Actions

« Histoire du Hutrel : vie associative et fêtes populaires, de 1931 à 1994 » : différence entre les versions

De Wikimanche

(Mise en page)
Ligne 107 : Ligne 107 :
* [http://fanmusik.com/dvd/claude-francois-podium.php Claude François]
* [http://fanmusik.com/dvd/claude-francois-podium.php Claude François]
* [http://fr.wikipedia.org/wiki/Stone_et_Charden Stone et Charden sur WikiPédia]
* [http://fr.wikipedia.org/wiki/Stone_et_Charden Stone et Charden sur WikiPédia]
==Voir aussi==
* [[Livre d'or du Hutrel]]
* [[Histoire du Hutrel : du Moyen-Âge à la Révolution]]
* [[Histoire du Hutrel : de 1800 à l'occupation allemande]]
* [[Histoire du Hutrel : juin et juillet 1944]]
* [[Histoire du Hutrel : de l'après-guerre à 1964]]
* [[Histoire du Hutrel  depuis 1995 : vie associative et fêtes populaires]]
==Lien externe==
*  Géolocalisation{{GeoDMS|49|06|07|N|1|05|56|W}}


[[Catégorie:Le Hutrel|Histoire 1931]]
[[Catégorie:Le Hutrel|Histoire 1931]]

Version du 21 mai 2018 à 10:42


Le lieu-dit Le Hutrel est un petit village à l'ancienne niché dans la ville de Saint-Lô. Par son architecture, son histoire, c'est un lieu unique, qui ne laisse personne indifférent.

Si vous êtes tombé par hasard sur cette page, l’article intitulé Le Hutrel vous permettra de situer notre petit coin de Normandie.

Préambule

La vie associative est très riche en France : aujourd’hui on dénombre 1,1 million d’associations loi 1901. Le Hutrel, situé au centre de l’ancienne commune de Saint-Thomas-de-Saint-Lô jusqu’en 1963, rattaché ensuite à Saint-Lô, s’inscrit dans cette dynamique nationale. Mais au Hutrel, la vie associative a deux caractéristiques particulières : d’abord sa longévité (de 1931 à nos jours), ensuite un symbole fort, sa fête, sans cesse reprise et renouvelée.

La fête du Hutrel de 1931 à l'après-guerre

Selon la tradition orale du village, la première fête du Hutrel s’est déroulée en 1931. Il s’agissait de repas de bienfaisance organisés par une association d’anciens combattants. Le 15 mai 1934, jour de l’Ascension a lieu la « Grande fête du Hutrel », avec le programme suivant : 11 h : défilé devant le monument aux morts ; 11 h 30 : remise des écharpes au maire et à l’adjoint, vin d’honneur offert aux anciens combattants ; 14 h : fête foraine Le soir : retraite aux flambeaux, feu d’artifice et bal.

Les grands traits de la Fête du Hutrel sont déjà fixés. La cérémonie devant le monument aux morts, le vin d’honneur existent toujours. La fête a toujours lieu le jour de l’Ascension, dit « Jour Scension » par les anciens du village. Quant à la fête foraine, si elle n’existe plus aujourd’hui, elle prendra une grande extension dans les années 1960-1970.

Concernant la remise des écharpes, précisons qu’il s’agissait de l’installation officielle du nouveau maire de Saint-Thomas, M. Polin, et de son adjoint. Aujourd’hui encore, le maire de Saint-Lô est toujours présent le jour de la fête.

Après la guerre une messe en plein air sera célébrée le matin par le prêtre ou l’archiprêtre de Notre-Dame-de-Saint-Lô. La cérémonie religieuse se déroule devant la statue de la Vierge inaugurée en 1946, qui rappelle les évènements tragiques de juin-juillet 1944. Cette tradition s’est maintenue jusqu’à nos jours.

Comité des fêtes : 1966-1994

L’association Comité des fêtes, section de Saint-Thomas-de-Saint-Lô, est déclarée le 17 novembre 1966, et les statuts internes de l’association sont déposés le 28 août 1969. Ce document est signé par treize habitants du village. L’article 1 est très clair : l’objet de l’association est uniquement « l’organisation chaque jeudi de l’Ascension de la traditionnelle Fête du Hutrel ». Notons aussi le savoureux article 15 : « Chaque année après la fête…une « rendition de compte » aura lieu à la mairie du Hutrel…Les deux commissaires aux comptes approuveront les comptes et les signeront. Comme de coutume cette rendition de compte se terminera par un vin d’honneur auxquels seront conviés tous les habitants de la Section de Saint-Thomas ». L’expression « rendition de compte » peut paraître fautive, voire normande ou patoisante. En fait, c’est une très ancienne expression française, dont on trouve trace dans des traités juridiques du XVI° siècle. En cherchant sur Internet, nous l’avons trouvée également dans un document récent… du gouvernement haïtien, évoquant « la rendition de compte des fonds publics » ! La francophonie est donc le conservatoire des vieux usages du français, tout comme l’étaient les statuts du comité des fêtes en 1969.

L’article 2 indique que le comité pourra « organiser à son profit des bals ou manifestations diverses (séances de variétés, tombolas, etc.) ». Ce programme sera promis au plus bel avenir. En effet, grâce à l’énergie et à la mobilisation des habitants (qui allaient faire de la publicité bien au-delà de Saint-Lô), la fête du Hutrel va prendre une très grande extension. En 1978, la description du journaliste Charles de Gouvets en témoigne : « Pendant quatre jours toutes les formes de fête se brassent, du bal des jeunes au réveil en fanfare, de la messe en plein air à la Vierge du Hutrel, au monument aux morts, de la musique de l’Avant-Garde jusqu’à la retraite aux flambeaux et au super toro de Fuego, et enfin au feu d’artifice, toutes les générations y trouvent leur compte. »

Quant aux « séances de variété », elles ne manquaient pas d’ambition, puisque les organisateurs de la fête 1973 avaient carrément invité Stone et Charden, vedettes très populaires en France à l’époque ! Cette fête a doublement marqué les mémoires : d’abord par l’ampleur de la foule accourue ce jour-là, le jeudi 31 mai, (certains anciens du village estimant encore aujourd’hui que ce record d’affluence n’a jamais été battu depuis), ensuite par les péripéties tragico-comiques du concert, abondamment relayées par la presse locale et même nationale.

En 1973 le mensuel Podium (racheté en 1972 et dirigé par Claude François lui-même) est un magazine musical « au style pop et coloré » dont l’audience ne cessera de grandir chez les jeunes, atteignant 200 000 puis 500 000 exemplaires. On parlera même d’une « génération Podium », le dernier numéro paraissant en 1993. Le numéro 17 de juillet 1973 consacre un reportage de trois pages au passage de Stone et Charden au Hutrel et à leur concert. Stone et Charden ont alors respectivement 25 et 30 ans, ils chantent en duo depuis seulement deux ans, mais avec déjà à leur actif des tubes connus par la France entière. Les organisateurs voulaient donc marquer un grand coup en invitant une valeur sûre de la chanson populaire

Mais le Comité des fêtes va être dépassé par les évènements ! C’est ce que raconte le journaliste Pierre Berruer. Tout d’abord vers 15 heures une pluie diluvienne oblige les organisateurs à se replier du Hutrel vers la salle des fêtes de Saint-Lô, « d’où un des plus beaux embouteillages de la petite histoire saint-loise » ! Ensuite c’est à un autre embouteillage qu’on assiste, celui de la salle, trop petite pour le nombre de spectateurs… et de candidats spectateurs. Ajoutons à tout cela une chaleur d’étuve, qui provoque évanouissements et évacuations hasardeuses, d’autant que Stone et Charden arriveront avec une heure et demie de retard ! Les organisateurs sont débordés, la foule (3 000 personnes ?) est « de plus en plus grondante ».

Stone et Charden finiront par arriver, tout étonnés « d’être autant attendus » ! L’ambiance de leur récital sera exceptionnelle, le public applaudissant à tout rompre, car il connaissait par cœur toutes les chansons du couple vedette ! Précisons enfin que contrairement à une légende toujours en cours, leur tube Made in Normandie n’a pas été inspiré, même en partie, par ce mémorable séjour au Hutrel (avec les mots « une mare avec des canards ») puisque cette chanson a été écrite par Eric Charden… en 1973.

Comité des fêtes : jeux et culture populaire

Un article de La Manche Libre de 1948 décrit les jeux alors en vigueur lors de la Fête du Hutrel : « Les réjouissances sont les mêmes que celles qui faisaient jadis la joie de nos aïeux : « tir au bouquet », course en sac, « mât de cocagne », « baptême du tropique« , « pots mystérieux » et surtout le « mât de beaupré ». Il s’agit de faire un aller et retour sur une perche horizontale au-dessus de l’eau. Évidemment, les chutes sont nombreuses, ponctuées par des rires et des exclamations. Et lorsque l’on s’est bien amusé sur les chevaux de bois ou au chamboul’tout, où va-t-on ? Sous la tente, sous la traditionnelle tente où l’on boit du pur-jus en mangeant de la galette ou des frites. »

Le « tir au bouquet », appelé aussi « tir au ruban » consistait, pour les jeunes garçons uniquement, à tirer à la carabine sur un gros bouquet installé en haut d’un mât ou d’un pylône. Il fallait atteindre et faire tomber les fleurs auxquelles était attaché un ruban…où figurait le nom d’une jeune fille, qui de ce fait devait danser avec le jeune homme lors du bal du soir.

Le jeu des « pots mystérieux » appartient au folklore normand. Comme le montre la photo, il fallait d’abord suspendre sur un portique des pots au contenu « mystérieux ». Traditionnellement ces pots étaient fabriqués en grès de Noron (commune du Calvados aujourd’hui appelée Noron-la-Poterie). Ces pots servaient à saler le lard ou à recueillir la crème à la sortie de l’écrémeuse. Les pots donnés pour les fêtes étaient soit fêlés, soit avaient pris un goût rance, devenant impropres à la consommation.

Le joueur avait les yeux bandés et devait briser ces pots (contenant eau, confettis, cendre, farine…) avec un bâton. La « grosse tête » en carton qui figure sur la photo et qui a servi durant des années est d’origine inconnue. Faite en carton, elle représentait sans doute un gendarme, avec ses imposantes moustaches ! Elle a malheureusement disparu aujourd’hui. Mme Marie, née en 1937 et ayant passé son enfance au Hutrel, nous a raconté que ces pots pouvaient certes renfermer de la farine, ce qui faisait bien sûr beaucoup rire l’assistance, mais aussi… un lapin vivant ! Et elle ajoutait que pendant la guerre ou l’immédiat après-guerre ce « cadeau » était tenu en grande estime, étant donné les privations de l’époque. Mme Marie a également confirmé l’existence d’un mât de cocagne, enduit d’une épaisse couche de savon noir.

Mais pour les spectateurs de la Fête du Hutrel, les jeux les plus populaires sont toujours liés à l’eau. Comme son nom l’indique le « mât de beaupré » (mot d’origine anglo-normande), planté au-dessus de la mare, imite le mât placé à l’avant d’un navire. Et ce sont des jeunes « mousses » qui le plus souvent tentent l’impossible : soit l’aller-retour, soit un « simple » aller, avec le drapeau tricolore pour trophée ! Si le mât de beaupré évoque la marine à voile, les « jeux sur la mare » (clou de la fête, avec un maximum de spectateurs en fin de journée) imitent les « joutes nautiques » languedociennes. Les jouteurs sont réparties en deux équipes, avec déguisements ou costumes appropriés, les plateformes des barques sont remplacées par une alignée de planches étroites traversant la mare et pour faire chuter l’adversaire dans l’eau, toutes sortes d’ustensiles (dont la tarte à la crème !) remplacent les lances de bois traditionnelles.

Autre référence maritime, le « baptême du tropique » consistait en une cérémonie burlesque que l’on faisait subir aux personnes qui passaient le tropique en bateau pour la première fois. Le jeu populaire qui s’en inspire mobilise deux joueurs, avec pour équipement une charrette à bras et un portique muni d’un récipient empli de beaucoup d’eau. Muni d’une lance en bois, le premier joueur prend place dans la charrette, qui sera tractée par le second. En courant le plus vite possible, celui-ci s’engage sous le portique, au risque bien sûr de se faire copieusement arroser, son « camarade de jeu » essayant de viser avec sa lance les vingt litres d’eau du portique ! Il est évident que ce jeu devait également faire beaucoup rire l’assistance.

Le comité des fêtes : manifestations sportives

Durant une douzaine d’années, les compétitions sportives « étaient également de la fête ». Tout d’abord le cyclisme, pendant longtemps le sport populaire par excellence : deux courses avaient été organisées en 1984 (catégorie juniors) en en 1985 (catégories cadets et féminines). C’étaient de véritables courses puisqu’il fallait quand même parcourir 60 kilomètres ! (circuit de 5 km à effectuer 12 fois) Mais c’est la course à pied qui devait marquer plus profondément l’histoire de la fête. En effet, Les Foulées du Hutrel ont connu neuf éditions de 1989 à 1997 (soit deux ans après la transformation du comité en une autre association, mais l’organisation était la même) C’était une manifestation d’importance puisqu’elle rassemblait une centaine de concurrents (dont parfois le maire de Saint-Lô lui-même, Bernard Dupuis), répartie en quatorze catégories. Ces courses étaient ouvertes aux licenciés et non licenciés, avec remise de coupes et de lots aux premiers. Droits d’engagement et publicité couvraient les frais. Les Foulées du Hutrel obtenaient toujours un grand succès populaire, les proches ou les amis des coureurs venant les encourager, dans une ambiance festive. Quant à l’encadrement de la course, il était assuré par des bénévoles dont bien sûr des habitants du Hutrel.

Fêtes d'hier et d'aujourd'hui

L'évocation de la Fête du Hutrel de 1931 à 1994 suscitera peut-être chez certains de la nostalgie, pour d’autres plus jeunes, à coup sûr, de l’étonnement. Une mise en perspective s’impose donc pour conclure.

Le succès populaire des cérémonies patriotiques et religieuses s’explique par le contexte historique fort des deux guerres mondiales, des bombardements de 1944 en particulier. Jusque dans les années 1980, nombreux étaient ceux qui venaient se recueillir au Hutrel le jour de la fête avec des souvenirs encore très vifs des souffrances endurées. Les bénévoles qui faisaient la « tournée des brioches » dans Saint-Lô n’avaient aucun mal à recueillir des dons pour la fête. Aujourd’hui, ces témoins ne sont bien sûr plus qu’une poignée.

Enfermer un lapin vivant dans un pot qui sera brisé à coups de bâton, tirer à la carabine entre garçons pour gagner une cavalière au bal du soir, franchir à vélo la mare sur une planche étroite et glissante, au risque d’une chute… plutôt douloureuse (certaines photos en témoignent), tout cela paraîtrait aujourd’hui « politiquement incorrect ». Pourtant, cela ne choquait personne jusque dans les années 1960-70.

De même, il paraît difficilement imaginable aujourd’hui qu’une petite association de village puisse organiser quatre jours de fête avec manèges, bal, feux d’artifice, voire inviter des stars de la chanson. N’oublions pas que dans les années 1960-70 télévision et divertissements de masse n’en étaient qu’à leurs débuts, le public populaire était beaucoup plus facile à mobiliser. Et l’affluence à cette « méga-fête » générait des revenus non négligeables, qui pouvaient être réinvestis d’année en année.

Sens du sacré qui se perd, hiatus entre jeux traditionnels et société moderne, fragmentation des groupes sociaux : la fête au sens ancien du terme indéniablement se perd. Nous savons par exemple que la Fête du Hutrel pouvait durer trois jours. Mais la fête ne peut-elle prendre une signification et une intensité nouvelles ? Une vie associative autour d’un petit village à l’ancienne se perpétuer ? Nous répondons par l’affirmative.

Sources et références

  • L'Ouest-Éclair, 14 mai 1934 ;
  • Charles de Gouvets, « Vive la république du Hutrel », Ouest-France, 6-7 mai 1978 ;
  • Pierre Berruer, « On a frôlé l’émeute avec Stone et Charden », Ouest-France, 2-3 juin 1973 ;
  • Podium, juillet 1973 ;
  • La Manche Libre, « La fête de la tradition », 16 mai 1948.
  • Association loi 1901
  • Le folklore
  • Claude François
  • Stone et Charden sur WikiPédia

Voir aussi

Lien externe