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Varech

De Wikimanche

Le varech de la classe des algues est une plante fort commune le long des côtes de la Manche.

« La récolte en est permise deux fois par an. On l'arrache à la force des poignets, et on le retire de la mer avec de longs râteaux. Il est ensuite chargé sur des charrettes et transporté dans les environs. La première récolte sert spécialement à engraisser les terres. Mais le varech que la mer jette chaque jour sur le rivage et celui de la deuxième récolte, sont soigneusement ramassés, séchés à l'air, et mis à l'abri de la pluie jusqu'à ce qu'on en ait assez pour les brûler.

La combustion se fait dans de grandes fosses en ardoises ; elle doit être lente et sans flamme, pour ne pas altérer la richesse du produit. Le résidu de l'incinération présente une masse saline dure et compacte, qu'on nomme soude de varech, nom assez impropre, attendu qu'elle renferme peu de sel de soude. Ces cendres sont employées dans la fabrication du verre à bouteille. Mais il est bien plus avantageux d'en retirer tous les sels qu'elles renferment, et c'est là le but des deux fabriques dont nous voulons parler.
M. Couturier est le premier qui ait formé à Cherbourg, il y a 30 ou 40 ans, un établissement de ce genre. Mais cette fabrication était loin d'avoir l'importance qu'elle a acquise depuis quelques années. On n'en retirait alors qu'un seul produit, connu dans le commerce sous le nom de sel de varech. Il paraît qu'il était particulièrement employé pour la blanchisserie. On l'obtenait tout simplement par le lessivage des cendres et l'évaporation des eaux. Le débouché en était difficile, et conséquemment la fabrication très restreinte. Aujourd'hui les produits qu'on retire du varech sont très-multipliés, et plusieurs d'entre eux trouvent un écoulement certain et avantageux. La concurrence des nouvelles usines qui se sont établies ici et ailleurs, a élevé le prix des soudes brutes et étendu leur fabrication, de sorte que cette industrie est devenue une source de prospérité pour les habitants des côtes.
Les produits les plus abondants que l'on retire aujourd'hui du raffinage des soudes brutes, consistent particulièrement en sels de potasse. Parmi ces sels, il en est un fort important, et qui intéresse l'état lui-même, c'est le muriate de potasse, au moyen duquel on obtient une partie des salpêtres nécessaires à la fabrication de la poudre à canon.
Lorsque les eaux de lessivage ont été dégagées des sels de potasse et de soude qu'elles contiennent, elles prennent le nom d'eaux-mères, et donnent ensuite par diverses opérations chimiques, deux nouveaux corps découverts depuis peu d'années, et qui servent particulièrement en médecine ; ce sont l'iode et le brome, au moyen desquels on forme l'hydriodate de potasse et le bromure de potassium qui trouvent un emploi plus facile dans la consommation.
Cette industrie, qui emploie un assez grand nombre d'ouvriers dans les deux maisons situées à Cherbourg et à Tourlaville, et qui fait vivre tant de familles sur les côtes, mérite toute la bienveillance et tous les encouragements du gouvernement. »
Jean Fleury et Hippolyte Vallée, Cherbourg et ses environs : nouveau guide du voyageur à Cherbourg, 1839. p 160-162