Fournée de Coutances (1794)
De Wikimanche
La fournée de Coutances est le nom donnée à une vague d'arrestations menées par le représentant du Peuple Jean-Baptiste Lecarpentier contre des suspects contre-révolutionnaires en 1794. Elle s'inscrit dans une série d'arrestations du même genre dans le département appelée « fournées de la Manche ».
Jean-Baptiste Lecarpentier, par un arrêté du 18 messidor an II (6 juillet 1794), envoya, au Tribunal révolutionnaire 24 personnes suspectes de conspiration pour cause de fédéralisme et d'aristocratie, lequel condamna à mort 19 et acquitte 4 autres, le dernier s'étant évadé avant le jugement [1].
Voici la liste selon les détails d'Émile Sarot [1] :
- Charles Antoine Tanqueray, cinquante-un ans : ancien seigneur de Hyenville et capitaine de dragons, maire d'Hyenville, fédéraliste.
- Jean Jacques Gervais Couillard, vingt-quatre ans, né à Ver : domestique du précédent, partisan fédéraliste, membre des Carabots.
- Pierre Potigny-Launay, trente-quatre ans, né et domicilié à Coutances : ancien ecclésiastique, puis officier de la garde nationale et assesseur du juge de paix de Coutances, secrétaire de la société locale des Carabots.
- Charles Lescaudey, quarante-quatre ans, né à Bricqueville-la-Blouette : avocat au Parlement de Paris, substitut du bailliage présidial de Coutances avant la Révolution, puis avoué près le Tribunal de district de Coutances, député du tiers-état aux assemblées du bailliage du Cotentin en 1789, rédacteur du cahier des doléances de sa commune, ancien Carabot.
- Adrien Nicolas Jean Delamare de Plémont, trente-deux ans, né à Coutances et domicilié à Coudeville : ancien commissaire-enquêteur au bailliage présidial de Coutances, puis lieutenant de la garde nationale, fédéraliste.
- Pierre Maudoult, quarante-deux ans, né à Nogent, fonctionnaire, sous-chef des classes de la marine à Granville, accusé de fédéralisme sans autres preuves que des ennemis en vue.
- Jean-Nicolas Juhel, dit Boisuse, cinquante-six ans, né à Ancteville, demeurant à Coutances : capitaine de dragons et chevalier de Saint-Louis avant la Révolution, puis colonel de la garde nationale de Coutances jusqu'à sa démission le 26 avril 1794.
- François-Robert Lepigeon dit de Launay, soixante ans, né à Avranches et domicilié à Coutances : ancien président de l'élection de Coutances et seigneur du Mesnil-Villeman, représentant du tiers-état aux assemblées du grand bailliage du Cotentin de 1789, accusé d'être un ennemi de la Révolution.
- Pierre-François-Casimir Sorin de l'Espaisse, quarante-cinq ans, né à Coutances et habitant à Coutances et Granville : frère d'un prêtre réfractaire, qui avait célébré une messe nocturne à Gonfreville la même année, accusé d'avoir tenté d'émigrer
- Julien-François-Léonord de Mons, trente-quatre ans, né à Carantilly et demeurant à Coutances : ex-noble et chanoine de la cathédrale Notre-Dame et ex-grand-vicaire de l'évêque de Talaru de Chalmazel.
- Marie-Louis-Léonor de Cussy, cinquante-huit ans, né et domicilié à Coutances : ancien grand chantre de la cathédrale Notre-Dame et vicaire général du diocèse, maire de Coutances entre 1790 et 1791.
- Louis-Léonor de Cussy, vingt-trois ans, né et domicilié à Coutances [2] : neveu du précédent et fils de Louis-François de Cussy-Mandeville, ancien lieutenant aux gardes françaises et chevalier de Saint-Louis.
- Henry Le Forestier de Mobecq, cinquante ans, né à Mobecq et domicilié à Ver : ancien comte d'Osseville et de Mobecq, seigneur de Ver, il est maire de Ver.
- Jean-Baptiste-Hyacinthe-Désiré Cotelle d'Outresoulles, trente-deux ans, né à Coutances, propriétaire rue Quesnel-Morinière, et résidant à Caen : fils d'un avocat du roi au bailliage de Coutances, il achète des biens nationaux (la Chasse-Meslier à Cambernon, ancienne propriété du chapitre de Coutances) et est officier au septième régiment d'artillerie, mais il est suspecté d'avoir défendu, le 10 août 1792, le Château des Tuileries.
- Nicolas-Stanislas de la Mare de Crux, vingt-quatre ans, né et domicilié à Coutances, résident régulier à Sainte-Marguerite-sur-Mer : fils d'un ancien avocat du roi, il est proche du précédent, plaide contre les Jacobins de Coutances de 1790 au nom de la municipalité, puis s'installe à Bayeux, centre du fédéralisme, où il est arrêté en nivôse an II. Il ne comparait pas devant le Tribunal révolutionnaire puisqu'il s'évade et survit à la Fournée en son château de Sully, près Bayeux.
- Jean-Jacques-Nicolas Guichard, soixante ans, né à Ver : vicomte de Gavray, député aux །assemblées du bailliage du Cotentin en 1789, puis de maire de Gavray inquiété à cause de son frère, prêtre réfractaire, et de ses relations avec les parents d'émigrés et de prêtres insermentés, il fuit à Bayeux pour échapper à son arrestation en juin 1793. Il est arrêté du 18 messidor par Lecarpentier à la demande du District et de la Société populaire de Coutances.
- Jean-François Guichard, dit Mauditrie, cinquante-cinq, né à Ver, domicilié à Saint-André-du-Valjouais : frère du précédent, ancien gendarme de la garde du roi et capitaine de cavalerie, il s'oppose à la fin de ses privilèges tandis que son fils émigre. Il s'installe, comme son frère, à Bayeux où il est arrêté.
- Jeanne-Catherine de Bereauville, quarante-cinq ans, fille de l'ancien seigneur du Valjouais où elle est née, femme du précédent. Hostile à la Révolution, elle suit son mari à Bayeaux et jusqu'à l'échafaud.
- Pierre-Anne Boudier, trente-un ans, né et domicilié à Gavray : priseur-vendeur de la vicomté de Gavray avant la Révolution, il devient procureur de cette commune.
- Jacques-Marie-François Calop, quarante-deux ans, né et domicilié à Gavray : clerc de la vicomté avant la Révolution, puis greffier de la municipalité. Il est acquitté par le Tribunal révolutionnaire.
- Thomas-Henri de Piennes, quarante-cinq ans, né à Avranches et domicilié à La Meurdraquière. Il est acquitté par le Tribunal révolutionnaire.
- Jean-François Gobillet, soixante-quatre ans, cultivateur, né à Saint-Martin-de-Salans (Calvados), domicilié à Grimouville : ancien maire de Grimouville, il est acquitté par le tribunal révolutionnaire, et meurt à Grimouville le 20 avril 1842.
- Charles-Albert-Marie Hue de Caligny, né à Valognes où il réside en alternance avec son château de Huberville avant d'être assigné à résidence à Coutances : ancien capitaine de cavalerie et chevalier de Malte. Beau-frère de Sorin de l'Espaisse, il est acquitté par le Tribunal révolutionnaire et meurt en 1797.
- Marie-Elisabeth Hébert de la Maillardière, trente-sept ans, femme de Réné-Charles de Sébeville, émigré, née et domiciliée à château de Savigny.
Le convoi part de Coutances le 19 messidor, passe par Bayeux le lendemain pour prendre les trois Guichard, Delamare de Crux ayant réussi à fuir, puis par Caen où se trouve Cotelle d'Outresoulles. Il suit son route par Lisieux (23 messidor), Bernay (24), Évreux (26), Mantes (28) et arrive à Paris le 30 [1].
Le procès se tient le 3 thermidor, devant le Tribunal révolutionnaire et dix-neuf sont guillotinés le jour-même à la barrière de Vincennes, puis inhumés dans le cimetière de Picpus [1].
Notes et références
- ↑ 1,0 1,1 1,2 et 1,3 Émile Sarot, La Terreur dans le département de la Manche, Salettes, 1877.
- ↑ Domicilié chez son père, dans l'hôtel des Cussy qui abritera la mairie à partir de 1819.
Lien interne
Lien externe
- Le Didac'Doc, n° 24, Service éducatif des archives départementales de la Manche, décembre 2011, page 17