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Louis Georges

De Wikimanche

L'abbé Georges.

Louis Émile Victor Georges, né à Avranches le 21 juillet 1862 et mort à Paramé (Ille-et-Vilaine) le 18 septembre 1913, est une personnalité catholique et politique de la Manche connue pour ses escroqueries.

Biographie

Louis Georges naît au n° 49 de la rue de la Constitution, d'un père marchand.

Élève au collège de Granville, il est licencié ès lettres et docteur en théologie [1]. Après avoir été ordonné prêtre en 1886 à Paramé, il exerce les fonctions de secrétaire de la section française de théologie chrétienne à l'exposition de Rome puis de secrétaire du cardinal Schiaffino [2]. Il devient camérier du pape Léon XIII et missionnaire apostolique dans des conditions obscures [3]. Rentré en France, il se fait admettre comme prêtre auxiliaire dans le diocèse de Versailles et officie tour à tour à Montfort-l'Amaury, Bazemont et Fontenay-le-Fleury. Il se fait élire conseiller municipal dans cette dernière commune mais entre en lutte ouverte avec le maire à propos d'expulsions de congréganistes [1]. L'abbé se présente devant les électeurs de la circonscription de Dinan (Côtes-du-Nord) aux élections législatives de 1893 mais est largement battu [4]. Il est en revanche élu maire de Fontenay-le-Fleury en 1896 [5]), mais puisqu'il est toujours curé de la paroisse, l'élection est invalidée. Il se démet alors de sa charge et le conseil municipal lui renouvelle sa confiance deux mois plus tard [1]. Il expulse les soeurs du village. En 1897, il se porte candidat (clérical royaliste) aux élections législatives dans la circonscription de Brest (Finistère) [6]. Il est condamné à trois mois de prison suite à des voies de fait contre sa cuisinière et n'obtient « que » vingt-six voix [7]. L'année suivante, il devient conseiller d'arrondissement pour le canton ouest de Versailles, mais échoue à se faire élire député socialiste de Seine-et-Oise dans l'arrondissement de Rambouillet en 1901. Bien qu'interdit, il portait toujours la soutane et se présentait comme chrétien anticlérical dans les bars et cabarets où il diffusait sa propagande [8].

En parallèle de ses activités politiques, il ouvre des magasin d'antiquités et d'ornements d'église à Saint-Cyr-l'École « dans une masure à peine habitable » et à Fontenay dans son presbytère et se livre au commerce de meubles d'occasion [7][1][9]. Il fonde une « oeuvre des églises et des presbytères » et transforme l'église de Fontenay en salle de vente [7]. Pour honorer les nombreuses commandes qui lui parviennent, il emploie des femmes du pays à la broderie des chasubles et des rochets. Son attitude ambiguë et ses pratiques douteuses attirent l'attention de l'autorité diocésaine, qui ouvre une enquête. L'abbé est frappé de suspense a sacris par l'évêque mais trouve le moyen d'obtenir un titre de monsignore à Rome [10][1]. Les nombreuses réclamations qu'il reçoit le conduisent à chercher des successeurs pour son « magasin ». Il dit que le pape l'a élevé à la dignité d'évêque et qu'il doit partir. Il met son mobilier en vente et se réfugie à Avranches puis à Paris, 2 rue du Saint-Gothard, dans le voisinage du parc Montsouris. Moyennant finances, il obtient de la propriétaire du 20 de la rue Nansouty qu'elle reçoive son courrier chez elle [11]. À l'approche des grandes fêtes religieuses, l'abbé publie des revues dont les titres varient et se substituent les uns aux autres. Il s'agit de la Revue catholique, de la Revue des paroisses et de la Revue des communes, dans lesquelles il propose aux prêtres des objets servant à l'exercice du culte. Aux maires et aux administrateurs il vend des cocardes, des drapeaux et même des bustes de la République [1]. Les commandes doivent être adressées au 20, rue Nansouty, où l'abbé fait croire que se trouvent les bureaux de la publication. Un jour, il demande à la propriétaire de la rue Nansouty de faire suivre son courrier à Saint-Servan-sur-Mer (Ille-et-Vilaine) et quitte brusquement Paris [11]. Il fonde alors vers 1911 « l'œuvre de la Providence », une œuvre charitable « patronnée par de hautes personnalités ecclésiastiques et destinée à héberger de pauvres orphelines et des sourdes-muettes, qui sous la direction de religieuses, devaient être éduquées et préparées dans la piété aux luttes futures pour l'existence » dans une propriété appelée « château de la Guimorais », à Saint-Coulomb [1]. C'est de là que l'abbé Georges lance son « appel à la charité publique », publiant ses Bulletins trimestriels et autres prospectus qui lui rapportent entre trente et quarante mille francs par an. Il reprend également son « négoce » d'ornements et de vêtements sacerdotaux avec les ecclésiastiques qui souhaiteraient donner de l'ouvrage aux pensionnaires de l'établissement. Seulement, « l'œuvre de la Providence n'existe en aucune manière », il n'y a « ni religieuses, ni orphelines, ni sourdes-muettes » [1]. Dans un souci de discrétion, l'abbé paraît le moins possible, est vêtu en laïc et se fait appeler M. Génouin (nom de sa mère) [11]. Mais les commandes affluant, l'archevêché de Rennes s'intéresse aux « hautes personnalités ecclésiastiques » qui patronnent l'« œuvre ». On découvre bientôt que l'abbé, qui emploie une fille (nommée Clémence Bouteloup ou Boucloux) à son service et à qui il a attribué un pseudonyme (Mademoiselle de Montéco), emploie ce faux nom pour rédiger et signer les missives qu'il envoie [11]. Quand la fille reçoit une commande, il contacte immédiatement une grande maison d'ornements de Lyon ou d'ailleurs pour qu'elle effectue la livraison. Les négociants à qui il sert d'entremetteur lui donneraient une commission de 30 à 50% [3]. Une circulaire est envoyée aux évêques de France qui dénonce les pratiques frauduleuses du prêtre défroqué.

En 1912, ce dernier se rend à Avranches pour présenter au maire, Maurice Chevrel, un projet d'érection d'une statue de Daniel Huet dans la cité. En soutane violette, il se présente comme le camérier du pape et l'assure que la commission dont il fait partie se charge de tout, que le sculpteur a déjà été choisi et que la présence des plus hautes personnalités de l'État pour l'inauguration est déjà acquise [11]. La proposition est accueillie favorablement par le conseil municipal, qui décide de l'endroit où se dressera cette statue. Mais un jour, le maire reçoit une lettre où se trouvent écrits les noms des personnalités éminentes, réelles ou inventées, ayant adhéré à l'entreprise. Le maire s'étonne de voir le nom de sa femme sur le papier alors qu'il n'a pas connaissance de l'existence de ce comité. Se rendant compte de la supercherie, il dépose plainte pour abus de confiance contre le prêtre avec la princesse de la Tour d'Auvergne, dont le nom figure aussi sur la lettre [11]. Quelques autres personnes impliquées se manifestent et le parquet de Saint-Malo ouvre une enquête [3]. Interrogé par la presse sur la situation, l'ex-abbé évoque un « malentendu », une « affaire dont on a bien tort de s'occuper » [12]. Après avoir poussé Mme de Montéco à se marier, il a pensé qu'il pouvait légitimement utiliser le nom de la paroisse d'origine de son époux en plus de son pseudonyme et des noms de ses prétendus ancêtres pour les coucher sur le papier adressé au maire. Il s'engage à élever la statue de l'évêque d'Avranches à ses frais, chose qu'il aurait pu faire dès le départ, de son propre aveu.

La villa de Georges, située à Paramé, est perquisitionnée. De « nombreux et volumineux documents » sont saisis. Il s'agit surtout de brouillons de lettres, adressées sous la signature de la duchesse de Bouillon à tous les souverains d'Europe, mais aussi d'imprimés contenant des citations élogieuses attribuées aux rois Louis XIV et Louis XV à l'endroit de Daniel Huet, en réalité sorties de l'imagination du curé [13]. Une nouvelle plainte pour abus de confiance est déposée par Mme Mathieu de Fossey [14]. Toutefois, le juge d'instruction ne relève contre lui « aucune preuve d'escroquerie » [15].

Louis Georges subit encore deux interrogatoires très longs les 13 et 15 septembre 1913 et prépare sa défense le 14 [16]. Il meurt le 18 dans sa villa à Paramé des suites d'une angine de poitrine, avant d'avoir pu être jugé. Ses obsèques civiles sont célébrées à Avranches le 20 septembre [17].

Il possédait une résidence de campagne à Pontorson à laquelle il avait donné le nom de « château de la Tour d'Auvergne » [18].

Notes et références

  1. 1,0 1,1 1,2 1,3 1,4 1,5 1,6 et 1,7 Le Radical, 5 juillet 1913.
  2. Le Journal, 5 juillet 1913.
  3. 3,0 3,1 et 3,2 L'Ouest-Éclair, 5 juillet 1913.
  4. Le Soleil, 24 août 1893.
  5. L'Appel au peuple de Paris, 20 juin 1896.
  6. Le Courrier du Soir, 14 avril 1901.
  7. 7,0 7,1 et 7,2 Le Matin, 7 juillet 1913.
  8. La Dépêche (Toulouse), 20 avril 1901.
  9. La Gazette, 30 avril 1901.
  10. Le Radical, 8 juillet 1913.
  11. 11,0 11,1 11,2 11,3 11,4 et 11,5 Le Matin, 4 juillet 1913.
  12. Le Matin, 6 juillet 1913.
  13. Le Matin, 5 juillet 1913.
  14. L'Union libérale, 19 juillet 1913.
  15. Le Journal, 8 juillet 1913.
  16. L'Ouest-Éclair, 20 septembre 1913.
  17. Le Matin, 21 septembre 1913.
  18. Le Journal, 8 juillet 1913.