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Occupation allemande de la Manche (1940-1944)

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Le maréchal von Rundstedt au Mont-Saint-Michel.

L'occupation allemande de la Manche est un épisode de la Seconde Guerre mondiale, qui s'étend de 1940 à 1944.

Elle commence le 18 juin 1940 et s'achève quatre années plus tard, à l'été 1944, après le débarquement des troupes alliées sur les côtes normandes, notamment à Utah Beach. La première commune manchoise libérée l'est le 6 juin, la dernière le 3 août.

Histoire

Positionnée dans le Calvados, sur les rives de la Dives, l'armée allemande reçoit l'ordre de foncer sur Cherbourg le 16 juin 1940 [1]. C'est le 15e corps d'armée, commandé par le général Hotz, qui est chargé de cette mission [1]. Le 18, Saint-Lô est investie et le 19, Cherbourg signe sa reddition [1].

voir l'article détaillé Invasion allemande du Cotentin (1940)

La presse sous contrôle

L'arrivée de l'armée allemande en juin 1940 et la censure qu'elle impose aussitôt aux journaux entraînent la disparition de plusieurs organes : Le Phare de la Manche, La Dépêche de Cherbourg, Le Petit Normand (octobre) et L'Avenir républicain (novembre) [2]. Sept autres titres suivent en 1941 : L'Avenir de Coutances, Le Gars normand, La Gazette de la Manche, le Journal de Carentan, Le Progrès (Coutances), Le Coutançais et La Croix de la Manche [2]. Mais d'autres journaux décident de collaborer avec l'occupant, comme Cherbourg-Éclair et Le Courrier de la Manche [2].

En septembre 1940, la censure allemande devient départementale. Elle est exercée jusqu'en avril 1941 par un dénommé Eger, un jeune officier hitlérien autoritaire », puis jusqu'en juin 1944 par Migliarina, un « Autrichien plutôt conciliant » [3]. Eger projette de transformer Le Messager de la Manche en quotidien et d'en faire l'organe de la propagande allemande. La direction du journal ayant refusé, il transfère son bureau à Cherbourg, où il s'astreint à contrôler quotidiennement Cherbourg-Éclair, ce qui ne l'empêche pas de se rendre chaque mercredi à Saint-Lô pour s'assurer de la soumission des autres journaux [2]. Chaque organe est soumis à une contribution pour financer les frais de déplacement de la « conférence » hebdomadaire saint-loise, qui s'ajoute au tribut exigé par l'Office allemande de la presse de tous les journaux de la France occupée [2].

En septembre 1945, la presse manchoise n'offre plus que quatre titres, sans compter les éditions locales d'Ouest-France (La Presse cherbourgeoise, L'Essor de la Manche, La Manche Libre et Le Réveil de Saint-Lô) contre 28 en septembre 1939 [2].

Organisation allemande

La Manche est placée sous le contrôle d'une feldkommandantur (n° 722), située à Saint-Lô, qui a sous ses ordres des kreiscommandanturen et des ortskommandanturen.

En voici la liste au 21 novembre 1940 [1] :

Lieu Adresse Commandant
Feldkommandantur Saint-Lô n° 893 rue de la Poterie capitaine Brandes
Kreiskommandantur Cherbourg n° 583 rue Emmanuel-Liais capitaine Hoffmann
"
Coutances n° 802 capitaine Reisener
"
Avranches n° 741 boulevard du Maréchal-Foch capitaine Pasquali Egler von Sarawal
Ortskommandantur Granville n° 836 5 rue Jules-Michelet capitaine Habbe
"
Cherbourg n° 840 commandant Berger

Forces d'occupation

En 1940, le département regroupe une division d'infanterie, des unités de la Marine (Kriegsmarine), de l'aviation (Luftwaffe), et une série d'unités au repos. Avec le personnel militaire et administratif des kommandanturen, le nombre total d'Allemands vivant dans la Manche est estimé entre 15 000 et 20 000 pour une population alors de 440 000 habitants, soit un Allemand pour 22 à 29 Français [1].

En 1942, le nombre d'Allemands stationnés dans la Manche passe à environ 30 000 avec deux divisions d'infanterie, la 165e et la 320e, et l'encadrement des travailleurs de l'Organisation Todt [4] chargés de construire le mur de l'Atlantique [1].

Règlementation

Dans les premiers jours de leur installation, les Allemands mettent en place une règlementation stricte qui couvre de nombreux domaines et à laquelle il est impossible de déroger sous peine de sanctions très graves. Pour mieux en favoriser l'application, cette règlementation est prise parfois sous le couvert de l'administration française. L'aveuglement des fenêtres est vite imposé, comme la peinture en bleu ou orange des phares de tout véhicule, y compris les bicyclettes. Les piétons ont l'interdiction de marcher sur la chaussée, sauf nécessité impérieuse, et ils doivent s'effacer, sur les trottoirs, pour laisser le passage libre aux officiers allemands [5]. Pour lutter contre la pénurie qui ne tarde pas à s'installer, un « marché noir » se met en place. Les restrictions et les interdictions se multiplient, auxquelles s'ajoutent expropriations, réquisitions et corvées diverses pour les hommes valides.

Le couvre-feu est fixé à 22 h [6]. Les cafés ont ordre de fermer à 21 h 30 et les mardis, jeudis et samedis deviennent des jours « sans alcool » [6]. Les piétons doivent impérativement marcher sur les trottoirs de gauche [6]. Les pêcheurs sont plus le droit de sortir du port, « jusqu'à nouvel ordre » [6].

À Cherbourg, les policiers et les gendarmes, circulant sur la voie publique, portent maintenant un brassard blanc avec la mention « Polizei» [7]. Désormais, la monnaie allemande « ne peut en aucun cas être refusée »  : un mark vaut 20 F, un grosschen 2 F et un pfennig 0,20 F [7]. Plusieurs pillards comparaissent devant le tribunal des flagrants délits [7].

Dès la fin du mois de juin, l'aviation britannique commence à bombarder Cherbourg et les défenses allemandes [6].

Début juillet, des tracts anti-Pétain sont distribués à Cherbourg [6]. Le 27 août à Saint-Martin-de-Landelles, Isidore Restout coupe les fils téléphoniques [6].

Au 1er septembre 1940, l'occupant réduit le nombre des véhicules autorisés à circuler à 2 500 pour l'ensemble du département [8].

Camps de prisonniers

En 1940, les soldats français faits prisonniers sont répartis dans plusieurs camps installés à la hâte. L'agglomération de Saint-Lô en regroupe à elle seule entre 12 000 [9] et 14 000 [10], répartis dans six camps [11] :
- École Sainte-Geneviève (camp n°5)
- Caserne Bellevue
- Collège municipal
- Vieux haras (camp n°4)
- Hôpital mixte
- Collège d'Agneaux

Résistance

voir l'article détaillé Résistance dans la Manche

Évacuation

Au début de l'année 1943, l'armée d'occupation élabore un plan d'évacuation partielle des zones côtières, susceptibles d'être utilisées comme lieux de débarquement par les alliés. Pour l'agglomération de Cherbourg, il est envisagé de garder sur place, « pour les intérêts allemands », seulement 12 500 habitants sur un total estimé à 51 650 [1].

Comité de confiscation des profits illicites

À la libération, un Comité de confiscation des profits illicites est constitué le 7 décembre 1944 à Coutances [12]. Il a dans son collimateur les marchés conclus par l'ennemi et les spéculations. L'objectif est de faire reverser ces profits au Trésor public. Au total, entre décembre 1944 et janvier 1949, 1 051 habitants et 57 entreprises seront poursuivis [12].

Bibliographie

par ordre chronologique de publication
  • C. Laplatte, Les Tribunaux de Coutances à l'heure allemande, Impr. Bellée, sd
  • Alfred Marie, Avranches : souvenirs de l'occupation allemande, Éditions de l'Avranchin, 1949
  • Jean-François Hamel, Croix gammées sur le Cotentin, éd. Ocep, 1974
  • Marcel Leclerc et André Heintz, La Manche en images 1940-1944, éditions Libro-Sciences SPRL, Bruxelles, 1978
  • Auguste Lefrançois, Quand les Allemands occupaient la Manche (Souvenirs d'un Saint-Lois), éd. Ocep, 1978
  • Albert Desile, Des sombres années de l'occupation aux chemins de l'été 1944, éd. Ocep, 1983
  • André Picquenot, Cherbourg sous l'occupation, éd. Ouest-France, 1983
  • Marcel Ledanois, Carentan sous l'occupation allemande et à l'heure de la délivrance, Comité carentanais du 40e anniversaire du débarquement, 1984
  • Yannick Rose, La Pernelle : HKAA 1261: 4 ans d'occupation allemande pour la vigie du Val de Saire, 1988
  • Claude-Yves Dréno, « L'arrivée des Allemands à Valognes », Bulletin municipal de Valognes, juin 1994
  • Michel Boivin, Les Manchois dans la tourmente de la Seconde Guerre mondiale (coffret de 6 vol.), éd. Eurocibles, 2003
  • André Hamel, 1939-1945 en Hague-Sud, éd. Inédits et introuvables du patrimoine normand, 2008

Notes et références

  1. 1,0 1,1 1,2 1,3 1,4 1,5 et 1,6 Thibault Richard, Les Normands sous l'occupation (Vie quotidienne et années noires), éd. Charles Corlet, 1998.
  2. 2,0 2,1 2,2 2,3 2,4 et 2,5 Le Didac'doc, n° 56, février 2015.
  3. Michel Boivin, Les Manchois dans la tourmente de la Seconde Guerre mondiale, éd. Eurocibles, tome 3, 2004.
  4. Rien que dans l'arrondissement de Cherbourg, on compte 16 000 travailleurs.
  5. « Recommandations expresses », L'Avenir républicain, journal de Granville, 3 août 1940.
  6. 6,0 6,1 6,2 6,3 6,4 6,5 et 6,6 « La Manche à l'heure allemande », La Presse de la Manche, supplément, sd.
  7. 7,0 7,1 et 7,2 « La police », Cherbourg-Éclair, 26-27 juin 1940.
  8. « De nouvelles restrictions », Le Messager de la Manche, 24 août 1940.
  9. « La vie de nos prisonniers à Saint-Lô », Cherbourg-Éclair, 18 juillet 1940.
  10. « Les prisonniers Saint-Lô », Le Glaneur de la Manche, 24 août 1940.
  11. « Les camps de prisonniers guerre », Le Journal de Normandie, 21 juillet 1940, cité par Thibault Richard, Les Normands sous l'occupation, éd. Charles Corlet, 1998, p. 34.
  12. 12,0 et 12,1 Jérémie Halais, La Seconde Guerre mondiale (1939-1945) : guide des sources conservées aux Archives départementales de la Manche, Archives départementales de la Manche, 2005.

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