Actions

Résistance dans la Manche

De Wikimanche

La Résistance dans la Manche est active pendant la Seconde Guerre mondiale, même si elle se heurte à l'importance des forces allemandes stationnées dans le département.

Une quinzaine de mouvements et réseaux sont tout de même créés, certains très actifs. Ils ne cessent de compliquer ou de retarder l'approvisionnement des troupes d'occupation par de nombreux sabotages et quelques actions d'éclat. Ils jouent également un rôle non négligeable avant le Débarquement allié du 6 juin 1944 en collectant des renseignements et en les transmettant à Londres, puis lors du Débarquement proprement dit et dans les combats qui suivent.

La diffusion d'écrits clandestins (tracts, journaux...), imprimés et diffusés à grands risques, parfois dès le début de l’occupation, permet à une partie de la population - sans cesse plus large - de se ranger, dans les faits ou dans l'esprit, du côté de la Résistance.

Comme partout ailleurs, l’occupant nazi tente de s’opposer à la Résistance par la terreur. Ainsi, plusieurs dizaines de résistants de la Manche sont fusillés, d’autres envoyés dans des camps de concentration d’où la plupart ne reviennent pas. Les autorités du gouvernement de Vichy -même si des désobéissances et des désengagements se produisent peu à peu parmi ces fonctionnaires-, livrent aux Allemands un nombre important de résistants, la police française devançant parfois la Gestapo lors de rafles et autres opérations de répression.

Réseaux et organisations

Les réseaux se sont constitués dès l'arrivée de l'armée allemande : leur nombre passe d'une demi douzaine en juillet 1940, à une dizaine en septembre, et une quinzaine à la fin de l'année. Ainsi, Maurice Marland monte son groupe le 20 juin 1940 et permet à 150 soldats anglais et volontaires français de fuir vers Jersey entre les 20 et 25 juin 1940. D'autres groupes se forment entre juin et décembre 1940 à Granville (groupe Robert), Saint-Lô (groupes Lechevallier et Agnès), Valognes (groupe Bertin de la Hautière) et Saint-James, soit une soixante de combattants volontaires de la résistance (CVR)[1][2].

La moitié des 585 CVR manchois étudiés par Michel Boivin s'engagent avant le 11 novembre 1942. Entre 1941 et 1942, ils se regroupent dans 3 mouvements nationaux (Organisation civile et militaire, Front national et Libération-Nord, regroupant près de trois quarts des résistants) et une vingtaine de réseaux locaux (regroupant un tiers des CVR)[1].

Le principal mouvement dans le département est l'Organisation civile et militaire (OCM, 38 % des 585 CVR étudiés), constitué à partir du printemps 1942 [3] autour de Jacques Bertin de la Hautière, responsable local du réseau Saint-Jacques créé au printemps 1941. En 1942, le réseau Centurie comprend une quinzaine de groupes à Bricquebec, Cherbourg, Saint-Lô, Saint-Sauveur-le-Vicomte et Valognes. Présente dans la plupart des cantons à la veille de Débarquement, l'OCM est spécialisée dans la recherche de renseignements militaires et concentre son action armée sur la ligne Carentan - La Haye-du-Puits à partir de mars 1944[1].

Le mouvement de Résistance Front national (20 %) (ou Front national pour la libération de la France), et sa branche armée, les Francs tireurs et partisans français (FTP), est initié dans la Manche par André Defrance, aidé de nombreux autres patriotes, au printemps 1941. Le mouvement s’étend rapidement, et malgré une vague d’arrestations d’une vingtaine de militants actifs et de responsables communistes en juin et pendant l’automne, le Front national est à la fin de l’année bien implanté dans tout le département. Après avoir essentiellement organisé des imprimeries clandestines, diffusé du matériel de propagande patriotique d’origine locale ou nationale, recruté et formé des membres venant de différents milieux, le mouvement réalise dès 1942 des sabotages importants. Durant toute l’occupation, le Front national est frappé par des séries d’arrestations, plusieurs dizaines de ses membres sont fusillés ou mourront dans des camps de concentration ; néanmoins, il reste jusqu’en 1944, le mouvement le mieux structuré.[4]

Libération-Nord (15 %) est constitué dans la Manche le 14 juillet 1942 à Cherbourg. A partir de cette agglomération, le mouvement s'implante également dans la région de Carentan et dans l'Avranchin. Il se spécialise dans le renseignement, puis prépare l'action armée avec l'OCM et le FN à partir du 5 mars 1944 et la constitution du Comité départemental de la libération de la Manche à Cherbourg, qui comprend cinq membres de l'OCM, 3 de Libé-Nord et 2 pour le FN, et qui est présidé à partir du 3 mai par Yves Gresselin, responsable de l'OCM dans la Manche[1].

Avant 1942, sont créées également quatre réseaux. Le réseau Hector constitué de membres des services spéciaux de l'armée d'armistice et dirigé par Robert Guesdon depuis Granville à partir de décembre 1940. Il fournit des renseignements à l'Intelligence Service grâce à un émetteur et publie un journal de propagande, Les Petites ailes de France. Décimé par des arrestations, le réseau se dissout au début de 1942. Le réseau Saint-Jacques à partir du printemps 1941 est également rapidement décapité. Le réseau cherbourgeois Confrérie Notre-Dame, est actif entre décembre 1941 et fin 1943. Le réseau franco-polonais Famille-Interallié, puis F2, reste actif de 1941 à la Libération. Après 1942, on compte également Résistance PTT et Résistance Fer, et des réseaux locaux de renseignements : ceux de la Libération, Delbo-Phénix, Alliance, Marc-France, Vengeance, Zéro-France, Buckmaster et Gallia[1].

La répression dans la Manche fait 47 victimes parmi les 585 CVR (20 morts en déportation, 15 exécutés, 12 morts dans les combats de la libération). Les 121 arrestations et internements ont donné lieu à 53 déportations[1][2]. Une autre liste, établie grâce à la résistante Juliette Defrance, l'historien Michel Boivin et à l'ouvrage de Marcel Leclerc, fait état de 17 fusillés, 28 morts en déportation sur un total de 55 personnes décédées entre 1940 et 1945, pour faits de Résistance, rien que pour l’agglomération cherbourgeoise, le nombre de victimes de la répression dans la Manche étant bien évidemment beaucoup plus élevé[5].


  • Alliance
  • Arc-en-Ciel : Granville, Torigni-sur-Vire
  • Confrérie Notre-Dame
  • F2 ou Famille-Interallié
  • FFI (Forces françaises de l'intérieur)
  • FN (Front national de lutte pour l'indépendance de la France)
  • FTPF (Francs-tireurs et partisans français) : groupes de lutte armée du FN
  • Hector
  • Libération-Nord : Cherbourg
  • Maquis de Beaucoudray
  • Maquis de Saint-Hilaire-du-Harcouët
  • Marathon : Saint-Lô
  • Maurice : Cotentin
  • Mission Hellsman : Avranches
  • OCM (Organisation civile et militaire)
  • Résistance Fer : Saint-Lô
  • Résistance PTT : Saint-Lô
  • Strang : Avranches
  • Tec : Cherbourg

...

Il y a 1 441 résistants recensés dans la Manche au 15 octobre 1943 et 1 621 au 1er juin 1944 [6].

Faits marquants

...

Résistants de la Manche

voir aussi Résistants de la Manche
voir aussi Liste des résistants PCF et FN-FTP de la Manche

Portrait sociologique

Michel Boivin a analysé la composition de la résistance manchoise à travers les 585 combattants volontaires de la Résitance (CVR) ayant reçus leur carte dans la Manche recensés en 1993[1][2].

Le résistant manchois est un homme (87,4 % des résistants manchois, contre 46 % de la population de plus de 15 ans) de 34 ans à son engagement, employé (pour un tiers attachés à la SNCF et aux Postes) ou ouvrier, voire artisans et commerçants. Si les premiers en 1940 sont mus par réaction à la défaite et l'Occupation, les motivations sont aussi un nationalisme, parfois anti-germanique, à OCM, et l'anti-fascisme à Libé-Nord et au FN en 1941. En 1942, les mouvements de gauche sont plutôt jacobins. Sur 77 CVR interrogés entre 1980 et 1990, 63 affirme des motivations patriotiques et 50 des sentiments anti-allemands. On trouve aussi des raisons moins altruistes, comme l'opposition aux réquisitions sur les travailleurs, les logements, les terres, le fourrage, le bétail, les moyens de locomotion[1]...

Les résistants ont à 17,8 % entre 20 et 24 ans (tranche d'âge correspondant à 9 % des Manchois de plus de 15 ans) et à 37,9 % entre 15 et 29 ans (pour 27% dans la population manchoise). Michel Boivin explique cette jeunesse de l'engagement, plus forte que dans le Calvados mais moins qu'en Ille-et-Vilaine, par l'aspiration plus grande des jeunes à la liberté leur disponibilité et le refus du STO[1].

Les CVR sont essentiellement des urbains (59,3 % viennent d'une commune de plus de 2000 habitants, 43,1 d'une ville de plus de 5000 habitants) alors que les ruraux représentent entre 74 et 76 % de la population départementale, mais ils proviennent de cantons plutôt modérés et non ceux inscrits à gauche en 1936[1].

La majorité agricole de la population départementale ne représente que 10,9 % des résistants, même si les réseaux ont bénéficiaient de leur complicité après 3 ans d'occupation. Cette faible participation s'explique selon Michel Boivin par le souci du quotidien et la prudence des élus locaux traditionnels, les notables conservateurs et modérés, rares dans les rangs de la Résistance[1].

L'activité des résistants est pour les deux tiers des agents de renseignements, et pour un quart des agents de liaison. Ils aident également les illégaux par l'hébergement ou la fourniture de faux papiers, réalisent des sabotages et diffusent de la propagande. Ensuite, au moment de la libération, ils aident les alliés en sabotant dans la nuit du 5 au 6 juin 1944, les lignes de chemin de fer de Cherbourg à Valognes et Coutances, et de Saint-Lô à Torigni-sur-Vire, les lignes téléphoniques entre Cherbourg et Rennes, Brest et Berlin, Caen et Rennes, Gathermo et Vire, Saint-Michel-de-Montjoie et Vire, Saint-Lô et Falaise, Saint-Lô et Le Mans. Malgré un manque d'armes, ils harcèlent les Allemands et guident les Alliés[1].

Peu politisés (seul un tiers des résistants manchois sont membres d'un parti), les résistants se sont mobilisés par sentiment antiallemand, ce qui explique une revendication forte dans leur rang d'une épuration, contre l'avis des notables locaux. Ainsi Pierre de Gouville en août 1944, en qualité de président du comité cantonal de libération de Saint-Lô, demande « la constitution de dossiers à soumettre au visa du comité départemental des FFI à Cherbourg qui se charge, le cas échéant, de faire délivrer les mandats d'arrêts, en attendant les suites judiciaires normales » et promet que « personne ne peut prétendre échapper à cette épuration, pas plus les chefs ou les membres des comités de résistance que les fonctionnaires de police, de l’État et les municipalités ».

Fusillés du Mont Valérien

Des résistants de la Manche figurent parmi les 1 014 personnes fusillées au Mont Valérien (Hauts-de-Seine) entre le 23 mars 1941 et le 12 août 1944.
Ce sont (entre parenthèses la date d'exécution) : Roger Bastion, chaudronnier, (21 septembre 1942) ; Marcel Bosquet, artisan sculpteur, né le 4 juillet 1901 à La Glacerie (2 décembre 1943) ; Auguste Jean, douanier, né le 1er juin 1899 à Blainville-sur-Mer (25 avril 1942) ; Achille Mesnil, arrimeur à Cherbourg, né le 27 février 1901 à Octeville (21 septembre 1942), et Marcel Simon, employé, né le 27 décembre 1899 (13 mai 1943) [9].

Fusillés de Saint-Lô

Vingt et un résistants de la Manche ont été fusillés à Saint-Lô[10] :

Monuments commémoratifs

Cherbourg : stèle aux martyrs de la Résistance du Cotentin.

Plusieurs monuments commémorent, dans le département, l'action et le courage des résistants :

Il existe également des plaques commémoratives dans de nombreuses communes du département.

Hommages

Plusieurs communes de la Manche ont donné le nom d'un résistant local à l'une de leurs voies. D'autres ont préféré rendre un hommage global à la résistance.

Bibliographie

par ordre chronologique de publication
Livres
  • Octave Legrand, Enfin libres (Souvenirs de la Résistance dans le Cotentin), Impr. Bellée, 1949
  • Abbé David, Du bagne français au bagne nazi, éd. Leclerc, 1950 (sur la résistance des catholiques dans la Manche)
  • Guy Rochard, La Résistance dans la région de Cherbourg (1940-1944) (maîtrise d'histoire), Faculté des lettres de Caen, 1970
  • Raymond Ruffin, La Résistance normande face à la Gestapo, éd. Presses de la Cité, 1977
  • Marcel Leclerc, La Résistance dans la Manche, éd. La Dépêche, 1980, réédition 2004 Inédits et introuvables du patrimoine normand
  • André Picquenot, Cherbourg sous l'occupation, éd. Ouest-France, 1983
  • André Debon, Louis Pinson, La Résistance dans le bocage normand, éd. Tiresias, 1998
  • Dominique François, L'Affaire Jurczyszyn, éd. Eurocibles, 2009
Articles
  • Albert Desile, « C'était à l'aube qu'on les fusillait », La Manche Libre, 7 juin 1953
  • Tout sur la Manche, Revue du département de la Manche, n° 113-114-115, 1987
  • Michel Boivin, « Les résistants manchois, 1940-1944 », Société d'archéologie et d'histoire de la Manche, 1994

Notes et références

  1. 1,00 1,01 1,02 1,03 1,04 1,05 1,06 1,07 1,08 1,09 1,10 et 1,11 Michel Boivin, « Les Résistants manchois 1940-1944 : Sociologie, organisation et engagements des combattants volontaires de la Résistance », Nédélèqueries 54-94, Société d'archéologie et d'histoire de la Manche, 1994, p 83-94.
  2. 2,0 2,1 et 2,2 Claudine Cardon-Hamet, Déportés politiques à Auschwitz : la carte de Déporté-Résistant.
  3. Michel Boivin : la Résistance dans la Manche, cédérom de l’AERI, 2006.
  4. André Debon, Louis Pinson, La Résistance dans le Bocage normand, Paris, Éditions Tirésias, 1994.
  5. Liste présentée dans une salle du Musée de la Libération (Cherbourg), dédiée à ces personnes.
  6. Raymond Ruffin, La Résistance normande face à la Gestapo, éd. Presses de la Cité, 1977.
  7. Thibault Richard, Les Normands sous l'occupation, éd. Charles Corlet, 1998.
  8. Étienne de Quatrebarbes, Martinvast, un siècle d'histoire..., 2001.
  9. Ouest-France, 4 mars 2009.
  10. Archives d'André Defrance.

Lien interne

Liens externes