Actions

Histoire de Granville

De Wikimanche

Histoire de Granville

Gravure du port de Granville, Nicolas Tassin, 1631.
L'incendie de Granville par les Vendéens (1793).

Les origines

Vers la fin du IIIe siècle, les Saxons venant du nord et de l'est de l'Europe déferlent sur le littoral. Ils se fixent surtout dans le nord de la France. Leurs incursions concernent également toutes les côtes de la Neustrie (l'actuelle Normandie).

L'époque viking

Vers le milieu du IXe siècle, les Vikings norvégiens abordent en Islande. Dans le même temps, ils débarquent sur les rives de la Neustrie.

Wace, un auteur jersiais qui écrivit le Roman de Rou entre 1160 et 1174, précise dans ses écrits qu'ils ravagèrent entre 836 et 847 Jersey, Guernesey et le rivage qui est en face de la Bretagne. Ces Vikings norvégiens venaient d'Irlande et nombre d'entre eux se fixèrent dans le Cotentin.

La presqu'île granvillaise a alors pour nom Lihou, dont l'origine norroise signifie rocher en pente.

On trouve également Lihou, petite île à l'ouest de Guernesey, où le premier élément issu de l'ancien norois est "hlio" (pente).

Dans le duché de Normandie

Après le traité de Saint-Clair-sur-Epte, en 911, les Normands vont prendre possession de la presqu'île de Lihou qui leur permet d'abriter leurs snekkjas.

Le nom de Granville apparaît alors. Il semble probable que cet anthroponyme ait pour radical Gran, qui serait en fait le nom du chef viking norvégien ayant pris possession du lieu après 911. Notons qu'il existe en Norvège, au nord d'Oslo, une petite ville (1 500 habitants) du nom de Gran.

La première mention historique de Granville[1] figure sur une charte de l'abbaye du Mont-Saint-Michel : la Confirmation par Guillaume, duc de Normandie, de la donation par Guillaume Pichenoht de la terre de la Perelle (Guernesey), à l'abbaye du Mont-Saint-Michel où il se fait moine. Elle date du 25 décembre 1054, et parmi les signataires un certain Rainauld de Granville[2].

En 1022, Richard II, duc de Normandie, donne aux religieux du Mont Saint-Michel la baronnie de Saint-Pair qui s'étend au nord jusqu'à la Vanlée[3], englobant la presqu'île de Lihou. .

Guerre de Cent ans et fondation de Granville

La forteresse de Granville est édifiée en 1439 par l'officier anglais Thomas Scales, sur ordre du roi Henri VI d'Angleterre, afin d'isoler le Mont-Saint-Michel, dernière tête de pont française en territoire normand. La citadelle tombe définitivement aux mains des Français emmenés par Louis d'Estouteville en 1441[3]. En particulier, Scales avait fait creuser une tranchée isolant le Roc de la terre, qui reçut le nom de Tranchée aux (ou des) Anglais, nom encore employé jusqu'au milieu du vingtième siècle pour désigner l'endroit où se trouve actuellement le parking du casino. Cette tranchée était franchie par une passerelle, d'abord en bois puis remplacée en 1886 par une passerelle de fer, enlevée en 1911.

En mars 1445, deux ordonnances de Charles VII accordent des avantages à tout particulier désirant s'établir sur la montagne La Roque et deux foires par an ainsi qu'un marché chaque semaine avec toute franchise pendant dix ans. C'est le début du peuplement de Granville, au détriment de Saint-Pair qui perd de l'importance.[3] Les religieux du Mont ayant supporté l'entretien de la garnison du Mont et de l'attaque se sentent dépossédés aux dépens des hommes d'armes. Guillaume d'Estouteville, abbé du Mont adresse une requête à Louis XI qui, le 29 novembre 1463, par lettres patentes, décide que la presqu'île et ses alentours revient au royaume et donne des contreparties aux moines[3]. Granville se détache ainsi de Saint-Pair et du Mont-Saint-Michel.

Sous l'Ancien régime

Granville demeure pendant 247 ans sous l'autorité de ses gouverneurs dont Jean de Lorraine, comte d'Harcourt, Jacques II de Matignon, François de Matignon, Charles de Matignon, comtes de Torigny[3]. L'Amirauté de Granville est très probablement créée en 1554 sous Henri II, Louis XIII érige Granville en vicomté en 1635, un hôtel de ville est crée en 1692[3].

Les premières campagnes de morutiers datent des années 1520. C'est en 1532 que débute la construction d'une première digue abritant le port. [3]

Guerres de religion

En 1562, les troupes royales, aidées par les habitants repoussent l'attaque des protestants. Arthur de Cossé, évêque de Coutances, réfugié à Granville, est conduit en bateau à Saint-Malo. [3]

En 1574, Granville sert d'asile aux prêtres catholiques réfractaires, obligés de fuir le Cotentin devant les attaques de Gabriel Ier de Montgommery[3].

Granville cité corsaire

Dès le 16e siècle, Granville pratique régulièrement la guerre de course (la chasse aux navires marchands des pays ennemis avec l'agrément du roi) . Granville devient alors le troisième port corsaire métropolitain français sous Louis XVI par le nombre d’armements et par la valeur des prises rapportées[4]. Parmi les corsaires granvillais, citons Jacques Couraye du Parc (1644-1723), Jean Beaubriand-Levesque (1666-1706), André Lévesque de la Souctière (1668-1772), Georges Pléville Le Pelley (1726-1805), Jean-Mathieu-Adrien Lhermitte (1776- 1816).

Le 18 juillet 1695, pendant la guerre de la ligue d'Augsbourg opposant Louis XIV à une large coalition européenne, la ville commandée par Jacques Le Pelley-Dumanoir est abondamment bombardée par les Anglais, sans effet notable[3]. Saint-Mâlo, Calais et Dunkerque ont subi le même sort.

Extension de la ville

Progressivement, aux XVIIe et XVIIIe siècles, la cité s'étend au-delà de ses murailles. De chaque côté du Boscq, la Basse ville grossit à mesure que les travaux permettent de gagner sur les marécages et la mer, laissant place à de nouveaux quartiers bourgeois et commerçants[5]

La Révolution française

Le 14 novembre 1793 les Chouans conduits par Henri de Larochejacquelein assiègent Granville[6]. La rue des Juifs est incendiée mais la Haute ville résiste. Cet échec est déterminant dans la déroute subséquente des Vendéens et la défaite de la chouannerie. Le nom de Granville-la-Victoire est donné à la ville à cette époque, mais il n'est pas conservé. Une plaque commémorative apposée sur le pont-levis menant à la Haute Ville rappelle cet événement.

Voir l'article détaillé Siège de Granville (1793)

L'attaque anglaise de 1803

La paix d'Amiens conclue en 1802 entre l'Angleterre, la Hollande, l'Espagne et la France sous Napoléon Bonaparte est de courte durée. Après sa rupture, Granville est attaquée par les Anglais, comme Boulogne, Calais, le Havre et Honfleur. Le 27 fructidor de l'an XI (soit 14 septembre 1803), de deux à cinq heures du matin, huit ou dix navires anglais jettent sur la ville une centaine de bombes, sans résultat. Les batteries granvillaises ripostent, la flottille sort du port, s'embosse et repousse l'attaque. Le lendemain, les Anglais recommencent, toujours sans succès malgré des dommages plus sévères ( un mort, deux maisons endommagées). En souvenir de la bravoure des Granvillais, Bonaparte décerne une écharpe d'honneur au citoyen François Letourneur, maire de Granville mais destitue deux de ses adjoints taxés de lâcheté.[7]

La prospérité économique du 19e siècle

Sous l'impulsion de la chambre de commerce, le port de Granville doté d'un bassin à flot en 1856 est à sous apogée au milieu du 19e siècle : la pêche morutière retrouve son importance, la pêche aux huîtres bat son plein, mobilisant 173 bateaux et 1424 hommes pour l'année 1854[8].

L'endiguement du Boscq, des remblais constitués d'écalins (coquilles d'huîtres vides) ou de déblais liés à la construction des quais permettent l'assèchement des marais et la construction de nouveaux quartiers[8].

Dès les années 1820 une nouvelle activité économique se développe autour de la pratique des bains de mer. Des hôtels se construisent, les transports se développent : les lignes de chemin de fer Paris-Granville et Sourdeval-Avranches-Granville amènent leurs lot de touristes. À la fin du 19e siècle, Granville devient une ville à la mode[8].

La Seconde Guerre mondiale

Granville est occupé à partir du 18 juin 1940 par les troupes allemandes formées de 500 à 600 soldats, souvent des réservistes âgés. Un couvre feu et des mesures de défense passive sont mis en place. Pendant la Seconde Guerre mondiale, l'armée allemande construit de nombreux blockhaus sur la pointe du Roc, partie du Mur de l'Atlantique. Plusieurs ont été conservés. La Haute ville et la pointe du Roc sont entièrement évacuées en mars 1943 et des barrages sont installés rue des Juifs, boulevard des Terre-Neuviers, ainsi que dans les rues Paul-Poirier, Georges-Clemenceau, Clément-Desmaisons et Saint-Sauveur. Huit Juifs granvillais sont déportés.

Après le Débarquement allié, les Allemands font sauter le port dans la nuit du 30 juillet 1944[9]. Granville est libérée le 31 juillet 1944.

Longtemps après la libération de Granville, dans la nuit du 8 au 9 mars 1945, un audacieux raid de forces allemandes basées à Jersey fait de nombreuses victimes et de très importants dégâts[10].

Bibliographie

  • Charles de La Morandière, Histoire de Granville, 1947, seconde édition en 1966
  • Edmond Thin, Granville historique, maritime, actuel, éd. Ocep, 1980
  • M. Guidelou, Notice sur la ville de Granville, 1846, réédition Le Livre d'histoire, 1990
  • Edmond Thin, Granville, citadelle de la mer, éd. Orep, 2007

Notes et références

  1. Gérard Denizeau sous la direction de Jacques Riquier, Granville de 933 à aujourd'hui, éd. R&Co, 2013, p.17
  2. Archives départementales de la Manche, (lire en ligne), consulté le 19 janvier 2018
  3. 3,0 3,1 3,2 3,3 3,4 3,5 3,6 3,7 3,8 et 3,9 Louis Jean Baptiste Mayeux-Doual, Memoires historiques, nautiques et statistiques sur la ville, le port et le canton de Granville (etc.), imprimerie Le Blanc Hardel, Caen 1876
  4. Michel Aumont, Destins et aventures corsaires. En mer ! Sus à l'ennemi!, éd. Orep, 2012, p.113
  5. « Laissez vous conter l’histoire des rues du centre de Granville », Coté Manche, 12 janvier 2018. (Lire en ligne).
  6. Robert Sinsoilliez, Le Siège de Granville, Éditions l'Ancre de Marine, 2004.
  7. Napoléon Gallois, « Granville », Les corsaires français sous la République et l'Empire, tome 2, éd. Ledoyen, Paris, 1847, p.279 et suivantes (lire en ligne)
  8. 8,0 8,1 et 8,2 Jacques Le Borgne, « Granville de 1830 à la fin du XIXe siècle », Revue de l'Avranchin, tome 95, juin 2018, p.99-107.
  9. Charles de La Morandière, « Le port de Granville des origines à nos jours. L'avenir.. », Études Normandes, livraison 15, n°50, 1955, p. 262.
  10. Jacques Mordal, Hold-up Naval à Granville, Éditions l'Ancre de Marine, 1991.

Lien interne