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==Bibliographie==
==Bibliographie==
* René Ternois, En écoutant M. de Saint-Évremond », ''Revue d'histoire littéraire'', 1960
* René Ternois, « En écoutant M. de Saint-Évremond », ''Revue d'histoire littéraire'', 1960.
* Raymond Deslandes, « Charles de Saint-Évremond », ''[[Viridovix (revue)|revue Viridovix]]'', n° 9, 1991.
* Raymond Deslandes, « Charles de Saint-Évremond », ''[[Viridovix (revue)|revue Viridovix]]'', n° 9, 1991.



Version du 7 mars 2020 à 19:30

Saint-Évremond.

Saint-Évremond, pour l'état civil Charles Marquetel de Saint-Denis, seigneur de Saint-Évremond, né à Saint-Denis-le-Gast le 1er avril 1614 [1], mort à Londres (Angleterre) le 29 septembre 1703, est un moraliste et critique libertin de la Manche.

Il se compromet dans le procès Fouquet et en critiquant le cardinal de Mazarin, ce qui l'oblige à s'exiler à Londres. Ses écrits témoignent d'une grande indépendance d'esprit et d'un relatif scepticisme vis-à-vis de la religion[2].

Biographie

Son père, Charles de Saint-Denis, seigneur de Saint-Évremond, est d'une noble et ancienne famille de Normandie [3]. Il commande la compagnie des gendarmes de Henri de Bourbon, dernier duc de Montpensier, gouverneur de Normandie [3].

Il fait, à Paris, d'excellentes études chez les jésuites, mais son goût le porte vers la profession militaire et, tandis qu'il fait son droit, on ne parle dans les salles d'armes, que de la « botte de Saint-Évremond ». Il entre au service comme enseigne à l'âge de seize ans, et se fait remarquer par sa bravoure dans les actions générales et dans quelques affaires d'honneur. Le tumulte des camps ne l'empêche pas de cultiver la philosophie et les belles-lettres. Cette réunion de qualités et d'agréments lui vaut l'estime des généraux les plus illustres de son temps. Le duc d'Enghien lui donne la lieutenance de ses gardes afin de jouir à toute heure des charmes de son entretien. Saint-Évremond se distingue sous les ordres de ce grand capitaine à Rocroy, Fribourg, Nortlingue où il est gravement blessé. La manière fine et délicate avec laquelle il manie la plaisanterie divertit beaucoup le prince; mais Saint-Évremond a l'imprudence de ne pas l'épargner lui-même, et le duc d'Enghien, aussi peu endurant pour la raillerie qui peut l'atteindre que disposé à rire des autres, lui demande de démissionner de sa lieutenance en 1648.

Pendant le temps de la Fronde, ce courtisan se montre fidèle au roi, malgré les sollicitations des mécontents qui veulent l'entraîner dans leur parti. Il les combat avec son épée et par quelques satires ingénieuses, entre autres, la Retraite de M. de Longueville en Normandie qui plaît tellement au cardinal Mazarin que, dans sa dernière maladie, il engage Saint-Évremond à lui en faire la lecture. Cette conduite lui vaut le grade de maréchal de camp et une pension de trois mille livres. Mais son humeur caustique lui vaut une nouvelle disgrâce.

Servant en Guyenne sous les ordres du duc de Candale, il lui donne des conseils contraires aux vues du ministre. Il se permet même quelques sarcasmes contre Mazarin dans un repas auquel assistent plusieurs seigneurs. Tous avaient dit leur mot, mais c'est le moins puissant qui paie pour les autres. C'est Saint-Évremond qui est enfermé à la Bastille pour trois mois. Rendu à la liberté, il regagne les faveurs de Mazarin qui le choisit pour l'accompagner lors de la conclusion du traité des Pyrénées en 1656. Cette paix déplaît aux hommes de guerre. Saint-Évremond s'en explique dans une lettre au maréchal de Créqui, son ami, et qui est un modèle de fine plaisanterie, même aux yeux de ceux qui ne partagent pas l'opinion de son auteur sur la question politique. Mazarin meurt sans que cet écrit soit sorti du cercle de quelques amis. Saint-Évremond paraît même très bien vu de Louis XIV qui l'a désigné pour le suivre dans le voyage de la cour en Bretagne.

Lorsque les recherches occasionnées par la disgrâce de Fouquet font tomber entre les mains des ministres la lettre en question, dont Saint-Évremond a confié la minute à madame Duplessis-Bellièvre, on lit au roi ce badinage que l'on fait passer pour un crime d'État. Colbert saisit une bonne occasion de l'animer contre un courtisan aussi frondeur, craint des ministres et qui a pourtant été l'ami de Fouquet. L'ordre est donné de le conduire à la Bastille. Prévenu à temps, Saint-Évremond se retire en Normandie, puis en Hollande (1661) enfin en Angleterre (1662) où il est venu, l'année précédente et où il s'est fait des amis parmi les premiers personnages de l'État. Son exil dure toute sa vie. Pendant près de trente ans, le roi est sourd aux sollicitations des puissants protecteurs parmi lesquels, Turenne, Lauzin, le comte de Grammont, le marquis de Croissi, neveu de Colbert. L'intimité des premiers personnages de l'Angleterre, entre autres, le duc de Buckingham, de Daubigny, d'Hamilton et la faveur du roi Charles II lui procure une existence digne d'envie.

En 1664 une maladie de langueur l'oblige à séjourner en Hollande. Il se lie également avec tout ce qu'il y a de plus distingué dans le pays. Il goûte les entretiens du fameux Spinoza. Il forme une liaison durable avec Vossius qu'il appelle son ami de lettres. Il connait le prince d'Orange, depuis Guillaume III, qui devient son bienfaiteur.

Ses entretiens avec Vossius lui donnent l'idée de ses Observations sur Salluste et sur Tacite, qui sont avec ses Observations sur les divers génies du peuple romain ce qu'il a fait de mieux. On peut mettre sur la même ligne son Jugement sur Sénèque, Plutarque et Pétrone. Tout ce qu'il écrit sur la politique et la littérature romaine est marqué au coin du goût, de la raison et du vrai talent.

Rappelé en 1670 en Angleterre par Charles II, qui veut le fixer à sa cour avec une pension de trois cents livres sterling, il ne quittera plus Londres. Il y mène la vie d'un courtisan, sans ambition, toujours attaché à sa patrie et surtou fidèle au culte de la reconnaissance de l'amitié et des belles-lettres. Mais il ne demeure pas étranger aux intrigues qui font passer mademoiselle de Quéroualle, depuis duchesse de Portsmouth, dans les bras de Charles II (1871). Quand la duchesse Mazarin vient se fixer en Angleterre, Saint-Évremond montre en cette occasion l'inconstance d'un homme de cour, devient son ami, son confident. La société qu'elle réunit chez elle devient la plus agréable de Londres. Saint-Évremond est l'âme de ces réunions où brille aussi Saint-Réal.

Ces entretiens fournissent à Saint-Évremond plus d'une heureuse inspiration. C'est là qu'il conçoit l'idée de plusieurs écrits.Défense de quelques pièces de M. Corneille- Réflexions sur les comédies française, espagnole, italienne et anglaise ; sur les opéras ; la Comédie des opéras ; la dissertation sur le mot « vaste », etc... Dans la première de ces productions, il apprécie Corneille et Molière en homme de goût ; et s'il ne juge pas sainement du mérite de Racine, du moins la plupart de ces critiques sur le défaut essentiel de notre théâtre sont d'une grande justesse. Il dit « que nos pièces ne font pas une impression assez forte; que ce qui doit former la pitié fait tout au plus de la tendresse ; que l'émotion tient lieu de saisissement, l'étonnement de l'horreur ; qu'il manque à nos sentiments quelque chose d'assez profond ». Voltaire observe à cette occasion que Saint-Évremond « a seul mis le doigt sur la plaie secrète du théâtre français ». Mais Saint-Évremond montre bien peu de discernement lorsqu'il donne la préférence à la comédie anglaise sur la nôtre ; il avance qu'il n'y en a pas de plus conforme au goût des anciens. Ceux qui, aujourd'hui, prônent le théâtre anglais ont le bon goût de ne pas le donner pour classique. Saint-Évremond a fait, du reste, un essai bien pitoyable en ce genre en composant (avec d'Aubigny et le duc de Buckingham) la comédie Sir Politick would be. Rien de plus plat et de plus froid que cette suite de scènes sans intrigue et sans liaison (1662).

Dans sa Dissertation sur l'opéra, il appelle ce genre « un travail bizarre de poésie et de musique, où le poète et le musicien sont gênés l'un par l'autre et se donnent beaucoup de peine pour faire un mauvais ouvrage ». Voltaire prétend qu'en blâmant l'opéra, Saint-Évremond « a prouvé qu'il avait l'oreille dure ». Dans son Discours des belles-lettres et de la jurisprudence, il nous apprend qu'il s'était appliqué à l'étude du droit.

La mort de Charles II en 1685 le prive de sa pension. On lui propose une place de secrétaire de cabinet pour écrire les lettres particulières de Jacques II aux souverains étrangers, mais il la refuse.

La révolution de 1688 qui élève sur le trône Guillaume III lui rend ses avantages. Guillaume l'admet dans son intimité. Il se plaît dans sa conversation étincelante d'esprit, riche de souvenirs et remplie d'anecdotes curieuses sur les grands capitaines que Saint-Évremond a connus en France, entre autres, Condé et Turenne dont il a écrit le Parallèle.

En 1689, Louis XIV lui fait dire qu'il peut rentrer en France. Mais il refuse, se croyant trop vieux pour changer de séjour et de genre de vie.

Saint-Évremond a fait lui même son portrait : « C'est, dit-il, un philosophe également éloigné du superstitieux et de l'impie ; un voluptueux qui n'a pas moins d'aversion pour la débauche que d'inclinaison pour les plaisirs ; un homme qui n'a jamais senti la nécessité, qui n'a jamais connu l'abondance. Il vit dans une condition méprisée de ceux qui ont tout, enviée de ceux qui n'ont rien, goûtée de ceux qui font consister leur bonheur dans leur raison. Jeune, il a haï la dissipation, persuadé qu'il fallait du bien pour les commodités d'une longue vie ; vieux, il a de la peine à souffrir l'économie. Il se loue de la nature ; il ne se plaint point de la fortune. Il hait le crime, il souffre les fautes, il plaint le malheur. La vie est trop courte à son avis pour lire toute sorte de livres et charger sa mémoire d'une infinité de choses aux dépens de son jugement. Il ne s'attache point aux écrits les plus savants pour acquérir la science mais aux plus sensés pour fortifier sa raison. »

La politesse de ses mœurs ne peut vaincre chez Saint-Évremond l'habitude de la malpropreté ; ce qui n'y contribue pas peu, c'est qu'il a toujours chez lui des chiens, des chats et toutes sortes d'animaux. Pour dissiper les ennuis de la vieillesse, il lui faut devant les yeux quelque chose de vif et d'animé. Vieillard aimable et gai, il n'est jamais plus heureux que dans la compagnie des jeunes gens. Adorateur du beau sexe jusqu'à la fin de ses jours, il l'est sans être ridicule parce qu'il n'a plus la prétention de plaire. Son penchant pour la satire, qui lui a attiré toutes les disgrâces de sa jeunesse, s'est changé chez lui en une politesse flatteuse et circonspecte.

Il meurt à Londres, à 89 ans, après 42 ans d'exil [3].

Œuvres

Liste non exhaustive

  • La Comédie des académistes
  • Retraite de M. de Longueville en Normandie
  • Dissertations
  • Réflexions sur les divers génies du peuple romain dans les différents temps de la république
  • Conversation du maréchal d'Hocquincourt avec le père Canaye
  • Sur les poèmes des Anciens

Source

Gabriel Michaud, Biographie universelle ancienne et moderne , tome trente-septième.

Hommages

Un monument l'honore à Saint-Denis-le-Gast, où une place porte également son nom. Une rue porte son nom à Coutances.

Bibliographie

  • René Ternois, « En écoutant M. de Saint-Évremond », Revue d'histoire littéraire, 1960.
  • Raymond Deslandes, « Charles de Saint-Évremond », revue Viridovix, n° 9, 1991.

Notes et références

  1. La date est incertaine. Il est parfois fait mention du 1er avril 1613 ou de décembre 1613. Voir aussi L. Quenault, « Acte de baptême et véritable date de naissance de Saint-Évremond », Mémoires de la Société des antiquaires de Normandie, tome V, fasc. 3, octobre-décembre 1868, pp. 226-230, et F. Verdier, « Date de naissance de Saint-Évremond », Revue d'histoire littéraire de France, 18e année, n° 3, [1911], p. 620-626.
  2. Yves Lecouturier, Célèbres de Normandie, éd. Orep, Cully, 2007.
  3. 3,0 3,1 et 3,2 René Ternois, « Saint-Évremond, gentilhomme normand », Annales de Normandie, 10e année, n° 3, octobre 1960, p. 229-240.

Lien interne

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