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Édouard Debrix

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Édouard Debrix

Édouard Victor Charles Debrix, né au Vast le 13 juin 1876 et mort à Cherbourg le 26 janvier 1939, est un ouvrier, ingénieur et inventeur de la Manche.

L' « Edison cherbourgeois »

Jeunes années

Il naît au hameau Les Fours de parents ouvriers, son père étant mécanicien dans l'usine de M. de la Germonière [1] et sa mère y travaillant aussi.

« Aussi dès l'âge le plus tendre, Debrix s'intéressa t-il aux "machines". Ses premiers jouets furent des roues et des tubes, comme pour tout enfant né dans semblable milieu. Ce qui est moins banal, c'est qu'à l'âge de dix ans, il construisait lui-même une petite machine à vapeur à cylindre oscillant. Il s'était servi de petits tubes et de pistons minuscules entourés d'étoupe ; mais cela marchait et faisait tourner quatre "petits bonhommes", l'un battant des cymbales, l'autre tournant une manivelle, etc. », écrit Émile Énault dans le Journal de la Manche et de la Basse-Normandie [1].

Le petit Édouard entre à l'école de la rue Cachin à Cherbourg à l'âge de neuf ans mais son père Sébastien meurt le 26 novembre 1885 à trente-deux ans, laissant sa veuve élever seule leur fils et sa sœur cadette, Berthe (née en 1878). Édouard quitte l'école à dix ans et demi et ne peut donc pas passer son certificat d'études. Il complète son éducation en lisant des journaux et magazines scientifiques [2] et en allant écouter des conférences de vulgarisation. Il apprend aussi la menuiserie pendant dix-huit mois. Ayant une appétence pour la mécanique, il est présenté à un certain Vallette, qui lui donne son premier emploi de dressage de fer à repasser. Il passe ensuite aux usines Simon, puis s'embarque en février 1895 comme matelot sur le Bugeaud, à l'âge de dix-huit ans. On le retrouve par la suite sur le Jaureguiberry, que commande Paul Campion et où il devient mécanicien-électricien de première classe en 1898. Il met à profit le temps passé en mer pour mûrir de nombreux plans d'invention [1].

Un ouvrier ingénieux

Libéré du service militaire en 1900, il entre à l'Arsenal de Cherbourg, où il travaille « au montage des navires en achèvement à flot », à l'atelier de direction des défenses sous-marines et finalement à l'atelier des machines, à l'âge de vingt-trois ans. Il conçoit à cette époque « un ingénieux système de signaux électriques à grande distance » qui passe presque inaperçu [1]. Il se marie le 10 novembre 1900 à la mairie d'Équeurdreville avec Marie Viquesney, fille d'un ajusteur à la Marine. En 1904, il invente un système pour le mouillage des torpilles dormantes [3].

La machine marémotrice de M. Debrix

Il observe un jour depuis la digue de Collignon le fort courant de la petite passe sud-est de la rade, ce qui lui donne l'idée en 1903 de créer une roue hydraulique pour « recueillir la force immense perdue en cet endroit » [1]. Il soumet son projet « à deux gros bonnets » et l'ingénieur civil Leroy, architecte de l'arrondissement, déclare : « Cela justifie largement les frais d'une demande de brevet, cela vaut cent fois un brevet d'invention. » [1]. Après des premiers essais concluants [4], l'invention est brevetée le 2 juin 1905 grâce à des donateurs mais ne peut-être réalisée faute d'argent. L'inventeur pense que son appareil serait en mesure de fournir à la ville de Cherbourg la force de 2400 chevaux nécessaire à son éclairage, mais doit remettre son projet à plus tard.

Sa machine est décrite ainsi en 1905 : « [...] un roue hydraulique qui fonctionne alternativement dans un sens ou dans l'autre suivant le mouvement descendant ou ascendant de la marée. Cette roue d'un diamètre de 10 mètres et large de 6 mètres serait composée d'un arbre en acier sur lequel seraient clavetés trois tourteaux supportant 28 aubes d'un mètre de largeur sur six de longueur. Un système de vannes fort peu compliqué assurerait à ces aubes de la roue une immersion constante, quel que soit le mouvement de la marée et son amplitude. [...] quelques hommes seulement suffiraient à faire fonctionner la roue » [5]. Cette roue motrice, donc, est « construite sur des caissons en tôle, chargés de maintenir l'appareil à hauteur de la marée. Ces caissons sont eux-mêmes encastrés dans le quai de chaque côté de l'écluse et terminés par un tablier en tôle, qui rend étanche la partie comprise entre le bord inférieur de la roue et le niveau de la basse-mer [...] Au-dessous des caissons se trouvent des puits dans lesquels l'eau accède par des vannes régulatrices. Grâce à celles-ci les caissons sur lesquels est construite la roue motrice peuvent s'élever et descendre au flux et au reflux de la marée. » [1].

Un ingénieur britannique tente la réalisation de l'application du dispositif en janvier 1928 [6].

Passionné de sciences, Debrix étudie en 1906 [6] le moyen de relever les sous-marins sombrés et leurs occupants, planchant sur un sous-marin à grand rayon d'action et à kiosque mobile pouvant être libéré en cas d'immersion accidentelle [7]; et sur un scaphandre qui permettrait de descendre à plusieurs centaines de mètres de fond [8]. Ses services sont mêmes sollicités dans le domaine aérien, sur la conception de ballons dirigeables et d'avions plus sûrs [1]. Il préconise l'usage de ressorts sur le fuselage de ces derniers.

En 1908, Debrix conçoit un système permettant de guider les navires dans la brume [9] en se basant sur la différence d'émission des ondes sonores et des ondes électriques, interceptées par les observateurs des postes qu'il imaginait situés sur les forts Chavagnac et de l'Ouest. Les Allemands reprennent plus tard le principe mais remplacent les observateurs par des microphones. Debrix obtient une augmentation de salaire de ... trente centimes [10] grâce à sa trouvaille et une prime de cinquante francs pour l'invention d'un mandrin universel [11].

En 1910, il imagine un dispositif permettant de de relier les ondes hertziennes au télégraphe Morse. « L'appareil mixte permet la combinaison du télégraphe ordinaire et du télégraphe sans fil ; c'est en quelque sorte un perfectionnement de la télégraphie sans fil qu'a tenté de réaliser l'ouvrier Debrix [...] En effet, un transatlantique en mer pourrait correspondre télégraphiquement avec tous les bureaux du continent et cela sans interruption. L'application du système dispenserait d'établir des postes de haute tension, puisque ceux qui ont été installés sur les côtes pourraient suffire aux transmissions immédiates. Le prix de l'appareil serait relativement minime. » [12]. Le projet est transmis au ministre puis à la Commission d'examen des inventions.

Debrix perfectionne durant toute sa carrière l'outillage des ateliers maritimes, notamment des cisailles hydrauliques [6]. Nommé chef ouvrier, il prend sa retraite après la guerre, accompagnant quelque temps les visiteurs au musée de la Marine [2]. Ses efforts ne sont véritablement récompensés qu'en 1928, lorsqu'il reçoit la Légion d'honneur des mains du vice-amiral Vindry.

En 1938, infatigable, il soumet encore à Cherbourg-Éclair une suggestion relative à l'évacuation des eaux pluviales de la ville de Cherbourg : en vidant le bassin du Commerce et en fermant les portes de l'écluse, on aurait pu laisser se déverser l'eau des égouts dans le bassin [2].

Mort

Domicilié 7 rue Félix-Faure, à Équeurdreville [2], Édouard Debrix meurt d'une « douloureuse maladie » [8] à l'hôpital maritime de Cherbourg, au 61 de la rue de l'Abbaye. Ses obsèques se tiennent le 28 janvier 1939 en l'église Notre-Dame-de-l'Assomption, suivies de son inhumation au cimetière communal d'Équeurdreville [13].

Hommages

Il a été plusieurs fois comparé dans la presse à l'inventeur américain Thomas Edison [1][14].

Distinctions

  • Médaille d'or de l'exposition cherbourgeoise de 1905 [15]
  • Chevalier de la Légion d'honneur en 1928 grâce à l'intervention de Jean-Baptiste Biard et sur proposition du ministre de la Marine Leygues [2]

Notes et références

  1. 1,0 1,1 1,2 1,3 1,4 1,5 1,6 1,7 et 1,8 Émile Énault, « Un ouvrier inventeur », Journal de la Manche et de la Basse-Normandie, 15 juillet 1905.
  2. 2,0 2,1 2,2 2,3 et 2,4 « Mort de l'inventeur Édouard Debrix », Cherbourg-Éclair, 27 janvier 1939.
  3. La Gironde, 28 décembre 1904.
  4. « La force des marées comme force motrice », Le Journal de la Manche et de la Basse-Normandie, 1er avril 1905.
  5. Journal de la Manche, 15 mars 1905.
  6. 6,0 6,1 et 6,2 « La Légion d'honneur récompense un chef ouvrier de la marine auteur de nombreuses inventions », Le Petit Parisien, 25 janvier 1928.
  7. Idée reprise par l'aviateur Aubrun.
  8. 8,0 et 8,1 L'Ouest-Éclair, éd. de Caen, 28 janvier 1939.
  9. Journal de la Manche et de la Basse-Normandie, 26 décembre 1908.
  10. « Générosité », Le Rappel, 23 août 1910.
  11. « La direction des navires par temps de guerre », L'Ouest-Éclair, 17 novembre 1921.
  12. « La télégraphie sans fil reliée au Morse », Le Journal de la Manche et de la Basse-Normandie, 17 août 1910.
  13. « Obsèques de M. Édouard Debrix », Cherbourg-Éclair, 29 janvier 1939.
  14. « Un émule d'Edison », La France de Bordeaux et du Sud-Ouest, 3 février 1928.
  15. Journal de la Manche et de la Basse-Normandie, 2 septembre 1905.