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« Combat naval du Kearsarge et de l'Alabama (1864) » : différence entre les versions

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== Témoignage de Valérie Feuillet ==
== Témoignage de Valérie Feuillet ==
[[Valérie Feuillet]] assiste au combat depuis la digue. Elle raconte l'événement dans ''Quelques années de ma vie'' :
[[Valérie Feuillet]] assiste au combat depuis la digue. Elle raconte l'événement dans ''Quelques années de ma vie'' :
::« Comme nous arrivions sur les grand mur de la digue, le brouillard se leva et nous aperçûmes à l'horizon un point noir immobile ; c'était le ''Kearsarge'' qui guettait sa proie.
::« Comme nous arrivions sur le grand mur de la digue, le brouillard se leva et nous aperçûmes à l'horizon un point noir immobile ; c'était le ''Kearsarge'' qui guettait sa proie.
::Il était dix heures quand le premier coup de canon fut tiré. Jusque-là, les deux navires s'étaient provoqués en courant des bordées d'une grâce terrible. Quand ils eurent rétréci leur cercle, ils s'arrêtèrent, se mesurèrent comme deux lutteurs, puis marchant l'un sur l'autre, échangèrent en même temps le feu de leurs batteries. Un nuage noir les enveloppa, et sema de plaques sombres la mer tranquille comme un lac. Des colonnes d'une fumée épaisse arrivèrent jusqu'à nous et nous cachèrent un instant les espaces. Quand elles eurent passé au-dessus de nos têtes, nous aperçûmes de nouveau les combattants. Ils reprenaient haleine ! Bientôt quelques flammes traversant les flancs du navire, nous avertirent que les canons recommençaient à tonner. Quelquefois on entendait leur grondement formidable, quelquefois le vent l'emportait vers d'autres plages. A travers les obscures vapeurs de la poudre, on voyait les boulets tomber de la mer, puis sortant du gouffre qu'ils avaient entr'ouvert, des gerbes d'écume légère, s'élever au-dessus des flots.  
::Il était dix heures quand le premier coup de canon fut tiré. Jusque-là, les deux navires s'étaient provoqués en courant des bordées d'une grâce terrible. Quand ils eurent rétréci leur cercle, ils s'arrêtèrent, se mesurèrent comme deux lutteurs, puis marchant l'un sur l'autre, échangèrent en même temps le feu de leurs batteries. Un nuage noir les enveloppa, et sema de plaques sombres la mer tranquille comme un lac. Des colonnes d'une fumée épaisse arrivèrent jusqu'à nous et nous cachèrent un instant les espaces. Quand elles eurent passé au-dessus de nos têtes, nous aperçûmes de nouveau les combattants. Ils reprenaient haleine ! Bientôt quelques flammes traversant les flancs du navire, nous avertirent que les canons recommençaient à tonner. Quelquefois on entendait leur grondement formidable, quelquefois le vent l'emportait vers d'autres plages. À travers les obscures vapeurs de la poudre, on voyait les boulets tomber de la mer, puis sortant du gouffre qu'ils avaient entr'ouvert, des gerbes d'écume légère, s'élever au-dessus des flots.  
::Personne ne pouvait prévoir l'issue du combat. Pas un des navires ne paraissant souffrir de cette effroyable lutte. L'un et l'autre conservaient leurs mâts, leurs cheminées, leurs pavillons. Tout l' ''Alabama'' frémit. On eut dit qu'un tremblement sous-marin ébranlât ses entrailles. Quelques vagues gigantesques l'enveloppèrent, puis s'affaissèrent autour de lui, laissant voir à son avant un immense trou béant. L'ennemi impitoyable continuait le feu de ses batteries. L' ''Alabama'' ne répondait plus. Bientôt ses mâts, ses cheminées volèrent en éclats dans les airs. Il essaya de fuir et de gagner la côte, mais l'eau entrant dans sa chaudière arrêta sa marche. Il hissa son pavillon de détresse. Peu de temps après, nous vîmes ce malheureux navire pencher la pointe de son avant vers la mer et disparaître dans les profondeurs. Pendant cela, nous essuyions nos larmes, et le ''Kearsarge'' rentrait dans le port à la place du vaisseau vaincu.
::Personne ne pouvait prévoir l'issue du combat. Pas un des navires ne paraissant souffrir de cette effroyable lutte. L'un et l'autre conservaient leurs mâts, leurs cheminées, leurs pavillons. Tout l' ''Alabama'' frémit. On eut dit qu'un tremblement sous-marin ébranlât ses entrailles. Quelques vagues gigantesques l'enveloppèrent, puis s'affaissèrent autour de lui, laissant voir à son avant un immense trou béant. L'ennemi impitoyable continuait le feu de ses batteries. L' ''Alabama'' ne répondait plus. Bientôt ses mâts, ses cheminées volèrent en éclats dans les airs. Il essaya de fuir et de gagner la côte, mais l'eau entrant dans sa chaudière arrêta sa marche. Il hissa son pavillon de détresse. Peu de temps après, nous vîmes ce malheureux navire pencher la pointe de son avant vers la mer et disparaître dans les profondeurs. Pendant cela, nous essuyions nos larmes, et le ''Kearsarge'' rentrait dans le port à la place du vaisseau vaincu.
::Quelques barques françaises et anglaises s'avancèrent à toutes voiles pour tâcher de sauver l'équipage. Nous regagnâmes Cherbourg avec les embarcations qui ramenaient les blessés et les morts. Les malheureux blessés étaient couchés au fond des barques, recouverts par un morceau de voile. On entendait leurs gémissements malgré le bruit des rames. Quelquefois un bras soulevait la toile et se dressait vers le ciel, semblant reprocher à Dieu d'avoir permis ces ravages.
::Quelques barques françaises et anglaises s'avancèrent à toutes voiles pour tâcher de sauver l'équipage. Nous regagnâmes Cherbourg avec les embarcations qui ramenaient les blessés et les morts. Les malheureux blessés étaient couchés au fond des barques, recouverts par un morceau de voile. On entendait leurs gémissements malgré le bruit des rames. Quelquefois un bras soulevait la toile et se dressait vers le ciel, semblant reprocher à Dieu d'avoir permis ces ravages.

Version du 8 juillet 2011 à 07:03

Le combat au large de Cherbourg.

Le combat du CSS Alabama contre l'USS Kearsarge est une bataille navale opposant deux navires américains dans le cadre de la Guerre de sécession au large de Cherbourg, en 1864. Le premier coule sous les feux du second à l'issue de l'affrontement.

Déroulement

Raphael Semmes, capitaine de l'"Alabama"."

Pendant la Guerre de sécession aux États-Unis d'Amérique, la corvette des forces sudistes américaines CSS Alabama, écume depuis de longs mois toutes les mers du globe où il a brûlé et coulé par dizaines les bâtiments de commerce des armateurs américains[1].

Les Nordistes le pourchassent jusque dans les eaux françaises, pays resté neutre dans ce conflit.

En juin 1864, le CSS Alabama se présente en rade de Cherbourg. Il met à profit cette escale pour remettre en état sa coque, notamment son doublage de cuivre qui est déchiré. Il profite également pour refaire son approvisionnement en charbon.

Le consul américain, Édouard Liais, fait prévenir la frégate nordiste Kearsarge.

La frégate se présente devant Cherbourg, entre en rade et ressort pour surveiller un éventuel mouvement du CSS Alabama.

L'Alabama sort du port le 19 juin, à neuf heures et demie du matin, après avoir fait tous ses préparatifs de combat. Aussitôt le Kearsarge se dirige vers la haute mer pour sortir des eaux territoriales et ne s'arrêta qu'à 12 kilomètres environ de la digue de Cherbourg. En même temps, la frégate cuirassée la Couronne s'avance jusqu'aux limites conventionnelles de la juridiction française[1].

De nombreux Cherbourgeois et des touristes attirés par l'inauguration du casino quelques jours auparavant, se rendent sur les hauteurs et les digues pour assister au combat.

Les deux vaisseaux font tonner leurs pièces d'artillerie. Le combat fait rage jusqu'à 12 h 50. Le CSS Alabama, gravement endommagé, coule face à la grande rade de Cherbourg. Quant à la frégate Kearsarge, elle entre en vainqueur au port.

Témoignage de Valérie Feuillet

Valérie Feuillet assiste au combat depuis la digue. Elle raconte l'événement dans Quelques années de ma vie :

« Comme nous arrivions sur le grand mur de la digue, le brouillard se leva et nous aperçûmes à l'horizon un point noir immobile ; c'était le Kearsarge qui guettait sa proie.
Il était dix heures quand le premier coup de canon fut tiré. Jusque-là, les deux navires s'étaient provoqués en courant des bordées d'une grâce terrible. Quand ils eurent rétréci leur cercle, ils s'arrêtèrent, se mesurèrent comme deux lutteurs, puis marchant l'un sur l'autre, échangèrent en même temps le feu de leurs batteries. Un nuage noir les enveloppa, et sema de plaques sombres la mer tranquille comme un lac. Des colonnes d'une fumée épaisse arrivèrent jusqu'à nous et nous cachèrent un instant les espaces. Quand elles eurent passé au-dessus de nos têtes, nous aperçûmes de nouveau les combattants. Ils reprenaient haleine ! Bientôt quelques flammes traversant les flancs du navire, nous avertirent que les canons recommençaient à tonner. Quelquefois on entendait leur grondement formidable, quelquefois le vent l'emportait vers d'autres plages. À travers les obscures vapeurs de la poudre, on voyait les boulets tomber de la mer, puis sortant du gouffre qu'ils avaient entr'ouvert, des gerbes d'écume légère, s'élever au-dessus des flots.
Personne ne pouvait prévoir l'issue du combat. Pas un des navires ne paraissant souffrir de cette effroyable lutte. L'un et l'autre conservaient leurs mâts, leurs cheminées, leurs pavillons. Tout l' Alabama frémit. On eut dit qu'un tremblement sous-marin ébranlât ses entrailles. Quelques vagues gigantesques l'enveloppèrent, puis s'affaissèrent autour de lui, laissant voir à son avant un immense trou béant. L'ennemi impitoyable continuait le feu de ses batteries. L' Alabama ne répondait plus. Bientôt ses mâts, ses cheminées volèrent en éclats dans les airs. Il essaya de fuir et de gagner la côte, mais l'eau entrant dans sa chaudière arrêta sa marche. Il hissa son pavillon de détresse. Peu de temps après, nous vîmes ce malheureux navire pencher la pointe de son avant vers la mer et disparaître dans les profondeurs. Pendant cela, nous essuyions nos larmes, et le Kearsarge rentrait dans le port à la place du vaisseau vaincu.
Quelques barques françaises et anglaises s'avancèrent à toutes voiles pour tâcher de sauver l'équipage. Nous regagnâmes Cherbourg avec les embarcations qui ramenaient les blessés et les morts. Les malheureux blessés étaient couchés au fond des barques, recouverts par un morceau de voile. On entendait leurs gémissements malgré le bruit des rames. Quelquefois un bras soulevait la toile et se dressait vers le ciel, semblant reprocher à Dieu d'avoir permis ces ravages.
Nous étions à peu près de la moitié de la route, quand nous aperçûmes une espèce de radeau surmonté d'une tête humaine. Il s'avançait vers nous au milieu des débris du navire que la mer charriait. Nous reconnûmes bientôt que ce radeau était une cage à poules sur laquelle un homme ou plutôt un morceau d'homme était attaché : les deux jambes manquaient à ce cadavre qui vivait encore. C'était horrible à voir. On s'empara du misérable et on l'étendit dans l'une des barques, mais il n'y fut pas plus tôt descendu, que poussant un cri profond, il rendit l'âme.
Il nous devint impossible de supporter plus longtemps de tels spectacles. Nous priâmes l'amiral de reprendre le large et nous nous séparâmes des bateaux mortuaires. Une heure après, nous remontions les escaliers du quai avec le capitaine du Kearsarge qui entrait triomphalement dans la ville, les pistolets à la ceinture et le visage noirci de poudre. »

Postérité

De cette bataille, Édouard Manet peint Le Combat du Kearsarge et de l'Alabama (1865).

Un canon remonté de l'épave de l'Alabama est exposé à la Cité de la Mer à Cherbourg-Octeville.

Notes et références

  1. 1,0 et 1,1 Annuaire des deux mondes : histoire générale des divers états, Revue des deux mondes, 1851-1868. Sur Gallica de la BNF

Bibliographie

Livres
  • Paul Ingouf, Coulez l'Alabama !, éd. La Dépêche, 1976
  • Jean-Pierre Deloux, Le Corsaire Alabama, E-dite, 2001
Articles
  • Jeff Demange, « La guerre de Sécession au large de Cherbourg », Historama, n° 330, mai 1979
  • « Alabama, touché, coulé », Normandie Magazine, n° 195, sept.-oct. 2004