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Ligne ferroviaire Cherbourg-Barfleur

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La ligne ferroviaire Cherbourg-Barfleur est une ancienne liaison par fer de la Manche reliant Cherbourg à Barfleur.

Elle est en service de 1911 à 1950.

Le train qui l'emprunte est surnommé le « Tue-Vaques » (tue-vaches en français) parce qu'il lui arrive de percuter des vaches en divagation.

Chiffres clés

Elle mesure 31 km de long et le train met environ une heure et vingt-sept minutes pour relier Cherbourg à Barfleur à la vitesse de 21 km/h [1].

Histoire

Affluence à l'arrivée à Cherbourg.

Le 19 octobre 1900, le conseil municipal de Cherbourg vote une subvention de 150 000 F pour la construction de la ligne, qui prolongera la ligne Montebourg-Barfleur [2].

Déclarée d'utilité publique en 1904, elle est construite à partir de 1907 par les entreprises cherbourgeoises Noyon et Daudon pour deux millions de francs [3]. La ligne doit permettre de relier les forts de la côte nord-est du Cotentin, et d'acheminer vers Cherbourg, la production des maraîchers du Val de Saire [4].

La voie relie Cherbourg à Barfleur, en passant notamment par Tourlaville, Fermanville et Gatteville-le-Phare, soit une longueur de 31 kilomètres [3]. Son écartement est de 1,44 mètre [5] contre 1 mètre sur le reste du réseau local [1]. À Barfleur, elle rejoint la ligne Valognes-Barfleur, qui passe par Saint-Vaast-la-Hougue et Lestre. De Valognes, le voyageur peut continuer sa route sur la ligne Paris-Cherbourg, terminée en 1858 et exploitée par la compagnie des Chemins de fer départementaux (CFD) avec un embranchement vers Montebourg.

La fin des travaux est annoncée pour le premier septembre 1909, mais dès 1908 le retard est considérable : le viaduc de Fermanville n'est même pas commencé [6].

À Cherbourg, le départ a lieu à la « gare de Barfleur », petit bâtiment blanc caractéristique qui sert aujourd'hui de gare routière, à côté de la nouvelle criée, puis la ligne utilise la plateforme de l'embranchement militaire qui conduit au fort des Flamands, mais sur une voie indépendante parallèle à la voie militaire. Elle passe au pied de la montagne du Roule, franchit le Trottebec au hameau de Bagatelle (Tourlaville), où une halte est établie. Peu avant la gare des Flamands, la voie croise à niveau la voie militaire et forme avec elle un tronc commun de 26 mètres exactement. Puis elle bifurque sur la droite et dessert alors la gare des Flamands. Le port des Flamands est lui desservi par la voie militaire (qui par la suite, deviendra embranchement SNCF des Mielles).

La ligne, finalement inaugurée le 8 juillet 1911, est exploitée par la compagnie des Chemins de fer de la Manche (CFM), fondée en 1908.

Le 9 juillet 1911, 300 voyageurs empruntent le premier convoi de six wagons tirés par une locomotive Weidknecht 030T. Le premier déraillement est signalé le lendemain [4]

«A peine la ligne de Cherbourg-Barfleur est-elle inaugurée qu'un déraillement s'y est produit, à la station de Gouberville, par suite d'un aiguillage défectueux. La locomotive et trois wagons avaient suivi la voie, tandis que le reste du train suivait une autre ligne. Il fallut détacher les wagons, et les voyageurs durent pour regagner Cherbourg s'entasser dans les wagons de tête [7]. »

En 1912, le prix du billet pour le trajet Cherbourg-Barfleur est de 2,40 F en première classe et de 1,75 F en seconde classe [8].

En 1928, l'exploitation de la ligne est reprise par la Compagnie des chemins de fer normands [1].

Le 13 mars 1937, le Conseil général de la Manche décide de supprimer la ligne au 1er janvier 1938, faute d'une rentabilité suffisante [9]. La résistance s'organise aussitôt. Le 21 avril, une centaine d'élus se retrouvent à Saint-Pierre-Église pour signifier leur opposition. Deux semaines plus tard, le Conseil général décide de reporter la suppression à une date ultérieure [10].

La ligne est réquisitionnée par l'occupant allemand pour acheminer les matériaux pour l'édification du mur de l'Atlantique [4].

Sabotée en juin 1944 par les Allemands, rapidement remise en service par les Américains [4], la ligne est finalement fermée le 30 septembre 1950 [11]. En effet, le déficit avait été estimé à 27 millions de francs pour l'année 1949 et le Conseil général de la Manche avait voté la fermeture des dernières lignes de chemin de fer d'intérêt local de la Manche le 15 février 1950 par 23 voix contre 15 [1] et une abstention.

Les liaisons entre Cherbourg et Barfleur se font désormais en car. L'enlèvement des rails, confié à l'entreprise Fassio, dure jusqu'en 1953, date à laquelle la route touristique est inaugurée [12].

Une grande partie de la plateforme de la voie ferrée est encore visible et praticable tout au long du tracé, ainsi que presque tous les « bâtiments voyageurs » désaffectés, la plupart du temps reconvertis en maison d'habitation. Mais le principal témoin de cette époque est le viaduc de Fermanville, dans la vallée des Moulins, parfaitement conservé.

Gares et haltes

Horaires de la ligne en 1914
Horaires de la ligne en 1914

En italique les gares dont les bâtiments sont toujours existants. Sur l'indicateur horaire de 1914 ci-contre, les termes de « gare » ou de « halte » ne sont pas employés selon une logique aujourd'hui compréhensible. Pour écrire les pages consacrées à toutes ces étapes, nous avons utilisé le terme général de « gare ».

Il faut signaler aussi la gare anglaise des Flamands. Cette gare de triage d'intérêt stratégique a été raccordée tant sur la ligne Paris-Cherbourg que sur la ligne du Tue-Vaques.

Les « bâtiments-voyageurs »

Tous les bâtiments subsistants, sont reconvertis en maisons individuelles sauf celui de Cherbourg, d'abord transformé en gare routière puis en ateliers pour les activités de pêche, et celui de Saint-Pierre-Église reconverti en ensemble de logements sociaux.

Ils ont tous été bâtis selon le même modèle : pavillon central à R+1 avec trois baies par étage en façade, ailes latérales à R+0 closes et couvertes, chaînages, jambages, appuis et linteaux de fenêtre en briques, remplissages enduits de couleur claire. Il y a eu probablement quelques variantes dans la disposition des baies à rez-de-chaussée. Toutes les couvertures sont en bâtière dont le faîtage est parallèle à la voie ferrée, sauf la gare de Cherbourg qui a des toits-terrasses. L'étage central abritait certainement le logement du chef de gare, les ailes latérales sont probablement une bagagerie et une lampisterie.

Les bâtiments annexes

On trouve encore des maisons de garde-barrière Au Becquet, à Rauville et à Quénanville : une unique pièce à rez-de-chaussée, sans annexe, avec deux baies en façade, une en pignon et un toit en bâtière. Il reste qu'on ne sait rien pour l'instant des installations de Maupertus et Carneville. Quant à Barfleur, le BV est celui de la ligne Valognes Barfleur, bien antérieure (1886) à la construction du Tue-Vaques (1911). Il y a certes un air de famille, mais guère plus.

Les dépôts ou ateliers ne semblent pas avoir été standardisés. On sait qu'il y en avait un aux Flamands (qui est d'ailleurs subsistant), et d'importantes installations à Gatteville, dont il ne reste plus rien.

Tracé

Le tracé est toujours en grande partie visible et praticable, notamment depuis le Becquet jusqu'à Fermanville trajet sur lequel la « route touristique » emprunte la plateforme de l'ancienne voie ferrée. De nombreux autres tronçons sont subsistants. On a décrit au mieux le trajet sur la page de chacune des gares dans une section intitulée : « sur les traces du Tue-Vaques ».

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Matériel roulant

  • 5 locomotives Weidknecht type 030T de 20 tonnes à vide n°301 à 305
  • 19 voitures voyageurs à deux essieux et plateformes d'extrémités ouvertes, protégées par un auvent vitré rabattable, dont :
    • 6 mixtes type AB
    • 13 voitures de type B
  • 5 fourgons à bagages
  • 36 wagons marchandises [13], dont :
    • 20 couverts,
    • 6 tombereaux,
    • 8 plats,
    • 2 wagons à traverse mobile

Témoignage

On avait recueilli une étrange anecdote auprès de Paul Tesson : il y avait - disait-il - des remorques à un seul essieu destinées aux voyageurs, dont les portes donnaient sur la voie et pas sur le côté. L'une d'elle brisant son attelage était tombée à la renverse, et s'était trouvé posée debout sur sa porte, emprisonnant ainsi les voyageurs.

L'histoire semblait inventée comme une blague : qui aurait eu l'idée de construire un véhicule aussi étrange pour les chemins de fer ?

En fait on sait que :

« Sous l’impulsion des CFN apparurent de nouveaux véhicules sur la ligne, avec la mise en circulation d’automotrices à essence construites sur châssis de camions américains GMC et leurs remorques, puis d’autorails diesel de conception Verney [14]. »

C'est nous qui avons souligné. Ceci se passe certainement à la libération, et rend du coup l'accident plausible. On ne sait pas s'il a fait des blessés.

Accidents mortels impliquant des vaches

Bibliographie

Documents administratifs
  • « Chemin de fer d'intérêt local. Ligne de Cherbourg à Barfleur », Rapports et délibérations. Département de la Manche, Conseil général, Saint-Lô, 1er janvier 1905, p.296-300 (lire en ligne).
Livres
  • Alain de Dieuleveult, Michel Harouy, Quand les petits trains faisaient la Manche, Le Mans, éd. Cénomane, 1988
  • Michel Harouy, Le Val de Saire au temps du Tue-Vâques, Cheminements, 2005, 219 p., ill.
  • Michel Harouy, Un petit train de la Manche (Granville, Coutances, Lessay, Sainte-Mère-Église-Montebourg 1907-1932), éd. Cheminements, 2006
Articles
  • Paul Ingouf, « Au bon vieux temps du Tue-Vaque Cherbourg-Barfleur », La Presse de la Manche, 13, 18 et 19 mars 1975.
  • Philippe Lebresne, « Sur la piste du "Tue-Vaques" », Manche Magazine, n° 6, 1982.
  • Pierre Guéroult, « Le tue-vaques », récit, in En rabûquiaint dans l' vûx temps, contes en patois du nord de la Manche, Picauville, 1953; réimpr. (en orthographe normalisée) in Pierre Guéroult, Contes et récits, OCEP, Coutances, t. 1, 1978, p. 141-144.
  • Alfred Rossel, « Le tram de Chidbouorg à Barflleu », Vikland, n° 5, 2013

Notes et références

  1. 1,0 1,1 1,2 et 1,3 Michel Hébert et Philippe Coligneaux, Cherbourg, coll. Mémoire en images, éd. Alan Sutton, 1996, p. 66.
  2. Louis Sallé, « Coup d'œil sur l'histoire de Cherbourg », Cherbourg et le Cotentin, impr. Émile Le Maout, Cherbourg, 1905, p. 184.
  3. 3,0 et 3,1 « Cherbourg-Barfleur : la nouvelle voie ferrée », Cherbourg-Éclair, 3 septembre 1909.
  4. 4,0 4,1 4,2 et 4,3 Frédéric Patard et Gérard Léonard, « La gare du “Tue-Vaques” », Guide du Promeneur - Cherbourg Octeville, Isoète, 2007, p. 189.
  5. L'écartement de 1,44 m est appelé « voie normale ». C'est l'écartement standard utilisé un peu partout en Europe.
  6. Journal de la Manche et de la Basse-Normandie, 2 mai 1908 (lire en ligne). - première colonne à gauche.
  7. Le Temps; 12 juillet 1937 (lire en ligne)..
  8. Cherbourg-Éclair, 10 avril 1912.
  9. La suppression de la ligne Cherbourg-Barfleur, L'Ouest-Éclair, 23 mars 1937 (lire en ligne)..
  10. « 120 ans en Cotentin 1889-2009 », La Presse de la Manche, hors-série, novembre 2009.
  11. Réunie en octobre 1947 à Valognes, la commission des chemins de fer avait déjà fait voter par l'assemblée départementale la fermeture du trafic des voyageurs sur les lignes "Saint-Vaast-la-Hougue - Montebourg" et la fermeture totale de la portion "Saint-Martin-d'Audouville - Valognes"
  12. « Un dernier adieu à la ligne Cherbourg-Barfleur », Ouest-France, 16 avril 1953.
  13. Manche Océan, mémoires de L'ouest État (lire en ligne). à vérifier.
  14. E Fouvreaux, site Transpotrail, (lire en ligne).
  15. Cherbourg-Éclair, 27 octobre 1935.

Liens internes

Lien externe