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Jean de Vitel

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Jean Vitel, né à Poilley le 17 février 1569 [1] , est un poète et écrivain de la Manche.

Le grand mouvement de la Renaissance a suscité dans la plus belle partie de la Normandie -l'Avranchin- un poète qui mérite d'être connu à plusieurs égards. D'abord, les exemplaires de ses œuvres sont devenus très rares ; ensuite, son originalité littéraire et son mérite national consistent à avoir porté peut-être plus loin que personne l'imitation de l'antiquité, et avoir exagéré son maître Ronsard, qui est pour lui le divin Vendosmois. Son intérêt local est incontestable, puisqu'outre son origine avranchinaise, il a chanté, d'une manière symbolique ou directe, les grandes familles du pays, ses grands établissements religieux tels que la cathédrale d'Avranches, l'abbaye de Montmorel, et celle du Mont-Saint-Michel. Son principal poème, la Prinse du Mont-Saint-Michel, célèbre un évènement important, la reprise de cette abbaye-forteresse par Lamoricière de Vicques sur les soldats de Mongommery, qui s'étaient déguisés en pèlerins.

Biographie

Il naît en 1569 au manoir des Lentilles, dans la commune de Poilley, au bord le ruisseau Foucaut, qu'il a divinisé et chanté. Il nous donne lui-même ces détails :

Le sautelant troupeau des Dryades gentilles
Qui caroloient au frais des grands bois de Lentilles
Manoir qui fut mon bers...
Le vieil Dieu Foucaut à la barbe hérissée,
Ce bon Dieu qui souvent de son crystal coulant,
Benin, resconfortoit mon poulmon pantelant,
Lorsque je m'esgarois sous les fresches ramées
A poursuivir au trac les muses bien aymées.

Vitel reçoit une éducation de son oncle, curé de Granville qui lui apprend la versification. Il reste seul de trois enfants. Retiré à Condac, en Poitou, il y jouit de l'amitié d'un gentilhomme angevin. Il étudie à Rennes la poésie latine sous Symon Samson, homme docte et prudent, auquel il dédie plus tard une ode. De là, il va à Paris, où il étudie la théologie, sous maître Mauclerc, auquel il dédie une de ses premières odes comme on offre aux Dieux des moissons la première javelle.

En 1588, il publie ses poésies sous le titre de :Premiers exercices poétiques, par Jean Vitel, Avranchois. Paris, de l'imprimerie de Pierre Huy, demeurant à la cour d'Albert, près Saint-Hylaire. Ils contiennent l'Hymne à Pallas, La Prinse du Mont-Saint-Michel, l'Imitation de deux idylles de Théocrite, Discours, Épilogues, Élégies, Tombeaux. Ils sont dédiés au « très illustre et révérendissime prélat Monseigneur Charles de Bourbon, cardinal de Vendôme, archevesque de Rouen ». Le poète avait reçu des félicitations en toutes langues qui figurent en tête de ce Recueil de poésies dont le titre annonce probablement que dans le projet de l'auteur, elles ne sont qu'un commencement.

Une chose qui frappe, c'est le grand nombre de patrons distingués auxquels se recommande notre poète. L'Hymne à Pallas est dédié au cardinal de Vendôme. On s'imaginerait, dès lors, que sous une forme païenne, le poète a chanté la sagesse chrétienne personnifiée dans un prélat. Mais l'ode est telle que Pindare aurait pu la concevoir en l'adressant au grand-prêtre du Parthénon : c'est l'histoire de la chaste et docte déesse. La Prinse du Mont-Saint-Michel est le poème le plus considérable de Vitel, celui qui a le plus d'intérêt local : il est dédié à Lamoricière de Vicques, seigneur de l'Isle-Manière. Ce poème est une imitation complète de l'Antiquité ; mais il renferme quelques fois de l'intérêt, de bonnes traductions, d'heureux vers, et de curieuses descriptions locales. Le Discours d'un Songe est dédié à M. de Saint-Germain, abbé de Chalis. L'Églogue, dressée sur l'accueil de François Pericard est un dialogue entre trois bergers sur les malheurs du temps. Ces trois bergers sont : Michau, qui personnifie le Mont-Saint-Michel ; Mireleau qui personnifie l'abbaye de Montmorel, et Avranchin, bonne figure rustique, qui leur apprend que Pan a eu pitié de la bonne Andrine (c'est-à-dire d'Avranches, dont la cathédrale est dédiée à Saint-André), et qu'il lui a envoyé "le Grand Pericardin". Le Discours à Messieurs d'Avranches offre un grand intérêt local.

On ignore la date de la mort de Vitel. Il a eu les honneurs de plusieurs Notices : il y a celle de M. Boyssou d'Avranches, qui est une juste appréciation de son mérite poétique ; celle de Philippon de la Madelaine, qui a dit que ses vers sont "pleins de poésie" (Dictionnaire historique des poètes français) ; celle de Gouget, dans la Bibliothèque française, 13e volume, et dans la Biographie universelle de M. Weiss. Celui-ci trouve de l'invention dans sa Prinse du Mont-Saint-Michel

Aujourd'hui les grands bois de Lentille ont disparu mais il restait au XIXe siècle encore des vestiges du manoir, quelques portes cintrées, et, dans une étable une vaste cheminée du XVIe siècle. Auprès, la Croix-Vitel garde encore le nom du poète.

Pour donner une idée du langage que parle sa muse, il suffit de détacher quelques expressions : le Haut-Tonnant (altitonans), le Bien-Astré, l'obscur des bois (obscura sylvarum), le blanchissant honneur de son pudique sein (nitens honor), baller d'un pied nombreux, les Chèvres-pieds (capripedes), les Satyres, etc. Les périphrases sont latines : le Chien trois fois testu, la Déesse bletière, le Père vineux, le Chien portier, l'Aveugle contrée, l'enfer (cæca regna).

La mythologie se mêle aux idées chrétiennes, associant notamment Morphée et saint Aubert :

Morphée lui feist voir en habit vénérable,
Tout mitré, tout crossé, et en barbe honorable,
Le sainct Évesque Aubert....

Quant aux idées, elles sont généralement empruntées à l'Antiquité. Le poème de La Prinse du Mont-Saint-Michel est un canevas versifié, dans lequel il a introduit toutes les machines poétiques ; il y a un bouclier, des Adieux, un Dénombrement, des généalogies, des substantifs grecs incarnés, des Thrason, des Phautose, des Polydendrons et un grand luxe de dieux, de déesses, de nymphes, etc.

On ne connaît que trois exemplaires de ces œuvres dont l'un à la bibliothèque Mazarine de Paris et un autre dans celle de Caen.

Hommage

Une rue d'Avranches porte son nom.

Sources

  • Édouard Le Héricher, Annuaire du département de la Manche, Saint-Lô, 1863.
  • Pierre Larousse, Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle,¨Paris, 1866-1877

Notes et références

  1. La Prinse du Mont Saint Michel de Jan de Vitel, introduction et notes de E. de Robillard de Beaurepaire, Avranches, Auguste Anfray, libraire, 1861.

Lien externe