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Mauger (corsaire)

De Wikimanche

Mauger, corsaire, est mort en mer au large de Barfleur le 2 novembre 1706.

La flotte française, en 1706, a été anéantie par les entreprises téméraires de Seignelay, ce ministre aux idées aventureuses, qui réussit, en quelques années, à gaspiller les trésors amassés dans nos ports par la sage administration de Colbert. La marine militaire, réduite à faire la course, ne possède plus rien de la puissance d'avant le combat de la Hougue. La France n'a plus ni vaisseaux, ni frégates. Il faut armer à Brest de petits brigantins pour donner la chasse aux corsaires de Jersey et de Guernesey qui infestent les eaux entre ces îles et les côtes de Bretagne et de Normandie. On arme aussi à Saint-Malo, au Havre, à Dieppe, à Cherbourg des barques contre ces croiseurs et on y fait contribuer le commerce.

Parmi ces bâtiments que le commerce équipe pour le service du roi figure la Sainte-Trinité du port de Cherbourg. C'est une longue barque pontée, portant sept petits canons et 46 hommes d'équipage. Elle est commandée par le capitaine Mauger. Il a une cinquantaine d'années. Il a servi sous Jean Bart et a pris part à plusieurs combats avec lui.

En 1664, il est officier de manœuvre sur une flûte de l'état. Ce bâtiment vient d'escorter jusqu'à Isigny un convoi de navires marchands, lorsqu'il se présente pour rentrer au Havre. L'amiral Barklay bombarde la ville avec une escadre de soixante-deux voiles. La flûte ne peut manquer d'être prise, si elle cherche à se sauver. Il faut payer d'audace : elle arbore les couleurs britanniques, traverse l'armée ennemie, et entre au port en reprenant le pavillon français. Mauger avait appris la pratique de ces sortes d'action à l'école de Jean Bart.

Le 14 mars 1706 la Sainte-Trinité retenue dans le port de Cherbourg, tantôt par les croisières ennemies, tantôt par la tempête profite d'un bon vent pour mettre à la voile. Le lendemain matin, le corsaire est à mi-canal, il cingle sur Portsmouth, parallèlement avec un brig anglais armé en guerre. Mauger se dirige sur cette voile. Il la salue de son artillerie de tribord, après avoir hissé son pavillon. L'Anglais cargue ses basses voiles et met en panne. Le Français lâche une seconde bordée. L'ennemi riposte. Au bout d'une demi-heure, le brig est maltraité dans sa mâture et ses œuvres mortes. Il reçoit en poupe une volée qui balaie son pont. Mauger lui lance les grappins et le prend à l'abordage après une affreuse mêlée. Le 16 la Sainte-Trinité rentre à Cherbourg avec sa prise en remorque, le brig Anson venant de Syrie. Cette riche capture a coûté au vainqueur 7 morts et 18 blessés.

Dans sa deuxième sortie, à la hauteur des Casquets, par une belle nuit de mai, il envoie une volée contre un navire de plaisance. Ce yacht a à son bord une proche parente du fameux Marlboruogh, la sœur de l'évêque de Worcester, un colonel et sa famille, un officier supérieur d'artillerie. L'arrivée de ces grands personnages à Cherbourg est un événement.

Quelques jours après, alors qu'il est au large de Guernesey, un grain impétueux le conduit au large de Torbay. Trois navires marchands y attendent un vent propice pour continuer leur voyage. Le corsaire les reconnait. Le soleil va disparaître sous l'horizon. La Sainte-Trinité revire de bord pour se tenir au vent. La nuit venue, elle revient sur son sillage. Il s'agit de tenter la fortune sur un de ces trois navires. L'atmosphère est calme et sombre. Il bruine légèrement et on ne voit pas à dix pas. Mauger met en panne. Il affale sans bruit deux embarcations prend place dans l'une d'elles, donne le commandement de l'autre à son lieutenant, et se dirige en silence, avec les deux tiers de son monde, vers le navire qu'il veut enlever.