Mercédès Para
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Mercédès Para, Hélène Aimée Viel à l'état civil, née le 31 mars 1895 aux Sables-d'Olonne (Vendée) [1][2] et morte à Saint-Lô le 4 juillet 1973 [2], est une personnalité journalistique de la Manche.
Elle prend le nom de Mercédès Para après son mariage le 1er septembre 1921 [3] avec Louis Joseph Émile Para, également journaliste.
Biographie
En 1911, elle obtient son brevet supérieur à l'École Jeanne-d'Arc de Saint-Lô. En 1913, elle est en Angleterre pour perfectionner son anglais, pendant un an, avant de rentrer en France et s'installer à Lorient (Morbihan) auprès d'un de ses oncles, commissaire de marine. En 1915, orpheline de père et de mère, elle emménage à Paris et se lance dans le journalisme [4]. Elle commence à La Vie Féminine et L'Éclair, puis au Journal du Peuple, où elle rencontre son futur mari Émile Para, qu'elle épouse à la mairie du 17e arrondissement, à Paris, le 1er septembre 1921.
Après le décès de son mari le 22 mai 1930 [5], elle reprend la plume dans Police Magazine et exerce dans un premier temps à Paris, puis s'installe en 1939 à Saint-Lô, où elle a de la famille et où elle travaille un temps à la Trésorerie générale [2]. Elle entre au Courrier de la Manche dans lequel elle tient, après l'armistice, la rubrique des informations militaires fournies par l'armée allemande [6].
Elle est incarcérée huit jours [2] pour avoir soutenu publiquement De Gaulle [6], qu'elle qualifie plus tard de « thuriféraire de Staline » [7]. Elle semblait aussi dénoncer les bombardements de Londres par l'armée de l'air allemande [8].
Est-ce ce séjour derrière les barreaux ou le suicide d’un ouvrier d’imprimerie, mis au chômage par la suspension du journal, qui fait tourner casaque à Hélène Viel ? Toujours est-il que sous son nom de mariage Mercédès Para, elle reprend du service au Courrier de la Manche, en rédigeant des articles de plus en plus favorables à la politique de collaboration de l’Allemagne. Remarquée par les services de la Propagandastaffel, elle se voit proposer la chronique politique de Cherbourg-Éclair en janvier 1942. Tout en continuant à écrire pour Le Courrier de la Manche, Mercédès Para signe des éditoriaux quotidiens pour Cherbourg-Éclair jusqu’au débarquement des Alliés en Normandie, stigmatisant tour à tour gaullistes ou communistes, chantant les louanges de l’Allemagne nazie, de la LVF ou de la Milice, ou vilipendant violemment les Juifs [2]. Elle est notamment l'auteur de l'éditorial intitulé « Le chancre juif » [9]. Elle signe son dernier éditorial le 3 juin 1944.
Voilà pour une partie visible. Mais les revenus de journaliste de Mercédès Para ne suffisent pas à étancher les nombreuses addictions qu’elle accumule dans tous les bistrots de Cherbourg. « Il n'était pas rare de la rencontrer titubant dans les rues de Cherbourg » [10]. Elle émarge dès son arrivée dans le Nord-Cotentin, comme indicatrice des Renseignements généraux. Première mission : fournir des renseignements sur les partis politiques collaborationnistes dont elle est elle-même membre, le Mouvement social révolutionnaire et le Parti populaire français. Et comme ça ne suffit pas encore, la Gestapo lui demande à son tour de lui fournir des informations sur l’état d’esprit de la population à l’égard de l’armée allemande et des évènements militaires. Remords ou suprême calcul, elle ne donne semble-t-il, que des renseignements insignifiants aux Allemands, et profite même de leur confiance pour mettre au courant la police française des intentions de la Gestapo : plusieurs magistrats saint-lois devant être arrêtés quelques jours avant le Débarquement, seront ainsi prévenus juste à temps pour se mettre à l’abri [2].
Fin mai 1944, elle s’engage au sein des services de renseignement allemands pour être formée à l’espionnage. Destinée à être parachutée derrière les lignes alliées après le Débarquement, elle reste finalement à Paris après la libération de la capitale, chargée d’une ultime mission d’espionnage pour les Allemands. C’est là qu’elle est démasquée par un policier cherbourgeois en septembre 1944. Elle est arrêtée à Paris le 14 septembre 1944.
Transférée à Cherbourg en avril 1945, elle est jugée par la Cour de justice de la Manche le 6 juin 1946 [2]. Dans le box des accusés, Mercédès Para se défend de ses écrits passés [2]. Interrogée sur son activité journalistique pendant l'Occupation, elle soutient avoir voulu, « en faisant preuve d'une germanophilie excessive, dépasser le but qui lui était assigné, et n'être pas prise au sérieux » [11]. L’argument n'est pas entendu par la Cour de Justice qui la condamne à dix ans de travaux forcés, dix ans d’interdiction de séjour et à l’indignité nationale [10]. Elle est incarcérée à la prison de Mauzac (Haute-Garonne) pendant trente-quatre mois et libérée le 23 juillet 1950.
Elle est inhumée au cimetière de Saint-Lô [12].
Depuis 1944, les éditorialistes de La Presse cherbourgeoise et La Presse de la Manche sont toujours des hommes. À partir de 2023 cependant, le « point de vue » n'est plus uniquement rédigé par Jean Levallois et le billet est parfois signé Ludivine Laniepce.
Notes et références
- ↑ Archives départementales de la Vendée (lire en ligne).
- ↑ 2,0 2,1 2,2 2,3 2,4 2,5 2,6 et 2,7 René Gautier (dir.), Dictionnaire des personnages remarquables de la Manche, tome 3, éd. Eurocibles].
- ↑ Archives de Paris (lire en ligne).
- ↑ Frédéric Patard, Une ville, un pays en guerre, éd. Isoète, 2004, p. 158.
- ↑ Archives de Paris lire en ligne).
- ↑ 6,0 et 6,1 « Un jour, une femme : Mercédès Para », La Presse de la Manche, 1er juin 2009.
- ↑ Michel Besnier, Cherbourg, éditions Champ Vallon, 1986, p. 102.
- ↑ « Guerre et Occupation dans le Cotentin, 1939-1944 », La Presse de la Manche, hors-série, 2022, p. 71.
- ↑ Cherbourg-Éclair, 2 juin 1942.
- ↑ 10,0 et 10,1 « Mercédès Para, éditorialiste de “Cherbourg-Éclair” et du “Courrier de la Manche”, condamnée à 10 ans de travaux forcés », Ouest-France, 7 juin 1946.
- ↑ « 120 ans en Cotentin 1889-2009 », La Presse de la Manche, hors-série, novembre 2009.
- ↑ Cimetières de France, site internet (lire en ligne).
Liens internes
Lien externe
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