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Varech

De Wikimanche

Varech.

Le varech, encore appelé goémon épave, est constitué par un mélange indéterminé d’algues brunes, rouges ou vertes laissées par le retrait des marées le long des côtes de la Manche.

Exploitation

On le récolte le long des côtes, essentiellement à l’usage d’engrais. Cette activité de récolte est souvent effectuée par les agriculteurs des communes littorales. Elle ne doit pas être confondue avec la récolte par coupe ou arrachage effectuée par les goémoniers pour alimenter l’industrie des algues. Le varech échoué sur le littoral peut être ramassé librement. Celui qui adhère aux rochers « doit être fauché dans le respect de la circulaire ministérielle du 8 février 1868 [1]. Sous l'Ancien régime, le « droit au varech » n'est permis qu'aux habitants des « paroisses bordantes », trente jours dans l'année entre janvier et mars [2]. Les habitants de l'arrière-pays encourent une amende de 300 livres en cas d'infraction [2].

En 1858, J.-J. Baude écrit : « Sur 340,000 mètres cubes de varechs que donnent annuellement les côtes du département de la Manche, la commune de Cosqueville en recueille à elle seule 200,000 dans le voisinage de l'anse de la Mondrée » [3].

En 1916, Ch. Fournerie, membre du Touring-club de France, indique que les cendres sont envoyées à Camaret-sur-Mer (Finistère) pour la transformation en soude. Selon lui, un mètre cube de varech donne 100 kg de cendres, vendues 10 à 13 francs [4].

Durant la Première Guerre mondiale, le varech est également utilisé dans la confection de matelas, en particulier pour l'armée ; à Bréhal et Bricqueville, en l'absence des hommes partis au front, les femmes se chargent de le faucher, de le récupérer, piégé dans des filets, le hisser dans des carrioles et l'acheminer, une fois séché à la gare de Cérences ; des ateliers préparent les matelas à Granville, Bayeux (Calvados) et Périgueux (Dordogne) [5].

Récolte à Cherbourg au XIXe siècle

« La récolte en est permise deux fois par an. On l'arrache à la force des poignets, et on le retire de la mer avec de longs râteaux. Il est ensuite chargé sur des charrettes et transporté dans les environs. La première récolte sert spécialement à engraisser les terres. Mais le varech que la mer jette chaque jour sur le rivage et celui de la deuxième récolte, sont soigneusement ramassés, séchés à l'air, et mis à l'abri de la pluie jusqu'à ce qu'on en ait assez pour les brûler.
La combustion se fait dans de grandes fosses en ardoises ; elle doit être lente et sans flamme, pour ne pas altérer la richesse du produit. Le résidu de l'incinération présente une masse saline dure et compacte, qu'on nomme soude de varech, nom assez impropre, attendu qu'elle renferme peu de sel de soude. Ces cendres sont employées dans la fabrication du verre à bouteille. Mais il est bien plus avantageux d'en retirer tous les sels qu'elles renferment, et c'est là le but des deux fabriques dont nous voulons parler.
M. Couturier est le premier qui ait formé à Cherbourg, il y a 30 ou 40 ans, un établissement de ce genre. Mais cette fabrication était loin d'avoir l'importance qu'elle a acquise depuis quelques années. On n'en retirait alors qu'un seul produit, connu dans le commerce sous le nom de sel de varech. Il paraît qu'il était particulièrement employé pour la blanchisserie. On l'obtenait tout simplement par le lessivage des cendres et l'évaporation des eaux. Le débouché en était difficile, et conséquemment la fabrication très restreinte. Aujourd'hui les produits que l'on retire du varech sont très multiples, et plusieurs d'entre eux trouvent un écoulement certain et avantageux. La concurrence des nouvelles usines qui se sont établies ici et ailleurs, a élevé le prix des soudes brutes et étendu leur fabrication, de sorte que cette industrie est devenue une source de prospérité pour les habitants des côtes.
Les produits les plus abondants que l'on retire aujourd'hui du raffinage des soudes brutes, consistent particulièrement en sels de potasse. Parmi ces sels, il en est un fort important, et qui intéresse l'état lui-même, c'est le muriate de potasse, au moyen duquel on obtient une partie des salpêtres nécessaires à la fabrication de la poudre à canon.
Lorsque les eaux de lessivage ont été dégagées des sels de potasse et de soude qu'elles contiennent, elles prennent le nom d'eaux-mères, et donnent ensuite par diverses opérations chimiques, deux nouveaux corps découverts depuis peu d'années, et qui servent particulièrement en médecine ; ce sont l'iode et le brome, au moyen desquels on forme l'hydriodate de potasse et le bromure de potassium qui trouvent un emploi plus facile dans la consommation.
Cette industrie, qui emploie un assez grand nombre d'ouvriers dans les deux maisons situées à Cherbourg et à Tourlaville, et qui fait vivre tant de familles sur les côtes, mérite toute la bienveillance et tous les encouragements du gouvernement. »
Jean Fleury et Hippolyte Vallée, Cherbourg et ses environs : nouveau guide du voyageur à Cherbourg, 1839. p 160-162

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Notes et références

  1. Alain-François Lesacher, Le Sentier des douaniers en Normandie, éd. Ouest-France, 2008, p. 24.
  2. 2,0 et 2,1 Jean-Ange Quellien, Le Cotentin : histoire des populations, éd. Gérard Montfort, 1983, p. 64.
  3. J.-J. Baude, « Les côtes de la Manche : Cherbourg. I. La rade et le port militaire » dans Revue des Deux Mondes, seconde période, vol. 18, n°4, 15 décembre 1858, p. 264.
  4. Ch. Fournerie, Une semaine dans La Hague : guide du promeneur, La Dépêche de Cherbourg, 1917.
  5. « Il y a un siècle, les femmes fauchaient le varech  », Ouest-France, 11 novembre 2021.