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Victor Lebigot

De Wikimanche

Victor François Lebigot, né à Barenton le 5 novembre 1847 et mort dans la même commune le 30 mai 1909, est une personnalité militaire de la Manche.

Éléments de biographie

Victor Lebigot est inscrit comme volontaire au 19e régiment d'infanterie de ligne le 12 mai 1868 et obtient très vite ses premiers galons; il est sergent lors de la déclaration de guerre de 1870 et prend part « à toutes les batailles qui se livrèrent sous Metz, à Borny, à Gravelotte, à Saint-Privat, à Servigny » [1]. Blessé par balle à la main droite au combat de Borny (Moselle), il est nommé sergent-major six jours après [2]. Lorsque Metz capitule, il est fait prisonnier avec toute l'armée mais s'évade de la ville le soir même, en compagnie de quatre sergents. Ils réussissent à traverser les lignes ennemies et parviennent à Besançon (Doubs), où ils touchent leur solde [1]. Ils se dirigent ensuite sur Tours (Indre-et-Loire), où ils rejoignent l'armée de la Loire. Lebigot est alors fait officier [1]. Pendant ce temps, la tension monte à Paris, où les gardes nationaux demandent la déchéance du gouvernement, puis, le 7 janvier 1871, la guerre à outrance contre les Prussiens. Les gardes mobiles bretons tirent sur la foule et « les clubs, où depuis le siège s'est formé l'esprit révolutionnaire, ainsi que les journaux républicains, sont supprimés. De nombreuses arrestations sont effectuées » [3]. Une nouvelle Assemblée à majorité de droite est élue par les Français après l'armistice du 28 janvier 1871, pour rétablir la paix. Adolphe Thiers, chef du gouvernement exécutif, négocie les lourdes réparations que la France doit à l'Allemagne et tente de mater les Parisiens révoltés, qui installent des canons (payés par les souscriptions de la population parisienne) dans les lieux les plus stratégiques de la capitale [3]. Les troupes du général Vinoy reçoivent l'ordre de prendre ces canons, mais fraternisent avec les insurgés. Thiers, impuissant, doit se résoudre à se réfugier à Versailles et à ordonner à l'armée de se retirer [3]. La Commune essaie de s'organiser et de proposer un nouveau modèle de société, mais son manque d'unité l'affaiblit et les troupes du général Vinoy reprennent l'offensive autour de Paris dès la fin du mois de mars [3]. Lebigot suit les opérations dans l'armée versaillaise, qui bombarde intensément Paris à partir du 1er mai et entre dans la ville le 21. Commence alors la Semaine sanglante, au cours de laquelle (23 mai) il a l'avant-bras droit « fracassé par une balle » tirée par un communard depuis la barricade de la rue Lafayette [1][4]. Cette blessure lui vaut d'être proposé à la croix de la Légion d'honneur, mais la décoration ne lui est pas remise dans une volonté d'apaisement.

Après cet épisode marquant de la Commune, Lebigot passe le 21 octobre 1873 au 141e régiment d'infanterie, dont il est nommé lieutenant, au choix, le 10 juillet 1875 [1][4]. Il est alors détaché à l'état-major de Marseille (Bouches-du-Rhône). En 1878, les puissances européennes réunies au Congrès de Berlin autorisent la France à s'installer en Tunisie. Notre lieutenant s'embarque pour ce pays le 9 avril 1881 avec les deux bataillons du 141e [4] et se distingue le 26 au combat du Mansourah [1]. Rentré en France le 17 ou 19 juin suivant, il est promu capitaine le 12 novembre, au choix, au 95e de ligne [4]. Le 30 juillet 1883, il est affecté à la Légion étrangère et part le 8 septembre pour l'Algérie, qu'il délaisse au bout d'un an (3 décembre 1884) pour l'Extrême-Orient en intégrant le corps expéditionnaire du Tonkin [1][4]. Il prend part à la campagne de Formose (aujourd'hui Taïwan) à la tête des deux cents hommes de la 3e compagnie du bataillon Étranger, qui a pour mission « d'enlever le Cirque et le fort Bambou » [5], au sud de Keelung. Le fort, « défendu par quatre lignes successives de retranchements » [5], est pris le 7 mars 1885 aux Chinois, au prix de 12 tués et 55 blessés dans la compagnie Lebigot [6]. Ce dernier est cité à deux reprises à l'ordre du jour par l'amiral Courbet et son acte courageux lui vaut la Légion d'honneur deux mois plus tard [1][4]. Appelé au Tonkin le 22 juin, il y assiste « à diverses opérations de guerre » et prend personnellement part aux combats jusqu'en novembre, avant de reprendre la mer pour l'Algérie le 3 juin 1887 [1][4]. Là, il sert dans le 2e régiment Étranger jusqu'au 22 mars 1893, date de sa promotion de major au 104e régiment d'infanterie [4]. Il s'est révélé « un bon administrateur », respecté aussi bien de ses soldats (qui le surnommaient « le Père ») que de ses supérieurs hiérarchiques [1]. Lebigot rentre en France le 16 avril suivant et se voit remettre la rosette d'officier de la Légion d'honneur. Il est nommé chef de bataillon en 1895 et termine sa carrière avec les grades de lieutenant-colonel (en 1901) puis colonel du 64e régiment d'infanterie à Ancenis (Loire-Atlantique) en 1904. Il ne quitte ce dernier qu'à regret en 1907 : « C'est le plus mauvais jour de ma vie », dit-il [1][4].

« Il avait cru trouver le remède en rentrant dans son pays natal qu'il avait toujours aimé et qui était bien le cadre rêvé pour ses goûts simples et modestes. Malgré toute l'affection dont il a été entouré, il n'a pu résister au chagrin qui le minait : dix-sept mois ont suffi pour terrasser un homme comme lui, qui avait échappé à la mort pendant si longtemps. » [1]
Tombe de Victor Lebigot.

Le colonel Lebigot est inhumé le 2 juin 1909 au cimetière de la chapelle Notre-Dame-de-Bonté de Barenton [7]. Il était marié et père d'un enfant [8].

Distinctions

  • Officier du Nichan Iftikhar (1885)
  • Chevalier de l'Ordre du Dragon d'Annam (1886)
  • Officier de l'Ordre royal du Cambodge (1894)
  • Médaille coloniale (agrafe Tunisie)
  • Médaille commémorative de l'expédition du Tonkin
  • Commandeur de la Légion d'honneur (1907)

Hommage

La rue du Colonel-Lebigot honore sa mémoire à Barenton.

Notes et références

  1. 1,00 1,01 1,02 1,03 1,04 1,05 1,06 1,07 1,08 1,09 1,10 et 1,11 La France militaire, 4 juin 1909.
  2. Le 20 août 1870.
  3. 3,0 3,1 3,2 et 3,3 Édith Thomas, « Commune de Paris », dans Encyclopaedia Universalis, site internet consulté le 12 juin 2023.
  4. 4,0 4,1 4,2 4,3 4,4 4,5 4,6 4,7 et 4,8 La France militaire, 22 juillet 1904.
  5. 5,0 et 5,1 Eugène Garnot, L'expédition française de Formose, Paris, 1894, pp. 160-162.
  6. Le Spectateur militaire, 1er mai 1888, p.230.
  7. Journal de la Manche et de la Basse-Normandie, 9 juin 1909.
  8. Dossier de la Légion d'honneur.

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