes et de hameaux====
:'''Autres îles'''
:* '''[[Tatihou]]''', au large de [[Saint-Vaast-la-Hougue]].


* '''Bléhou''', hameau à [[Sainteny]].
:'''Noms de communes et de hameaux'''
* '''Bunehou''', hameau à [[Saint-Germain-le-Gaillard]].
:* '''Bléhou''', hameau à [[Sainteny]].
* '''Ingrehou''', hameau à [[Saint-Sauveur-de-Pierrepont]].
:* '''Bunehou''', hameau et [[Manoir de Bunehou|manoir]] à [[Saint-Germain-le-Gaillard]].
* '''[[Néhou]]'''.
:* '''Ingrehou''', hameau à [[Saint-Sauveur-de-Pierrepont]].
* '''Néhou''', hameau à [[Auvers]].
:* '''Cap Lihou''', à [[Granville]]
* '''Nehou''', hameau à [[Gatteville-le-Phare]].
:* '''[[Néhou]]'''.
* '''Primehou''', hameau à [[Nay]].
:* '''Néhou''', hameau à [[Auvers]].
* '''[[Quettehou]]'''.
:* '''Nehou''', hameau à [[Gatteville-le-Phare]].
* '''[[Tribehou]]'''.
:* '''Primehou''', hameau à [[Nay]].
:* '''[[Quettehou]]'''.
:* '''[[Tribehou]]'''.


===Ailleurs en Normandie===
====Ailleurs en Normandie====


* '''Conihout''', hameau à Jumièges, Seine-Maritime.
:* '''Conihout''', hameau à Jumièges, Seine-Maritime.
* '''Perthou''' (?), hameau à Truttemer-le-Grand, Calvados.
:* '''Perthou''' (?), hameau à Truttemer-le-Grand, Calvados.


* '''Hou''' (Voie du —), ancienne route à Banville, Calvados.
:* '''Hou''' (Voie du —), ancienne route à Banville, Calvados.
* '''Hoult''' (Le —), quartier de Surville, Calvados.
:* '''Hoult''' (Le —), quartier de Surville, Calvados.


== Notes et références ==
== Notes et références ==
<references/>
<references/>


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[[Catégorie:Éléments fréquents dans les noms de lieux de la Manche]]
[[Catégorie:Éléments fréquents dans les noms de lieux de la Manche]]
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[[Catégorie:Toponymes contenant un élément d'origine scandinave| Element hou]]
[[Catégorie:Héritage scandinave]]
[[Catégorie:Île de la Manche|Element]]

Dernière version du 8 août 2022 à 15:31

L’élément final -hou se rencontre dans neuf noms d'îles et autant de communes ou hameaux de la Manche. Il est également attesté seul sous la forme le Hou. On le rencontre enfin, plus rarement, dans le Calvados et la Seine-Maritime.

Étymologie

L'origine et la signification de cet élément ne fait pas l'unanimité parmi les spécialistes. Il existe deux thèses principales, l'origine saxonne et l'origine scandinave.

L'hypothèse anglo-saxonne

La plupart des linguistes qui se sont penchés sur cette origine [1], [2], [3], [4] s'accorde à penser qu'il s'agit du terme d'origine saxonne ou anglo-saxonne hōh, variante « talon », puis « promontoire en forme de talon, dominant la plaine ou la mer; escarpement rocheux, rivage abrupt », ou encore « légère élévation ». Cet élément s'applique particulièrement bien aux îlots rocheux.

Mais le fait qu'on le rencontre également dans certains toponymes désignant des lieux où ce trait topographique est absent a suggéré un croisement de sens avec l'ancien norois holmr « île; île de marais; terre dans une courbe de rivière », puis « prairie humide », qui peut expliquer sa présence dans Quettehou ou Tribehou par exemple. Ce croisement sémantique, qui fait de -hou un élément anglo-scandinave, permet de justifier la multiplicité de sens qui lui sont attribués : île, presqu'île, escarpement, rivage abrupt, rivage, terre humide, etc.

L'hypothèse scandinave

Seul René Lepelley [5] affirme que l'élément -hou est directement et seulement issu de l'ancien norois holmr « île », et que, parallèlement, holmr aboutit toujours à -hou en composition, et à homme / houme en emploi autonome. Or on sait que l’on trouve d’une part des toponymes de type le Hou en Seine-Maritime; c’est aussi le nom d'un rocher près de Guernesey [6] : ces noms attestent formellement l'emploi autonome de Hou < hōh, et son emploi ancien en Normandie en tant qu'appellatif. D’autre part on relève de nombreux composés en -homme (forme parfois altérée en -onne) en Haute et Basse-Normandie : cf. par exemple Robehomme (ancienne commune rattachée à Bavent, dans le Calvados (Raimberti Hulmus 1083, Ramberti Hulmus 1149) [7]; Suhomme, ancien hameau à Varaville, également dans le Calvados (Suhomme 1753/1785) [8]; les Échommes, hameau à Saint-Senier-sous-Avranches (Eschehoume 1517) [9]; Engehomme (Engo homme s.d.) [10], nom d’une île de la Seine, devant Martot (Eure); les communes de Grand-Couronne et Petit Couronne en Seine-Maritime (Corhulma 1032/1035 [11], Corone 1261/1270 [12]; ancienne unité territoriale, divisée en deux paroisses puis communes), etc. : holm en composition peut donc fort bien aboutir à -homme.

Discussion

L'évolution -holmr > -hou avancée par René Lepelley postule un cheminement hypothétique -holmr > °-houm > -hou jamais attesté par les textes, et en outre assez inhabituel (les nasales finales -n, -m derrière voyelle n'ont pas tendance à s'effacer dans les dialectes d'oïl). Cette hypothèse a sans doute été suggérée par certaines latinisations médiévales de la finale -hou sous la forme hulmus ou hulmum à partir du 11e siècle. C’est également, à peu de choses près, l’opinion d'Auguste Longnon, qui pose clairement le problème dès le début du 20e siècle : « dans tels de ces noms (Néhou, Quettehou, Tatihou, etc.), la terminaison a été, aux 12e et 13e siècles, latinisée en hulmum, et l’on a voulu l’identifier avec le mot norois holm, signifiant île : il faut tenir pour erronée cette opinion, fondée uniquement sur une fantaisie de clercs » [1]. Un autre fait qui peut inciter à voir en -hou le produit de l'ancien norois holmr est que cette finale est fréquemment combinée avec un élément d'origine scandinave (nom de personne ou appellatif); à ceci on pourra répondre que les hybrides anglo-scandinaves et romano-scandinaves sont très nombreux et bien connus en Normandie, et particulièrement dans la Manche. Enfin, il faut noter la propension de René Lepelley à préférer, de manière assez systématique, les étymologies scandinaves, et parallèlement, celle de François de Beaurepaire à privilégier l'apport anglo-saxon dans la toponymie normande dans leurs travaux respectifs [13].

En conclusion, il semble bien qu'il faille différencier les deux étymons :

  • d'une part holm > -homme et variantes en finale, le Homme, le Hou(l)me en emploi autonome (voir Le Homme pour ce dernier élément);
  • d'autre part hōh > -hou en finale, le Hou en tant qu'élément autonome issu d'un ancien appellatif toponymique hou.

Dans la toponymie anglaise, cet emploi de hōh est absolument parallèle. Il aboutit en finale à -hoo ou -hoe, parfois -(h)ow : ainsi Northoo (Suffolk); Poddinghoo (Worcestershire); Millhoo (Essex); Fingringhoe (Essex); Rainow (Cheshire) , etc. [14]. En emploi autonome, il apparaît sous la forme Hoe, Hoo, Hooe ou the Hoe, comme par exemple the Hoe à Plymouth (Dorset), éminence surplombant le port.

Origine linguistique

L'ancien anglais hōh « talon » est issu du germanique commun °hanhaz, qui repose lui-même sur la racine indo-européenne °kenk- « talon ; genou », et sans doute initialement « projection; angle ». La racine °kenk- elle-même est sans doute à analyser en °ken-k-, où °ken- pourrait représenter une variante de °gen- dans °genu- « angle; genou » (voir à ce sujet l'analyse d'Ingena, nom primitif d'Avranches). Le mot hōh survit en anglais sous la forme hough « jarret d'animal », et aussi dans heel « talon » < ancien anglais hēla < germanique commun °hanhilōn-.

Toponymes comportant l'élément -hou

Dans la Manche

Îles Anglo-Normandes
Autres îles
Noms de communes et de hameaux

Ailleurs en Normandie

  • Conihout, hameau à Jumièges, Seine-Maritime.
  • Perthou (?), hameau à Truttemer-le-Grand, Calvados.
  • Hou (Voie du —), ancienne route à Banville, Calvados.
  • Hoult (Le —), quartier de Surville, Calvados.

Notes et références

  1. 1,0 et 1,1 Auguste Longnon, Les noms de lieux de la France, Paris, 1920-1929 (rééd. Champion, Paris, 1979), p. 184, § 748.
  2. Albert Dauzat et Charles Rostaing, Dictionnaire étymologique des noms de lieux en France, Larousse, Paris, 1963, p. 552a.
  3. François de Beaurepaire, « Quelques finales anglo-saxonnes dans la toponymie normande », Annales de Normandie XIII (1963), 219-236; Les noms de communes et anciennes paroisses de la Manche, Picard, Paris, 1986, p. 46.
  4. Ernest Nègre, Toponymie Générale de la France, Droz, Genève, t. II, 1991, p. 1009, § 18197 et 18198.
  5. René Lepelley, Noms de lieux de Normandie, Bonneton, Paris, 1999, p. 96-97 et 175.
  6. Curieusement, ce nom disparaît de l'analyse par René Lepelley des noms d'îlots en -hou dans les îles Anglo-Normandes (ibid.).
  7. Célestin Hippeau, Dictionnaire topographique du département du Calvados, Imprimerie Nationale, Paris, 1883.
  8. Carte de Cassini.
  9. François de Beaurepaire, Les noms de communes et anciennes paroisses de la Manche, Picard, Paris, 1986, p. 47.
  10. Auguste le Prevost, Dictionnaire des anciens noms de lieux du département de l’Eure, 1839.
  11. Marie Fauroux, Recueil des actes des ducs de Normandie (911-1066), Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie XXXVI, Caen, 1961, p. 225, § 85.
  12. Joseph Reese Strayer, The Royal Domain in the Baillage of Rouen, Princeton, Princeton University Press, 1936, p. 35.
  13. Les considérations ci-dessus s'inspirent partiellement de Dominique Fournier, « Quelques traces franciques, anglo-saxonnes et scandinaves dans la toponymie augeronne », Bulletin de la Société historique de Lisieux n° 55 (décembre 2003), p. 12-30.
  14. Auguste Longnon, op. cit., p. 184, § 747; Eilert Ekwall, The Concise Oxford Dictionary of English Place-names (4th edition), Oxford University Press, Oxford, 1960, p. 244b.