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Raid anglais sur Cherbourg (1758)

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Plan de la descente d'une armée anglaise dans l'anse d'Urville-Hague le sept août 1758 par M. Deschamps géographe du roy à la Direction du Génie de Cherbourg.

Le raid anglais sur Cherbourg est un événement militaire qui s'est déroulé en août 1758 dans la Manche.

L'alerte du 30 juin

Plan commenté de l'attaque anglaise sur Cherbourg en 1758.

Durant la Guerre de Sept ans, les corsaires anglais harcèlent les côtes et les ports français, en organisant des descentes dévastatrices.

Dans l'après-midi du 2 juin 1758, la montagne du Roule arbore un pavillon rouge surmonté d'une flamme blanche pour signaler la présence d'une flotte anglaise de 120 voiles à 5 ou 6 lieues au large. La petite redoute du Roule tire ensuite le canon d'alarme face à l'avancée à pleine voile de l'ennemi. On protège les maisons des bombardements avec des tonneaux d'eau [1].

Pourtant, les 12 000 à 15 000 Britanniques, commandés par le circumnavigateur Georges Anson et le duc de Malborough, dépassent la pointe de Querqueville et franchissent le raz Blanchard avant de doubler le cap de la Hague pour mouiller un jour dans l'anse de Vauville puis attaquer Saint-Malo. La flotte réapparaît le 24 juin à la pointe de la Hague, puis au large de Cherbourg le 25, de Barfleur le 26, de la pointe de Fermanville le 28, et de l'île Pelée le 29, à 6 h du matin. L'une des frégates jette l'ancre à 10 h dans la rade à une lieue du rivage. Le fort du Gallet tire sans pouvoir l'atteindre. Les autres navires la rejoignent dans la journée et le soir, tandis que des corvettes et des goélettes sondent la petite rade sous le feu des forts cherbourgeois. La milice bourgeoise et le régiment de Clare sont déployés, puis la nuit voit arriver le duc d'Harcourt avec 3 800 garde-côtes, reste du camp du Mont-Épinguet, le régiment d'Horion-Liégois et un escadron du régiment du Languedoc, soit 7 000 hommes avec la milice et le régiment de Clarc [1].

Le 30 juin à 3 h du matin, une fusée part du vaisseau amiral de la flotte pour lancer le débarquement dans le port, dans l'anse Sainte-Anne et sur la plage de Tourlaville. Mais le vent ayant tourné, l'opération est annulée et les navires lèvent l'ancre à 10 h. Le vent revient à l'ouest, mais le manque de vivres compromet définitivement l'opération qui aura fait deux morts côté britannique [1].

Le renforcement de la défense de Cherbourg

Les troupes françaises regagnent leurs garnisons et on s'affaire rapidement à fortifier la ville par des redoutes et deux retranchements allant de l'anse Sainte-Anne au Pont-Marest dans les mielles de Tourlaville [1]. À la demande du duc d'Harcourt, lieutenant général des armées du Roi, le ministre de la Guerre fournit 80 canons de fort calibre, 5 mortiers et des munitions [2]. Quant aux munitions, il y avait une infinité de projectiles dans les forts et plus de cent cinquante milliers de poudre dans les magasins de la place [1].

En 1758, la ville de Cherbourg est défendue à l'est par la redoute carrée de Tourlaville, et un retranchement garni d'artillerie placé en front de camp ; à l'ouest, par la batterie du Calvaire, le fort de l'Onglet, le fort du Gallet, qui avait deux faces vers la mer, et un ouvrage à cornes du côté de terre ; le fort du Homet, celui d'Équeurdreville, avec une batterie à barbette, les forts de Choiseul, des Autels, de Sainte-Anne, et une ligne de retranchements ; enfin le grand et le petit fort de Querqueville, et une redoute à la pointe de Nacqueville [1].

Neuf mille hommes se répartissent entre les compagnies du régiment de Languedoc-Dragons, les régiments de Lorraine, d'Horion-Liégeois et de Clare, les milices garde-côtes, les milices bourgeoises, les brigades de fermes et les volontaires. Le commandant de la place est le général comte Pierre de Raymond, peu apprécié d'Harcourt ni de ses troupes, mais protégé par la marquise de Pompadour [2].

Ainsi, la défense du Nord-Cotentin et de Cherbourg semble assurée [2].

La descente du 8 août

Amiral Howe.
Plan de la descente.

Une nouvelle escadre de plus de 80 voiles commandée par le commodore Howe quitte la rade de Spithead. À son bord, ont pris place 7 000 à 8 000 hommes sous les ordres du lieutenant-général Blygh et le prince Édouard, frère puîné du prince de Galles, futur Georges III [1].

Elle se montre au large de Jobourg et d'Aurigny les premiers jours d'août jusqu'au 6, quand elle mouille au coucher du soleil dans l'anse Sainte-Anne [1].

Le 7 août, dès 1 h du matin, deux galiotes s'avancent et lancent des bombes vers la ville jusqu'à 8 h après quoi un navire rempli de pierres est coulé entre les jetées pour fermer l'entrée du port à l'ennemi. Celui-ci choisit Landemer, entre la pointe de Nacqueville et les rochers du raz de Bannes, pour débarquer [1]. Les trois coups de canon du vaisseau amiral britannique, le Pallas, donne à 13 h le signal des tirs d'accompagnement sortis de 400 bouches à feu. Cinq cents grenadiers accostent d'une trentaine de barges et forment trois colonnes [2].

En face, le lieutenant-colonel de Grant, du régiment de Clare, préconise une attaque à la baïonnette contre l'envahisseur mais le comte de Rémond juge que la baie de Sainte-Anne est le seul lieu de débarquement possible et y concentre ses hommes et fait enclouer deux canons à Nacqueville. Il ordonne le repli vers 18 h, et regagne ses appartements de l'abbaye du Voeu, tandis que quelques hommes autour du capitaine de vaisseau d'Amfreville bravent les ordres et tentent de ralentir l'avancée britannique. Le soir, ce sont 6 000 hommes qui campent, sur une position prenable par les Français, aux dires de Voisin La Hougue, si le comte de Raymond l'avait voulu. Quelques Britanniques investissent le haut d'Urville et le château de Nacqueville [2].

Le 8 août, la population commence à s'inquiéter, jusqu'à l'annonce de renforts envoyés de Caen par le duc d'Harcourt. Mais la décision du général de Raymond d'abandonner la place de Cherbourg pour une retraite au camp du Mont-Épinguet, lui, regagnant son quartier général à Valognes, laisse le champ libre à l'ennemi. Les autorités civiles de la ville se rendent en délégation auprès du général Dury, commandant de l'avant-garde anglaise pour demander qu'aucun mal ne soit fait aux bourgeois. Le général Thomas Bligh, commandant en chef des armées, fait afficher la promesse qu'il ne souhaite pas la guerre mais les pillages et saccages commencent. Viols et autres sévices sont perpétrés par des soldats ivres et sans encadrement. Les paysans se défendent comme ils le peuvent, à coups de fourche ou de gourdin, tuant une trois-centaine d'Anglais [2].

Mais l'objectif principal est la destruction du port de Cherbourg, concurrent des ports de la « perfide Albion ». Les fortifications sont minées en conséquence, les quais et jetées sont détruits en faisant un mort et plusieurs blessés. Le 14 août, les navires, bateaux de pêche et chaloupes qui mouillent dans le bassin sont brûlés. Le pont-tournant, l'écluse et les portes du bassin sont à leur tour détruits. Le brasier ne s'éteint qu'après deux jours [2].

Le 16 août, les Britanniques rembarquent, prennent en otage Robert Postel et Gratien Gauvain contre rançon de 44 000 livres pour la ville, et mettent les voiles le 18.

« L'époque de cette descente fera frémir les peuples dans les siècles les plus reculés qui ne connaîtront que par l'histoire ce que nous avons vu et souffert. Car les circonstances observées par un historien fidèle feront connaître jusqu'où une nation orgueilleuse peut porter sa fureur en outrepassant les règles de la modération qu'on devrait trouver chez les peuples civilisés. »

Bateaux incendiés le 14 août

  • Pierre-Serra (160 tonneaux) : 15 000 livres ;
  • Reine-d'Epagne (200) : 16 000 livres ;
  • Intrépide (65) : 6 000 livres ;
  • Heureux-Retour (40) : 2 000 livres ;
  • Marguerite (90) : 8 000 livres ;
  • Elizabeth (145) :  : 12 000 livres ;
  • Notre-Dame-de-Grâce (180) : 18 000 livres ;
  • Victoire (86) : 10 000 livres ;
  • Bien-Espéré (100) : 10 000 livres ;
  • Judith (110) : 10 000 livres ;
  • Saint-Augustin (130) : 12 000 livres ;
  • Papillon (80) : 8 000 livres ;
  • Cygne (50) : 5 000 livres ;
  • Saint-Pierre-Salomon (60) : 7 000 livres ;
  • Succès (56) : 4 000 livres ;
  • Asne (60) : 3 000 livres ;
  • Jeanne-Françoise (30)  : 2 500 livres ;
  • Jeanne-Françoise (90)  : 11 000 livres ;
  • Butterfly (100)  : 6 000 livres ;
  • Saint-Jacques (100)  : 11 000 livres ;
  • Anonyme (18)  : 800 livres ;
  • Providence (40)  : 1 800 livres ;
  • Jean-Guillaume (100) : 10 000 livres ;
  • Grand-David (30) : 1 500 livres ;
  • Gros-Pierre (12) : 300 livres ;
  • Jacques-Anne (120) : 12 000 livres ;
  • Jacques-Marie (25)  : 2 400 livres ;
  • Marie-Thérèse (100)  : 4 000 livres ;
  • Aimable (112) : 12 000 livres ;
  • Elizabeth (90)  : 6 000 livres ;
  • Bonne-Union (22) : 2 000 livres ;
  • Volonté-des-Amis (42)  : 2 400 livres ;
  • Guillaume-Jacques (110) : 8 000 livres.

À ces bateaux s'ajoutent les corsaires le Tartare (26 canons, 50 000 livres), l'Aventurier (10 canons et 16 pierriers,20 000 livres), le Conquérant (2 canons et 6 pierriers, 4 000 livres) et le navire marchand le Prosper (300 tonneaux, 30 000 livres. Au total, les Britanniques brûlent donc 37 navires pour une valeur de 315 700 livres.

Bibliographie

Notes et références

  1. 1,0 1,1 1,2 1,3 1,4 1,5 1,6 1,7 et 1,8 Histoire de la ville de Cherbourg par Voisin La Hougue, continuée depuis 1728 jusqu'à 1835 par Vérusmor, impr. Boulanger, 1835.
  2. 2,0 2,1 2,2 2,3 2,4 2,5 et 2,6 Maurice Lecœur, Cherbourg, au fil du temps. Cherbourg, éd. Isoète, 2002.