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Histoire de La Mancellière-sur-Vire

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La Mancellière-sur-Vire
autrefois La Mancellière

Quelques dates

Cette dénomination se rapporte peut-être à la famille Mancel (originaire selon certains érudits du Mans) dont un membre Fulco Mensel est cité en 1220 ; ou selon d'autres, à une famille Mancel d'origine scandinave.
La Mancellière est la plus ancienne commune connue avec le suffixe « -ière ».

Mansellaria : toponyme cité en 1056 lorsque Guillaume le Conquérant retira la propriété de l'église aux chanoines de Rouen, d'où la forme française Mansellière. Par la suite, dans une copie de cet acte du XVIe siècle on trouve aussi Mancelaria.

Le territoire de la paroisse de La Mancellière faisait l'objet de convoitise entre l'évêque de Coutances et les chanoines de Rouen, patrons de l'église :
- L'article 19 du jugement prononcé en 1263 à la suite d'un grand procès survenu entre l'évêque et les chanoines prébendés du lieu, accorda à ceux-ci pleine juridiction temporelle et spirituelle sur leurs vassaux.
- En 1319, Philippe V le Long, roi de France, confirme à la cathédrale de Coutances l'église de La Mancellière avec ses appartenances et la terre du Caillou (Manselaria cum ecclesia et omnibus appendicas et terra quae dicitur Caillou).

En 1893, La Mancellière se voit attribuer le déterminatif « -sur-Vire » afin d'éviter la confusion avec l'autre commune du même nom dans le sud du département, appartenant autrefois au diocèse d’Avranches, et maintenant annexée à celle d'Isigny-le-Buat.

L’église

Sa construction

Le plan originel très simple de ce sanctuaire élevé au XIe siècle n’a pas été modifié :
- le chœur est très ancien avec des maçonneries en épi (ou opus spicatum) : côté sud, un pan de mur de 2 m de largeur sur 4 m de haut environ, et surtout côté nord, 6 m sur 5 m (modifiés ultérieurement par l'agrandissement des baies).
- une petite porte (aujourd'hui condamnée) de style roman avec un arc en plein cintre décoré de double rang de chevrons en dents de scie.
- à l'intérieur de l'église, deux petites frises romanes à éléments géométriques et des torsades à l'arc triomphal sont de période ancienne, XIe ou XIIe siècle.
- La structure de la nef serait de la même époque que le chœur. On retrouve tant au nord qu’au sud des petites parties de maçonneries en épi.

De nombreuses réfections du XVe au XVIIe ont modifié l’apparence de cette église : élargissement des baies, reconstruction de murs avec des contre-forts, modification de l’arc triomphal, obstruction de la baie axiale du chœur, suppression de la tribune...
Tout ceci atteste de l’ancienneté de cette construction.

Le clocher

Le cloche à bâtière est de construction plus récente, début XVIIe siècle. L’on aperçoit une lignée de pierres calcaires travaillées de chaque côté du portail. Ces pierres laissent supposer la récupération de pierres du XIIe ; des travaux y furent effectués en 1532.
- En 1718, le clocher contenait trois cloches qui avaient besoin d'être refondues, comme en fait foi un marché passé entre les paroissiens de La Mancellière et un nommé Baudouin, fondeur en Lorraine. Ce dernier s'engageait à refondre la grosse cloche cassée et les deux autres pour les mettre d'accord moyennant la somme de 80 livres tournois.
Ces trois cloches furent enlevées au cours de la révolution et emmenées, comme la plupart des cloches de la région, à Saint-Lô où elles furent fondues pour faire des canons.

Une nouvelle cloche fut placée dans le clocher en 1809, fondue par les frères Grente de Hambye et bénie par L. Calvez, alors curé de la paroisse. Elle est nommée Joséphine Julie. Une seconde vint la rejoindre le 22 octobre 1989, nommée Thérèse Marie Georgette, et bénie par l’évêque, Mgr Jacques Fihey.

L’intérieur de l’église

- Le maître-autel serait du XVIIIe siècle. La niche centrale prend forme dans l’ancienne baie axiale du chœur.
- Les fonts baptismaux à base hexagonale avec six pédicules hexagonaux (très abîmés) en pierre calcaire sculptée seraient du XVIe siècle.
- La charpente de la nef lambrissée, avec entraits et poinçons moulurés, des pointes de diamant sur les longerons coté sud, est de la fin du XVe ou du début XVIe siècle.
- L’entourage en pierre calcaire de la fenêtre du chœur, coté sud , ainsi que deux piscines à ablutions au haut de la nef sont du XVe ou XVIe siècle.
- La première sacristie daterait des années 1760. C’est de cette sacristie, construite grâce au don d’un chantre, qu'un érudit écrit que sa construction eut pour conséquence la suppression de la baie romane axiale du chœur.
En 1877, le don de deux bienfaiteurs permet de bâtir une nouvelle sacristie à l’emplacement de l’ancienne insuffisante. La longueur 1,5 m de plus que l’ancienne, la largeur égale à celle du sanctuaire, et la hauteur de 3 m.

- Le mobilier, à l'intérieur de l'église une copie, par Rican, d'un tableau du peintre Italien Titien (1488-1576) représente la Vierge à l'enfant et plusieurs saints. Ce tableau est un don de l'Etat en 1890.

- L'église possède également un calice dont le pied est gravé du blason double de l'Empire et de Montijo avec l'inscription "don de S.M. l'Impératrice Eugénie; 1862."

D’autres objets de décoration et de culte, ainsi que les pierres tombales ci-dessous décrites sont signalés dans l’inventaire supplémentaire à la liste des objets classés de 1988. Quant à l’église elle-même, c’est en 2005 qu’elle est inscrite sur l’inventaire supplémentaire des monuments historiques.

Les pierres tombales

L’allée centrale de la nef est pavée de huit pierres tombales en granit. Les inscriptions sont plus ou moins lisibles. Pour la plupart, il s’agit de pierre concernant des prêtres, mais pas uniquement :

- La 5e, devant la petite porte latérale, très riche d’inscriptions, au centre une couronne torsadée avec à l'intérieur un dessin représentant le personnage en grand apparat, portant une coiffure et une épée, marque de sa charge; tenant dans sa main un marteau et auprès de lui une pile de pièces de monnaie, ce personnage est un "monnoyer" de la Monnaie de Saint-Lô.
L'inscription : "CI REPOSE LE CORPS DE Me PHILIPE DESHEE VIVANT MONOYER A ST LO DECEDE LE 4 AVRIL 1649 AGE DE 70 ANS LEQUEL A DONNE PAR TESTAMENT 40 LIVRES DE RENTE A L EGLIZE POUR CELEBRER LA MESSE MATINALE AU DIMANCHE ET 4 OBIZ EST 4 TEMPS".

- La 6e pierre tombale, plus longue que les autres, est probablement celle de Regnobert Tabard, curé de la paroisse en 1601. Elle comporte une croix grecque et un écu avec un calice et quatre initiales M (maître) R.T. (initiales) P (prêtre). Le millésime est incomplet, ce qui semble vouloir dire que ce prêtre aurait fait graver sa pierre de son vivant, pensant ne pas aller plus loin que 1609 ; mal lui en prit, car en 1619 il préside deux assemblées de paroissiens. Ce n’est qu’en 1623 qu’il est dit ‘’feu’’.

Il est certain que l’emplacement actuel de ces pierres n'est pas celui d'origine, même si au XVIIe et XVIIIe siècles, il était de coutume d'inhumer de nombreuses personnes dans l'église. En 1858 celle de Philippe Deshée est signalée à l’entrée du chœur avec une autre.

Ces pierres furent de nouveau déplacées, probablement lors de la réalisation d’une aire dans le chœur début du XXe siècle, et regroupées avec l’ensemble des autres au bas de la nef, coté porte et autour des fonts baptismaux de ce coté également. C’est l’endroit où elles étaient au lendemain de la seconde Guerre mondiale.

En 1947, au moment de la restauration de la nef (vitraux, sols, plâtres, réfection des bancs et suppression des autels secondaires), elles ont été alignées dans la nef là où elles sont aujourd’hui ; sauf celle de Ph. Deshée, qui fut placée en exposition près de la porte du presbytère. Dans les années 1980, elle fut replacée dans l'église.

Le cimetière

- Un calvaire en granit repose sur trois couvercles de sarcophages en forme de toit, et sur deux morceaux de table d'autel très ancien (époque médiévale).
- La croix serait du XVIIe siècle, le crucifix est intaillé dans le granit.

La Vire

Cette rivière est la limite, pour l’essentiel, entre les paroisses de La Mancellière et de Sainte-Suzanne-sur-Vire. Autrefois, elle délimitait aussi les diocèses de Coutances et Bayeux.

La Vire voit apparaître la construction de ponts pour faciliter la circulation entre les deux rives de cette rivière.
Avec sa vallée, elle est aussi une situation favorable pour le développement, aux XIXe et début du XXe siècles, des nouveaux moyens de communication que sont le transport fluvial et le chemin de fer.

R. Lanchantin dans son ouvrage sur Condé-sur-Vire rapporte :
« En 1852 l'administration départementale projette de lancer un pont sur la Vire à Sainte-Suzanne. La réalisation effective n’eut lieu qu’au début du XXe, mettant fin au passage à gué entre La Mancellière et Sainte-Suzanne dit Les Planches de Sainte-Suzanne ».
Ce pont ressemblait au pont de chemin de fer construit en 1890.
D'après un mémoire sur la visite de la rivière de Vire, les 24 et 25 octobre 1716, une étude prévoyait de la rendre navigable jusqu’à Condé-sur-Vire : « à la chaussée du moulin d'Aubigny, il sera fait une écluse à bassin ».

Ce n'est qu’en 1830, un projet, et en 1833 une loi autorise la canalisation de la Vire entre Saint-Lô et Pont-Farcy. Ce qui nécessitera la construction de dix-neuf écluses, dont deux à La Mancellière (le bourg et Aubigny) construites entre 1848 et 1861. Cela impliquait également la construction de canaux (photo de couverture) et de déversoirs.

La longueur utile des écluses était de 23,1 m sur 4,2 m de largeur, le coût moyen de 35 200 F de l'époque. Un arrêté du préfet enjoignit aux propriétaires de terrains situés le long de la rive gauche d'ouvrir un espace de 24 pieds (7,8 m) nécessaire pour le passage des chevaux, puisque les bateaux devaient être tractés par des chevaux, même si quelquefois ils étaient encore tirés par des hommes (chemin de hâlage). Les portes des écluses à deux ventaux ont été placées entre 1902 et 1905.

Le trafic journalier sur la Vire entre 1896 et 1905 :
- 45 gabares en bois de 14 à 18 m de long et 3,55 de large et de 18 tonnes, tractées par un cheval.
- 4 chalands en tôle de 25 tonnes et 5 en fer de 45 tonnes tractés par 2 ou 3 chevaux.
La vitesse était de 5 à 7 km/h en descente et 4 à 5 km/h en montée.

Les marchandises transportées étaient : 56 % matériaux de construction (sable, gravier, moellons venant des différentes carrières situées le long de la Vire, briques de Carentan, 42 % d'engrais et amendements (tangue de la baie des Veys, chaux de la Meauffe.

Ce moyen de transport était autrefois utilisé par les pèlerins se rendant à La Chapelle-sur-Vire.

Mais entre 1896 et 1905 le trafic a diminué de 30 %, concurrencé par le chemin de fer. C'était le début du déclin, et vers 1924 il n'y eut plus de trafic.

Le chemin de fer

L'ouverture de la ligne de chemin de fer d'intérêt général Saint-Lô – Guilberville – Vire, a lieu le 3 avril 1892, elle passe à la Mancellière. Ceci nécessita la construction d'une maisonnette au passage à niveau de la Barberie, d'un hall à usage de gare pour les voyageurs, à proximité du bourg de la Mancellière, ainsi qu'un pont sur la Vire entre la Mancellière et Sainte-Suzanne-sur-Vire construit en 1890 selon le principe d'assemblage par rivets mis au point par Gustave Eiffel.

Ce pont a aujourd'hui le privilège d'être toujours en place, il est l’un des rares ponts sur la Vire à avoir passé au travers des bombes et des mines en 1944.

Ce train était affecté aux transports des voyageurs et marchandises, notamment les bovins vendus aux foires de Torigni-sur-Vire. En 1938, le trafic voyageurs est abandonné. Les destructions de 1944 condamnèrent l'exploitation marchandise au-delà de Torigni.

Le Petit train

Surnommé "le tacot" ou le "tue-vaques" (sic), il existait déjà de Granville à Condé-sur-Vire, dont la gare était tête de ligne. Cette voie, construite en 1900, nécessitait un déchargement des marchandises pour les mettre dans l’autre train en direction de Saint-Lô, d’où la réalisation d’une prolongation de Condé à Saint-Lô par la pose d'un troisième rail intermédiaire (projet original, voir la photo) sur la voie du réseau d'intérêt général. La largeur de cette nouvelle voie est de 1 m (contre 1,435 m pour le grand train), et le petit train devait laisser toutes les priorités de circulation au train d'intérêt général.

Pour défendre ce projet, le conseiller général du canton et maire de La Mancellière, François André, déclarait en 1919 à l'Assemblée départementale : « Ce prolongement est nécessaire pour le ravitaillement des habitants du chef-lieu à partir de Granville... A Saint-Lô, le trafic sera considérable, voter ce projet c'est rectifier l’erreur commise ».

L’inauguration eut lieu le 16 septembre 1921. Le trafic devait être constitué de pommes, tonneaux à cidre, briques, paille, engrais, farine, etc.

Les érudits de l’époque le qualifient de: « petite voie, petite locomotive, petit convoi, petite vitesse (18 km/h.) petit trafic (6 à 10 wagons), petite ambition (des élus) ». Ajoutons pour le tronçon Condé – St-Lô, petite existence: 1921-1936.

Pour le 50e anniversaire du couronnement de la Vierge à La Chapelle-sur-Vire, le 26 mai 1936, pas moins de quatre trains spéciaux empruntèrent cette voie. C'est, aux dires d'anciens, le dernier convoi ayant utilisé cette voie, et sans doute le plus important de tous les temps.

Pourtant, dès 1872, un inspecteur général des Ponts-et-chaussées clairvoyant avait prévenu que les chemins de fer d'intérêt local ne donneraient pas de quoi couvrir les frais de leur exploitation.