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Nicolas Sarkozy à Saint-Lô (2009)

De Wikimanche

Nicolas Sarkozy à Saint-Lô

Nicolas Sarkozy, président de la République, est à Saint-Lô le lundi 12 janvier 2009 pour présenter ses vœux aux personnels de l'Éducation nationale que les principaux syndicats d'enseignants boycottent.

Arrivé en hélicoptère à 11 h 15 au parc des expositions, le chef de l'État est accueilli par François Digard, maire de Saint-Lô, Philippe Gosselin, député, Micheline Hotyat, rectrice de l'Académie de Caen, et Marie-Hélène Leloup, inspectrice d'académie.

Il visite d'abord l'école primaire Calmette et Guérin pour rencontrer des enseignants et six élèves de cours élémentaire deuxième année. Il se rend ensuite à 12 h 15 dans le centre culturel pour présenter ses vœux à « un aréopage d'élus et d'enseignants » [1], d'au moins 500 personnes [2]. Le chef de l'État, agacé, ne prononce pas l'intégralité de son discours, omettant d'annoncer les 400 millions d'euros dédiés à la construction ou la rénovation d'établissements scolaires [3].

lire le discours de Nicolas Sarkozy

Nicolas Sarkozy est accompagné de Xavier Darcos, ministre de l'Éducation nationale, et de Martin Hirsch.

Plusieurs milliers de manifestants, 2 000, selon la police, 4 000, selon les organisateurs, parmi lesquels de nombreux militants syndicaux et des lycéens, se rassemblent « dans une atmosphère tendue » devant le commissariat central de la ville [4]. Mais ils sont bloqués par 500 CRS [5]. De nombreux heurts se produisent entre manifestants et policiers, et la vitrine d'un magasin de vêtements est brisée dans une bousculade [3]. Au moins huit manifestants sont « légèrement blessés », notamment par des tirs de grenades lacrymogènes, avant d'être transportés à l'hôpital [4]. « Depuis ce matin nous essayons d'organiser une manifestation pacifique, mais tout a été fait par les forces de l'ordre pour que cela se passe mal », déplore Jean-Philippe Douat, responsable de la FSU [4]. Du coup, les syndicats décident de boycotter la rencontre prévue avec les conseillers de Nicolas Sarkozy [5].

Nicolas Sarkozy quitte Saint-Lô vers 13 h 30, toujours en hélicoptère. Mais les manifestants restent bloqués par la police derrière la mairie [6]. Une échauffourée éclate au moment où un syndicaliste tente de protéger un lycéen [6]. « Nous sommes indignés du comportement des forces de l’ordre, des jeunes ont été embarqués, des syndicalistes bastonnés, deux de nos camarades ont été arrêtés pour avoir tenté de défendre ces jeunes », déclare Lionel Lerogeron, secrétaire de la CGT de la Manche [6]. « Les autorités ont fait en sorte de laisser pourrir la manifestation pour qu'on ne retienne que cela et qu'on ne parle pas du problème de fond de l'Éducation nationale », renchérit Ralph Lejamtel, de la FSU [6].

Le bilan des incidents se chiffre à quatorze manifestants interpellés, neuf blessés, dont six sont transportés à l'hôpital, tandis que l'on compte trois blessés chez les forces de l'ordre [7]. Le lendemain, treize personnes sont placées en garde à vue [8].

Le 14 janvier, le préfet de la Manche Jean Charbonniaud est muté, ainsi que Philippe Bourgade, directeur départemental de la sécurité publique [9]. « Qu'est-ce qui s'est passé de grave ? Pas grand chose, si ce n'est que le président a entendu les manifestants le siffler. Il aurait fallu plus d'effectifs pour les maintenir plus loin » du président, alors que les manifestants considéraient déjà les effectifs des forces de l'ordre comme de la "provocation", a déclaré M. Bourgade [10] « Je n'ai pas à rougir de ce qui s'est passé », a conclu le policier de 59 ans, muté en septembre 2007 à Saint-Lô, et arrivé premier d'un classement sur l'efficacité de la police publié en juin [10].

Le député Philippe Gosselin (UMP) a estimé à la radio France Info que cette décision est « très regrettable, injuste, c'est un très mauvais signal politique » et donnait « le sentiment du fait du prince ». Il ajoute que, se trouvant à côté du président de la République, il a pu constater « qu'il était très énervé d'entendre les manifestants le siffler. Il y a eu plus de monde qu'il n'en attendait : 3 000 manifestants à Saint-Lô, ça ne s'est pas vu depuis vingt ou trente ans » [11]. Le président UMP de l'assemblée départementale, Jean-François Le Grand, a déclaré : « Je trouve parfaitement lamentable qu'on puisse utiliser un représentant de l'État comme si on utilisait un kleenex. C'est scandaleux. C'est une pratique d'un autre temps, contreproductive d'un point de vue politique » [11]. « Ce préfet est un très bon préfet qui n'a aucune responsabilité dans cette affaire » [11].

De son côté, François Bayrou (MoDem) évoque une « sanction arbitraire » et un « fait du prince» [11].

Interrogé par l'AFP, l'Élysée a démenti tout lien entre la mutation du préfet et les incidents survenus à Saint-Lô [10].

Le 5 février, le sénateur Jean-Pierre Godefroy (PS) interpelle le gouvernement lors des questions d'actualité et demande quelles sont les fautes reprochées aux deux hauts-fonctionnaires. Roger Karoutchi (UMP), secrétaire d'État chargé des Relations avec le gouvernement, estime que « l'ordre public, qui est de la responsabilité du préfet, n'a pas été correctement assuré lors du déplacement du président de la République » et note « que les rapports réalisés postérieurement montrent également que les problèmes de sécurité ont empêché le président de la République de dialoguer avec les responsables syndicaux ou politiques locaux » [12]

En septembre 2009, le Tribunal de grande instance de Coutances condamne un syndicaliste FSU, Paul Besuelle, à trois mois de prison avec sursis, 500  de dommages intérêts et 1 000  de frais de justice, pour violence contre un policier [13]. Le ministère public avait requis seulement deux mois de prison avec sursis [13]. Le militant FSU avait produit des témoignages favorables, dont celui de Bernard Cazeneuve, député-maire de Cherbourg (PS) et une pétition de 3 700 signatures en sa faveur, dont elles de Bernard Thibault (CGT), Jean-Claude Mailly (FO), Gérard Aschiéri (FSU) et Annick Coupé (Sud) [13]. En avril 2011, la Cour d'appel de Caen le relaxe, s'appuyant sur une enquête policière « faite rapidement ».

Notes et références

  1. « Nicolas Sarkozy à Saint-Lô : des échauffourées », La Manche Libre, site internet, 12 janvier 2009.
  2. Jean-Jacques Lerosier, « Sarkozy tente de renouer le dialogue avec les jeunes », Ouest-France, 13 janvier 2009.
  3. 3,0 et 3,1 AFP, 12 janvier 2009, 12 h 35, 16 h 47.
  4. 4,0 4,1 et 4,2 Le Monde, site internet, 12 janvier 2009.
  5. 5,0 et 5,1 « Affrontements et interpellations musclées », Ouest-France, 13 janvier 2009.
  6. 6,0 6,1 6,2 et 6,3 Laurent Le Goff, « Une fin de visite contenue par les matraques », Ouest-France, 13 janvier 2009.
  7. Nadine Boursier, « 19 interpellés, 9 blessés, des lycéens choqués », Ouest-France, 13 janvier 2009.
  8. Ouest-France, 14 janvier 2009.
  9. « Deuxième mutation après la visite de Sarkozy à Saint-Lô », Le Figaro, site internet, 30 janvier 2009.
  10. 10,0 10,1 et 10,2 « Visite houleuse de Sarkozy à Saint-Lô : les deux mutations critiquées », La Dépêche, site internet, 30 janvier 2023.
  11. 11,0 11,1 11,2 et 11,3 « Un préfet muté, Nicolas Sarkozy accusé », RTBF, site internet, 29 janvier 2023.
  12. « Question de M. Godefroy, Jean-Pierre », Sénat, site internet, 6 février 2009 (lire en ligne).
  13. 13,0 13,1 et 13,2 « Sarkozy à Saint-Lô : un syndicaliste condamné », France Info, site internet, 23 septembre 2009.

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