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Louis Gaffre

De Wikimanche

L'abbé Gaffre.

Louis Jean-Baptiste Gaffre, en religion Louis-Albert Gaffre [1], dit l' « abbé Gaffre », né à Périers le 22 juin 1862 et mort à Salins (Suisse) le 5 juillet 1914, est un ecclésiastique catholique de la Manche.

Biographie

Il naît d'un père et d'un grand-père bourreliers-selliers [1].

Élève des oratoriens de Saint-Lô, il y reçoit une solide première éducation : il y est initié aussi bien au thème grec qu'à la version latine et aux sciences. Mais ce n'est pas ce qui l'intéresse le plus, et, à dix-sept ans, il entre au grand séminaire de Coutances [1]. Il quitte la France en 1882 [1] pour faire sa première année de noviciat dans l'ordre des Frères Prêcheurs à Belmonte (Espagne), « un fier donjon perdu sur les flancs d'une de ces sierras aux tons d'ocre de la Vieille Castille, qu'une auguste protection avait ouvert aux Dominicains » [2]. Il arrive donc chez ces derniers à vingt-et-un ans [3]. Après avoir prononcé sa profession simple en 1885 [1], il part en Corse, au couvent de Corbara, où il poursuit ses études philosophiques et théologiques [2]. Pendant six ans, il étudie les textes d'Aristote, d'Albert le Grand, de Thomas d'Aquin ... En 1889 [3][1] , il est d'abord assigné par ses supérieurs dans une résidence du Maine (États-Unis), à Lewiston, où il fait sa profession solennelle et est ordonné prêtre [1]. Puis au Canada, où il se donne « tout entier à sa vocation de prêcheur pour qui Dieu l'avait clairement prédestiné » [2]. D'une grande érudition, le père Gaffre maîtrise aussi l'art de la parole : « sa voix est un organe d'une merveilleuse souplesse, il en joue avec un art d'autant plus consommé qu'il n'a rien d'apparent ; sa diction variée et naturelle semble d'un artiste rompu aux nuances les plus subtiles de la déclamation » [2]. Il officie dans de nombreuses paroisses étasuniennes (Baltimore, Boston, New York) [3] et canadiennes, dont celle de Notre-Dame de Montréal (où ses talents sont particulièrement remarqués en 1892 à l'occasion de son discours pour les 400 ans de la découverte du Nouveau-Monde [4]), et « partout sa parole ardente soulève l'enthousiasme » [2]. Son départ se précipite à cause d'une affaire de relation sexuelle qu'il aurait eue avec une paroissienne et qu'il conteste de manière virulente devant les tribunaux [1]. L'évêque de Montréal choisit de le rapatrier en France, où il est affecté successivement aux couvents de Dijon (Côte-d'Or) (1894 à 1897), Nantes et Paris [1]. En parallèle, il s'emploie à réhabiliter Jeanne d'Arc, qu'il célèbre notamment à Lille (Nord) en 1894 [2].

Le prêtre demande et obtient sa sécularisation après la loi de 1901, en avril 1903 [1]. Il prêche alors la bonne parole partout sur son passage : Nantes, Clermont-Ferrand, Lyon, Marseille, Bordeaux, Nice, Nevers, Besançon, Rouen, ne sont que quelques-unes de ses nombreuses étapes françaises. On le retrouve en Angleterre, au Luxembourg, en Belgique, en Russie, en Égypte ... Au Caire, on lui décerne « les honneurs et le titre le plus élevé » de l'Église grecque melchite [2].

Il officie aussi dans de nombreux lieux de culte parisiens : églises Saint-Philippe-du-Roule, de la Madeleine, Saint-Sulpice, Sainte-Trinité, basilique Sainte-Clotilde (où il prêche le carême à partir de 1902), cathédrale Notre-Dame ... [2] En 1904, il donne une série de cinq conférences sur l'Inquisition à l'Athénée Saint-Germain, qui seront publiées dans son livre le plus connu, Inquisition et inquisitions, l'année suivante. Il définit l'Inquisition comme « un tribunal qui fonctionna autrefois en plusieurs États avec le concours des autorités civiles et ecclésiastiques pour rechercher les actes publics tendant au renversement de la religion et de l'ordre social » [5]. En 1905, année de leur séparation, il analyse encore en cinq leçons les rapports entre l'Église et l'État de 496 à 1799 [6].

André de Boisandré, journaliste à La Libre Parole, qui assiste un jour à une conférence du père Gaffre dans la basilique Sainte-Clotilde, reconnaît aussi qu'il est « l'un des plus grands orateurs que compte actuellement la chaire catholique » [7]. Il est particulièrement touché par l'argumentation antisémite que développe l'ecclésiastique : « l'abbé Gaffre, en effet, pour démontrer que les Juifs avaient été, inconsciemment pour ainsi dire et malgré eux des facteurs d'antipatriotisme et de désagrégation sociale, ne s'est appuyé que sur les faits historiques les mieux connus et les plus incontestables. Il a, par exemple, exposé comment les Juifs, poussés par l'irrésistible entraînement de leur mentalité atavique, ont fini par nous déraciner de notre sol, par nous amener insensiblement vers le culte exclusif de l'Argent, du Veau d'or, en nous détachant de la fortune immobilière, de cette terre de la famille et de la patrie donnée par Dieu à l'homme pour qu'il la fécondât de ses sueurs » [7].

Mais l'abbé Gaffre est aussi un artiste : « Je me suis toujours occupé d'art, mais j'ai toujours eu une préférence marquée pour la sculpture. J'ai souvent manié l'argile et je conserve quantité de bibelots exécutés chez moi », rapporte t-il au journaliste du Soleil venu l'interviewer en 1910 [8].

Ayant peu de temps à consacrer à ce loisir, l'ancien « révérend père » doit donner une série de conférences en Amérique latine, notamment en Argentine, à Buenos Aires [8], et au Brésil, à Rio de Janeiro, où le clergé l'appelle pour l'opposer à Georges Clemenceau [9]. Il s'embarque ainsi pour Buenos Aires le 3 août 1910 [10], et une fois arrivé, s'en prend également à d'autres hommes politiques : Paul Doumer, Jules Ferry [11] ainsi qu'à des intellectuels comme Darwin ou Guglielmo Ferrero [12]. Il discute aussi du rôle social de la femme [13], ce qu'il poursuit en 1912 au casino de Saint-Pair-sur-Mer en évoquant son émancipation intellectuelle [14].

En 1914, victime d'une pneumonie, l'abbé Gaffre se retire dans les montagnes suisses du Valais, « où il allait se reposer chaque année » [15] et où il se fait appeler « M. de Prémartin » et « tait son état ecclésiastique » [1]. Il espère s'y refaire une santé mais meurt dans son chalet d'une crise d'asystolie. Ses obsèques ont lieu le 11 juillet 1914 en l'église Notre-Dame-de-la-Miséricorde de Passy et il est inhumé au cimetière d'Auteuil [16].

Louis Gaffre collaborait régulièrement à des journaux ou revues, comme Le Soleil ou L'Écho du merveilleux [1].

Prises de position et idées

  • En 1908, il approuve le projet de loi de Pierre Biétry sur la séparation des écoles et de l'État mais le dissuade de le présenter au Parlement, préférant la forme d'un référendum [17].
  • Pour l'abbé, la démocratie « n'a de sens que chrétienne et se définit par l'effort individuel pour donner le meilleur de soi-même dans le respect des hiérarchies sociales nécessaires » [1].
  • Le socialisme est pour lui « l'organisation des pires instincts qui somnolent dans le bas-fonds de la nature humaine » [1]. En 1908, il crée la « Croisade sociale » pour faire revenir les couches populaires à l'église au moyen de conférences.
  • Il ne croit pas au suaire de Turin comme image directe du Christ [1].

Ouvrages

  • Les portraits du Christ, étude d'iconographie religieuse, 1903.
  • La contrefaçon du Christ, étude critique de la Vie de Jésus de Renan ; la méthode, les procédés de l'auteur ; les origines de Jésus ; la mentalité de Jésus ; la moralité de Jésus ; les moyens d'action de Jésus, 1904.
  • Paroles de foi et de patriotisme, 1904.
  • La loi d'amour (six ou sept volumes), 1906-1913.
  • Le Christ et l'Église dans la question sociale : conférences données au Brésil, 1912.
  • L'âme (I), Sa constitution, 1913.


Avec A.C. Desjardins [18] (conférences) :

  • Coup d'œil sur les rapports de l'Église et de l'État, 1905.
  • Inquisition et inquisitions, 1905.
  • Le divorce entre l'Église et la République. De Clovis à Loubet, d'Anastase à Pie X, 1906.
  • L'inviolée. -Jeanne d'Arc-. De Cauchon à Talamas., 1909.

Sculptures

  • Le Christ Docteur, offert au pape Pie X par l'abbé Gaffre lui-même [8].
  • Jeanne d'Arc au bûcher, adoptée par le comité de réparation nationale envers Jeanne d'Arc comme modèle du monument pour la statue de la Pucelle à Rouen [8].
  • Jeanne d'Arc expirante [1]

Compositions musicales

  • David (oratorio)

Notes et références

  1. 1,00 1,01 1,02 1,03 1,04 1,05 1,06 1,07 1,08 1,09 1,10 1,11 1,12 1,13 1,14 et 1,15 Laurent Ducerf, « Gaffre Louis Albert », Dictionnaire biographique des frères prêcheurs, Notice Open Edition Journals mise en ligne le 1er mai 2021 (lire en ligne).
  2. 2,0 2,1 2,2 2,3 2,4 2,5 2,6 et 2,7 « L'abbé Gaffre », Revue illustrée, 1910.
  3. 3,0 3,1 et 3,2 « L'abbé Gaffre, prédicateur et conférencier », L'Éclair, 15 février 1904.
  4. « Les conférences de M. l'abbé Gaffre en Argentine », La Vie heureuse, 15 septembre 1910.
  5. Édouard Alexandre, « M. l'abbé A. Gaffre et l'Inquisition » dans La semaine religieuse du diocèse d'Alby, 21 mai 1904.
  6. « Les rapports de l'Église et de l'État à travers l'histoire de France », dans La semaine religieuse du diocèse de Rouen, 11 février 1905.
  7. 7,0 et 7,1 André de Boisandré, « Les Juifs et le patriotisme », La Libre Parole, 23 mars 1909.
  8. 8,0 8,1 8,2 et 8,3 Pierre Dubos, « Interview de M. l'abbé Gaffre », Le Soleil, 17 juin 1910.
  9. L'Éclair, 9 juillet 1914.
  10. La Croix, 2 août 1910.
  11. La Croix, 24 janvier 1911.
  12. Louis Gaffre, Le Christ et l'Église dans la question sociale : conférences données au Brésil, 2e édition, 1912.
  13. La Croix, 24 mai 1912.
  14. J. Ernest-Charles, « M. l'abbé Gaffre », Gil Blas, 16 septembre 1912.
  15. Le Soleil, 7 juillet 1914.
  16. Excelsior, 10 juillet 1914.
  17. La Croix, 11 décembre 1908.
  18. En réalité Alfred Collomb, dominicain suisse sécularisé.