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'''Gustave Jurczyszyn''', né à [[Gatteville]] le [[15 janvier]] [[1918]] et fusillé à [[Saint-Lô]] le [[24 novembre]] [[1942]], est un résistant de la [[Manche]].
[[Fichier:Jurczyszyn.jpg|thumb|Portrait de Gustave Jurczyszyn]]
'''Gustave Jurczyszyn''', {{date naissance|15|1|1918|Gatteville}} et {{date décès|24|11|1942|Saint-Lô}}, est un résistant de la [[Manche]].


Fils d’un émigré polonais naturalisé en [[1925]], il habite [[Cherbourg]]; il est marié et père d’un enfant âgé de quelques mois.
== Biographie ==
Fils de Nicolas Jurczyszyn, émigré polonais naturalisé en [[1925]] et d'Esther Delacour. Il se marie à Cherbourg le {{date|30|août|1941}}, avec Geneviéve Hélaine. Ils habitent [[Cherbourg]], et sont parents d’un enfant âgé de quelques mois. Gustave est ouvrier maçon et le frère de [[Pierre Jurczyszyn]], mort pour la France, fusillé, le [[2 février]] [[1944]] à [[Paris]].


« L’Affaire Jurczyszyn » est un terrible exemple, et pas le seul dans la Manche, de la collaboration des autorités de Vichy avec l’occupant nazi dans la répression de la Résistance.
« L’Affaire Jurczyszyn » est un terrible exemple, et pas le seul dans la Manche, de la collaboration des autorités de Vichy avec l’occupant nazi dans la répression de la Résistance.


Gustave Jurczyszyn exerce des responsabilités dans un groupe du Front National (Résistance) qui a notamment à son actif des incendies d’entrepôts de matériel allemand à Cherbourg et à [[Coutances]]. Déjà fiché aux Renseignements généraux pour avoir appartenu aux Jeunesses communistes il est soupçonné de propagande anti-allemande. Peu aguerri et sous-estimant la dangerosité de la police française, il est arrêté le [[3 juillet]] 1942 par des policiers de Cherbourg, à la suite de la découverte dans un garage d’un dépôt d’explosifs. Après vingt heures d’interrogatoires et de sévices menés par le commissaire Ponceau et ses hommes au commissariat du 1{{er}} arrondissement de Cherbourg (place Divette), Gustave Jurczyszyn finit par craquer, et donne des renseignements qui aboutissent à une vaste rafle contre le groupe (constitué principalement d’ouvriers et de cheminots de la région de Cherbourg et de Coutances).
Gustave Jurczyszyn exerce des responsabilités dans un groupe du Front National (Résistance) qui a notamment à son actif des incendies d’entrepôts de matériel allemand à Cherbourg et à [[Coutances]]. Déjà fiché aux Renseignements généraux pour avoir appartenu aux Jeunesses communistes, il est soupçonné de propagande anti-allemande. Peu aguerri et sous-estimant la dangerosité de la police française, il est arrêté le [[3 juillet]] [[1942]] les armes à la main par des policiers de Cherbourg, à la suite de la découverte dans un garage d’un dépôt d’explosifs. Après vingt heures d’interrogatoires et de sévices menés par le commissaire Ponceau et ses hommes au commissariat du {{1er}} arrondissement de Cherbourg (place Divette), Gustave Jurczyszyn finit par parler. Le commissaire principal [[Henri Laniez]] des Renseignements généraux de [[Saint-Lô]] rapplique et se saisit de l’affaire. Il fait le rapprochement avec la tentative d’incendie de matériel allemand de Coutances sur laquelle il enquête depuis la fin du mois de juin à la demande du préfet de la Manche [[Henri Faugère]].


Les nombreuses arrestations, effectuées au début par les policiers français, les commissaires Ponceau, Dargent, Laniez et son chef Decarreaux (de la Brigade spéciale de Rouen), se poursuivent en collaboration avec les Allemands, jusqu’en novembre 1942. Livrés à la [[Gestapo dans la Manche|Gestapo]], ces résistants sont jugés par la cour martiale allemande de [[Saint-Lô]] ; beaucoup sont condamnés à mort et fusillés : Gustave Jurczyszyn, Maurice Lemaire (père), Maurice Lemaire (fils), [[Alexandre Avoyne]], [[Famille Bouffay|Félix Bouffay]], [[Fernand Charpentier]], [[Léon Theil]], [[Raymond Potier]], [[Pierre Vastel]], Lucien Delacour, [[Roger Anne]], Maurice Truffaut, [[Victor Lévêque]]. D’autres mourront dans divers camps de concentration : Louis Barbey, [[Stéphane Contesse]], [[Philibert Daireaux]], [[Albert Delacour]], [[Jean Houyvet]], [[René Lorence]], [[François Nicollet]], [[Jean Michel (1916)|Jean Michel]], [[Pierre Tirel]]...
Il s'ensuit une quarantaine d'arrestations, effectuées au début par les policiers français, les commissaires Ponceau, Dargent, [[Henri Laniez]] et son chef Decarreaux (de la Brigade spéciale de Rouen). La rafle se poursuit en collaboration avec les Allemands, jusqu’en novembre 1942. Livrés à la [[Gestapo dans la Manche|Gestapo]], ces résistants-principalement des ouvriers et de cheminots de la région de Cherbourg et de Coutances- sont jugés par la cour martiale allemande de [[Saint-Lô]] ; beaucoup sont condamnés à mort et fusillés : Gustave Jurczyszyn, [[Maurice Lemaire (père)]], [[Maurice Lemaire (fils)]], [[Alexandre Avoyne]], [[Famille Bouffay|Félix Bouffay]], [[Fernand Charpentier]], [[Léon Theil]], [[Raymond Potier]], [[Pierre Vastel]], [[Lucien Delacour]], [[Roger Anne]], [[Maurice Truffaut]], [[Victor Lévêque]]. D’autres mourront dans divers camps de concentration : [[Louis Barbey]], [[Stéphane Contesse]], [[Philibert Daireaux]], [[Albert Delacour]], [[Jean Houyvet]], [[René Lorence]], [[François Nicollet]], [[Jean Michel (1916)|Jean Michel]], [[Pierre Tirel]]...


Le journal de la collaboration ''Cherbourg-Éclair'' du [[11 novembre]] 1942, relatant ces événements, voit des  « crimes » dans les actions de ces « terroristes communistes » qui « espéraient entraîner des Français dans une activité ouverte contre les troupes allemandes d’occupation et, en particulier, soutenir les Anglais en cas de débarquement ».
Le journal de la collaboration ''Cherbourg-Éclair'' du [[11 novembre]] 1942, relatant ces événements, voit des  « crimes » dans les actions de ces « terroristes communistes » qui « espéraient entraîner des Français dans une activité ouverte contre les troupes allemandes d’occupation et, en particulier, soutenir les Anglais en cas de débarquement ».
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Dans sa dernière lettre adressée à sa femme, le [[24 novembre]] 1942, Gustave Jurczyszyn avant d’être fusillé, écrit : « […] Les seuls mauvais traitements que j’ai subis sont venus de la police française, ce qui prouve que nous avons de tristes compatriotes. »
Dans sa dernière lettre adressée à sa femme, le [[24 novembre]] 1942, Gustave Jurczyszyn avant d’être fusillé, écrit : « […] Les seuls mauvais traitements que j’ai subis sont venus de la police française, ce qui prouve que nous avons de tristes compatriotes. »


À la libération de la Normandie en juillet [[1944]], le triste commissaire Ponceau se mettra dans le camp des vainqueurs, à la disposition du général Legentilhomme, commandant alors la 3{{e}} région militaire. Promu commissaire divisionnaire de la DST à Rouen, Ponceau deviendra à ce titre, responsable de l’épuration, y compris de celle de la police, dans toute la Normandie ; c’est dire que ses anciens comparses  seront peu inquiétés, comme Laniez, emprisonné un temps à Saint-Lô, mais vite amnistié. D’autres s’en tireront en prétendant qu’ils avaient aidé la Résistance. Les commissaires Dargent et Decarreaux et tous les policiers mis en cause après la Libération par les familles des victimes, en particulier par la [[Famille Bouffay|famille Bouffay]] seront acquittés.
À la libération de la Normandie en juillet [[1944]], le triste commissaire Ponceau, après avoir fait main basse sur les archives compromettantes de la Gestapo de Cherbourg, se mettra dans le camp des vainqueurs, à la disposition du général Legentilhomme, commandant alors la {{3e}} région militaire. Promu commissaire divisionnaire de la DST à Rouen, Ponceau deviendra à ce titre, responsable de l’épuration, y compris de celle de la police, dans toute la Normandie ; c’est dire que ses anciens comparses  seront peu inquiétés, comme Laniez, emprisonné un temps à Saint-Lô, mais vite amnistié. D’autres s’en tireront en prétendant qu’ils avaient aidé la Résistance. Les commissaires Dargent et Decarreaux et tous les policiers mis en cause après la Libération par les familles des victimes, en particulier par les familles [[Famille Bouffay|Bouffay]] et [[Alexandre Avoyne|Avoyne]] seront acquittés.


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== Famille ==
Geneviève, son épouse, condamnée à cinq mois d’emprisonnement par la Feldkommandantur de Saint-Lô. Ses frères : Lucien, né en [[1917]], engagé volontaire, mécanicien d’aviation FFL ; Jean, né en [[1919]], prisonnier de guerre ; [[Pierre Jurczyszyn|Pierre]], élève-instituteur à l’[[École normale d'instituteurs de la Manche|École normale de Saint-Lô]], maquisard en Côte d’Or, fusillé au Mont-Valérien ; sa sœur, âgée de onze ans à l’époque, qui confiera plus tard : « Cette époque ne m’a laissé que tristesse et amertume ».


'''La famille de Gustave Jurczyszyn''' :
== Distinction ==
Geneviève, son épouse, condamnée à cinq mois d’emprisonnement par la Feldkommandantur de Saint-Lô. Ses frères : Lucien, né en [[1917]], engagé volontaire, mécanicien d’aviation FFL ; Jean, né en [[1919]], prisonnier de guerre ; Pierre, élève-instituteur à l’École normale de Saint-Lô, maquisard en Côte d’Or, fusillé au Mont-Valérien ; sa soeur, âgée de onze ans à l’époque, qui confiera plus tard : « Cette époque ne m’a laissé que tristesse et amertume ».
* Il est titulaire de la Croix de Guerre
 
==Hommages==
Son nom est mentionné sur les monuments commémoratifs suivants :  
* [[Monument aux morts de Cherbourg]]
* [[Monument aux morts de Gatteville-le-Phare]]
* [[Mur des fusillés de Saint-Lô]]
* [[Prison de Saint-Lô|Monument commémoratif 1939-1945]] à Saint-Lô


== Sources ==
== Sources ==
 
* [[André Debon]], [[Louis Pinson]], ''La Résistance dans le Bocage normand'', Paris, Éditions Tirésias, 1994.
* Archives de [[Juliette Defrance]].
* Archives de [[Juliette Defrance]].
* Recherches de Paul Le Goupil, résistant déporté.
* [https://www.memorialgenweb.org/memorial3/html/fr/complementter.php?id=5572138 Fiche individuelle] sur ''Mémorial Gen Web''
* André Debon, Louis Pinson, ''La Résistance dans le Bocage normand'', Paris, Éditions Tirésias, 1994.
* « JURCZYSZYN Gustave », notice biographique, ''Le Maitron'', site internet, consulté le 4 mai 2019 [http://maitron-fusilles-40-44.univ-paris1.fr/spip.php?article167809 ''(voir en ligne)''].
* Marcel Leclerc, ''La Résistance dans la Manche, réseaux et mouvements, juin 1940-août 1944'', Cherbourg, Éditions La Dépêche, 1980.
* [[Marcel Leclerc]], ''La Résistance dans la Manche, réseaux et mouvements, juin 1940-août 1944'', Cherbourg, Éditions La Dépêche, 1980.
* Recherches de [[Paul Le Goupil]].
* « La résistance dans le bocage », Beaucoudray, site internet, consulté le 4 mai 2019 [http://beaucoudray.free.fr/bocage.htm ''(voir en ligne'')].


== Bibliographie ==
== Bibliographie ==
* Dominique François, ''L'Affaire Jurczyszyn'', Éditions Eurocibles, 2009.
* Dominique François, ''L'Affaire Jurczyszyn'', Éditions Eurocibles, 2009.


== Voir aussi ==
== Articles connexes ==
 
* [[Jurczyszyn]]
[[Résistance dans la Manche]]
* [[Résistance dans la Manche]]


{{DEFAULTSORT: Jurczyszyn, Gustave}}
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[[Catégorie:Biographie]]
[[Catégorie:Biographie]]
[[Catégorie : Résistant de la Manche]]
[[Catégorie:Décès à 24 ans]]
[[Catégorie:Décès à Saint-Lô]]
[[Catégorie:Résistant de la Manche]]

Version du 18 octobre 2021 à 19:33

Portrait de Gustave Jurczyszyn

Gustave Jurczyszyn, né à Gatteville le 15 janvier 1918 et mort à Saint-Lô le 24 novembre 1942, est un résistant de la Manche.

Biographie

Fils de Nicolas Jurczyszyn, émigré polonais naturalisé en 1925 et d'Esther Delacour. Il se marie à Cherbourg le 30 août 1941, avec Geneviéve Hélaine. Ils habitent Cherbourg, et sont parents d’un enfant âgé de quelques mois. Gustave est ouvrier maçon et le frère de Pierre Jurczyszyn, mort pour la France, fusillé, le 2 février 1944 à Paris.

« L’Affaire Jurczyszyn » est un terrible exemple, et pas le seul dans la Manche, de la collaboration des autorités de Vichy avec l’occupant nazi dans la répression de la Résistance.

Gustave Jurczyszyn exerce des responsabilités dans un groupe du Front National (Résistance) qui a notamment à son actif des incendies d’entrepôts de matériel allemand à Cherbourg et à Coutances. Déjà fiché aux Renseignements généraux pour avoir appartenu aux Jeunesses communistes, il est soupçonné de propagande anti-allemande. Peu aguerri et sous-estimant la dangerosité de la police française, il est arrêté le 3 juillet 1942 les armes à la main par des policiers de Cherbourg, à la suite de la découverte dans un garage d’un dépôt d’explosifs. Après vingt heures d’interrogatoires et de sévices menés par le commissaire Ponceau et ses hommes au commissariat du 1er arrondissement de Cherbourg (place Divette), Gustave Jurczyszyn finit par parler. Le commissaire principal Henri Laniez des Renseignements généraux de Saint-Lô rapplique et se saisit de l’affaire. Il fait le rapprochement avec la tentative d’incendie de matériel allemand de Coutances sur laquelle il enquête depuis la fin du mois de juin à la demande du préfet de la Manche Henri Faugère.

Il s'ensuit une quarantaine d'arrestations, effectuées au début par les policiers français, les commissaires Ponceau, Dargent, Henri Laniez et son chef Decarreaux (de la Brigade spéciale de Rouen). La rafle se poursuit en collaboration avec les Allemands, jusqu’en novembre 1942. Livrés à la Gestapo, ces résistants-principalement des ouvriers et de cheminots de la région de Cherbourg et de Coutances- sont jugés par la cour martiale allemande de Saint-Lô ; beaucoup sont condamnés à mort et fusillés : Gustave Jurczyszyn, Maurice Lemaire (père), Maurice Lemaire (fils), Alexandre Avoyne, Félix Bouffay, Fernand Charpentier, Léon Theil, Raymond Potier, Pierre Vastel, Lucien Delacour, Roger Anne, Maurice Truffaut, Victor Lévêque. D’autres mourront dans divers camps de concentration : Louis Barbey, Stéphane Contesse, Philibert Daireaux, Albert Delacour, Jean Houyvet, René Lorence, François Nicollet, Jean Michel, Pierre Tirel...

Le journal de la collaboration Cherbourg-Éclair du 11 novembre 1942, relatant ces événements, voit des « crimes » dans les actions de ces « terroristes communistes » qui « espéraient entraîner des Français dans une activité ouverte contre les troupes allemandes d’occupation et, en particulier, soutenir les Anglais en cas de débarquement ».

Dans sa dernière lettre adressée à sa femme, le 24 novembre 1942, Gustave Jurczyszyn avant d’être fusillé, écrit : « […] Les seuls mauvais traitements que j’ai subis sont venus de la police française, ce qui prouve que nous avons de tristes compatriotes. »

À la libération de la Normandie en juillet 1944, le triste commissaire Ponceau, après avoir fait main basse sur les archives compromettantes de la Gestapo de Cherbourg, se mettra dans le camp des vainqueurs, à la disposition du général Legentilhomme, commandant alors la 3e région militaire. Promu commissaire divisionnaire de la DST à Rouen, Ponceau deviendra à ce titre, responsable de l’épuration, y compris de celle de la police, dans toute la Normandie ; c’est dire que ses anciens comparses seront peu inquiétés, comme Laniez, emprisonné un temps à Saint-Lô, mais vite amnistié. D’autres s’en tireront en prétendant qu’ils avaient aidé la Résistance. Les commissaires Dargent et Decarreaux et tous les policiers mis en cause après la Libération par les familles des victimes, en particulier par les familles Bouffay et Avoyne seront acquittés.

Famille

Geneviève, son épouse, condamnée à cinq mois d’emprisonnement par la Feldkommandantur de Saint-Lô. Ses frères : Lucien, né en 1917, engagé volontaire, mécanicien d’aviation FFL ; Jean, né en 1919, prisonnier de guerre ; Pierre, élève-instituteur à l’École normale de Saint-Lô, maquisard en Côte d’Or, fusillé au Mont-Valérien ; sa sœur, âgée de onze ans à l’époque, qui confiera plus tard : « Cette époque ne m’a laissé que tristesse et amertume ».

Distinction

  • Il est titulaire de la Croix de Guerre

Hommages

Son nom est mentionné sur les monuments commémoratifs suivants :

Sources

Bibliographie

  • Dominique François, L'Affaire Jurczyszyn, Éditions Eurocibles, 2009.

Articles connexes