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Inauguration de l'avant-port militaire de Cherbourg (1813)

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Mise en eau.

Présentation

La construction du port militaire de Cherbourg est décidée par Napoléon Ier.

En août 1813, alors que l'empereur Napoléon Ier livre bataille à Dresde (Allemagne), l'avant-port, creusé dans le roc, est mis en eau, en présence de sa femme, l'Impératrice Marie-Louise.

L'impératrice à Cherbourg

L'impératrice Marie-Louise d'Autriche arrive à Cherbourg le 25 août, à 20 h, accompagnée de la duchesse de Montebello, la comtesse de Luçay, la comtesse de Montalivet, la duchesse de Castiglione et le comtesse de Noailles, dames de sa cour ; du maréchal Moncey, duc de Conégliano, du sénateur comte de Beauharnais, du prince Aldobrandini, du général compte de Caffarelli, du comte de Béarn, du comte de Lillers, du baron de Cussi, de Guerchy, d'Hériqy, de Lamberti, du sénateur comte Rœderer, ministre secrétaire d'État du grand-duc de Berg... [1].

L'impératrice est reçue à « l'entrée de la promenade du Roule » par le corps municipal, le sous-préfet, le général Latour-Maubourg, le comte de Fay, commandant la division, un détachement de la garde d'honneur à cheval, les grenadiers et les chasseurs de la cohorte urbaine et la musique de la garde nationale [1]. Deux colonnes d'ordre dorique, surmontées de deux aigles, ont été dressées de part et d'autre de la route [1]. Marie-Louise d'Autriche gagne en voiture hippomobile l'hôtel de la préfecture maritime, où l'attend le duc Decrès, ministre de la Marine, arrivé la veille [1].

Le 26 août, l'impératrice se rend au Port Napoléon pour visiter la forme de radoub et descend au fond du bassin [1]. Dans deux excavations creusées, « l'une en face de la passe, l'autre en avant de la forme », une boîte en chêne recouverte d'une feuille de plomb, renfermant « toutes les pièces de monnaie françaises en circulation et quatre-vingt médailles en bronze du règne de l'empereur » [1]. On dépose également dans chacune de ces fosses une plaque en platine mentionnant l'événement (voir plus loin) [1]. L'impératrice se retire : elle est la dernière personne à avoir foulé le sol du bassin [1].

En présence de l'Impératrice.

Le maire de Cherbourg Pierre Joseph Delaville prononce le discours suivant :

« Madame, Votre Majesté vient ici couronner par sa présence une des plus vastes entreprises qu'ait exécuté la main des hommes, qui, par sa grandeur et son utilité, suffirait pour illustrer le règne d'un monarque ordinaire ; mais qui, dans un siècle de prodiges, ira se confondre avec les autres merveilles qui signalent le règne de Napoléon-le-Grand. Ce qui fixera plus particulièrement les regards sur l'époque où nous vivons, ce sera le spectacle d'un monarque obligé de soutenir à la fois une guerre terrible aux deux extrémités de l'Europe, quittant ses états pour aller combattre ou négocier à trois cents lieues de la capitale, remettant les rênes du gouvernement aux mains d'une princesse de vingt ans ; et la plus tendre des mères laissant l'amour de ses peuples pour toute garde de l'héritier du trône, et consentant à s'en éloigner pour aller aux confins de son empire présider elle-même à l'exécution des projets de son auguste époux ; ce trait que l'histoire conservera comme un témoignage de la plus touchante réciprocité dans les affections ; ce trait, Madame, qui nous frappe aujourd'hui davantage, parce nous avons le bonheur de jouir de votre présence, sera à jamais cité comme un des plus beaux monuments de dévouement, de confiance et d'amour. » [1].

L'impératrice va ensuite se promener en voiture jusqu'au château de Martinvast [1].

Le soir, Marie-Louise reçoit les hommages de trente jeunes filles qui lui offrent une corbeille remplie des plus belles dentelles de la manufacture de Cherbourg et lui présentent une pièce en vers [1].

Le 27 août, l'impératrice prend la route de Querqueville et s'arrête dans l'anse Sainte-Anne pour une promenade d'une heure sur le bord de la mer [1]. Vers 18 h, elle retourne au Port-Napoléon pour assister à l'immersion de l'avant-port militaire, en présence de 25 000 personnes [1]. Elle admire le spectacle grondant pendant une heure, puis retourne au palais [1]. Le batardeau ayant cédé, elle revient vers 21 h 30 pour contempler le spectacle alors qu'un feu d'artifice est tiré de la montagne du Roule [1]. Elle ne rentre en ville qu'un fois le bassin rempli [1].

Le 28 août, en fin de matinée, l'impératrice rejoint l'arsenal et se rend sur la digue à bord d'un canot pour y déjeuner ; tandis que les navires de l'escadre saluaient son passage par « une triple décharge de toute leur artillerie » [1]. Au retour, l'impératrice monte à bord du Courageux pour y passer l'équipage en revue [1].

À 20 h, l'impératrice reçoit les dames de la ville et rejoint le théâtre de la Comédie pour assister à une représentation de la pièce Le Petit matelot, jouée par les acteurs de l'Opéra-Comique, venus spécialement de Paris [1]. Pendant ce temps, tous les navires allument leurs lumières et lancent des fusées [1].

Le 29 août, l'impératrice assiste le matin à une messe célébrée par l'évêque de Coutances [1]. L'après-midi, son projet de visiter le Fort-Impérial est annulé en raison du vent et d'une mer démontée [1]. À 21 h, Marie-Louise se rend au bal organisé par la ville dans une des salles de l'arsenal.

Le 30 août, à 13 h, l'impératrice rallie l'arsenal pour visiter les cales Chantereyne et naviguer sur les eaux de l'avant-port enfin rempli [1]. Elle fait ensuite une promenade au Roule, puis assiste à un opéra-comique au théâtre de la Comédie [1].

Le 31 août, Marie-Louise se rend l'après-midi au sommet de la montagne du Roule pour admirer le panorama [1]. Elle descend à pied lorsqu'elle reçoit une dépêche de Napoléon lui apprenant que son père, François Ier d'Autriche, venait de s'allier à la Russie et à la Prusse contre l'empire français [1].

Le 1er septembre, l'impératrice quitte Cherbourg à 9 h 30, non sans avoir remis au maire 6 000 F pour les pauvres de la ville [1].

Dans Le Moniteur (extraits)

Le quotidien parisien Le Moniteur universel publie un compte rendu détaillé du séjour de l'impératrice Marie-Louise. En voici quelques extraits :

24 août : « Tous les préparatifs à Cherbourg, tant en ville qu'au port Napoléon, sont terminés pour la réception de S.M. l'Impératrice, reine et régente, qu'on y attend à tout moment. On ne se lasse pas d'admirer la belle tenue du détachement des marins de la garde impériale, arrivé depuis quelques jours.
25 août : « Sa Majesté l'Impératrice, reine et régente, est arrivée ce soir à Cherbourg, à neuf heures.
26 août : « À onze heures de matin, Sa Majesté a visité le port Napoléon.
« Cette construction présentait des obstacles qui semblaient insurmontables ; pour les vaincre, il fallait autant de constance que de génie, mais il fallait encore vivre sous un prince à qui rien n'est impossible, et qui crée et exécute toutes les grandes entreprises : le succès de celle-ci ne sera pas une des merveilles les moins étonnantes de son règne : l'enceinte intérieure de ce monument est creusée à 60 pieds de profondeur au-dessous de la mer ; la cale est un lieu immense destinée à construire et à réparer les vaisseaux. Il a fallu creuser le rocher, pour établir cette cale ; et l'on y a apporté tant de soin que l'on croit, alors qu'on s'y promène, parcourir le péristyle d'un palais. On a trouvé plusieurs lames d'eau ; on les a rassemblées avec art, et l'on est parvenu à créer une fontaine intarissable qui fournit 5 pintes d'eau par minute. Cette découverte est une des plus importantes que l'on pouvait faire. L'inscription provisoire, placée au fond de la cale, est ainsi conçue :
Napoléon le Grand
a décrété
le 15 mars 1805
qu'un port serait creusé
pour les plus grands vaisseaux de guerre
dans le roc de Cherbourg
à 50 pieds de profondeur
au-dessus des hautes marées.
Ce monument a été terminé
et son enceinte ouverte à l'Océan,
le 27 août 1813,
En présence de S.M. Louise d'Autriche,
Napoléon le Grand étant en Allemagne
à la tête de ses armées.
« Depuis 1805, que l'on est occupé à la construction de l'avant-port, la mer s'est élevée plusieurs fois, pendant l'hiver, à 40 pieds au-dessus de son sommet, et n'a laissé les digues découvertes que de trois lignes. Ainsi, l'on a été souvent contraint de suspendre les travaux sans savoir si l'on pourrait les reprendre. On peut juger par là quels obstacles on a eu à surmonter.
26 août : « Aujourd'hui à midi, S.M. a visité tous les travaux maritimes ; elle est descendue dans le bassin, s'est reposée sous le pavillon dressé dans la cale pour la recevoir. Et là, après avoir admiré cette conquête étonnante de l'art sur la nature, l'Impératrice a conféré, au nom de l'Empereur, le titre de baron de l'empire à M. Cachin, directeur des travaux, et a remis la décoration de l'Ordre de la Réunion à M. Duparc, ingénieur en chef.
« Deux bâtiments anglais croisaient en mer pendant cette cérémonie et se tenaient à une distance d'environ quatre lieues.
27 août : « Rien de plus admirable que le spectacle dont Cherbourg vient d'être témoin. Ce matin, on a publié dans la ville, que l'enceinte du nouveau port serait ouverte, après midi, à l'Océan. Dès une heure, plus de 40 000 personnes couvraient toutes les avenues qui y conduisent. Des tertres, des monticules distribués çà et là dans le port, offraient à ce peuple immense, comme des amphithéâtres sur lesquels il s'est placé dans le plus grand ordre, et d'où il pouvait saisir d'un seul coup-d'œil l'immortelle fête qui se préparait.
« À six heures, des salves d'artillerie annoncèrent l'arrivée de S.M. La foule qui remplissait le port s'ébranla alors tout entière et se porta, par un mouvement spontané, sur le passage de l'Impératrice. Qui pourrait retracer le tableau qu'offrit ce moment ! Au bruit de l'airain retentissant de toutes parts, se mêlaient les élans de l'amour et de la joie.
« Représentez-vous ensuite la marche majestueuse des vaisseaux qui voguaient dans le port en saluant notre auguste souveraine, l'imposante procession des prélats qui répandaient autour d'eux l'eau sainte et les bénédictions ; l'Océan qui, cherchant à briser les liens que lui avait opposés le génie et qu'il lui permettait enfin de rompre, jaillissait en cascades à travers la digue, et vous n'aurez encore qu'une imparfaite idée de cette réunion de choses merveilleuses faites pour porter l'enthousiasme dans l'âme de tous les spectateurs.
« À mesure que la marée s'éleva, les flots de l'Océan se répandirent avec plus d'abondance dans le port. À neuf heures sept minutes du soir, la digue s'écroula avec un fracas épouvantable ; l'Impératrice qui s'était retirée un moment, revint prendre part à ce nouveau spectacle ; elle était environnée de Son excellence le ministre de la marine, du directeur général des travaux et du préfet maritime. L'effet était magnifique ; tous les gens de l'art admiraient la précision avec laquelle M. Cachin savait se rendre maître des événements et les gouverner à sa volonté. en moins d'un quart-d'heure, tout le bassin fut rempli et l'eau portée à toute la hauteur qu'elle doit avoir, c'est-à-dire à 50 pieds environ.
« L'ouvrage était complet et le grand problème résolu sans qu'il en eût coûté la vie à un seul homme, ni qu'un seul eput été blessé, malgré la hardiesse des opérations qu'il fallut faire pour la prompte démolition de ce boulevard qui avait dû être assez fortement construit pour résister, pendant cinq ans, aux vagues de la mer et à tous les accidents. Un bouquet de fusées avait été placé sur la montagne du Roule. Il fut tiré au moment même où le batardeau disparaissait. Les vaisseaux de ligne qui étaient dans la rade approchèrent majestueusement, et dans le plus bel ordre, du batardeau ; ils en vinrent jusqu'à une portée de pistolet, ce qui ajouta infiniment à l'effet du spectacle et donna une avant-idée de leur prochaine entrée dans le port. »

Bibliographie

  • Procès-verbal du séjour de l'impératrice Marie-Louise à Cherbourg

Notes et références

  1. 1,00 1,01 1,02 1,03 1,04 1,05 1,06 1,07 1,08 1,09 1,10 1,11 1,12 1,13 1,14 1,15 1,16 1,17 1,18 1,19 1,20 1,21 1,22 1,23 1,24 1,25 et 1,26 Voisin La Hougue, Histoire de la ville de Cherbourg continuée de 1725 à 1835 par Vérusmor, Impr. Boulanger, Cherbourg, 1825, pp. 304-319.

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