Maxime Leluan
De Wikimanche
Maxime Félix Auguste Leluan, né à Valognes le 10 mars 1906 [1] et mort à Cherbourg le 4 juin 1993 [2], est une personnalité de la Manche.
Travail, résistance et… sport
Enfant né dans une famille nombreuse et peu argentée, il commence à travailler à 10 ans, comme commis de ferme. Passionné de mécanique, il passe le concours d'entrée à l’arsenal de Cherbourg pour devenir ajusteur. Il se marie avec Yvonne Hamel en 1928 [3] mais perd son épouse un mois après la cérémonie. Il se remarie avec Yvonne Rouet en 1931 [4].
Il reçoit en 1937 la médaille d’or de « meilleur ouvrier de France », et, en parallèle, pratique l’athlétisme à un bon niveau national [5]. Pour les connaisseurs : 11 secondes au 100 mètres et 6,86 m à la longueur, ce qui représente à l’époque de très bonnes performances.
Proche de la SFIO, il se lie d'amitié avec René Schmitt [4]. À l’arrivée des Allemands en 1940, il quitte l’arsenal pour ne pas avoir à collaborer, et entre dans la police, sous les ordres du commissaire Trouvé, puis dans la résistance en août 1942 au réseau « Libé-Nord » avec Raymond Le Corre et André Le Bellec [5]. Beaucoup plus tard, à 79 ans, il confiera au journaliste Paul Ingouf être rentré dans la police municipale avec l'appui de son beau-père, alors secrétaire au Parquet.
Sa fonction d’agent de police lui permet de fournir, notamment, de précieux renseignements sur les agissements de la police allemande (Gestapo) et les collaborateurs [5]. Il est nommé Inspecteur de Sûreté, à la suite d'un concours le 19 octobre 1942. Il contribue à résoudre plusieurs affaires judiciaires importantes : Thiry, Hébert et notamment l'affaire Marie-Louise Giraud dont il était chargé de la surveillance et qui sera guillotinée en 1943 [6].
Il utilise également sa qualité de policier pour permettre à un dentiste juif, Raymond Calmaro, de continuer à exercer sa profession avec une carte d’identité sans la mention « juif » et de s’enfuir, en mai 1942, alors que la Gestapo doit l’arrêter le lendemain. Il fournit également de faux papiers à la famille Sourigon en 1942 [4], puis une fausse carte d’identité à un autre juif de Cherbourg, Léon Blumzak, qui échappe à la fin 1943 à la déportation. Ces actions lui valent le 25 juillet 1993, année de son décès, le titre de « Juste parmi les nations » [5]. Il interroge également à la libération la collaboratrice Élisa de Plinval avant son procès [7].
Moïse Sourigon, né le 15 avril 1899 à Istanbul et son fils aîné Joseph, né le 11 décembre 1922, à Istanbul également, seront pris lors de la rafle du Vel d'Hiv et déportés sans retour vers Auschwitz [8]. Rebecca, la mère, et ses trois plus jeunes fils, Albert, Julien et Jacques, ayant passé la ligne de démarcation, reviendront s'installer à Cherbourg en 1946 [9].
Après la guerre, en dehors de ses activités professionnelles, il est l’un des animateurs de la vie sportive cherbourgeoise. Il contribue à la fondation de l’AS Cherbourg en 1945 et il est pendant près de quarante ans la pierre angulaire de l’athlétisme cherbourgeois, formant de très nombreux athlètes, hommes et femmes [5]. « Il avait ses méthodes, ses principes, ses coups de gueule qui n’étaient pas forcément appréciés par tous. Le sport local lui doit indubitablement beaucoup » [10]. Son nom est donné à une salle du Stade Maurice-Postaire [4].
À propos de la libération de Cherbourg : « Avec un petit groupe composé du commissaire central Trouvé, du commissaire Ponceau [11] chef de la sûreté et de quelques gardiens de la paix nous avons récupéré pendant la bataille pour Cherbourg les archives de la Gestapo (rue du Président-Loubet), de la Propagenstafel (rue Magenta), de l'Abwehr (place de la République) et de la Kreichkommandantur (préfecture maritime) ». Il s'agissait de soustraire, au moins pendant quelques semaines, à la connaissance des Américains, ces archives compromettantes, ou de les expurger [12].
En 2020, des voix s'élèvent contre l'inscription de son nom sur le futur Mémorial des Juifs manchois, à Cherbourg-en-Cotentin en raison de son action dans la condamnation à mort de l'« avorteuse » Marie-Louise Giraud [13].
Notes et références
- ↑ – Table décennale – Page 14/69.
- ↑ « Acte de décès n° 346 - État-civil de Cherbourg - Fichier des personnes décédées », data.gouv.fr, Insee, année 1993.
- ↑ Généanet (lire en ligne);
- ↑ 4,0 4,1 4,2 et 4,3 « Maxime Leluan, un policier qui refusa d'obéir », La Presse de la Manche, 18 juin 2014.
- ↑ 5,0 5,1 5,2 5,3 et 5,4 Dictionnaire des personnages remarquables de la Manche, tome 4, sous la direction de René Gautier, ISBN 2914541562.
- ↑ Francis Szpiner, Une affaire de femmes. Paris, 1943. Exécution d'une avorteuse, éd. Balland, Paris 1986, page 124.
- ↑ « La Dénonciatrice de Briquebec », La Presse de la Manche, 1er février 2013.
- ↑ Journal officiel de la République française (lire en ligne).
- ↑ « Albert Sourigon », AJPN, 16 février 2015 (lire en ligne).
- ↑ « Spécial 60 ans de sport », La Presse de la Manche.
- ↑ Ponceau, lourdement compromis dans une monumentale affaire de répression contre la Résistance. Cf. Gustave Jurczyszyn.
- ↑ « L'étonnant itinéraire de Maxime Leluan », La Presse de la Manche, 1985, interview de Paul Ingouf.
- ↑ Blog des citoyens granvillais (lire en ligne).