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Jean Baptiste de Beauvais

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Jean Baptiste Charles Marie de Beauvais, ou abbé de Beauvais, né à Cherbourg le 10 décembre 1731 et mort le 4 avril 1790, est une personnalité politique et catholique de la Manche.

Biographie

Jeunesse

Fils unique de Charles de Beauvais, avocat au Parlement de Paris, venu à Cherbourg comme régisseur du château des Ravalet, et de Charlotte Luce, parente de la famille Cabart née à Tourlaville, Jean Baptiste Beauvais nait à Cherbourg, à l'angle de la rue du Cimetière (aujourd'hui rue Noël) et de la rue de la Trinité (désormais rue Tour-Carrée) [1]. Son prénom est celui de Jean-Baptiste de Crosville, seigneur du château, probablement un proche parent de son père.

Sa famille s'installe à Paris pour qu'il puisse faire ses humanités au collège d'Harcourt puis y suivre les cours de rhétorique de Monsieur Le Beau. La mort de son père affecte fortement sa mère, qui préfère rentrer à Cherbourg, le confiant à son oncle, chef du bureau de l'Agence générale et garde des archives du clergé [1].

Sur les conseils de son directeur spirituel, l'abbé Léger, prêtre de Saint-André-des-Arts[1], et contre les projets de son oncle, qui le voyait marié à sa fille aînée avec sa charge comme dot [2], il opte pour la prêtrise après des études de philosophie à l'Université de Paris. Tonsuré et admis au collège Sainte-Barbe, il quitte l'institution trop austère pour lui, au profit du séminaire de Saint-Nicolas-du-Chardonay et du collège de Navarre où il étudie la théologie [1].

Il revient à Coutances pour son ordination de prêtrise en 1756 des mains de Mgr Jacques Lefèvre du Quesnoy, en présence de sa mère, mais va officier à la paroisse parisienne de Saint-André-des-Arts. Il se forme au catéchisme et accentue sa lecture des grands textes de l'Église [1].

Orateur talentueux

Doué d'une grande qualité oratoire, il ne tarde pas à se rendre célèbre dans Paris par ses homélies. En 1759, il fait le panégyrique de saint Vincent de Paul à Notre-Dame de Versailles, paroisse de la Cour. L'année suivante, Louis XV lui demande de faire le sermon de la Cène pour le Jeudi Saint et conseille au souverain vis-à-vis du peuple : « Soyez au milieu d'eux comme l'un d'eux et veillez à leur bonheur pour encourager la Cour à la vertu et à la compassion envers les plus humbles. » Il séduit le dauphin, Mesdames, sœurs du roi et la reine Marie Leckzinska de sorte qu'il fait le sermon du Jeudi saint et de la Pentecôte en 1761 [1].

Il prononce devant l'Académie française le panégyrique de saint Louis, celui de saint Augustin devant l'Assemblée générale du clergé en 1765, et l'oraison funèbre le 13 mars 1766 en l'église métropolitaine de Paris, de l'Infant d'Espagne, duc de Parme, à la demande de son beau-père, Louis XV [1].

Grand vicaire en 1766 de l'abbé de Broglie, évêque de Noyon, dont il devient intime, puis chanoine de la cathédrale, l'abbé de Beauvais est freiné pour l'accession à l'épiscopat par son humble naissance. Il prêche sur "la vérité" à la Cour durant la Station de l'Avent en 1768, faisant sienne la parole d'Ambroise, évêque de Milan à l'empereur romain Théodose : Qui osera vous dire la vérité si le prêtre ne l'ose pas ?, puis le Carême en 1773 suite à quoi il est nommé chanoine de la Sainte-Chapelle et désigné par le Roi pour le Sermon de la Cène [1].

Il est admis à la Société royale académique de Cherbourg en 1768, signant le procès verbal de la séance où sa nomination est régularisée [2].

Évêque de Senez

Soutenu par les sœurs de Roi, loué par l'évêque de Carcassonne qui compare son mérite au celui de Bossuet, Bourdaloue, Massillon, Fléchier et Mascaron, il est enfin nommé évêque de Senez, l'un des plus petits diocèses de France, le 31 décembre 1773. Préconisé le 14 février suivant, sacré le 20 mars à Saint-André-des-Arts par l'évêque de Châlons, adjoint des évêques d'Arras et Saint-Omer, il prend possession par procureur de son évêché le 11 décembre 1774, et fait son entrée solennelle le 13 [1].

Fraîchement évêque, il interpelle Louis XV lors du Sermon de la Cène le jeudi saint de 1774, en lui adressant ces mots : « Sire, mon devoir de ministre du Dieu de vérité m'ordonne de vous dire que vos peuples sont malheureux, que vous en êtes la cause et qu'on vous le laisse ignorer. » On lui prête d'avoir repris ce jour-là les paroles de Jonas : « Dans quarante jours Ninive sera détruite ». Or Louis XV mourut quarante jours plus tard. Pourtant, cette prédiction du décès royal est démenti par Monseigneur de Sanbucy. Louis XVI lui demande de prononcer le 27 juillet 1774, en la basilique de Saint-Denis, l'oraison funèbre du monarque défunt dans lequel il affirme que « Le peuple n'a pas sans doute le droit de murmurer ; mais sans doute aussi il a le droit de se taire, et son silence est la leçon des rois »[1], phrase que reprendra Mirabeau le 15 juillet 1789 (« Le silence des peuples est la leçon des rois. »). Son discours jugé irrespectueux le contraint à se retirer à Senez.

Il est cependant désigné en 1775 pour siéger à l’assemblée générale du clergé à Paris comme représentant de la province d'Embrun, et faire le discours d'ouverture sur l'union nécessaire du sacerdoce et de l'empire [2].

En 1776, profitant de devoir prononcer l'oraison funèbre du maréchal de Muy à l'église des Invalides de Paris, il fait un séjour par la Normandie. Le 25 septembre, il assiste à l'hôtel de ville à la séance publique annuelle de la Société royale académique de Cherbourg et la clôture par un discours inspirée de la devise de cette assemblée : Religion, Patrie, Honneur. Il fait un office pour ses parents en l'église Sainte-Trinité. Il ordonna également Jean Charles Richard Dancel, futur évêque de Bayeux. Le lendemain, quatorze prêtres reçoivent l'ordination de sa bouche à Coutances [1].

Il est à nouveau envoyé par la province d'Embrun à l'Assemblée générale du Clergé, et l'ouvre le 15 octobre 1782 [1].

Mort

Se jugeant trop faible ou trop souvent absent pour son ministère, il se démet de son siège d'évêque en 1783, et revient auprès de l'archevêque de Paris, Juigné. Séjournant au palais archiépiscopal avec des retraites solitaires au Mont Valérien, il abandonne également les discours d'apparat. Il projette de fonder un séminaire destiné à former de jeunes prédicateurs et conçoit un Corps de doctrine et d'éloquence tiré des Saintes Écritures, des Pères de l’Église, des décrets des Conciles, et des monuments les plus éloquents de l'antiquité ecclésiastique, à 'usage des pasteurs, des prédicateurs et de tous les ecclésiastiques préposés à l'instruction et au gouvernement des âmes, dont il ne subsiste qu'un plan détaillé, le manuscrit ayant été détruit lors du pillage de l'archevêché [1].

Lors des États généraux de 1789, il est élu le 1er mai député du clergé par la prévôté et vicomté de Paris[3], mandat qu'il accepte, après hésitations. Opposé à l'esprit des Lumières, même s'il souhaite une réforme du régime, il rejette le climat de l'assemblée et ses aspirations d'audace et d'anarchie. Aussi, malade, s'efface-t-il rapidement des débats sans y jouer le rôle qu'aurait pu lui donner ses talents oratoires. Il signe avec Juigné un mémoire sur la ligne à conduire pour les représentants du clergé, et subit l’agression le 24 juillet, au retour de Versailles, du peuple contre le carrosse du prélat parisien qui fuit peu après la capitale [1].

Demeuré seul ou presque dans un palais en proie au pillage, abattu par la tournure des événements, l'abbé de Beauvais voit sa santé se dégrader rapidement, et meurt en avril 1790. De l'église Sainte-Martine de l'archevêché, où son corps est exposé, on l'inhume selon son souhait en l'église des missionnaires du Mont-Valérien [1]. L'évêque de Troyes, Mgr de Boulogne, demande par la suite de reposer à ses côtés [2]. Lors de la destruction de l'église, son tombeau est transféré dans le nouveau cimetière, en 1823 [1].

Sur sa tombe est gravée l'épitaphe[1] :

Religionis contra impios
veritis apud reges
defensor acerrimus.[4] ;

suivie du psaume 118, verset 46 : « Je parlerai de tes ordres en présence des rois et sans honte », et du psaume 113, verset 13 : « C'est ici le lieu de mon repos à tout jamais ; c'est là que j'habiterai, car je l'ai désiré ».

On a de lui des sermons, ainsi que des oraisons funèbres, dont celles de Louis XV, du duc de Parme (1766), du maréchal de Muy (14 avril 1776), de Charles de Broglie, évêque de Noyon, cardinal et Pair de France (7 juillet 1778) et de Claude Léger, curé de Saint-André[3]. Ses sermons ont été imprimés à Paris, en 1806, 4 volumes in-12, par l'abbé Germain Galard.

Par son éloquence engagée, il dénonçait dans ses discours les excès de la monarchie absolue, l'incompréhension du peuple par la Cour opulente et craignait la fin de l'Ancien régime face à la montée des idées des Lumières. « L'évêque de Senez possédait une éloquence douce, persuasive, et simple, qui le fit comparer à Fénelon avec lequel il avait quelque ressemblance physique » [5]. « On lui a reproché de prodiguer l’apostrophe et l'exclamation ; mais le retour fréquent de ces figures, est chez lui un effet de cette heureuse liberté qui conserve aux traits de l'imagination toute leur rapidité, et fait disparaître cette empreinte du travail, si contraire au pathétique » [6]. « Ses meilleurs panégyriques sont celui de saint Augustin prononcé devant l'assemblée du clergé et un autre sur saint Louis devant l'Académie française [7] ».

Hommages

En 1839, la municipalité de Cherbourg donne le nom de l'abbé à une nouvelle rue, parallèle au canal de retenue, mais celle-ci cède sa place à l'hypermarché Continent, quai de l'Entrepôt, en 1975.

Une plaque est apposée par la Société nationale académique de Cherbourg sur sa maison natale, à l'angle de la rue Tour-Carrée et de la rue Noël. La plaque n'existe plus [1].

Œuvres

  • Sermons, panégyriques et oraisons funèbres de l'abbé de Beauvais, 1807, 4 volumes in-12°

Bibliographie

Livres
  • Roland Jousselin, Monseigneur de Beauvais, évêque à la cour de Louis XV, éditions Christian, Paris, 2005
Articles
  • Moulin, « Mgr de Beauvais », Mémoires de la Société nationale académique de Cherbourg, vol. XIII, 1879

Notes et références

  1. 1,00 1,01 1,02 1,03 1,04 1,05 1,06 1,07 1,08 1,09 1,10 1,11 1,12 1,13 1,14 1,15 1,16 et 1,17 Hyernard, Mémoires de la Société nationale académique de Cherbourg vol. 31, 1995.
  2. 2,0 2,1 2,2 et 2,3 Moulin, « Monseigneur de Beauvais, évêque de Sénez. Sa vie et ses oeuvres (1731-1790) », Mémoires de la Société nationale académique de Cherbourg, vol. XIII, 1879.
  3. 3,0 et 3,1 « Jean Baptiste de Beauvais », dans Adolphe Robert, Edgar Bourloton et Gaston Cougny, Dictionnaire des parlementaires français (1889-1891)
  4. Défenseur acharné de la religion
    contre les impies, de la vérité
    en présence des rois.
  5. Pierre Larousse, Grand dictionnaire universel du XIXe siècle, tome II, 1867-1890, p. 451.
  6. François-Xavier Feller, Dictionnaire historique ou Histoire abrégée des hommes qui se sont fait un nom..., t. 2, 1818-1820, p. 108.
  7. Robert Appleton Company,The Catholic Encyclopedia, 1907, New York en ligne.

Sources