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Discours de François Hollande à Cherbourg (2013)

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Discours de François Hollande à Cherbourg.

Texte officiel du discours de François Hollande, président de la République, prononcé à la Cité de la Mer à Cherbourg-Octeville le 30 septembre 2013 en ouverture d'une table ronde sur les énergies marines renouvelables.

« Mesdames, Messieurs les parlementaires, les élus, ici tous rassemblés,

Je vous remercie pour l’invitation que vous nous aviez lancée, il y a quelques mois, pour venir à Cherbourg.

Je viens en compagnie du ministre de l’Écologie, qui est à sa place ; du ministre du Redressement productif, parce que nous sommes là en train de construire une nouvelle filière ; du ministre des Transports et de la Mer, qui est forcément concerné ; et du ministre du Budget parce que nous avons besoin aussi du budget et pas simplement parce qu’il est très lié à Cherbourg… Cela aidera j’imagine ! En tout cas, je veillerai à ce qu’il ait le sens de l’intérêt général et le souvenir de sa présence ici.

Je viens d’abord à Cherbourg pour un chantier qui reçoit une commande. Nous en avons défini les termes et l’accord est passé. Une commande venant d’un pays ami, le Mozambique, et qui va avoir, pour le plan de charges de cette entreprise dont je connais l’histoire, un impact considérable. Considérable parce qu’il y a là un certain nombre de bateaux qui pourront fournir de l’activité ; considérable aussi parce que c’est une image et c’est la raison pour laquelle je voulais venir ici à Cherbourg.

D’autres pays peuvent être intéressés par ce type de fabrication, aussi bien pour la sécurité que pour la pêche et nous avons là un outil d’une très grande qualité. Je remercie vraiment les ministres qui y ont contribué parce que, comme souvent dans ces affaires commerciales, il y a toujours un certain nombre de détails qu’il convient de corriger ou de préciser. Je dois dire aussi que l’actionnaire a été tout à fait déterminant.

La seconde raison de ma présence, c’est les énergies nouvelles. J’étais à la Conférence environnementale il y a quelques jours. Elle fait suite, d’une certaine façon, au Grenelle parce que dans ces affaires-là heureusement qu’il y a une continuité et que de majorité en majorité, de Président en Président, nous poursuivons une stratégie de long terme. Nous parlons de projets qui vont trouver leur aboutissement au-delà de 2020. Nous avons toutes et tous avantage à ce que nous puissions agir dans la même direction.

À la Conférence environnementale, j’ai insisté sur la transition énergétique qui est le grand enjeu de notre pays. Un des enjeux de la transition énergétique, c’est de pouvoir disposer de la diversification des sources d’énergie. Ici vous en faites la démonstration. C’est également de faire des énergies renouvelables, à terme, une part substantielle de notre production d’énergie.

Nous savons qu’il y a des conditions qui doivent être réunies : le prix, parce qu’il ne s’agit pas de produire des énergies qui seraient beaucoup plus couteuses que d’autres ; la technologie, parce que si nous sommes capables de développer des recherches et des innovations nous pourrons faire baisser les prix et porter le niveau des énergies renouvelables encore plus haut ; enfin, un enjeu industriel car il y a ici des industries qui vont s’investir dans la transition énergétique.

Parmi les énergies renouvelables, il y a les énergies marines. Aujourd’hui nous parlons essentiellement des hydroliennes et j’ai eu le plaisir de constater qu’elles sont déjà quasiment fabriquées. Les hydroliennes ne sont qu’une des technologies des énergies marines renouvelables.

Ici, vous avez présenté un certain nombre de technologies. Il y a ce qu’on appelle l’éolien en mer, il y a l’énergie thermique des mers, qui pour la France, notamment en Outre-mer, peut être un enjeu. Il y a les éoliennes flottantes et il y a même l’énergie des vagues.

Ce qui est exact, c’est que les éoliennes représentent la formule la plus prometteuse à court terme. Si nos projections sont validées, il pourrait y avoir 3 Gigas-watt d’installés à travers les hydroliennes sur nos côtes. Pour ceux qui ne font pas forcément assaut de connaissances en matière d’énergie, cela représente trois réacteurs nucléaires actuels. C’est dire la portée des hydroliennes. Il ne s’agit pas d’opposer les énergies les unes contre les autres, nous avons besoin de toutes les énergies. C’est le sens de ce que nous avons décidé à travers la transition énergétique.

Quel est le rôle de l’État ?

D’abord, c’est de structurer une filière. Nous pensons que la France peut être leader en matière d’énergies renouvelables et surtout d’énergies marines. Cela tient à notre domaine maritime qui est le deuxième plus grand du monde. Cela tient à la capacité de nos industries. Cela tient à l’avance de nos recherches. Nous avons vocation à prendre toute notre place et à être leader.

Pour être leader, l’État ne peut pas se substituer aux entreprises. En revanche, son rôle c’est de contribuer à rapprocher, à fédérer, à encourager et surtout à afficher une ambition. Cette ambition a été portée par le « plan Industrie » que nous avons présenté. Les énergies renouvelables, c’est le premier plan, et parmi les énergies renouvelables, figurent les énergies marines.

Constituer une filière… Je constate qu’elle est là puisque les plus grands sont représentés. Je vais vous les citer puisque j’ai vocation aussi à les promouvoir : DCNS, Alstom, GDF Suez, EDF, Areva, un industriel allemand qui nous a rejoint Siemens. Nous avons besoin de toutes les entreprises les plus grandes pour forger cette filière. Nous avons également besoin des sous-traitants, des PME, des ETI ; c’est ce que nous avons à construire.

Si nous voulons être leaders, si nous voulons être les premiers – et nous voyons bien qu’il y a une concurrence, il y a toujours de la concurrence – nous avons à intérêt à ce que les PME et les ETI soient emmenées vers la constitution de cette filière.

J’ai entendu ce qui était dit sur la filière « recherche pour les énergies marines ». Je prends ici l’engagement que l’État sera co-financeur et que les crédits du « Programme des investissements d’avenir » seront mis à disposition car nous avons besoin d’abord de fédérer la recherche pour ensuite fédérer les industries.

Nous avons aussi besoin d’accords entre partenaires et c’est la raison pour laquelle j’ai été très heureux de pouvoir être le parrain, au meilleur sens du terme, des deux accords qui ont été passés aujourd’hui : l’accord entre Alstom et le port de Cherbourg pour une parcelle qui va servir au montage des futures hydroliennes et le second accord entre GDF Suez et Alstom pour que ce dernier devienne un fournisseur potentiel d’hydroliennes pour GDF-Suez.

Nous avons aussi besoin de complémentarité et c’est très important d’avoir RTE ici représenté. Car on peut avoir des sites de production, mais faut-il encore ensuite pouvoir utiliser l’énergie et la diffuser ! À cet égard les raccordements, l’adaptation des réseaux existants et les nouveaux ouvrages sont tout à fait essentiels. Nous devons leur apporter tous nos encouragements et nos appuis.

Le rôle de l’État, c’est également de définir un cadre réglementaire stable. J’ai bien entendu ce qui a été dit autour de cette table. « Simplification » : le choc de simplification vaut aussi pour les énergies renouvelables. Nous avons donc l’obligation de réduire les délais et de bien faire comprendre que si nous voulons réussir la transition énergétique le temps est capital et essentiel. Nous ne pouvons pas le disperser.

Nous avons besoin d’un calendrier précis, c’est le rôle du gouvernement de l’établir – les ministres ici, en ont la responsabilité – et d’encadrer les recours. Ce n’est pas facile, parce que, cela a été expliqué, il y a toujours des conflits d’intérêts car les zones ont plusieurs usages. Si nous voulons réduire la possibilité de recours, il faut de la concertation, il faut de l’information, il faut de la responsabilité, il faut associer l’ensemble des acteurs. Mais il convient également d’avoir des procédures qui soient accélérées.

Je souhaite également que le gouvernement donne de la visibilité. Vous êtes des industriels, vous êtes des acteurs politiques, vous avez à prendre des décisions. Vous avez besoin de visibilité, vous avez besoin de savoir quelles seront les prochaines étapes et les délais qui vous sont accordés. Le gouvernement élaborera une feuille de route pour chaque technologie et détaillera les grandes étapes et les capacités et les potentialités visées.

Le rôle de l’État, c’est donc aussi de lancer des appels à projets, des appels d’offres, qu’importent les noms, qui pourront permettre de tester, d’évaluer, puis ensuite de réaliser. Pour les éoliennes en mer, c’est fait : il y a déjà eu un premier appel d’offres, c’était en 2012 ; un second est en cours – et je demande que les offres soient analysées pour la fin de l’année. Il porte sur les volumes importants pour qu’il puisse, là-encore, y avoir des capacités qui puissent être déployées. Un appel à projets est également prévu à l’horizon 2015 pour l’éolien flottant et, là aussi, je demande qu’aucune perte de temps ne soit constatée.

J’en arrive aux hydroliennes. À la Conférence environnementale où je m’exprimais, j’avais pris un engagement, que l’appel à manifestation d’intérêt puisse être publié dans le délai d’une semaine. Je suis à Cherbourg aujourd’hui et demain au Journal officiel figurera donc l’appel à projets pour la construction des fermes hydroliennes.

Les caractéristiques de cet appel à manifestation d’intérêt, c’est de construire trois à quatre fermes pilotes de cinq à dix machines pour tester ces technologies autant qu’il sera possible. Pour que cet appel ait une signification, faut-il aussi que les règles de financement soient précisées. Là encore, le tarif d’achat sera fixé à 173 euros par mégawatt heure et il y aura un financement possible par le « Programme des investissements d’avenir » à hauteur de 30 millions d’euros par ferme pour que la rentabilité puisse être assurée.

Le rôle de l’État, c’est de donner un cadre juridique, financier, technique, de donner une ambition, de fédérer les acteurs et ensuite de faire jouer la concurrence – et elle jouera – pour que le prix puisse être le plus bas possible et l’impact industriel le plus grand.

Deux zones ont été identifiées comme à fort potentiel : le raz Blanchard en Normandie et le passage du Fromveur en Bretagne. La zone du raz de Barfleur ne figurera pas dans l’appel d’offres et une concertation est indispensable avec les acteurs et notamment la pêche. Il ne servirait à rien d’inscrire une zone si elle est immédiatement contestée, si elle crée de l’appréhension, du trouble et du retard qui finalement aboutirait à ce que rien ne se passe. Je préfère donc que nous restions sur les deux zones qui, d’ailleurs, sont celles qui sont considérées comme à plus fort potentiel, notamment le Raz Blanchard pour que nous puissions avoir l’expérience la plus fructueuse.

Ce projet de démonstrateurs, c’est l’avenir de l’industrie qui se joue là, pour une part. Vous savez, j’ai participé à ces 34 plans industriels qu’Arnaud Montebourg avait permis de présenter à l’Élysée. Les ministres de l’Écologie et de l’Agriculture pouvaient se trouver totalement concernés. Le ministre du Transport aussi. Parce que quand l’on regarde ce que l’on peut être capable de faire dans la transition énergétique, dans la transition numérique et dans l’économie de la santé, la France peut première demain sur ces 34 secteurs, ces 34 industries. Nous ne réussirons pas tout. Il y aura sûrement un certain nombre de déceptions mais nous devons avoir cette ambition.

On m’a dit 34, c’est beaucoup trop ! On aurait pu en retenir 100 aussi ! Mais si nous n’avons pas de capacité et d’ambition sur 34 projets, sur quoi la France serait-elle capable de revendiquer une position ? Je pense donc que nous devons faire en sorte que, notamment sur les énergies renouvelables et notamment sur les énergies marines, nous montrions qu’il ne s’agit pas simplement d’un projet énergétique mais d’un projet industriel. Mais nous devons faire dans l’excellence : excellence environnementale, excellence technologique, excellence industrielle.

Je termine pour dire que nos objectifs en termes de transition énergétique, de redressement productif et de création d’emplois sont finalement les mêmes. Il ne s’agit pas d’avoir trois politiques, c’est la même. Si nous voulons être les premiers dans un certain nombre de filières, il nous faut aller avec grande confiance vers la transition énergétique. Si nous voulons créer de l’emploi, nous devons aller vers la transition énergétique. Et la transition énergétique, ce n’est pas la disparition des énergies d’hier – pour une part, elles verront sans doute leur influence se réduire – c’est la diversification de toutes les sources d’énergie.

Venir dans la Manche en Basse-Normandie, c’est en faire la démonstration. Tout à l’heure, c’était bien dit. Ici, nous allons trouver du nucléaire, on va trouver des énergies renouvelables, on va trouver de la biomasse, on va trouver toutes les formes d’énergie. Sans que l’on mette les unes en opposition avec les autres. Nous avons besoin de toutes. Mais nous avons surtout besoin de faire monter les énergies renouvelables même si, ici, il y aura la création d’une centrale nucléaire – la première, depuis deux décennies, à travers l’EPR de Flamanville.

Enfin, je viens aussi ici pour montrer notre confiance à l’égard d’un bassin d’emploi qui a pu être éprouvé par des restructurations – il y en a eues – mais où l’État est présent à travers DCNS notamment, et Areva. Que se joue-t-il ici à Cherbourg ? C’est l’extension du port, c’est la fabrication d’hydroliennes, leur installation, leur exploitation, leur maintenance. C’est donc un défi considérable pour Cherbourg, pour la Basse-Normandie, pour le département de la Manche. Je vous appelle à relever ces défis. C’est vrai que cela peut paraître lointain pour nos concitoyens, pour ceux qui sont en recherche d’emploi, pour les jeunes qui peuvent se demander si cela correspondra bien à leur avenir.

Alors, nous avons plusieurs obligations. La première, c’est de ne pas perdre de temps, aller vite. La seconde, c’est de former les personnels – les jeunes qui doivent être attirés vers ces métiers ; ceux qui sont aujourd’hui demandeurs d’emploi et qui doivent être qualifiés par rapport à ces futures propositions – et préparer l’ensemble du bassin d’emploi à faire venir des sous-traitants et accueillir des entreprises.

Il y a un autre enjeu qui est un enjeu européen. Je veux terminer là-dessus. L’Europe a toujours été capable, dans son histoire, d’avoir un certain nombre de secteurs qui ont pu, à un moment, la hisser vers une ambition plus élevée que chaque nation n’était pas capable de concevoir par elle-même. Au lendemain de la guerre, à travers le charbon et l’acier. Ensuite, à travers l’agriculture dont je dois parler quand même, ici dans ce département, et qui a longtemps, ce n’est pas forcément aussi vrai aujourd’hui, bénéficié des crédits de la Politique agricole commune. Cela a été ensuite l’ambition d’un grand marché, d’une monnaie unique. Mais si nous voulons regarder ce que sera l’avenir de l’Europe, c’est autour des énergies et du numérique.

Avec l’Allemagne, nous avons des relations anciennes, fortes et qui ne demandent qu’à être amplifiées et renouvelées. Et autour des énergies, même si nous n’avons pas du tout le même mix énergétique. Les Allemands ont renoncé au nucléaire. Les Allemands font peut-être trop appel au charbon et pas assez au gaz mais je ne veux pas ici rallumer de vieilles querelles. Nous avons besoin de réseaux qui soient interconnectés, nous avons besoin d’une conception commune de l’énergie. Nous avons même besoin de partenaires industriels français-allemands mais je n’oublie pas les Espagnols, pour faire ce que l’on a été capable de faire avec EADS, pour l’aéronautique. Nous avons toutes les capacités pour créer cette dynamique industrielle.

De la même manière, j’en suis convaincu sur le numérique. Puisque nous avons des choix à faire – pas simplement pour protéger nos données ou nos usages – pour créer des ensembles industriels qui puissent être capables de résister à ce que d’autres, notamment aux États-Unis, ont été capables de faire.

On vient donc à Cherbourg pour les hydroliennes et on se retrouve finalement embarqués, si je puis dire, vers la navigation en haute mer parce qu’il va falloir aller loin pour porter cette ambition de transition énergétique, de développement industriel et de création d’emplois. C’est pourquoi cette visite à Cherbourg est un message aussi d’espoir pour la capacité de notre pays à affronter des défis aussi élevés et je vous remercie de m’avoir permis de venir, ici dans ce lieu, qui est un lieu chargé d’histoire, pour dire que finalement l’histoire ne doit pas être simplement conservée, célébrée. Elle doit nous amener à penser que ce qui a été la gloire d’un certain nombre d’activités qui demeurent puisse être aussi notre avenir. Merci de m’avoir fourni le cadre pour parler de l’avenir. Merci. »