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Jean-Baptiste Lecarpentier

De Wikimanche

Jean-Baptiste Lecarpentier, huissier puis révolutionnaire, est né à Hesleville en 1760 et mort au Mont-Saint-Michel le 28 janvier 1828.

Ses parents, cultivateurs peu aisés, s'imposent des sacrifices pour l'envoyer étudier au collège de Valognes. Après avoir terminé ses études, il entre comme clerc chez un huissier nommé Levrac. Après y avoir travaillé quelques années, et grâce à de nouveaux sacrifices de sa famille, il achète l'étude de son patron. La clientèle, déjà mince, ne fait que diminuer entre les mains de Lecarpentier.

Il végète obscurément à Valognes quand la révolution arrive. Il en embrasse la cause avec ardeur, dès le premier instant, et à mesure qu'elle grandit, son patriotisme grandit aussi. Avec deux ou trois autres huissiers, également sans clientèle, un avocat sans causes, nommé Vabeuf, un mommé Gamas, il organise dans cette ville une société populaire dont il se nomme président et qui agite fortement le département. Il appuie la circulaire du comité de surveillance de la commune de Paris, du 2 septembre 1792, qui a produit à Meaux, Lyon, Reims, Orléans, etc., de terribles effets.

Si les efforts qu'il fait en cette circonstance n'obtiennent pas tout le succès qu'il avait désiré, ils lui valent du moins l'honneur d'être nommé député de l'arrondissement de Valognes à la convention nationale, où il ne joue d'abord qu'un rôle à peu près nul, et demeure longtemps confondu dans la foule des plus ardents révolutionnaires. La première fois qu'il monte à la tribune et se révèle à la France, c'est contre Louis XVI dont il presse le jugement. Il fait ajouter de nouveaux griefs à l'acte d'accusation, s'oppose à ce que les témoins de l'enlèvement des papiers de l'armoire de fer, et particulièrement Roland, soient entendus à la barre ; enfin il veut qu'on prononce la condamnation avant de décider la question de l'appel au peuple; "Ce serait servir les intrigants, les modérés, les aristocrates, dit-il, que de dire "oui", et alors je dis "non". Je vote pour la mort et contre le sursis."

Il continue de siéger à la montagne, à côté de Marat et de Robespierre. Il ne parle plus qu'à la séance du 23 juin 1793, où les jacobins et les 48 sections de Paris viennent complimenter la convention sur l'achèvement de la constitution. L'orateur de la députation ayant glissé dans son discours quelques consils sur la nécessité de faire la guerre aux modérés, aux aristocrates, aux conspirateurs, etc., Lecarpentier s'écrie de sa place : "L'orateur a raison ; les mesures qu'on emploie sont insuffisantes. La convention doit mettre hors la loi tous les administrateurs rebelles, et à autoriser tous les citoyens à courir sus comme sur des bêtes féroces. Cette improvisation est accueillie avec des applaudissements de toute la salle et des tribunes. Lecarpentier peut dès lors surtout se considérer comme un personnage.

Il fait deux ou trois discours aussi forts de verve et aussi remarquables par leur concision ; après quoi il est jugé digne par le comité de salut public d'aller mettre en pratique ce qu'il enseigne si bien. C'est dans son propre département qu'on l'envoie "courir sus aux aristocrates comme sur des bêtes féroces". La première ville où il parait est Granville. Il commence "à la mettre au pas" lorsque l'armée de Vendée commandée par la Rochejacquelin vient en faire le siège. On sait avec quelle énergie les habitants repoussèrent les assauts donnés à leurs murailles ; on sait moins que Lecarpentier, enfermé dans la place s'y montre d'une couardise extrême ; il cherche à s'évader par le côté opposé à celui où les Vendéens donnent l'assaut, et il est ramené de force par une vingtaine de jeunes gens indignés de sa lâcheté, et qui, plus tard, pensèrent payer très cher leur témérité. Après la levée du siège, Lecarpentier fait rechercher ces jenes gens, et il parle de les somettre à une commission militaire, comme ayant outragé un représentant du peuple en fonction ; mais ils auront la chance d'échapper à ses poursuites.

De Granville, Lecarpentier se rend à Avranches ; il y met, dès son arrivée "la terreur à l'ordre du jour". En moins d'une semaine 200 personnes sont emprisonnées ce qu'il annonce à la convention en ces termes dans une lettre du 17 ventôse an 2 ; "J'annonce avec plaisir qu'au moyen des "purgatifs" révolutionnaires qui ont été et qui seront encore employés ici, l'aristocratie, le fédéralisme et la superstition, en un mot, tous les éléments incompatibles avec la république sont replongés dans le néant". Lecarpentier parcourt ainsi les autres villes du département confié à sa vigilance, employant partout les mêmes "purgatifs". D'Avranches, il écrit au comité de salut public :"J'appesantis pour ma part le poids de la justice nationale sur les conspirateurs. Je ne fais grâce à personne ; voilà encore du "gibier" de Saint-Lô, de Coutances de Carentan".

Il se dirige ensuite vers Valognes où il avait vécu si longtemps obscur et méprisé. Il lui fait payer cher les affronts subis. La consternation est générale quand on apprend qu'il doit venir. Elle augmente encore lorsque l'on voit les garnements du lieu, précédés des membres du comité révolutionnaire, aller en foule à sa rencontre et rentrer escortant la berline à quatre chevaux qui porte le représentant et son épouse. Les glaces étant baissées, on peut contempler à l'aise le digne couple qui s'y pavane avec une orgueilleuse impudence, et répond aux acclamations du peuple par des saluts de protection.

Lecarpentier s'installe dans l'hôtel du marquis d'Ourville, qui est déjà en prison ; et dès le lendemain, il ordonne la mise en arrestation de tous les notables qui ne sont pas encore arrêtés, puis de tous les bourgeois suspects.