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Élément -ACU

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L'élément -ACU / -IACU est un suffixe gallo-roman, qui a servi à former d'innombrables toponymes à l'époque gallo-romaine, et même un peu au delà : il fut productif du premier aux sixième siècle de notre aire.

Il s'agit d'un suffixe célèbre entre tous, issu du gaulois -acom, forme neutre de -acos. Ce suffixe adjectival correspond étymologiquement à la finale -ec < -oc de bon nombre de noms de famille bretons, et à -ac dans les toponymes de Bretagne. Dans notre région, -ACU aboutit normalement à la terminaison , -ey ou -ay dans les noms de lieux, et l'élargissement -I-ACU [1] correspond à -y, mais il existe des variations locales (plutôt dans l’Orne et -y dans le Calvados, par exemple), et il s’est produit en outre des interférences entre les deux formes, si bien que l’on a parfois le contraire du résultat attendu.

Mis en évidence à la fin du 19e siècle par H. d’Arbois de Jubainville [2] dans un très grand nombre de formations gallo-romanes et gallo-germaniques, il a d’abord été exclusivement considéré comme un marqueur de propriété, ce qu’il est effectivement dans un grand nombre de cas : ainsi, le NL Aucey est-il l’aboutissement d’ °ALCIACU, « domaine d’Alcius »; Percy correspond à °PATRIACU, « domaine de Persius » (noms gallo-romains); Hocquigny représente °HUCCINIACU, « domaine de Hukko » (nom germanique), etc.

Selon cette conception, qui fut celle d’Albert Dauzat, et qui est toujours celle de sa disciple Marie-Thérèse Morlet [3], on pourrait s’attendre à trouver une villa gallo-romaine sous chaque toponyme en -(I)ACU; il n’en est cependant rien (on connaît de nombreux toponymes en -(I)ACU qui ne correspondent à aucun site), et ceci pour deux principales raisons.

D’une part, rien dans le suffixe -(I)ACU n’évoque formellement une construction [4] : lorsqu’il est effectivement employé avec la valeur que nous venons de rappeler, il ne signifie que « appartenant à », et a aussi bien pu désigner une simple terre qu’une imposante villa, germe d’une future agglomération. D’autre part, la plupart des toponymistes s’accordent maintenant à penser que l’élément précédant le suffixe peut aussi bien être un appellatif qu’un nom de personne, et donc désigner un détail topographique ou autre, sans qu’il y ait eu pour cela de présence humaine permanente : ainsi, un NL tel que Campigny ou Champigny, attesté plusieurs fois en Normandie (mais pas dans la Manche) et représentant une formation gallo-romane °CAMPANIACU, s’expliquera, selon les opinions, par un anthroponyme gallo-romain Campanius, soit « le domaine de Campanius », ou par campania, « plaine, champ », soit « l’endroit plat, le lieu caractérisé par la présence de terres cultivées »; de même, Igé dans Orne, qui repose sur °IVIACU, sera « le domaine d’Ivius » (nom de personne gallo-romain) ou « le lieu où il y a des ifs » (du gaulois ivos, “if”), etc.

Annexes

Notes et références

  1. La fréquence des noms de personnes latins en -ius, donnant des noms de lieux en -I-ACU, a permis la formation par mécoupure de ce suffixe, également très productif.
  2. H. d’Arbois de Jubainville, Recherches sur l’origine de la propriété foncière et des noms de lieux habités en France, Paris, 1890.
  3. Cf. par exemple Marie-Thérèse Morlet, Les Noms de personnes sur le territoire de l’ancienne Gaule du VIe au XIIe siècle, t. III (les noms de personnes contenus dans les noms de lieux), Paris, CNRS, 1985.
  4. C'est, nous l'avons dit, un suffixe adjectival d’abord utilisé pour évoquer une caractéristique du lieu : le gaulois °brenn-acos “boueux” est ainsi à l'origine du nom de Bernay dans l'Eure.