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Conférence de presse de François Mitterrand au Mont-Saint-Michel (1988)

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Conférence de presse de François Mitterrand au Mont-Saint-Michel (1988)

Le 30 novembre 1988, François Mitterrand, président de la République, reçoit au Mont-Saint-Michel Margaret Thatcher, Premier ministre britannique. Ils déjeunent ensemble à l'Auberge de la Mère Poulard, puis tiennent une conférence de presse conjointe dans laquelle sont notamment abordés les relations est-ouest, les droits de l'homme et le désarmement.

Voici le texte officiel des propos de François Mitterrand :

« Mesdames et messieurs,

- Nous avons Madame Thatcher et moi parlé d'un certain nombre de questions que je vais préciser pendant les quelques heures qui nous ont été données aujourd'hui. Bien entendu nous avons parlé de l'Europe, de la construction européenne, de la Communauté, mais comme nous nous rencontrons après-demain particulièrement sur ce sujet en Grèce, à Rhodes, nous avons renvoyé à cet autre rendez-vous l'examen plus approfondi des questions qui se posent : environnement ; monnaie ; Europe sociale ; problèmes audiovisuels et tous autres aspects actuellement à l'ordre du jour. De telle sorte que nous nous sommes davantage appuyés sur des problèmes touchant aux relations Est-Ouest, sur l'approche qui est la nôtre, précisément pour définir un projet commun, puisque nous avons les mêmes intérêts dont le premier est celui de la paix et de notre liberté. Nous avons donc débattu aussi bien des problèmes touchant aux négociations pour le désarmement conventionnel que sur les problèmes posés par le désarmement chimique, ainsi que sur la signification, la portée de nos armes nucléaires, puisque nous sommes les deux seuls pays d'occident, de l'Europe dans l'alliance atlantique à disposer de cette arme.

- Nous avions donc beaucoup de choses à nous dire au regard de la situation soviétique, de l'ouverture probable de négociations prochaines sur le désarmement conventionnel, de la rencontre prochaine à Paris, de la Conférence sur le désarmement chimique et des rendez-vous qui se proposent tout le long du premier semestre prochain. Nous avons échangé nos commentaires sur la situation soviétique, sur notre diagnostic, en souhaitant il faut le dire, qu'une politique devant aller devant certaines formes de libéralisation, de démocratisation soit encouragée. Et tout cela naturellement les yeux bien ouverts sur la réalité soviétique.

- J'ai indiqué à Madame Thatcher que revenant moi-même de ce voyage, je me rendrai bientôt dans les jours qui viennent à diverses reprises dans ce que l'on appelle grosso modo l'Europe de l'Est. Tchécoslovaquie notamment dans quelques jours, et nous avons rassemblé les informations que nous possédons puisque Madame Thatcher était elle-même il y a peu de temps en Pologne.

- Voilà l'essentiel des sujets que nous avons traité. Je n'ai pas dit l'essentiel des propos. Est-Ouest, relations bilatérales sous certains des aspects que nous avions le temps de traiter, c'est-à-dire pas beaucoup. Au demeurant il n'y a pas non plus de contentieux particulier entre la Grande-Bretagne et la France, dans nos relations quotidiennes. Nous vivons à l'intérieur de la Communauté avec ce quelque chose en plus qui découle de l'histoire. Et dire cela ici prend un sens particulier. Madame Thatcher souhaitera peut-être ajouter quelques mots. Nous avons insisté à une conversation sur les problèmes d'environnement, mais enfin je veux abréger ce compte-rendu. Peut-être souhaiterez-vous poser des questions, mais auparavant souhaitez-vous Madame dire quelques mots ?.

LE PRÉSIDENT.- Madame Thatcher faisait observer que nous étions dans un très beau lieu, c'est vrai et nous le ressentons comme elle. Mais je voudrais ajouter que Canterbury c'est pas mal. J'y étais il n'y a pas si longtemps à vos côtés. Au demeurant j'ai été très heureux de recevoir sur le territoire national notre voisine et amie, le Premier ministre britannique.

- QUESTION.- (inaudible)

- LE PRÉSIDENT.- Oui, j'en ai le sentiment.

- QUESTION.- (inaudible)

- LE PRÉSIDENT.- La constatation, - comment dirai-je - qu'il passe un certain air de liberté, du moins d'espérance sans exagérer le propos. Cela va dans un certain sens ; il est important que cela continue d'aller dans ce sens. Mais nous n'avons pas dissimulé entre nous les difficultés que présentaient une position gouvernementale de cet ordre sur le plan de la réalisation sur le terrain de la politique nouvelle sans oublier bien entendu les problèmes qui se posent dans un certain nombre de républiques de l'Union des Républiques socialistes et soviétiques. Enfin, nous avons là un partenaire avec lequel il est important de parler. C'est ce que nous faisons.

- QUESTION.- A propos de Rhodes, vous auriez pu quand même parler des questions monétaires et de la participation britannique dans ce qui est envisagé actuellement. Est-ce vous en avez parlé ?

- LE PRÉSIDENT.- C'est ce que j'ai dit. J'ai dit que nous avions abordé ce problème et que nous avions décidé de continuer la conversation à Rhodes.

- QUESTION.- (inaudible)

- LE PRÉSIDENT.- Mais nous n'avons pas eu l'occasion d'en parler et pour l'instant la conférence de presse se borne à examiner la conversation que nous avons eue aujourd'hui. On ne va pas traiter l'ensemble du problème qui se pose, sans quoi il faudrait faire comme les moines de Saint-Michel et s'installer là pour le reste du temps.

QUESTION.- (inaudible)

- LE PRÉSIDENT.- Nous avons en effet abordé ce sujet. Nous avons décidé de poursuivre ce que nous avons commencé de faire, d'ailleurs une consultation avec l'ensemble de nos alliés sur la manière d'aborder ce sujet d'une éventuelle conférence à Moscou, qui après une conférence à Paris et une autre à Copenhague viendrait poursuivre l'examen de l'application des accords d'Helsinki sous cet aspect des droits de l'homme. Nous n'avons pas conclu, d'ailleurs nous ne sommes pas là devant une proposition absolument précise. Il s'agit de savoir si l'ensemble des pays en question souhaite poursuivre les conférences sur l'application d'Helsinki, notamment à Moscou.

- QUESTION.- (inaudible)

- LE PRÉSIDENT.- La proposition qui a été faite porte sur 1991 mais pas d'une façon impérative. Tandis que le problème touchant à la négociation, l'ouverture réelle des négociations sur le désarmement des armes non-conventionnelles pourrait commencer dans quelques semaines.

- QUESTION.- (inaudible)

- LE PRÉSIDENT.- Non, non. C'est une analyse propre à madame Thatcher qui est loin d'être irréaliste. Les choses ne sont pas liées à ce point, la négociation sur le désarmement dans quelques semaines et la conférence de Moscou. Ce que vous a dit madame Thatcher est fondé sur la nécessité indiscutable pour l'Union soviétique de poursuivre son évolution quant à la pratique des droits de l'homme. J'y apporte une nuance en le disant mais en fait c'est avec l'Union soviétique que nous discutons des droits de l'homme comme du reste. Certes la présence d'une conférence à Moscou présente une valeur symbolique particulière. Mais c'est avec l'Union soviétique que nous discutons des droits de l'Homme, que ce soit ici ou que ce soit là. On ne peut pas occulter cette réalité. Vous avez de la chance, Madame Thatcher d'avoir une presse britannique aussi active.

- Vous avez entendu l'opinion exprimée par le Premier ministre du Royaume-Uni. Je n'ai pas à la commenter. J'ai l'impression que vous vous en chargerez.

QUESTION.- Monsieur le Président, la France est en ce moment en compétition avec la Grande-Bretagne sur le marché des sous-marins canadiens, est-ce que vous avez évoqué cette question ?

- LE PRÉSIDENT.- Non, mais enfin... La décision est canadienne, elle est souveraine. Il en est ainsi de tous les contrats. Les entreprises ou les pays font des propositions, le plus possible, la compétition existe très souvent entre nos meilleures entreprises. A chacun d'exposer ses meilleurs arguments et la décision appartient aux pays qui achètent. Nous n'avons pas à discuter entre nous, sans quoi nous y serions encore parce que j'aurai expliqué à Madame Thatcher la qualité peut-être supérieure de nos sous-marins et je ne suis pas sûr que je l'aurais aussitôt convaincue.

- QUESTION.- Inaudible

- LE PRÉSIDENT.- En effet, c'est tout à fait au début du repas, nous avons abordé ce sujet. C'est exactement Madame Thatcher qui l'a posé. Je n'ai répondu que ce n'était pas une mauvaise idée car après tout que ce soit là, à ce niveau, ou à l'autre, très bien. Mais que j'avais besoin d'y réfléchir. C'est quelque chose que Madame Thatcher souhaiterait en tout cas.

- QUESTION.- Monsieur le Président, si vous le permettez, avez-vous, comme Madame Thatcher, la même appréciation sur la préparation de l'omelette et sur la préparation du gigot sans sauce à la menthe ?

- LE PRÉSIDENT.- Nous n'avons pas eu de compétition sur les sous-marins, ici, et nous n'avons pas fait de compétition sur la gastronomie.

- QUESTION.- Madame Thatcher a été confrontée à des problèmes sociaux sérieux, il y a quelque temps, vous-même actuellement vous faites face à des problèmes sociaux, avez-vous évoqué la façon dont on peut les résoudre, ces problèmes ?

- LE PRÉSIDENT.- Je dois dire que non. Mais je vous promets de continuer à en discuter avec le Premier ministre de la République française.

- QUESTION.- Monsieur le Président, avez-vous évoqué une éventuelle coopération pour le missile Airsol longue portée ?

- LE PRÉSIDENT.- On en a parlé dans le passé, pas aujourd'hui.

- Voilà, et puis nous nous voyons quand même assez souvent. Il fallait bien qu'il reste quelques sujets à traiter pendant les deux jours que nous allons passer ensemble alors si vous nous faites le plaisir de venir là-bas aussi, on pourra continuer la conversation. Merci beaucoup. »