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Hôtel de ville de Cherbourg-Octeville

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La façade de l'hôtel de ville.

L'Hôtel de Ville de Cherbourg-Octeville est un édifice public de la Manche, situé à Cherbourg-en-Cotentin.

Il se situe place de la République, à l'angle formé avec la rue de la Paix. Il abrite la mairie de Cherbourg-Octeville.

Plusieurs de ses salons (le Grand salon, le salon octogonal, dit la Rotonde et le salon de l'Impératrice) sont inscrits au titre des Monuments historiques le 13 août 2004[1].

Histoire

Sa construction est lancée en juin 1793 et s'achève en 1804 [2].

Auparavant, la municipalité s'est réunie dans l'église de la Trinité de 1492 à 1590, puis dans le château jusqu'à sa destruction en 1688, et alternativement dans l'église, à l'hôtel-Dieu et à l'auditoire de la juridiction royale, place de la Trinité [3].

L'idée de déménager s'exprime en 1781, et se concrétise en octobre 1786 par le transfert des édiles dans les locaux des frères des écoles chrétiennes, qui sont installés rue de la Paix depuis 1775 et place du Calvaire, peu après[3].

Voici la description de l'Hôtel de Ville donnée en 1839 Jean Fleury et Hippolyte Vallée [4] :

« C'est un édifice de fort simple apparence, qu'un balcon en granit, supporté par deux colonnes de la même pierre, distingue seul des maisons avoisinantes. Au rez-de-chaussée, à gauche en entrant, se trouve la demeure du concierge ; les bureaux, le cabinet particulier du maire et le bureau de la caisse d'épargne sont à droite. — L'entrée du Musée-Henry est à gauche au premier, et la salle du conseil à droite. — La bibliothèque, les antiquités et les objets d'histoire naturelle se trouvent au second.
La troupe de terre en garnison à Cherbourg a un poste dans le local d'encoignure. (...)
Deux maisons sises rue de la Paix et attenantes à l'Hôtel de Ville, en sont une dépendance. La première, que les frères de la doctrine chrétienne ont été forcés d'évacuer en 1833 est en partie occupée par une classe d'enseignement mutuel. On a installé un tribunal dans une des chambres, et c'est là que viennent tour à tour siéger le premier conseil de guerre permanent de la 14e division militaire, M. le juge de paix et le conseil de discipline de la garde nationale. — L'autre maison sert de bureau de police. »

En 1850, une aile néo-classique est construite au sud-ouest, donnant sur la rue de la Paix et formant un L avec le corps principal [5].

En 1858, le bâtiment est décrit ainsi :

« L'hôtel-de-ville se compose de deux corps de bâtiments, dont l'un fait face à la place d'Armes et l'autre à la rue de la Paix. Dans le premier, sont : au rez-de-chaussée, les bureaux, à l'angle un corps de garde ; au premier la salle du conseil et le musée Henry ; au second le musée des antiques. Ce bâtiment est de construction ancienne, rien ne le distingue des autres maisons de la place qu'un balcon en granit supporté par deux colonnes également en granit. Dans la seconde partie, dont la construction vient d'être achevée, se trouve : au rez-de-chaussée, les bureaux du commissaire central et celui de la caisse d'épargne ; au premier la bibliothèque et le grand salon de réception. Il est orné à l'extérieur d'un écusson aux armes de la ville, sculpté au-dessus de la porte d'entrée. » [6] En l'honneur de la visite impériale, le salon de l'Impératrice est aménagé et décoré[3].

Le balcon en granit, supporté par deux colonnes doriques, datant du début du XIXe siècle, est enserré sous la Troisième République dans un bâtiment remanié[5].

À la demande du maire, Armand Le Véel livre en 1893 les plans d'un nouvel hôtel de Ville : une façade de 44 mètres sur la place d'Armes, avec deux pavillons latéraux et un pavillon central avec une large entrée et un fronton portant une allégorie de la ville, des allégories de la Marine et de la Guerre dans des niches, des bustes sur des consoles entre les fenêtres du premier étage, un deuxième étage encaissé et coiffé d'un fronton et d'une toiture dominé par un campanile [3]. Le projet reste dans les cartons[3]

La façade est à nouveau modifiée en 1951. Le poste de police est supprimé à cette occasion [2].

Les salons

Cheminée de l'abbaye du Vœu dans la salle du conseil

L'aile sud-ouest est desservie par un escalier intérieur qui porte les armes de la ville sculptées. Il donne sur une succession de salons de la Deuxième République et du Second Empire.

Le Grand Salon est le plus vaste, aux murs couverts de boiseries blanc et or avec un parquet à la Versailles au centre de la pièce et au point de Hongrie sur le pourtour. Le salon octogonal, dit la Rotonde est décoré par les peintres Michel-Adrien Servant et Raymond Jupille . Quatre toiles marouflées évoquent les grands événements de l’histoire de la ville. Les plus anciennes de Servant (avant 1939) rappellent le siège de Du Guesclin (1378), qui sera levé sans que Cherbourg ne soit libéré des Anglais et la visite de Louis XVI (1786) venu inspecter les travaux de la digue du large. Les plus récentes de Jupille résument l'épopée napoléonienne, en particulier le retour des cendres de l'Empereur (1840) et le Débarquement, quand Cherbourg était le plus important port du monde en 1944.

Le Salon de l'Impératrice, inauguré le 7 août 1858 en prévision de la visite de Napoléon III et de l'Impératrice, est dédié à Eugénie de Montijo et à la Marine française. De part et d'autre d'une cheminée à miroir et pendule sont accrochées des copies du portrait en pied de Napoléon III et de son épouse, d'après Winterhalter. Ces tableaux ont été offerts aux Cherbourgeois par le couple impérial en remerciement pour l'accueil fastueux qui lui fut réservé. Le plafond a été réalisé par François Dominique Geufroy, l'architecte de la ville. Le centre est composé par une peinture à l'huile sur toile marouflée : des putti portent différents attributs dans un ciel nuageux avec, au milieu, les armoiries de Cherbourg. L'adoucissement du plafond est orné de portraits de profils de personnalités liées à la Marine (les amiraux Tourville et Troude, Vauban, Colbert et les ministres de la Marine et des colonies, Decrès de 1801 à 1815 et Ducros de 1851 à 1855) et des armoiries des cinq ports de guerre (Cherbourg, Brest, Toulon, Lorient et Rochefort).. La salle dite du conseil, aujourd'hui des mariages, abrite depuis 1858 la cheminée du XVIe siècle du logis abbatial de l’abbaye du Vœu, achetée par la municipalité en 1841 [7] et classée au titre des monuments historiques en 1905[5]. Cette salle abrita d'abord la bibliothèque avant de devenir un salon d'apparat pour accueillir le tsar Nicolas II, à l'occasion de sa première visite à Cherbourg en 1896.

La cheminée du Vœu

Au XIXe, l'abbaye du Vœu menace ruine et le génie militaire y entreprend d'importants travaux. Un conseiller municipal, Thomas Henry, s'alarme de la possible démolition de la cheminée du logis abbatial. En 1841 elle est démontée et transférée dans la cour d'honneur de l'Hôtel de Ville. Elle y restera jusqu'à la décision de la remonter en 1858. Débarrassée de sa couche épaisse de saleté en 1852, et « restaurée » par l’ajout de deux bas-reliefs (personnages macabres et cheval), repeinte en 1857, elle sera enfin installée dans la grande salle de la Bibliothèque en 1858, à l’occasion de la visite de Napoléon III.

Sans doute réalisée à la fin du XVe ou au début du XVIe, il est improbable, aujourd’hui, d’en imaginer l’état originel. Lors de son nettoyage, on y trouvait encore des traces d’or, de pourpre et d’azur. Les scènes qui ornent le manteau ont longtemps fait débat entre spécialistes, « antiquaires » et curieux. Le décor est composé de trois parties : en haut, représentation de l’annonciation faite à Marie, en bas des scènes de la vie profane et, pour séparer les deux registres, une frise d’animaux fantastiques.

Au centre de la partie « religieuse » du décor, la Vierge Marie écoute l’archange Gabriel, qui porte une "baguette mystique" de la main gauche. Ils sont séparés par un phylactère portant l’inscription « Ave Maria ». A gauche de l’archange, Dieu apparaît à mi corps près d’un « palais » peuplé d’anges symbolisant le monde céleste. A droite, fenêtre, lit et lutrin portant les armes de l’Abbaye semblent rattacher la Vierge au monde terrestre. De part et d’autre, dans les angles arrondis se trouvent, à gauche, l’archange Saint-Michel terrassant le dragon et, à droite, un Saint-Hubert. C’est ce dernier personnage qui a le plus inspiré les commentateurs. Il s’agit bien de Saint Hubert mordu à la main par un chien : Saint Hubert n’avait-il pas la réputation de guérir de la rage ? Enfin, les panneaux latéraux sont ornés de deux ecclésiastiques : à droite l’abbé du Vœu, certainement Jean Hubert élu abbé en 1492, probable commanditaire de la cheminée, ce qui explique aussi, la présence de Saint Hubert ; à gauche, près d’un palais, « cité de Dieu », sans doute Saint Augustin : les chanoines de Saint Victor de l’abbaye sont soumis à la règle augustinienne.

La partie basse, profane a fait l’objet de nombreuses spéculations : les uns y voyaient des scènes de la vie de l’abbaye, d’autres des événements liés à l’histoire de la Normandie… Sauf les ajouts du XIXe, personnages d’une danse macabre, porteurs d’une flèche, d’une pioche et d’une pelle à droite et chevalier à gauche, les décors racontent avec réalisme des moments de la vie de tous les jours : un cueilleur de pommes, un personnage dans un moulin non loin d’une forteresse. Deux cavaliers se font face : s’agit-il d’un récit en deux temps de la vision de Saint Hubert, à cheval de part et d’autre des armoiries et déjà présent dans le registre du dessus ? Très certainement. Au centre, entre deux putti figurent les armes de l’abbaye.

La frise centrale reste assez énigmatique. On peut y voir une évocation de l’œuvre alchimique avec à gauche cet escargot à visage humain symbolisant la « tourbe des philosophes », la matière première qui, passant de l’œuvre au noir puis au rouge signifiés par les oiseaux fantastiques s’affrontant, s’achève par l’abondance qu’évoquent les petits personnages sur des tonneaux à droite.

Notes et références

  1. « Notice n°PA50000028 », base Mérimée (architecture), médiathèque de l'Architecture et du Patrimoine, ministère de la Culture.
  2. 2,0 et 2,1 Bernard Launey, Cherbourg 1900-1975, impr. La Dépêche, 1976, p. 51.
  3. 3,0 3,1 3,2 3,3 et 3,4 Frédéric Patard et Gérard Léonard, Guide du Promeneur - Cherbourg Octeville, éd. Isoète, 2007, p. 81-82.
  4. Jean Fleury et Hippolyte Vallée, Nouveau guide du voyageur à Cherbourg, Impr. de Noblet, Cherbourg, pp. 119-120.
  5. 5,0 5,1 et 5,2 Bruno Centorame, « Visite de Cherbourg », Annuaire des cinq départements de la Normandie, 2008.
  6. Le Voyageur à Cherbourg en 1858, 1858.
  7. Autre version : elle aurait été « donnée à la ville par la Direction de l'artillerie de terre lors de la démolition du bâtiment qui la contenait » (cf. Centenaire de la bibliothèque municipale de Cherbourg, Impr. Périgault, Cherbourg, 1932, p. 55.

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