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Charles Duhérissier de Gerville

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Charles Duhérissier de Gerville, né à Gerville-la-Forêt le 19 septembre 1769 et mort à Valognes le 26 juillet 1853, est une personnalité scientifique de la Manche.

Charles de Gerville.

Historien naturaliste et archéologue, il s'est consacré à l'étude de l'archéologie du Cotentin.

Biographie

Fils de Joseph Alexis du Hérissier de Gerville et de Françoise Charlotte Adrienne Hue (1737-1806), inquiétée par la Fournée de Carentan, Charles Duhérissier fait ses études au collège de Coutances de 1776 à 1785, puis il suit des cours de droit à l'université de Caen (Calvados) jusqu'en 1787 [1].

En 1792, il s'engage en Belgique dans l’armée du duc de Bourbon, puis gagne l'année suivante l'Angleterre, où il sert dans les armées émigrées dans le Royal-Émigrant jusqu'au licenciement du régiment en 1796. Il travaille ensuite comme précepteur à Colchester (Essex), puis à Barton-upon-Humber (Lincolnshire). Là, il fréquente les érudits anglais, étudie les sciences naturelles, s’intéresse aux antiquités de Grande-Bretagne [1].

Il revient en France en octobre 1801 et s'installe dans la demeure familiale de Gerville, dont il devient maire, puis s’établit à Valognes en 1811 après avoir vendu sa propriété [1].

Il devient l'un des plus éminents archéologues de la Manche, étudiant particulièrement les vestiges gallo-romains, les châteaux et les abbayes de son département. Le Moniteur universel et le Journal de physique, de chimie et d’histoire naturelle publient en 1814 ses premières recherches sur l'archéologie romaine et les sciences naturelles, qu'il communique également à l'Académie des sciences, arts et belles-lettres de Caen [1].

Il est nommé conseiller général de la Manche en 1816. Légitimiste, il démissionne en 1830 [2] pour marquer son opposition à la monarchie de Juillet, et refuse la croix de la Légion d'honneur proposée par le roi Louis-Philippe [1].

Porté par le fort engouement normand pour l'archéologie, autour de l'académie de Caen et de pionniers comme Daniel Huet, mais aussi par des liens étroits avec les antiquaires britanniques et la lecture des travaux de Jeremy Bentham, John Milner et George Downing Whittington, Gerville devient avec Arcisse de Caumont, le pionnier de archéologie médiévale française. Il appuie ses recherches sur une méthodologie héritée des sciences naturelles (collecte, description à partir de critères prédéfinis, classement selon des caractères clés ou dichotomique), et la couverture totale d'un territoire. En 1820, il écrit au préfet de la Manche : « Je crois qu’en y regardant de près, on trouverait le moyen de signaler des époques dans l’architecture romane, aussi bien qu’on l’a fait dans celle qu’on nomme “gothique”. Peut-être que les accessoires, la sculpture, les bas-reliefs, l’écriture, l’absence des contreforts, la rudesse des détails, des corbeaux, des chapiteaux, la hardiesse plus ou moins grande dans les colonnes ou les arches, la petitesse des absides, les rapprochements plus immédiats avec l’architecture grecque pourraient fournir des moyens de classer ces époques. » Ainsi, entre 1817 et 1821, il visite toutes les églises médiévales du diocèse de Coutances sur la base d'un pouillé du XVIIe siècle. Cet inventaire systématique du département de la Manche a également couvert les châteaux ce qui en fait les prémices de l'inventaire général des monuments historiques de Mérimée en 1840 [1].

Il fonde la Société linnéenne du Calvados en 1823 et la Société des antiquaires de Normandie en 1824, dans les mémoires de laquelle il publie régulièrement ses travaux. Médaillé de l’Académie des inscriptions et belles-lettres en 1832, il en devient devient membre correspondant. Durant quatre ans, de 1838 à 1840, il écrit 25 articles dans le Journal de l'arrondissement de Valognes qui relatent ses travaux d'antiquaires [1].

Son élève et ami, Léopold Delisle, lui consacre une Notice sur la vie et les ouvrages de M. de Gerville en 1853 [1].

Très écouté de son vivant, puis fâché avec tous ses collègues à cause de son irascibilité à la fin des années 1830, sa notoriété est aujourd'hui surtout liée à son invention du terme « roman » en 1818 pour désigner l'architecture médiévale antérieure à la croisée d’ogives. Ce mot a selon lui l'avantage d'être plus universel que les termes hérités de l'anglais [1].

Son héritage sur les vestiges antiques sont en revanche contesté. Avec une tendance à tout attribuer aux pirates du Nord, il induira en erreur un siècle d'érudition protohistorique locale, sur la foi de ses études sur le Hague-Dick ou les tumulus de la Hague [1]. Ses écrits sur ces périodes sont marqués par la croyance en une submersion marine des terres, lui permettant sans preuve de localiser « deux voies romaines, celle de Valognes à Rennes par Saint-Pair et celle de Bayeux au même lieu par Genêts et le Mont Saint-Michel » dans la baie du Mont Saint-Michel ou une route coupant la baie de Nacqueville, pour relier Coriallum au port d'Omonville-la-Rogue, qu'il affirmait daté de la fin de l'Antiquité. La première déconstruction scientifique des travaux de Gerville appartient à François Emanuelli en 1907.

Œuvres

  • Voyage archéologique dans la Manche (1818-1820)
  • Des villes et voies romaines en Basse-Normandie, et de leur communication avec Le Mans et Rennes, Valognes, Carette-Bondessin imprimeur, 1838
  • Supplément au mémoire sur les villes et voie romaines en Basse-Normandie, Valognes, Carette-Bondessin imprimeur, 1841
  • Monuments romains d’Alleaume, Valognes, Vve H. Gomont Librairie, 1844
  • Lettre sur la communication entre les deux Bretagne adressée à M. Roach Smith, Valognes, Vve H. Gomont Librairie, 1844
  • Études géographiques et historiques sur le département de la Manche, Cherbourg, Feuardent, 1854

Notes et références

  1. 1,0 1,1 1,2 1,3 1,4 1,5 1,6 1,7 1,8 et 1,9 Jean Nayrolles, « GERVILLE, Charles (de) », Dictionnaire critique des historiens de l’art actifs en France de la Révolution à la Première Guerre mondiale, Institut national d'histoire de l'art.
  2. « Tout sur la Manche », Revue du département de la Manche, tome 29, n° 113-114-115, 1987.

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