Actions

Hague-Dick

De Wikimanche

Le Hague-Dick sur la carte de Mariette de la Pagerie, 1689.

Le Hague-Dick, parfois aussi écrit Hague-Dicke, Haguedick et même Hague-Dike, est un site historique de la Manche.

Il s'agit d'une levée de terre servant de rempart, qui, à l'origine, coupait la Hague en deux pour permettre de s'y retrancher en toute sécurité.

Toponymie

Attestations anciennes

Le Hague-Dick sur la carte de Cassini, 1753/1785.
  • fossatum de Haguedith [lire Haguedich] 1232 [1].
  • Haguedic 1574 [1].
  • Fosses de Haguedick 1689 [2].
  • Fosse de Haguedick 1757 [3].
  • Ligne du fossé de Haguedick 1753/1785 [4].
  • le […] retranchement appelé Hague-Dick 1839 [5].
  • le Hague-Dick 1865 [6].
  • le Hague-dick Fossé retranché 1825/1866 [7].
  • Hague Dicke 1978 [8].
  • Hague Dick 1990 [9].
  • Hague Dike 2007 [9].

Étymologie

Toponyme médiéval précoce, constitué du nom de la Hague suivi de l'ancien appellatif toponymique normand d'origine scandinave dic « talus; endiguement dans les marais », soit « le talus de la Hague ». Il existe aussi une possibilité pour que cette formation représente en fait la combinaison des étymons scandinaves de ces deux éléments, soit hagi « prairie ; enclos, clôture » et díki « marais ; fossé ; talus », variante dík « barrage ». Dans ce cas, cette appellation pourrait remonter au début du 10e siècle, voire un peu plus tôt.

L'ancien scandinave díki « fossé, talus » est aujourd'hui représenté par l'islandais díki « bourbier, marais, fossé, tranchée », le norvégien et le suédois dike « marécage ; fossé ; digue » et le danois dige « remblai, levée, digue » [10]. Ce mot repose sur le radical germanique commun °dīk-, issu de la racine indo-européenne °dʰīgʷ- « fixer, planter, enfoncer ».

À son habitude, François de Beaurepaire privilégie une interprétation anglo-scandinave, en invoquant l'ancien anglais haga « enclos pour bétail » et l'anglo-scandinave dik « fossé » [1] (comprendre : l'ancien anglais dīc « fossé, tranchée » confondu avec l'ancien scandinave díki). Cette explication est possible, mais ne peut vraiment être prouvée ni infirmée.

Histoire

Vue d'ensemble.

Les opinions divergent encore sur l'origine du Hague-Dick. Pour certains, cette protection militaire remonte aux premières invasions normandes. Les Vikings l'auraient construite pour pouvoir s'y abriter derrière, une fois leurs forfaits accomplis ce que corroborerait la constitution semblable aux techniques Vikings « avec fossé, glacis raide et deux plates-formes séparées par une palissade » [11]. Pour d'autres, le Hague-Dick aurait été élevé en l'an 54 avant J.-C. par les Unelles pour se protéger des Romains.

Entre 1951 et 1953, H. Arbman, Michel de Bouärd et T. de Ramskou procèdent à six coupes. Les charbons de bois extraits des fouilles révèlent une datation au carbone 14 située entre - 900 et -800. De nouveaux prélèvements lors de fouilles en 1983-1984 et en 2004, datés entre -918 et -802 avant JC, et entre -1206 et -925, ainsi que la découverte de silex et de tessons lors des fouilles de 1983 et 1984, confirment que le talus remonte à l'âge du bronze[12].

Les fouilles de 1983 et 1984, initiées à l'occasion de l'élargissement de la D901, ont également mis au jour l'existence d'habitations le long du Hague-Dick, aux XIIIe et XIVe siècles[12].

Suite à ces recherches, le retranchement est inscrit à l'Inventaire des monuments historiques en 1985[13].

D'autres retranchements ont été découverts dans la Hague, tel l'éperon de Vauville, qu'il est difficile de dater, même si les archéologues locaux les rapprochent du Hague-Dick, et donc d'une possible origine entre la fin de l'âge du bronze et le premier âge du fer [12].

Situation géographique

Le Hague-Dick coupait, à l'origine, la Hague en deux. Il reliait la vallée de la Sabine et la vallée du Houguet et allait, en gros, d'Éculleville jusqu'à l'anse de Vauville, en passant par Beaumont-Hague. Il englobait trois ports : Goury, Omonville-la-Rogue et l'anse Saint-Martin.

Le Hague-Dick sur la carte d'État-Major, 1825/1866.

Dimensions

Coupe transversale sur la D 45E1.

Les dimensions de cette levée de terre divergent selon les auteurs.
Selon Jules Lucas, « ce retranchement, en y comprenant le prolongement que lui donnaient les escarpements naturels qui le terminaient, avait 5 700 m de long et couvrait 3 500 hectares renfermant aujourd'hui huit paroisses [14]. » François Emanuelli en fait, lui, une levée de terre « d'environ deux kilomètres de long, qui, prolongée de chaque côté par des escarpements naturels, forme une ligne de six kilomètres s'étendant d'une mer à l'autre » [15]. Au XVIe siècle, les dimensions du Hague-Dick devaient encore être importantes puisque le duc de Joyeuse, gouverneur de Normandie, fit raser « quelques parties de ses lignes » [16].

Les Guides Bleus lui attribuent une hauteur variant de 80 centimètres à 7 mètres de haut.
Jules Lucas affirme, lui, qu'en 1821, le Hague-Dick avait encore « de 15 à 20 mètres de large sur 10 mètres de haut [14].

Pour Guy Le Marois, il s'agit d'un « ouvrage remarquable qui a pu atteindre 30 mètres à la base et 10 mètres de hauteur dans sa partie ouest » [17].

Ce qu'il en reste

A Beaumont.

Là encore, les avis divergent.
Pour Les Guides Bleus, il en reste encore une portion décelable sur 2,6 km. Jules Lucas soutient en 1903 que le Hague-Dick est « encore visible aujourd'hui sur une grande étendue entre la route de Cherbourg et Omonville, au lieu-dit Le Moulin de la Sabine, et le château de Beaumont, sur la route de Beaumont à Jobourg ».

Il s'agit aujourd'hui d'un talus boisé, plus ou moins haut, qui s'intègre largement dans les haies environnantes. On peut en avoir une idée d'un point situé « à un kilomètre de Beaumont, sur la gauche de la route D. 245 qui va vers le village de Digulleville » [18], près du hameau Yvelin.

Hommages

Le collège de Beaumont-Hague est le collège Le Hague-Dick.

Bibliographie

  • Charles de Gerville, « Recherches sur le Hague-Dike (...) », Mémoires de la Société des antiquaires normands, t. VI, 1831-1833.
  • Michel de Boüard, « La Hague, camp retranché des Vikings ? », Annales de Normandie, tome III, n° 1, janvier 1953 (lire en ligne).
  • Dr Gosselin, « Le Hague-Dick », Annuaire des cinq départements normands, congrès de Cherbourg, 1953, pp. 26-28.
  • Michel de Boüard, « À propos de la datation du Hague-Dike », Annales de Normandie, tome XIV, n° 2, juin 1964.
  • C. Marcigny, « Retour au Hague-Dike : historiographie et nouvelles analyses », Annuaire des cinq départements normands, congrès de Cherbourg et la Hague, 2008, pp. 97-100.
  • « Le Hague-Dick », Vikland, n° 26, 2018.

Notes et références

  1. 1,0 1,1 et 1,2 François de Beaurepaire, Les noms de communes et anciennes paroisses de la Manche, Picard, Paris, 1986, p. 130.
  2. G. Mariette de La Pagerie, cartographe, Unelli, seu Veneli. Diocese de Coutances, divisé en ses quatre archidiaconés, et vint-deux doiennés ruraux avec les Isles de Iersay, Grenesey, Cers, Herms, Aurigny etc., chez N. Langlois, Paris, 1689 [BNF, collection d'Anville, cote 00261 I-IV].
  3. L. Brion de la Tour, Recueil des Côtes Maritimes de France, Desnos, Paris, 1757, carte n° 11.
  4. Carte de Cassini.
  5. Panorama pittoresque de la France […], par une société de gens de lettres, de géographes et d’artistes, Firmin Didot, Paris, t. V (section Manche), 1839, p. 22.
  6. Dudon de Saint-Quentin, De moribus et actis primorum Normanniæ ducum, édité par Jules Lair, impr. F. Le Blanc-Hardel, Caen, 1865 [initialement publié dans les Mémoires des Antiquaires de Normandie XXIII]; introduction, p. 66.
  7. Cartes d’État-Major (relevés de 1825 à 1866, mises à jour jusqu’à 1889).
  8. Carte IGN au 1 : 100.000.
  9. 9,0 et 9,1 Carte IGN au 1 : 25 000.
  10. Elisabeth Ridel, Les Vikings et les mots / L'apport de l'ancien scandinave à la langue française, Errance, Paris, 2009, p. 193.
  11. Normandie, Les Guides Bleus, Hachette, 1972.
  12. 12,0 12,1 et 12,2 Cyril Marcigny, « Le Hague-Dike », La Hague dans tous ses états, OREP, 2010, p.107-109.
  13. « Notice n°PA00110333 », base Mérimée (architecture), médiathèque de l'Architecture et du Patrimoine, ministère de la Culture.
  14. 14,0 et 14,1 Jules Lucas, « Le Hague-Dick et les camps intérieurs », La Hague jusqu'aux temps de Guillaume le Conquérant, Leroux, 1903.
  15. François Emanuelli, « Le Hague-Dicke », Revue de Cherbourg et de Basse-Normandie, n° 1, 15 novembre 1906.
  16. Michel de Boüard, « Le Hague-Dike », Cahiers archéologiques, tome VIII, 1956.
  17. Guy Le Marois, « Les fortifications dans le Cotentin », Le Cotentin, Manche-Tourisme, 1977.
  18. Daniel Lacotte, Les Châteaux du Cotentin, éd. Ouest-France, 1979, p. 4.

Voir aussi