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Joseph Cachin

De Wikimanche

Portrait du baron Joseph Cachin.

Le baron Joseph Marie François Cachin, né à Castres (Tarn) le 2 octobre 1757 et mort à Paris le 23 février 1825, est un ingénieur et une personnalité politique de la Manche.

Inspecteur général des ponts et chaussées, il a été l'ingénieur chargé de la construction de la rade de Cherbourg par Napoléon Ier.

Biographie

Origines et formation

Fils de Pierre Cachin, réfugié catholique originaire du canton de Fribourg, en Suisse, employé comme portier du palais épiscopal de Castres, et de Marianne Vieu, il naît le 2 octobre 1757 à neuf heures du matin. Baptisé le jour même, il a pour parrain Joseph Marie François de Scalinger, dont il porte les prénoms, secrétaire intime de Jean-Sébastien de Barral, évêque de Castres [1].

Il suit, sous la protection de l'évêque de Castres, des études chez les frères de Castres. Il entre ensuite au collège de Sorèze en 1769 [2], où il prend place parmi les 72 « Palatins », élèves dispensés de l'étude des langues mortes du fait de leur destination à une carrière d'utilité publique. Désormais placé sous la protection de la sœur de l'évêque, mort en 1773, il suit également des cours d'architecture à l'école des beaux-arts de Toulouse [2].

Signature.

Il intègre en 1776 l'École des Ponts et Chaussées à Paris. Diplômé du titre d'ingénieur ordinaire du Roi pour les ponts-et-chaussées, il voyage en Grande-Bretagne en 1785 et aux États-Unis, grâce au soutien financier de son père et de sa protectrice [1]. En Angleterre, il visite Sherness, Liverpool, Bristol, Portsmouth, les carrières de Portland, l'hôpital de Greenwich et le Monument, observe les phares et les fours à chaux, les grues de chargement du canal de Bridgewater, étudie les matériaux de construction. Il s'intéresse particulièrement la cloche de Charles Spalding, qu'il utilisera dans les travaux cherbourgeois [3].

Premières charges en Normandie

Ingénieur aux travaux maritimes dans la généralité de Rouen, il est d'abord chargé de l'amélioration du port de Honfleur (Calvados), pour lequel il propose la construction d'un canal parallèle à la Seine, entre Quillebeuf et la mer, pour sécuriser la navigation des bateaux de commerce [4].

Il se marie avec une riche héritière de vingt ans son aînée, Judith de la Rivière, veuve en troisième noces du prince de Montbéliard, dont il se sépare rapidement d'un commun accord [2].

La Révolution française porte Cachin à la tête de la nouvelle administration communale de Honfleur (Calvados), qu'il dirige de 1790 à 1792, et ajourne le projet de canal faute de fonds [1].

Nommé par le Directoire ingénieur en chef du Calvados en 1792, il propose en 1797 le creusement d'un canal de navigation parallèle à l'Orne entre Caen et Colleville. Il écrit à ce sujet deux mémoires : Mémoire sur la navigation de l'Orne inférieure ou projet des ouvrages à exécuter pour l'établissement d'un port de commerce sous les murs de Caen et d'un port militaire sur le rivage de Colleville Paris : Impr. Bailleul, an VII (1804), et Travaux maritimes. Rapport à l'administration centrale du département du Calvados, le 16 floréal an V, sur les décisions du ministre de l'Intérieur du 28 nivôse et 25 pluviôse an V, relativement aux travaux entrepris sur l'Orne pour l'établissement d'un nouveau port sous les murs de Caen, Caen, 1802.

L'administration ne donne pas suite à ce projet coûteux, mais l'ingénieur Pattu reprend les plans de Cachin et propose le 5 août 1836 un canal coulant des jardins de Courtonne à, qui est accepté [1].

Joseph Cachin étudie également l'établissement de marine militaire dans la fosse de Colleville à l'embouchure de l'Orne [5].

« L'homme de génie à qui l'on doit Cherbourg »

Membre en 1792 de la commission chargée d'étudier les travaux de la rade de Cherbourg, suspendue à la chute de la Monarchie, il n'a cessé depuis de réfléchir à la suite que devraient prendre les travaux du port de Cherbourg [4].

Après le 18 brumaire, il quitte le Calvados pour le service de la Marine, en qualité de directeur des travaux maritimes, et est appelé en 1799 auprès du gouvernement [1].

Dans un rapport publié dans Le Moniteur en juillet 1802, il préconise le creusement d'un port près de la pointe du Homet, et l'élévation d'une batterie centrale de 20 pieds de haut pour protéger la rade en complément des forts de Querqueville et de l'île Pelée. Napoléon Ier suit ces prescriptions et signe un décret le 15 mars 1805 qui ordonne l'excavation du roc cherbourgeois pour obtenir un bassin de 50 pieds de profondeur, sous la direction de Cachin, inspecteur général des ponts et chaussées depuis 1802 [4].

Pendant vingt ans, il conclut l'édification et la fortification de la digue, réalise l'amélioration du port de commerce, l'édification de la batterie centrale de la rade, ainsi que le creusement des bassins du port militaire et la construction des bâtiments, constituant le Nouvel arsenal.

Il publie en 1820 un Mémoire sur la digue de Cherbourg comparée au breakwater de Plymouth qui provoque des polémiques, à propos duquel Tocqueville commente en 1846 : « C'est une chose tout à la fois plaisante et triste que de voir cet homme de talent, dans le mémoire qu'il a publié sur les travaux de la digue, épuiser toutes les ressources de son esprit et recourir aux raisonnements les plus subtils pour indiquer aux différents accidents dont nous venons de parler, toutes sortes de causes, hormis la véritable. Il imaginait tout, excepté qu'il s'était trompé ». Balzac en revanche le glorifie dans Le Curé de village (1841) : « Sans Napoléon, Cachin, l'homme de génie à qui l'on doit Cherbourg, eût-il existé ? Le despotisme impérial l'a distingué, le régime constitutionnel l'aurait étouffé. (...) Riquet, Perronet, Léonard de Vinci, Cachin, Palladio, Brunelleschi, Michel-Ange, Bramante, Vauban, Vicat tiennent leur génie de causes inobservées et préparatoires auxquelles nous donnons le nom de hasard, le grand mot des sots. Jamais, avec ou sans Ecoles, ces ouvriers sublimes ne manquent à leurs siècles ». Le neveu de Cachin, Émile Batailler, ingénieur des ponts et chaussées, lui consacre une Description générale des travaux exécutés à Cherbourg pendant le Consulat et l'Empire (1848).

Le notable cherbourgeois

L'importance de sa mission lui donne à Cherbourg un poids local incontournable. Propriétaire d'une maison de campagne à Fontenay-aux-Roses (aujourd'hui Hauts-de-Seine), avec glaces de Venise à l'intérieur et grotte composée de rochers de la forêt de Compiègne à l'extérieur [1], il crée à Cherbourg une « chaumière chinoise » sur les rives de la Divette, agrémentée d'un jardin anglais planté d'essences rares et baigné par un étang. Ce jardin, détruit lors de la construction des voies ferrées près de la gare de Cherbourg, aurait été le point de départ de la mode des parcs à l'anglaise dans la bourgeoisie cotentine du XIXe siècle [6].

Il est en 1803 le septième citoyen le plus imposé de Cherbourg [7]. Il intègre la Société impériale académique de Cherbourg en 1807.

Il est nommé au conseil municipal de Cherbourg sous la première Restauration [7], et conseiller général de la Manche le 27 avril 1815 pendant les Cent-Jours [8]. Il est de nouveau nommé en 1817 [8]. Il préside le Conseil général de la Manche lors de la seule année 1819 [9]. Il siège comme conseiller général jusqu'en 1825 [8].

C'est lui qui dresse les plans de l'obélisque du duc de Berry qui s'élève en 1817 sur la place de la République [10].

Il est aussi candidat malheureux à la Chambre des députés en 1816 [9].

Il quitte ses fonctions et Cherbourg en 1823. Il meurt à Paris, atteint d'une attaque d'apoplexie alors qu'il logeait à l'hôtel des Monnaies [1].

Distinctions

Il est chevalier de l'ordre de la Légion d'honneur par décret du 13 juin 1804 (25 prairial an XII), chevalier de l'Empire par lettres patentes le 16 septembre 1808, il reçoit le titre de baron d'Empire à l'occasion de l'inauguration de l'avant-port militaire par l'impératrice Marie-Louise, le 27 août 1813 à Cherbourg. Louis XVIII le fait chevalier de l'Ordre de Saint-Michel [1].

Hommages

Son nom est donné à une rue, un lycée professionnel privé et un collège public de Cherbourg.

Une rue de Honfleur (Calvados) célèbre sa mémoire.

Bibliographie

  • Voyage en Angleterre fait en 1785 par M. Cachin, Bibliothèque des Ponts et chaussées, 1785
  • Mémoire sur la digue de Cherbourg, comparée au breakwater ou jetée de Plymouth, imprimerie de Firmin Didot père et fils, Paris, 1820 (lire en ligne)
sur Joseph Cachin
  • Alain Guillemin, « Cachin (Joseph-Marie-François) », Grands notables du Premier Empire, vol. 14 (Manche, Mayenne, Côtes-du-Nord), Paris : CNRS, 1986
  • Margaret Bradley, Joseph Cachin (1757-1825), ou selon Balzac « l'homme de génie à qui l'on doit Cherbourg », Bibnum, Sciences de l'ingénieur, mis en ligne le 1er décembre 2015 (lire en ligne)

Notes et références

  1. 1,0 1,1 1,2 1,3 1,4 1,5 1,6 et 1,7 Anacharsis Combes, « Étude historique sur Cachin », 1858.
  2. 2,0 2,1 et 2,2 Les bustes de la Salle des Illustres, Association sorézienne.
  3. Margaret Bradley, « Ingénieurs et espions ? », dans André Guillerme, De la diffusion des sciences à l'espionnage industriel : 15e-20e siècle, Cahiers d'histoire et de philosophie des sciences, n° 47, ENS éditions, 1999.
  4. 4,0 4,1 et 4,2 Annales maritimes et coloniales, 1826.
  5. Voir le projet Cachin : un double port et un canal de navigation reliant Caen et Colleville sur Yves Petit-Berghem, « Géographie historique d’un espace côtier : l’exemple de la basse vallée de l’Orne (Basse-Normandie) », revue Mappemonde n° 80, 2005.
  6. Bruno Centorame, « Trois jardins », À la découverte de Cherbourg : guide historique et touristique sur la ville de Cherbourg, la Hague et le Val de Saire. Cherbourg : Ville de Cherbourg, 1992.
  7. 7,0 et 7,1 Éric Saunier, Révolution et sociabilité en Normandie au tournant des XVIIIe et XIXe siècles : 6 000 francs-maçons de 1740 à 1830, Publications des Université de Rouen et du Havre, 1998.
  8. 8,0 8,1 et 8,2 « Tout sur la Manche », Revue du département de la Manche, tome 29, n° 113-114-115, 1987.
  9. 9,0 et 9,1 Jean Baptiste Glaire et Joseph-Alexis Walsh (dir.), Encyclopédie catholique, tome 4, 1842, p.704-705 (lire en ligne).
  10. Centenaire de la bibliothèque municipale de Cherbourg, Impr. Périgault, Cherbourg, 1932, p. 65.

Articles connexes

Lien externe