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Barrage de Vezins

De Wikimanche

Le barrage de Vezins.

Le barrage de Vezins est une ancienne infrastructure de la Manche, située à Isigny-le-Buat.

C'est un barrage à voûtes multiples et à contreforts, en béton armé, construit sur la Sélune, sur le territoire de l'ancienne commune de Vezins. Il alimente une centrale hydroélectrique.

Histoire

Les dix millions de kilowatts-heure fournis par la centrale du barrage de la Roche-qui-Boit mis en service en 1920 s'avèrent insuffisants pour satisfaire une demande croissante et fournir en électricité les usines de chaussures de Fougères (Ille-et-Vilaine) [1]. Aussi, la Société des forces motrices de la Sélune demande une concession pour édifier une autre centrale en amont.

Les travaux à entreprendre sont déclarés d'utilité publique le 7 décembre 1927, ils entraînent la destruction du barrage du moulin de Vezins, et la submersion des ponts des Biards et de Virey qu'il faudra remplacer. Pour compenser les difficultés aux migrations des poissons, le concessionnaire doit fournir des alevins et si nécessaire établir et entretenir une échelle à poissons [2].

Les travaux commencent en 1929 et s'achèvent en 1932. Ils sont dirigés par Louis Pelnard-Considère (1875-1955) et Albert Caquot (1881-1976), ingénieurs, pour le compte de la Société des forces motrices de la Sélune. La construction du barrage et de l'usine hydroélectrique nécessitent 2 000 tonnes de fer, 10 000 tonnes de ciment et plus de 25 000 m3 de pierres [1]. Pour franchir la vallée inondée, on construit le pont des Biards et celui de la République en 1930 et 1931.

Le barrage de Vezins joue un rôle stratégique pendant la Seconde Guerre mondiale puisqu'il fournit en électricité l’arsenal de Cherbourg et sa base de sous-marins. Un contingent de soldats allemands vient donc le protéger ainsi que celui de la Roche-qui-Boit [3]. Le barrage subit deux attaques aériennes anglaises l'une en 1942, l'autre en 1943, elles s'avèrent inefficaces [3].

Le 15 janvier 1944, des résistants, dont Alphonse et Fernand Davy, sabotent deux transformateurs, retardant ainsi la construction du Mur de l'Atlantique [3].

À la Libération de Vezins, le 31 juillet 1944, un avion allemand tente de s'attaquer aux voûtes des barrages pour inonder la basse vallée de la Sélune et retarder l'avancée américaine. Il est abattu par la DCA américaine [3].

Fin août 1944, des jeunes des Forces Françaises Intérieures assurent la garde des ouvrages [3].

Le barrage est vidangé la première fois en 1952 puis en 1982 et 1993 [4].

Le barrage de la Roche-qui-Boit est considéré, pour le barrage de Vezins, comme un barrage « de compensation ».

Description

Le barrage combine une quarantaine de voûtes multiples et des contreforts [5]. Il mesure 35 m de haut et 278 m de long. Sa capacité est de 19 millions de mètres cubes [6].

Le lac de retenue mesure 19 km de long et couvre 200 hectares. Une base de loisirs y est aménagée.

L'usine est équipée de trois groupes de 4 500 kvA, soit environ 12 000 kW et peut fournir 22 millions de kWh en année moyenne [6].

Risques

Ancien plan ORSEC à partir des années 1980 source Archives communales Ducey.

Un plan particulier d'intervention (PPI) a été conçu, qui prend en compte les risques d'une rupture du barrage. Onze communes sont concernées : Céaux, Les Chéris, Ducey, Isigny-le-Buat, Poilley, Pontaubault, Saint-Aubin-de-Terregatte, Saint-Laurent-de-Terregatte, Saint-Martin-des-Champs, Saint-Quentin-sur-le-Homme et Le Val-Saint-Père.

La déconstruction

Le 13 novembre 2009, Chantal Jouanno, secrétaire d'État à l'Écologie, annonce à Lisieux (Calvados) la suppression des barrages de Vezins et de La Roche-qui-boit, dans le cadre d'un « plan d'action national pour la restauration de la continuité écologique des cours d'eau » [7]. Elle indique qu'elle a demandé au préfet de la Manche d'« engager des opérations d'effacement des deux barrages et d'établir avec les acteurs locaux un plan d'accompagnement technique et financier des collectivités impactées ». Pour la secrétaire d'État, le barrage de Vezins présente « une impossibilité d'aménagement pour la montaison et la dévalaison des poissons migrateurs, en particulier des saumons, alors que la rivière [la Sélune] est classée en ce sens ».

Une opposition s'organise rapidement contre ce projet, d'un coût estimé « à 170 millions d'euros », qui menacerait « 800 emplois directs ou induits » [8]. Une association « Les Amis du barrage de Vezins » est créée, dont John Kaniowski est élu président.

En février 2012, Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'Écologie, confirme aux élus que les barrages sur la Sélune seront bien détruits [9]. Elle précise que les opérations d'accompagnement seront mises en œuvre entre 2013 et 2015 et que les opérations de vidage, de gestion des boues et d'arasement s'étaleront de 2015 à 2018 [9].

Le 4 décembre 2014, à Isigny-le-Buat, Ségolène Royal, ministre de l'Écologie et du Développement durable, rencontre les opposants à la destruction [10]. Sans remettre en cause la décision de Chantal Jouanno, elle trouve « chers » les « 38 millions d'euros » prévus pour l'arasement, auxquels doivent s'ajouter « 15 millions » pour la restauration du site et annonce qu'elle va lancer de nouvelles études [10].

L'Association des amis du barrage organise une consultation auprès de la population locale : 98,9 % des votes sont en faveur du maintien du barrage, alors qu'une enquête publique effectuée à l'automne 2014 n'annonçait que 47 % de votes favorables ; le député [Guénhaël Huet]] remet les résultats à la ministre de l'Écologie Ségolène Royal < [11].

Le 14 novembre 2017, Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique et solidaire, confirme l'arasement des barrages de la Roche-qui-boit et de Vezins [12]. La déconstruction du barrage de Vezins est prévue du printemps 2018 à l'automne 2019 [12]. EDF poursuit la gestion des ouvrages pour le compte de l'État jusqu'à la fin des travaux qui sont financés par l'Agence de l'eau Seine-Normandie [12].

La vidange du lac, préliminaire à l'arasement du barrage est terminée le 2 septembre 2018 [13]. Auparavant, 500 000 m3 de sédiments potentiellement pollués ont été stockés sur place ; en novembre, le barrage est partiellement remis en eau pour une meilleure gestion de la structure en cas de crues hivernales [14]. Le 29 octobre 2018, Jean-Marc Sabathé, préfet de la Manche signe les arrêtés autorisant la destruction des barrages de Vezins et de la Roche-qui-Boit. L'Association des amis du barrage s'apprête à former des recours en justice, complétant ceux déjà introduits par Bernard Pinel [14].

Le 1er avril 2019, les premiers engins de chantier viennent installer la base nécessaire à la destruction des bâtiments et du barrage [15].

Le 20 mai 2019, la maison des directeurs est déconstruite. Le 22 mai, c'est au tour de la base du barrage d'être perforée, une scie circulaire est mise en place pour découper le bas de la voûte afin d'effectuer la brèche. Des militants interviennent pour faire stopper les travaux qui vont à l'encontre de l'arrêté du préfet de la Manche qui stipule dans son article 2.2 que « les travaux débuteront par la déconstruction du bâtiment de l'usine avant tous travaux sur le barrage lui-même ».

Parallèlement à la démolition du barrage, deux plateformes de concassage sont installées en septembre par l'entreprise Charier TP pour transformer et stocker sur le site 83 000 tonnes de béton [16].

Initialement prévue en octobre 2019, la démolition ne s'achève qu'à la fin de 2020. C'est alors « le plus grand ouvrage hydroélectrique européen démantelé » [5].

Galerie de photographies

Localisation

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Bibliographie

  • Jean-Pierre Buisson, « Faut-il raser le barrage de Vezins ? », Ouest-France, 12 mars 2009
  • Michel Coupard, « Le barrage de Vezins, œuvre remarquable d'Albert Caquot », Revue de l'Avranchin, t. 88, décembre 2011, p. 553-563

Notes et références

  1. 1,0 et 1,1 « Les grands travaux d'électrification du Sud de la Manche et du Nord de l'Ille-et-Vilaine », L'Ouest-Éclair, 13 octobre 1931.
  2. Journal officiel de la République, 7 décembre 1927, p. 12331-12338 (lire en ligne).
  3. 3,0 3,1 3,2 3,3 et 3,4 « Comment le barrage de Vezins a survécu à la Seconde Guerre mondiale », La Gazette de la Manche, 6 juin 2018 (lire en ligne).
  4. « Des barrages presque centenaires », Ouest-France, 11 janvier 2012.
  5. 5,0 et 5,1 Mauricette Guittard, « Adieu vezins, le plus haut barrage d'Europe démoli en 2019 », Ouest-France, 14 mai 2021.
  6. 6,0 et 6,1 André Journaux, « L'électricité en Basse-Normandie - Étude de géographie économique », Norois, n° 6, avril-mai 1955, p. 148.
  7. Mauricette Guittard, « Les barrages du sud-Manche vont être détruits », Ouest-France, 13 novembre 2009.
  8. Mauricette Guittard, « Les barrages du sud-Manche source de conflits », Dimanche Ouest-France, 13 décembre 2009.
  9. 9,0 et 9,1 « Barrages sur la Sélune détruits en 2018 », Ouest-France, 22 février 2012.
  10. 10,0 et 10,1 Xavier Oriot, « Au Mont, Ségolène Royal démine le terrain », Ouest-France, 5 décembre 2014.
  11. Ouest-France, 2 décembre 2015.
  12. 12,0 12,1 et 12,2 « Vallée de la Sélune : la mort des barrages est signée », La Gazette de la Manche, 15 novembre 2017.
  13. « La vidange du lac de Vezins est achevée », Ouest-France, 3 septembre 2018.
  14. 14,0 et 14,1 Mauricette Guitard, « Arasement : les Amis du barrage iront en justice. », Ouest-France, 2 novembre 2018.
  15. Raphaëlle Besançon, « Les travaux du barrage de Vezins ont finalement commencé », France 3 Normandie, site internet, 1er avril 2019 (lire en ligne).
  16. « Un site de concassage pour traiter 83 000 tonnes de béton », La Gazette de la Manche, 21 août 2019.

Liens internes

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